Titre : Préface
Auteur : Jacques Gourvennec
Une note quand même, à propos de moi–même et de Léo Ferré :
Je ne suis pas du tout certain que Ferré m'eût accepté en véritable ami. Je suis donc quand même un ami de Ferré, mais par procuration, juste de mon coté, seulement moi pour seul responsable. Sans doute parce que pour moi, Ferré fait partie de ses artistes qui se respectes, et que j’admire, ceux qui pour moi en tous les cas, partagent, ma façon de penser et surtout la façon de le dire, en tous les cas beaucoup de mes idées. Comprenez- moi; Je suis un petit mec, un imposteur, un usurier du temps, un vieux mec de passage aux rictus poétiques. Avec la bouche tantôt en cœur, tantôt en italique, à déchiffrer les cendres d’hypothétiques «Je» ces plusieurs «moi » en « je » et qui n’y comprends rien !
J’apprends à faire la gueule d’une « poésie, je t'aime », avec mention « Ta gueule » pour dernier alibi… Cette imposture qui se trame goutte-à-goutte, avec son chant retricoté, la poétique étrange, toujours sujet à polémique, envitrinée d’images à la fois tendres, et puis rebelles à l’allure poétique. J’écris, en vers, et contre tout, en noir et blanc et en douleur, en bien, en mal, avec ou sans musique. Où tout respire en stéréo, le tabac froid d’un vieux paquet de brunes Celtique. Je me souviens ; Léo Ferré disait - La poésie n'est pas seulement faite pour être lue, il faut aussi qu'elle soit dite. La poésie, c’est avant tout de la musique. Il ne faut donc pas tenir compte de sa ponctuation, elle est juste pour moi, qu’une question de repérage pour le souffle. D'ailleurs ma poésie, n'a pas de point et n'a pas de virgule, elle n'a pas non plus de points d'exclamation ou d'interrogation, pas plus qu'elle ne se targue, de points de suspension... Ma poésie ; N'est que de l'air, elle ne m'appartient pas, elle n'appartient pas non plus à la littérature conventionnelle. Elle ne survit que de ses propres règles, ou sinon elle tombe. Ma poésie, elle est d'ailleurs ! Elle naît que d'un souffle, et ne meurt que du vent... Oui mais la poésie, la vraie, me direz-vous ! Celles des autres ! Et bien en fait, je ne la fréquente pas ; Ne la lis pas régulièrement non plus. Libre au poète d’écrire sa propre poésie ou de survivre d’une littérature ancienne à l’âme sénescente, vieille de six ou sept, voire vingt siècles. Comment donner de ces leçons de musicalité, lorsqu’on cultive soi-même une poésie conventionnelle, sponsorisée par le printemps, les oiseaux migrateurs, le silence et les roses ? Comment rendre crédible une moindre diatribe, ourdit de poètes pratiquants, en boétien de la cravate, chevelu en dedans, texte brillantiné, rococo de la rime « poétiquement parlant » de la tête à ses pieds . Ceux qui s’auto-starisent de leurs putains de stances et leurs obsessionnels sonnets, bourrés de règles inutiles et dont la forme lasse de l’uniformité du flajolet ou de la flûte et du pipeau! La poésie constante enfile les costars qu’elle loue à l’histoire, comme un tableau s’accroche à son image toujours présents au même endroit à rester fixe, et qui n’appartient plus qu’à son musée. La poésie n’est pas de ces peintures clouées à tous nos murs, et dont la destinée est de tenir coûte que coûte au même endroit, durant des siècles et des années ; Avec en récompense, toujours les mêmes yeux qui la regardent…