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Titre : Terre promise

Auteur : Jean-Pierre Villebramar

J’écoute le chant du monde la guitare de Atahualpa la chanson de Joan Baez ou de Harry Belafonte que personne n’entend plus et Ay Carmela par Alarcón sur You Tube J’ignore le tumulte du monde inlassablement intarissablement renouvelé monde esclave, monde d’esclaves laisse-moi descendre à contre-courant la vie je te rejoindrai plus tard après crimes, toujours, violences, toujours, monstres de fers, monstres de feux incendies tes villes brûlent à Tokyo, Dresde, Coventry à Stalingrad, à Varsovie Dusseldorf, « La Vallée Heureuse » * tes villes brûlent. Demain, d’autres Varsovie… J’ouvre les portes les portes des prisons des Cordillères mines de plomb, d’étain, d’argent et d’or d’argent et d’or. Poisons mortels, et le poison mortel du pire des ors, non le blanc, mais le noir. Non le blanc. Mais le noir. Je vis. Je sens et pense et vis à contre-courant puisque dieu le veut et pourquoi moi peu importe puisque dieu le veut. J’efface d’un trait de poème, la mémoire de mon siècle criminel Mon siècle criminel succédant à d’autres ceux de Pizarre et de Cortés des amérindiens dans les mines des siècles d’or, des guerres saintes. Voici venu le temps des assassins et « los caidos »* ils ne sont pas tous tombés sous les bombes mais sous les coups ou seulement de faim et d’épuisement Mon siècle. Mon siècle criminel, libérateur des camps. J’efface j’efface de ma mémoire mon siècle libérateur ses débarquements libérateurs libérateurs de la vie de jeunes de vingt ans tombant sur des plages que dieu créait pour d’autres usages et destins enfin la Terre Promise la Terre, promise aux seuls élus. Hiroshima, mon amour ! Mais intactes, Intacte l’arrogance des puissants. Intacte leur ruse, Hiroshima, mon amour ! Hiroshima, mon amour ! Enfin, te voilà, Hiroshima mon amour mon amour mon amour Renaissant de tes cendres. Intacte. Tu as le prénom d’une déesse de volcans. *** Je me libère d’un trait de poème du poids de la mémoire de la mémoire des hommes depuis le premier crime, depuis la première douleur la première douleur de l’enfantement je suis l’innocence du jardin d’éden la solitude des chemins de crêtes je suis le silence *** Comme il s’éloigne, ce sourire sourire de notre première rencontre premier soupir première larme premier enfant notre premier enfant, jamais né les roses de juillet autour du puits et nous deux passants parmi les passants d’un jardin de roses. *** J’entends J’entends j’entends toujours j’entends sans que jamais n’oublie ton premier soupir J’aime j’aime toujours sans que jamais ne me chagrine ce moment d’hier où nous étions sur un chemin de sable notre amour de sable qui jamais ne garde de traces mais nous leur souvenir sur le sable de la nuit. *** J’oublie le chant du monde. Ignore le tumulte du monde. Accepte enfin que s’éloignent ton premier soupir, ta première larme. Garde dans ma mémoire la trace, seulement la trace de nos premiers pas sur le sable *** Soupir éloigné, larme éloignée, sable : éternel trace : indélébile. Villebramar, 2016 *notes de lecture : « La Vallée heureuse » : titre d’un roman de Jules Roy décrivant les bombardements de la Ruhr.