L'île, territoire mythique
La plume et le plomb : Espace de l'imprimé et du manuscrit au siècle des Lumières
Publié par PU Paris-Sorbonne, le 21 septembre 2006
Résumé
L'invention de l'imprimé au XVe siècle - le plomb typographique - n'a pas totalement supprimé la diffusion manuscrite de certains textes - la plume du copiste. Le manuscrit de copie subsiste en France jusqu'à la Révolution comme un procédé de publication réservé, discret, parfois nécessaire, de toute manière échappant aux règles du marché du livre définies dans le règlement de 1723 compilé par le Code de la librairie (1744). Le livre parisien domine en apparence le marché français : il bénéficie de la plupart des privilèges, de solides appuis auprès de la direction du Livre et des censeurs, surtout parisiens, rattachés à la Chancellerie. Cette belle organisation, où le pouvoir politique et la Communauté des Libraires trouvent un intérêt commun, dissimule à peine des pratiques délictueuses aux yeux de la loi, mais explicables au nom de l'économie et d'une chalandise qui ne se satisfait pas des livres à privilèges. Contrefaçons provinciales ou étrangères de production parisienne, «permissions tacites» pour des livres vendus ouvertement mais qui n'existent pas en droit, fausses adresses typographiques, auteurs feints et vrais-faux anonymes : le livre échappe au carcan de la légalité, sinon de l'économie de marché. La censure a beaucoup à faire pour enrayer certains débordements, tout en sachant que le manuscrit interdit à Paris sera publié à Amsterdam ou à Genève pour entrer en fraude à Paris, au seul bénéfice de la librairie étrangère. Les ventes sur catalogue du XVIIIe siècle prouvent que le livre interdit prospère dans les bibliothèques les plus convenables au regard de la loi. Le manuscrit de copie, petite monnaie en apparence de la diffusion littéraire et philosophique, poursuit sa route sans trop se préoccuper de ces mouvements qui le concernent pourtant. Les nouvelles à la main et les correspondances littéraires secondent ou nourrissent les gazettes et les journaux savants imprimés ; les manuscrits philosophiques modernes se flattent d'une diffusion limitée qui les met à l'abri d'une censure d'ailleurs très peu active dans ce domaine tant que le texte ne passe pas au plomb. L'univers du livre imprimé ou manuscrit propose une galerie de portraits sans égale, où se rencontrent magistrats austères, libraires avisés, académiciens prudents, petits et grands délinquants du livre, bibliomanes et copistes à la feuille : un monde dont la Révolution signera la disparition.
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