splash screen icon Lenndi
splash screen name leendi

Titre : A un enfant

Auteur : Antoine de Latour Recueil : La vie intime, 1833

Laisse en tes yeux si purs et si beaux d'innocence Tristes plonger mes yeux, Car j'ai besoin de voir aux regards de l'enfance Se réfléchir les cieux. L'aspect doux et serein de ta naïve joie Calmera pour un jour Ces orages brûlants qui me livrent en proie Aux tourments de l'amour. Fuis-les ces ouragans, courbe ta blonde tête, Enfant, quand ils viendront ; Car on garde longtemps d'une telle tempête L'empreinte sur le front. Mais si Dieu l'a voulu, jette au cou de ta mère Tes deux bras défaillants ; Une mère a toujours ses bras prêts, quand la terre Manque à nos pas tremblants. Une mère, vois-tu, c'est là l'unique femme Qu'il faille aimer toujours, A qui le ciel ait mis assez d'amour dans l'âme Pour chacun de nos jours. Aux suaves accords de sa voix douce et tendre Endormi mollement, Enfant aimé ta mère, aime-la sans apprendre Que l'on aime autrement. Aimer ! parole triste, insultante ironie Pour qui vit un matin, Mot fatal, et qui n'a d'écho dans cette vie Qu'amertume et dédain ! Oh ! choisir une femme et créer autour d'elle Tout un monde enchanté, Et vouloir seulement pour la faire immortelle Une immortalité ! A ses moindres discours suspendre tout son être, Ému d'un doux espoir, Et mourir tout le jour, hélas ! à se promettre Un sourire, le soir ! Et lorsque ce. regard que le regard mendie On n'a pu l'obtenir, Sentir avec terreur à l'âme anéantie Echapper l'avenir ; A la vie, au bonheur, dans sa douleur farouche, Jeter un morne adieu, Tomber à deux genoux le front contre sa couche Et s'écrier : « Mon Dieu ! « Au lieu de les laisser l'un sur l'autre descendre Si pesants à mon cœur, Mon Dieu ! ne pouvez-vous ensemble les reprendre Tous ces jours de malheur ? » Épuiser ces tourments qu'en ce monde où nous sommes On ne peut exprimer, Lentement en mourir, dans la langue des hommes Cela s'appelle aimer !