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Titre : Adieu

Auteur : Antoine de Latour Recueil : La vie intime, 1833

Tu pars !... deux jours hélas, et tu n'es plus pour nous Qu'un de ces souvenirs solitaires et doux Dont le cœur s'empare en silence. Pourquoi donc venais-tu si tu devais nous fuir ? Hélas ! mes jours sereins au nonchalant loisir Ne renaîtront pas de l'absence. Ah ! je devais penser (mais comment le pouvoir Quand je laissais mes yeux s'égarer chaque soir Sur cette place où tu reposes) Que l'amour ici-bas n'a que de courts instants, Que la vie est un songe, et qu'avec le printemps Hélas ! s'en vont toutes les roses. Tu t'en vas donc aussi !... Pars, s'il est quelque bord Où tu sois plus aimée, où plus d'âmes d'abord Recherchent ton heureux empire, Où tu puisses ravir, sans effort et sans art, Plus de regards d'amour avec un seul regard, Plus de cœurs avec un sourire. Tu pars ! je les maudis ces lieux où tu n'es plus, Et cependant jamais ne furent répandus Plus de trésors sur les campagnes, Jamais Dieu n'épancha de son sein paternel Parfums plus purs aux fleurs, plus mol azur au ciel, Plus douce rosée aux montagnes. Tu parus, aussitôt tout s'embellit de toi ; Tu parus, et le jour devint plus doux pour moi, Et la nuit devint plus sereine... Adieu, gloire, avenir ! Oh ! j'aurais tout donné Pour sentir un moment sur mon front incliné L'ombre de tes cheveux d'ébène. Tu n'étais pas venue et déjà cependant Je ne sais quel parfum de ton nom s'exhalant Allait devant ta renommée ; Et le jour où sur moi s'abaissèrent tes yeux... Où t'avais-je donc vue ? En quel songe des cieux ? Je crus déjà t'avoir aimée. Oh ! comme lentement vont se traîner les mois ! Plus de brise dans l'air, plus d'ombre sous les bois, De rêverie au bord des fleuves !... Encore si ta voix eût laissé sur mon cœur Tomber un de ces mots d'ineffable douceur Qui consolent les âmes veuves ! Ce mot eût fait éclore un magique univers Où pour l'entretenir de mes regrets si chers J'aurais enseveli ma vie ; Ainsi pour se bercer d'une image d'amour Le cygne sous son aile en attendant le jour, Ramène sa tête endormie. Mais pas même ce mot ! A l'heure du départ Ma furtive douleur s'exhalant à l'écart Évitera jusqu'à ta vue, Et quand de ton exil tu reviendras enfin, Ton œil indifférent retrouvera le mien Sans y chercher la bienvenue.