splash screen icon Lenndi
splash screen name leendi

Titre : Agent de liaison

Auteur : Guillaume Apollinaire Recueil : Poèmes à Lou

Le 12 avril 1915 tormoha L’ombre d’un homme et d’un cheval au galop se profile sur le mur Ô sons Harmonie Hymne de la petite église bombardée tous les jours Un harmonium y joue et l’on n’y chante pas Mon cœur est comme l’horizon où tonne et se prolonge La canonnade ardente de cent mille passions Ah! miaulez. Ah! miaulez les chats d’enfer Le 12 avril 1915 Ô ciel ô mon beau ciel gemmé de canonnades Le ciel faisait le roue comme un phénix qui flambe Paon lunaire rouant Ainsi-soit-il On disait du soleil Mahomet Mahomet Je suis un cri d’humanité Je suis un silence militaire Dans un bois de bouleaux de hêtres de noisetiers Ensoleillé comme si un trusteur y avait jeté ses banques Je me suis égaré Canonnier n’entendez-vous pas ronfler deux avions boches Mettez votre cheval dans le bois Inutile de le faire repérer Adieu mon bidet noir Un pont d’osier et de roseaux un autre un autre Une grenouille saute Y a-t-il encore des petites filles qui sautent à la corde Ah! petites filles Y a-t-il encore des petites filles Le soleil caressait les mousses délicates Un lièvre courageux levait le derrière Ah! petites et grandes filles Il vaut mieux être cocu qu’aveugle Au moins on voit ses confrères Enfermons-nous ensemble en mon âme Ô mon amour chéri qui portes un masque aveugle Une petite fille nue t’en souviens-tu T’en souviens-tu Étouffait une colombe blanche sur sa poitrine Et me regardait d’un air innocent Tandis que palpitait sa victime. Soldat Te souviens-tu du soir Tu était au théâtre Dans la loge d’un ambassadeur Et cette jeune femme pâle et glorieuse Te branla pendant le spectacle Dis-moi soldat dis-moi t’en souviens-tu Te souviens-tu du jour où l’on te demanda la schlague Devant la mer furieuse Dis-moi Guillaume dis-moi t’en souviens-tu Après les ponts le sentier Attention à la branche Brisée Ah! brise-toi mon cœur comme une trahison Et voilà la Branche brisée Un carré de papier blanc sur un buisson à droite Où est le carré de papier blanc Et me voici devant une cabane Que procède un luxe florissant De tulipes et de narcisses À droite canonnier et suivez le sentier Enfin je ne suis plus égaré Plus égaré Plus égaré Tu peux faire mon Lou tout ce que tu voudras Tu ne me mettras plus mon Lou dans l’embarras Une baïonnette dont ne sait si elle est boche française ou anglaise sert de tisonnier Entends chanter les flammes dans la petite cabane Vous avez un laissez-passer Agent de liaison Le mot C’était c’était La Ville où Lou je t’ai connu Ô Lou mon vice LE 12 AVRIL 1915 Un agent de liaison traversait au galop un terrain découvert Puis le soir venu il grava sur la bague Gui aime Lou Le 12 avril 1915 Tormoha Manitangène Lamahona Lamahonette Un homme de ma batterie pêchait dans le canal Y a partout des sentinelles Baïonnette au canon devant le commandant d’armes Je m’en fous amenez-moi votre lieutenant Enfin je me tirai de cette infanterie Je ne sais pas comment Te souviens-tu du jour où cette fille sage S’arracha quatre dents Afin de te donner un précieux témoignage De son amour ardent L’ombre d’un cavalier et d’un cheval s’allonge sur le sol La villa du Cafard est dans le bois X Les chatons des noisetiers nuances les mousses Et les lichens sont pâles Comme les joues de Lou quand elle jouit Quel prince du Bengale donne un feu d’artifice cette nuit Et puis Et puis Et puis je t’aime Courmelois, le 13 avril 1915