Avant que les ombres s'effacent

L'autre face de la mer De l'autre côté de l'océan, y a-t-il bonheur et liberté, comme on le rêve en Haïti ? Les deux récits de Grannie et de son petit-fils Jonas racontent les destins de Pétion et Diogène, coupeurs de cannes à sucre, ceux de Jonas, David et Freud, qui tentent de se construire un avenir. Une fable amère, et sans doute autobiographique, sur l'impossibilité d'être Haïtien.

L'autre face de la mer

Avril 2009 : la terre tremble en Italie. Dans un village des Abruzzes, un couple mixte, Azaka et Mariagrazia, attend dans la joie l’arrivée de son premier bébé. Sous le regard réprobateur des uns, opposés à la présence des étrangers dans la région, et la curiosité bienveillante des autres. Si les secousses tendent à exacerber les tensions, elles viennent rappeler à Azaka un épisode traumatisant de son enfance : un autre séisme, à l’autre bout du monde, pendant lequel il fut enseveli sous les décombres. L’histoire se répéterait-elle ? Où qu’il soit, doit-il redouter la colère de la Terre ? Des questions que pour l’heure il refuse de se poser : bientôt il sera père, le bonheur ne lui échappera pas… Entre chronique au quotidien et commedia dell'arte, Ballade d’un amour inachevé revisite les séismes de L'Aquila et d'Haïti, auxquels l’auteur s’est retrouvé mêlé. Comme souvent chez Louis-Philippe Dalembert, l'humour et la force de vie dominent tout au long du roman.

Ballade d'un amour inachevé

L’aventure commence un soir, dans un sous-sol, à New-York. Là, au sein de la communauté haïtienne, le narrateur adulte assiste pour la première fois de sa vie à une cérémonie vaudou. Ce « spectacle », où le tambour tient un rôle fondamental, a le don de le replonger dans son enfance lointaine. Au temps où sa grand-mère lui interdisait d’approcher ces « sataneries », pratiquées plus ou moins ouvertement par la plupart des gens du quartier. Ce voyage de nuit entre New-York, Spanish Harlem et la Caraïbe est l’occasion pour Dalembert de retrouver, dans une approche semi-autobiographique, l’un de ses thèmes favoris : l’enfance et ses tabous. Les arcanes du récit, la langue, mélange heureux de gouaille parisienne et de détours créoles, font de Les Dieux voyagent la nuit le lieu d’une autre initiation : celle du lecteur, prêt à braver avec l’enfant toutes les peurs pour ne plus se faire traiter d’innocent et être un coupable parmi les autres.

Les dieux voyagent la nuit

Le jeune Ruben Schwarzberg a dû apprendre très tôt à survivre. Pas facile de naître dans une famille juive polonaise en 1913... Séparé des siens par les nazis, emprisonné à Buchenwald, libéré puis refoulé vers la France, il y est accueilli par la petite communauté haïtienne de Paris). À la faveur d'un décret voté par Haïti, il trouve refuge, comme des centaines de Juifs, à Port-au-Prince. Devenu un grand médecin, il n'a pas oublié son passé...

C’est à une fable sur le temps et l’exil que nous convie ce livre de Louis-Philippe Dalembert. Le temps qui passe, sur lequel on ne peut revenir et l’exil nécessaire, l’exil injuste, toujours recommencé, de la naissance à la mort. Cela vous a un petit côté inexorable, que le petit garçon, héros du livre, ne supporte pas. Une entrée en matière suffisante pour donner l’un des plus beaux titres de la rentrée dans cette collection. L’île caraïbe de Salbounda, dont il est question, n’est autre que Haïti, patrie de Louis-Philippe Dalembert, né en 1962 à Port-au-Prince ou Port-aux-Crasses, ainsi qu’il le disait avec beaucoup de sollicitude dans son premier recueil de nouvelles(1) . Haïti est, nous le savons, l’un des pays les plus pauvres de la planète, du moins selon les critères du FMI et de la Banque mondiale. Mais ce pays est très riche humainement et artistiquement, ce que l’on savait déjà en 1996, date à laquelle parut ce livre aux éditions Stock. Avec son cortège d’artistes de l’intérieur ou de la diaspora, Haïti scintille de mille feux dans les arts et les lettres francophones. " Comment se fait-il qu’un pays qui souffre dans son sang, sa chair, son souffle, sa terre et même dans son arbre généalogique arrive à créer avec autant d’impétuosité et d’aisance ", se demandait en 1994 le grand romancier et poète haïtien Jean Métellus (2). Depuis nombre d’écrivains ou de peintres ont contribué à crédibiliser plus encore l’actualité de cette question. Ici, le récit commence en voiture. " Vroooum ! Tut-tuuut ! ", ainsi que nous y invite le titre du premier chapitre. Lové dans l’antique carcasse d’une Peugeot 304 break beige, un jeune garçon observe la faune interlope qui vient faire halte comme on s’échoue devant la véranda de Mme Pont-d’Avignon, la grand-mère adorée, toujours présente devant sa machine Singer. Faustin le Yaguanais, dit aussi Faustin Ier, émerge de ce groupe de quidams dépenaillés. Il y a, là aussi, Lord Harris et ses longs jets de salive, " saoul comme un sacristain ", une performance égalée par ses compagnons d’infortune Tikita-fou-doux, Merlet ou Ti-Blanc. Grannie Vénus est souvent là, très occupée à soigner son coq. Et apprenez que même Dessalines surnommé " l’homme d’Afrique " et Christophe Colomb devisent là face à la mer.

Le crayon du bon Dieu n'a pas de gomme

Longtemps après, lorsque les douleurs se seraient refermées, que les survivants raconteraient l'événement sans que l'émotion vînt leur nouer la gorge, certains jureraient avoir senti la veille une forte odeur de soufre dans l'atmosphère. D'autres diraient l'avoir humée depuis trois jours, sans toutefois y avoir prêté attention. Peut-être, allez savoir, l'odeur n'avait-elle existé que dans leur imagination, ou n'avait-elle pas été assez persistante pour qu'on s'en alarmât. Avril 2009 : la terre tremble en Italie. Dans un village des Abruzzes, un couple mixte, Azaka et Mariagrazia, attend dans la joie l'arrivée de son premier bébé. Sous le regard réprobateur des uns, opposés à la présence des étrangers dans la région, et la curiosité bienveillante des autres. Si les secousses tendent à exacerber les tensions, elles viennent rappeler à Azaka un épisode traumatisant de son enfance : un autre séisme, à l'autre bout du monde, pendant lequel il fut enseveli sous les décombres. L'histoire se répéterait-elle? Où qu'il soit, doit-il redouter la colère de la Terre? Des questions que pour l'heure il refuse de se poser : bientôt il sera père, le bonheur ne lui échappera pas. Entre chronique au quotidien et commedia dell'arte, Ballade d'un amour inachevé revisite les séismes de L'Aquila et d'Haïti, auxquels l'auteur s'est retrouvé mêlé. Comme souvent chez Louis-Philippe Dalembert, l'humour et la force de vie dominent tout au long du roman.

Avant que les ombres s'effacent

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