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C'était notre Algérie | Alain Vircondelet
C'était notre Algérie | Alain Vircondelet

C'était notre Algérie

Publié par Archipel, le 19 octobre 2011

176 pages

Résumé

Au printemps 1962, un million de Français d'Algérie quittent définitivement leur terre natale. L'ardeur des passions, la violence de la nostalgie, un demi-siècle après l'Indépendance, ne se sont toujours pas tues. Les pieds-noirs, comme on les a appelés, n'ont pas fini d'avoir mal à l'Algérie.Alain Vircondelet raconte ce que fut l'existence de ces Français si singuliers : leurs rites, leurs joies et leurs souffrances sur une terre qu'ils crurent imprudemment la leur et qu'ils aimèrent souvent jusqu'à la mort. Chant d'exil, son récit exalte l'art de vivre d'un peuple naïf qui connut l'éblouissement des paysages et la splendeur d'une lumière nulle part ailleurs retrouvée.Extrait:La dernière vision d'AlgerCet été-là de 1962, plus de neuf cent mille Français d'Algérie quittent leur terre natale. D'autres déjà les ont précédés, plus avisés, plus habiles au maniement des affaires, mais les vrais fils de l'Algérie sont là, entassés dans les cales des paquebots, sur les quais, dans les halls d'aéroport, livrés à l'exode le plus spectaculaire que la France ait connu depuis la dernière guerre, misérable troupeau sans bagages, semblable à leurs ancêtres venus avec rien, aventuriers rebelles ou pionniers rêveurs, découvrant l'Afrique comme d'autres avaient cherché l'Ouest.Mais cette foule mosaïque, hétéroclite et anxieuse, redevenue nomade, n'est pas anonyme : elle est un peuple avec ses rites, ses moeurs, son art de vivre et sa langue, un peuple créé sous la lumière, venu de Malte, d'Espagne, d'Italie, de Sardaigne et de Sicile, de tous les terroirs français, de l'Alsace et de la Lorraine, de la Franche-Comté et du Paris de la Commune, un peuple neuf et naïf qui croyait aux mythes de l'eldorado et des terres vierges, emporté à la fois contre son gré et par sa faute dans le roulis cruel de l'Histoire, aveuglé sûrement de trop de clarté, devenu Caïn pour avoir négligé Abel et pourtant peuple aux bras ouverts, joyeux et généreux. Son histoire s'achève donc là, dans le sirocco de cet été, dans la rumeur des bombes posées par les derniers insoumis de l'OAS, dans les meurtres perpétrés de part et d'autre dans les rues, à la hâte. Mais le baroud d'honneur se joue sans lui. Ce peuple est indifférent aux ultimes règlements de comptes. Il ne souhaite même pas la politique de la terre brûlée. Il ne se reconnaît plus dans les soldats de l'ombre qui prétendaient le sauver et auxquels il crut, un temps, par faiblesse et par désespoir. Il scrute, les yeux remplis de larmes, les dernières traces de cette terre qu'il a tant aimée. Il essaie de rassembler des images. Il tâche de ne rien oublier du paysage, de la tension, de l'aplomb de ce midi brûlant qui tombe sur le port ou bien écrase la piste d'envol. Il sait que jamais plus il ne retrouvera cela, ce sortilège de l'Algérie, cette magie qu'elle déploie, cette force vitale qu'elle possède, cette énergie.Alger. La canicule de juin est déjà forte. Pas un souffle d'air, une mer d'huile comme à la belle époque des vacances quand, il y a peu de temps encore, tout ce peuple se ruait sur les plages et sur les môles pour continuer à célébrer les noces de la mer et de la terre. Les files d'attente sont surchargées. Des enfants épuisés dorment par terre ou dans les bras de leurs parents. Des hommes pleurent, mais sans rancune. Jamais ils n'ont pleuré ainsi, sauf peut-être pour la mort de leur mère. Maintenant, c'est une autre mère qu'ils quittent et la pudeur s'efface, l'émotion submerge tout. Les sirènes rauques des paquebots, les sifflements qui s'échappent des hautes cheminées, le bruit sec des cordages qui se déroulent des bornes à quai, les manoeuvres des lents remorqueurs sont les seuls chants de l'exil. Ceux qu'on appelle les «pieds-noirs» s'engagent enfin sur la passerelle, s'engouffrent dans les coursives. Ils ne cherchent pas à rejoindre leur cabine, ils s'accrochent au bastingage. Leurs visages sont tendus, ils regardent s'éloigner la ville, toute blanche, écrasée de soleil.Une sorte de tremblement de lumière brouille l'espace, mais la ville est belle quand même dans cette effusion du coeur, dans l'adieu déchirant. Comme des cornes de brume, les sirènes crèvent la tranquillité du ciel, rappellent l'imminence du départ. Imperceptiblement, le paquebot pivote sur lui-même, tiré par les remorqueurs. Les voyageurs ne lâchent pas la ville, elle leur appartiendra encore quelques minutes, d'abord immense, vaste à 180 degrés, des faubourgs d'El Biar à ceux de Bab El Oued, grimpant sur les collines, culminant dans la mosaïque dorée des coupoles de Notre-Dame d'Afrique. Comment retenir tout cela ? Comment ne rien laisser échapper pour que, plus tard, on puisse se nourrir des splendeurs perdues du sortilège ?Il n'y a plus même de ressentiment dans le regard, plus d'ennemis désignés. Ceux qu'ils ont toujours appelés indistinctement les «Arabes», les «fellaghas», n'ont pas davantage le triomphe arrogant.

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