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Titre : Toucher la lumière

Auteur : Adonis

Par une nuit de pleine lune essaye de fixer la galaxie Tu verras qu’elle est cours d’eau avec tes bras pour affluents ta poitrine pour estuaire Aujourd’hui le ciel a écrit son poème à l’encre blanche Il l’a appelé neige Ton rêve rajeunit tandis que tu vieillis Le rêve grandit en marchant vers l’enfance Le rêve est une jument qui au loin nous emporte sans jamais se déplacer Le nuage est las de voyager Il descend à la plus proche rivière pour laver sa chemise A peine a-t-il mis les pieds dans l’eau que la chemise se dissout et disparaît Une rose sort de son lit prend les mains du matin pour se frotter les yeux Le palmier parle avec son tronc la rose avec son odeur Le vent et l’espace vagabondent main dans la main Arc-en-ciel ? Unité du ciel et de la terre tressés en une seule corde Il marche sur les versants de l’automne appuyé au bras du printemps Le ciel pleure lui aussi mais il essuie ses larmes avec le foulard de l’horizon Quand vient la fatigue le vent déroule le tapis de l’espace afin de s’y allonger Dans la forêt de mes jours aucune place sauf pour le vent Pour toucher la lumière tu dois t’appuyer sur ton ombre Je sens parfois que le vent est un enfant qui crie porté sur mes épaules Comment décrire à l’arbre le goût de son fruit ? A l’arc le travail de la corde ? Telle une main la lumière se déplace sur le corps des ténèbres C’est l’épaule de l’espace qui s’effondre là-bas sous les nuages noirs L’espace dans l’œil de la guillotine est lui aussi tête à couper Tu ne peux être lanterne si tu ne portes la nuit sur tes épaules Je conclurai un pacte avec les nuages pour libérer la pluie Un autre avec le vent pour qu’il nous libère les nuages et moi La parole est demeure dans l’exil chemin dans la patrie Qu’il est étrange ce pacte entre les vagues et le rivage – le rivage écrit le sable les vagues effacent l’écriture Mémoire – ton autre demeure où tu ne peux pénétrer qu’avec un corps devenu souvenir.