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Titre : Gloire a ceux qui nous torturent

Auteur : Abdellatif Laâbi

De vous à moi la vérité jurez-moi de ne pas me croire nous attendons qu'une roue fissure des chairs non comestibles ou qu'un œil s'éteigne pour avoir été témoin nul carnassier ne viendra repriser les césariennes on torture apothéose artifice de pogroms feu de squelettes gloire gloire la face paisible du bourreau la main douce qui charcute et l'univers coule son petit train-train de morales encore encore le doux nectar du mal la vivifiante souffrance écumoire de diaphragmes bille de bulbes gloire ô le noble regard du coupeur de têtes le fond musical des pilules de cyanure ô l'effluve de ce vitriol nous attendons cadavres ou fossiles et la fête macabre monte une ordalie sans prévenir l'on torture et l'on tenaille ce qui bat et l'on pilonne ce qui puise et l'on sectionne ce qui ligature crimes sur table gloire gloire nous sommes le peuple élu érigé sur les pointes de fatalité pour nous les lendemains qui chantent les fleuves de miel et de lait le sacrifice frères le sacrifice exil dans le sacrifice ô l'apothéose des gorges prêtes au sacrifice l'héritage le sadisme d'Abraham l'héritage la foi terrassée par les miracles l'abondance spontanée du désert miracle nous ne souffrons pas ô l'arcade pure du tueur à gages le chatouillis des électrodes et le bistouri nettoyant les vertèbres encore encore respirer tous les gaz gloutonnement avaler des grenades gloire au peloton d'exécution embrasser l'envers et l'endroit du doigt mûr qui caresse la gâchette qui nous tue la fonte étincelle mort-né échappé au scalp de l'ordre je ne voulais pas être de ce théâtre non marionnette je ne voulais pas qu'on m'exécute comiquement sur les gradins mais rester valve algue corps battant de respiration élémentaire diastole rester pharynx sans une possibilité pour la plus forte vie être de cette nuit que ne démantèle pas le jour de ce levain non de cette pâte être enfin de ces tubercules vénéneux de racines refus net cette soi-disant complication d'organismes parlants je refuse cette procréation d'automates vous avez dépeuplé le langage et le monde vous avez dépeuplé la vie désappris le pardon de toute roche masse solidifiée de masse en masse confrontation l'air vicié des cases les jardins surélevés on meurt encore de faim je ne parle pas de la guerre de la recolonisation du tiers-monde des greffes qui ne prennent pas c'est moi seul que je congratule de ces tortures comme une outre qu'on bat dans ma chair le poème je réponds à la violence par la violence je ne contrôle pas les impulsions de mon poing patience toutes ces vies m'appartiennent je parlerai de tout avant qu'une main payée ne vienne me poignarder dans le dos patience je vais parler des morts qui m'ont devancé ceux que je fréquente et ceux à venir tout sera dit je vous en fais serment ces chiens ont sali notre mémoire qui voudra de cette histoire où des rats visqueux ont trotté abolir pour commencer ensuite la récidive les textes formels on ne nous la fera pas le napalm coince la mitraillette la sarbacane par-derrière la lune pour bientôt les îles les steppes et basculer le tas dans un désert de salines quelques martiens viendront achever les rescapés laideurs laideurs dans la rigueur des jours-termes je ne vois que des assassins cette fraternité assassine qui boucle l'arc la cible propulsée dedans le crime salut barbarie des grandes famines salut silex tribal salut jungle de crudité quelque chose en moi se réveille encore une fois le miracle du corps je commence par nier ma main se dresse se casse et se retourne prend le sexe froidement l'étalé