Le théâtre de boulevard

Marchons ensemble, Novarina ! - Vade mecum

Le théâtre nouveau en France

En contrepoint de l'édition de L'Acte inconnu en DVD accompagnée d'un entretien avec Valère Novarina, ce dossier propose une relecture de L'Acte inconnu à la lumière notamment de son récent ouvrage L'Envers de l'esprit. Il montre, à travers une étude de Devant la parole, la conception originale de l'image scénique chez Novarina, destinée à redonner à la parole tout son volume dans l'espace, et au théâtre l'énergie motrice de la marionnette, de l'opérette et du cirque. Valère Novarina se plaît à dire que la joie du théâtre, "c'est qu'on ne travaille pas seul". Aussi cet ouvrage nous fait rencontrer ceux qui accompagnent l'auteur dans sa quête d'un théâtre fulgurant : Philippe Marioge, scénographe et architecte, précise la place de la peinture depuis les premières mises en scène de l'auteur jusqu'à L'Acte inconnu. Le musicien et accordéoniste Christian Paccoud nous rappelle la place sans cesse grandissante de la musique depuis la création de L'Opérette imaginaire, et le bonheur qu'éprouvent les acteurs à chanter ses textes ; le compositeur Michael Levinas, qui travaille actuellement pour son nouvel opéra avec Valère Novarina, témoigne de l'étonnante rencontre entre leurs deux écritures. Mais le compagnonnage chez Novarina, c'est aussi le retour de motifs récurrents comme ces "petites maisons", proches du théâtre de foire dont nous suivons l'évolution, de leur première apparition sur la scène novarinienne à leur présence renouvelée dans L'Acte inconnu. Compagnonnage enfin avec des acteurs, athlètes du souffle, dont les portraits photographiques avant et après l'épreuve de la scène disent "la traversée du langage", comme un acte incandescent et salvateur. Et peut-être fondateur d'un renouveau du théâtre, d'une véritable éthique du travail de l'acteur.

Valère Novarina - L'acte inconnu ; Devant la parole

L'homme‚ bien évidemment‚ est au centre de tout spectacle vivant‚ à la fois comme objet (c'est de lui qu'il s'agit) et comme sujet (la parole et l'action sont confiées à des personnages-acteurs de chair). Mais depuis un bon siècle son statut dominant ainsi que l'humanisme qui nourrit ses agissements et sa pensée sont soumis à questionnement. On doute de la capacité d'un personnage-acteur à rendre compte de toute la richesse de l'homme d'aujourd'hui et on va même jusqu'à sortir de l'humanisme pour parler de l'homme autrement : l'homme de théâtre (dans le texte et sur scène) perd son autonomie et son individualité ; il devient abstrait. Imprégnés de symboles et de mythes‚ ses contours s'effacent‚ qui le faisaient reconnaître d'emblée pour notre semblable et porte-parole en scène. Il se réduit à une voix‚ paradoxalement universelle à force d'anonymat et de déshumanisation.

Loin d'être appauvrie‚ cette voix s'enrichit des apports d'autres arts ou techniques (cinéma‚ musique‚ nouvelles technologies) qui‚ traités de façon théâtrale‚ dotent le parleur d'un statut d'étrangeté‚ voire de neutralité‚ qui renouvelle l'écriture textuelle et scénique.

Cet essaie appuie constamment sa réflexion sur de très nombreuses références à des textes (Mallarmé‚ Claudel‚ Genet‚ Tardieu‚ Novarina‚ Beckett‚ Richter‚ Goetz...) et à des mises en scène.

L'homme en trop ; l'abhumanisme dans le théâtre contemporain

Étranges prisonniers réunis par Genet dans la cellule d'un quartier de haute sécurité ! Loin de souhaiter échapper à leur condition, ils constituent à eux trois un petit monde clos dont ils exagèrent l'enfermement. Yeux-Verts, le seul assassin du groupe, est un pôle attractif pour les deux autres : ils n'aspirent qu'à l'honneur de l'imiter, sinon de le rejoindre dans le ciel héroïque du crime et de la mort pour lequel la prison se révèle le meilleur tremplin. 

Prison et enfermement métaphysiques donc. Yeux-Verts, le plus avancé sur la voie du détachement, fuit dans une sorte de rêve de gloire ; les deux autres s'entre-déchirent pour avoir les meilleures chances d'accéder à une existence vraie en captant à leur profit le reflet de celui qui appartient déjà à l'autre monde. Ce désir luciférien de néantisation salvatrice ne peut aboutir qu'à l'échec. Qui s'en étonnerait ?

Le théâtre de boulevard

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