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Les poésies les plus envoûtantes vous attendent...

Ne manquez plus jamais d'inspiration avec les poésies originales. Partagez l'émotion et la beauté des vers avec ceux qui vous entourent.

Poésies+7 000

A

Alix Lerman Enriquez

@alixLermanEnriquez

Corps et plaintes Le vent grinçant entre les plinthes des portes, faisait entrer la pluie et la plainte d’un ciel gris. A l’aube, offrait à la nuit glacée percée d’étoiles le jour parcheminé de plaies et des fruits rouges de solitude. Jour balafré de mes blessures de corps et de cœur offerts à tous les vents. Corps brisé, tatoué d’opérations à cœur ouvert qui entendait la plainte des corbeaux dans le soir, qui attendait sa délivrance nue au dessus d’un ciel de suie perforé de silence et de nuit.

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A

Alix Lerman Enriquez

@alixLermanEnriquez

Fragile L’engoulevent se balance sur une feuille rouge. L’automne tremble encore sous la rigueur du ciel bleu froissé par la brise de novembre. L’oiseau entend les pleurs pétrifiés des fruits morts : Châtaignes mordues de soleil, physalis embrasés de couchant, marrons cabossés de silence, dans le chuchotis des insectes, le chuintement des toiles d’araignée qui se déchirent. L’oiseau s’élance au-dessus de la plaine, il plane d’un bonheur fugace et funeste, fonce sur sa proie : une rose sauvage dépareillée qui s’effrite alors comme poudre de soie, comme poussière d’étoile évaporée.

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A

Alix Lerman Enriquez

@alixLermanEnriquez

Insomnie Je ne parviens pas à dormir. Dehors, une poudre d’étoiles illumine le ciel mat. Ma tasse de thé a refroidi, les volutes de fumée se sont rétrécies. Les lucioles restent à la surface des ténèbres. Je les aperçois par la fenêtre de ma chambre. Parfois, j’ai l’impression qu’elles traversent la vitre, qu’elles me parlent, fendant la toile trouée du ciel, la parsemant de milliers d’étoiles blondes. Tandis que s’éloigne l’ombre de la lune, les lucioles me chuchotent des comptines oubliées dans le silence écroué du soir. Dans cette nuit fauve, je compte les moutons qui défilent dans ma tête : un, deux, trois jusqu’à ce que mon esprit s’embrouille, ne sachant plus faire la différence entre le passé, le présent, le futur, entre le jour bleu ou bien la nuit infinie entre la tessiture du chant de l’oiseau et celle d’une fourmi. Je compte les moutons jusqu’à ce que le marchand de sable vienne alourdir mes yeux, jeter des grains de sable sur mes paupières de chair perméables à la nuit, jusqu’à ce qu’enfin, dans la nuit froide, je tombe dans les bras infinis de Morphée.

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A

Alix Lerman Enriquez

@alixLermanEnriquez

Premier automne Châtaignes rabotées de lumière et de silence aussi, comme des coquillages blessés sur le sable, elles recueillent la sueur du jour qui exsude bleue, la suie de la nuit quand vient le soir, le sang de l’aube lorsque le soleil rouge suinte du ciel et de ses frondaisons, lorsque les arbres trempés de pourpre liassent tomber leurs derniers oripeaux : ces feuilles mortes séchées, ces grimoires improvisés où j’inscris mes souvenirs d’été, mes rêves et mes joies rabotées de mes peines dans la pénombre de mes pas.

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A

Aliénor Samuel-Hervé

@alienorSamuelHerve

Germination Grain de sable ou de poussière, Au gré des vents, folles secousses, Mais jamais ne se courrouce, Grain de folie aventurière. Des raisins au mauvais temps, De la cafetière à la rizière, Sur le papier, dans la jardinière, Comme une graine, il devient grand. Et jusque dans le champ, Pas besoin de le planter, Le petit grain qui a poussé, S'est ressemé en s'envolant.

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Allen Ginsberg

Allen Ginsberg

@allenGinsberg

Europe ! Europe ! Monde monde monde assis dans ma chambre j’imagine le futur le soleil tombe sur Paris je suis seul personne ne possède l’amour parfait l’homme était fou l’amour de l’homme est imparfait je n’ai pas assez pleuré mon coeur sera lourd jusqu’à la mort les cités sont des spectres des manivelles de guerre les cités sont travail & briques & fer & fumée de la fournaise égoïste qui dessèche les yeux rouges de Londres mais aucun oeil ne rencontre le soleil Le soleil explose frappe l’immeuble de la presse blanc solide moderne de Lord Beaverbrook penché dans une rue de Londres pour porter les derniers rayons jaunes des vieilles dames regardant distraitement vers le ciel à travers le brouillard pauvres pots sur les appuis des fenêtres fleurs serpentant vers la rue les fontaines de Trafalgar Square jaillissent sur les pigeons midi-chauffés Moi-même en extase rayonnant de solitude sur le Dôme de St-Paul voyant la lumière sur Londres ou ici sur un lit à Paris lueurs du soleil à travers la haute fenêtre sur les murs de plâtre Humble foule féconde ensevelie les saints périssent caves femmes des rues rencontrant le manque d’amour sous les lampadaires et les rampes de néon aucune femme en carte n’aime le mari-unité-fleurie pas un garçon n’aime le môme mou feu dans les poitrines politiques effrois électriques dans la basse ville les cris de la radio les feux de police sur les écrans de TV se moquent des merveilles-veilleuses dans les pièces vides des tanks s’écrasent dans la déflagration le rêve joie d’homme n’est pas rêvé l’usine de la pensée-film pousse la came autorêves en fer-blanc d’Eros l’esprit dévore sa chair pendant une famine conne et le baisage d’aucun homme n’est sacro-saint car le travail de l’homme c’est la guerre Porcelaine d’os de Chine qui a faim lavage de cerveau dans l’écluse de la surpuissance l’Amérique cache la viande folle dans un réfrigérateur l’Angleterre cuit Jérusalem depuis trop longtemps la France bouffe de l’huile et de la salade morte bras & jambes de l’Afrique camelot dévorant l’Arabie nègres et blancs préparent la guerre contre les noces d’or Russes la manufacture en nourrit des millions mais aucun ivrogne ne peut rêver du suicide de Maïakovski arc-en-ciel sur les machines-outils et nargues-basanes au soleil Je suis au lit en Europe seul dans du vieux linge de corps rouge symbolisant le désir de s’unir à l’immortalité mais l’amour de l’homme est imparfait ici il pleut en février comme pour Baudelaire une fois il y a cent ans les avions hurlent dans le ciel les voitures foncent dans les rues je sais où ils vont ils vont à la mort mais ça c’est OK c’est que la mort vient avant la vie qu’aucun homme n’est aimé parfaitement personne n’obtiendra la félicité l’humanité nouvelle n’est pas née Que je pleure sur cette antiquité et je sonne le Millenium j’ai vu le Soleil Atlantique rayonnant d’un gros nuage à Douvres sur les falaises un pétrolier de la taille d’une fourmi se souleva sur l’océan sous le nuage brillant les mouettes volaient dans les échelles infinies du soleil plongeaient dans l’éternité aux fourmis dans les champs-myriades de l’Angleterre aux tournesols penchés pour manger la minute de l’Infini dauphins dorés sautant dans l’arc-en-ciel méditerranéen Fumées blanches vapeurs des Andes rivières d’Asie scintillantes poètes aveugles dans les profondeurs de la solitude rayonnement d’Apollon sur les collines parsemées de tombes vides.

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Allen Ginsberg

Allen Ginsberg

@allenGinsberg

Un asphodèle O cher doux rosâtre inaccessible désir … c’est triste, pas moyen de changer le fol asphodèle cultivé, la réalité visible … Et les épouvantables pétales de la peau – quelle inspiration d’être ainsi couché là ivre et nu dans le salon à rêver, en l’absence d’électricité … à manger encore et encore la basse racine de l’asphodèle, grise destinée … roulant en génération sur le sofa fleuri comme sur un rivage en Arden – ma seule rose ce soir le régal de ma propre nudité.

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A

Aloysius Bertrand

@aloysiusBertrand

Encore un printemps Toutes les pensées, toutes les passions qui agitent le cœur mortel sont les esclaves de l'amour. Coleridge Encore un printemps, - encore une goutte de rosée, qui se bercera un moment dans mon calice amer, et qui s en échappera comme une larme ! O ma jeunesse, tes joies ont été glacées par les baisers du temps, mais tes douleurs ont survécu au temps qu'elles ont étouffé sur leur sein. Et vous qui avez parfilé la soie de ma vie, ô femmes ! s'il y a eu dans mon roman d'amour quelqu'un de trompeur, ce n'est pas moi, quelqu'un de trompé, ce n'est pas vous ! O printemps ! petit oiseau de passage, notre hôte d'une saison qui chante mélancoliquement dans le cœur du poète et dans la ramée du chêne ! Encore un printemps, - encore un rayon du soleil de mai au front du jeune poète, parmi le monde, au front du vieux chêne, parmi les bois ! Paris, 11 mai 1836.

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A

Aloysius Bertrand

@aloysiusBertrand

Octobre Les petits savoyards sont de retour, et déjà leur cri interroge l'écho sonore du quartier ; comme les hiron- delles suivent le printemps, ils précèdent l'hiver. Octobre, le courrier de l'hiver, heurte à la porte de nos demeures. Une pluie intermittente inonde la vitre offusquée, et le vent jonche des feuilles mortes du platane le perron solitaire. Voici venir les veillées de famille, si délicieuses quand tout au dehors est neige, verglas et brouillard, et que les jacinthes fleurissent sur la cheminée, à la tiède atmosphère du salon. Voici venir la Saint-Martin et ses brandons, Noël et ses bougies, le jour de l'an et ses joujoux, les Rois et leur fève, le carnaval et sa marotte. Et Pasques, enfin, Pasques aux hymnes matinales et joyeuses, Pasques dont les jeunes filles reçoivent la blanche hostie et les œufs rouges ! Alors un peu de cendre aura effacé de nos fronts l'ennui de six mois d'hiver, et les petits savoyards salueront du haut de la colline le hameau natal.

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Alphonse Allais

Alphonse Allais

@alphonseAllais

Le chat Lorsque tu vois un chat de sa patte légère, Laver son nez rosé, lisser son poil si fin, Bien fraternellement embrasse ce félin. Moralité : S'il se nettoie, c'est donc ton frère.

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Alphonse Allais

Alphonse Allais

@alphonseAllais

Le châtiment de la cuisson infligé aux imposteurs Chaque fois que les gens découvrent son mensonge, Le châtiment lui vient, par la colère accru. « Je suis cuit, je suis cuit ! » gémit-il comme en songe. Le menteur n’est jamais cru.

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Alphonse Allais

Alphonse Allais

@alphonseAllais

Le petit vient en mangeant Une femme dans l'espoir de son premier enfant, Inquiète de garder ses rondeurs pour longtemps Pendant neuf longs mois, de tout encas se passa. A bout, ce fut le soir où son jeûne elle cessa Que l'enfant décida qu'il était enfin temps. Moralité : Le petit vient en mangeant.

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Alphonse Allais

Alphonse Allais

@alphonseAllais

Tamerlan Tamerlan, conquérant farouche, Dans un combat fit vingt captifs. Il les fit empaler tout vif. On n'dit pas si c'est par la bouche. Moralité: Malheur aux vaincus !

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Alphonse Allais

Alphonse Allais

@alphonseAllais

Un général anglais Un général anglais, dans une bataille, Eut les deux fesses emportées par la mitraille. Il en fit faire une autre paire en bois, mais jamais il ne les paya. Moralité : Fesses que dois !

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A

Alphonse Beauregard

@alphonseBeauregard

Bonheur lucide J'avais le souvenir d'ineffables aurores, De ruisseaux cascadants cachés dans les vallons, De pourpres archipels et de grèves sonores Que visitent les flots crêtes et les hérons. Je gardais le sourire accueillant des pinières Qui filtrent le soleil dans leur dôme verni. J'avais en moi des horizons où les rivières, Dévalant des hauteurs, coulent vers l'infini. Et lorsque je voulus m'exprimer, ô Nature, Je trouvai ma pensée unie à ton décor, Fondue en toi, plus souple, harmonieuse et pure Et sachant se parer de symboles et d'or. Ce n'étaient, cependant, que des baisers rapides Ces révélations de formes, de couleurs ; Je passais, tu venais me ravir, mais stupide J'allais chercher au loin des plaisirs tapageurs. Aujourd'hui l'art m'a fait abandonner la hâte De voir ce qui m'attend au terme du chemin. Et chasse de mon cœur l'accoutumance ingrate D'assujettir le jour présent au lendemain. Libre, je viens à toi. Nature qui m'appelles. Déjà mes pas, froissant le trèfle, ont dégagé L'odeur d'après-midi vaguement sensuelles. Je m'enivre de paix riante et d'air léger. La lumière éblouit l'esprit et l'étendue. Les montagnes, là-bas, où finit le lac bleu, Avec les bois distants en chaîne continue, Font un cirque parfait, d'un dessin fabuleux. Des arbres espacés monte le chant des grives. La beauté de ce jour en moi trouve son nid, Et semble une caresse ancienne que ravive Un cœur infiniment lucide et rajeuni.

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A

Alphonse Beauregard

@alphonseBeauregard

Desir simple Jeunes filles qui brodez En suivant des songeries, Seules sur vos galeries, Ou qui dehors regardez, Comme des oiseaux en cage, Si j'en avais le courage Vers l'une de vous j'irais - Dieu sait encore laquelle, La plus triste ou la plus belle - Et d'un ton simple dirais : - " Vous êtes celle, peut-être, Qui m'apparaît si souvent

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A

Alphonse Beauregard

@alphonseBeauregard

Déclaration Femme, sitôt que ton regard Eut transpercé mon existence, J'ai renié vingt espérances, J'ai brisé, d'un geste hagard, Mes dieux, mes amitiés anciennes, Toutes les lois, toutes les chaînes, Et du passé fait un brouillard. J'ai purifié de scories Mes habitudes et mes goûts ; J'ai précipité dans l'égout D'étourdissantes jongleries ; J'ai vaincu l'effroi de la mort, Je me suis voulu libre et fort, Beau comme un prince de féerie. J'ai franchi les rires narquois, Subi des faces abhorrées, Livré mes biens à la curée Afin de m'approcher de toi. Devant moi hurlaient les menaces, J'ai méprisé leurs cris voraces Et j'ai marché, marché tout droit. J'ai découvert, pour mon offrande, Un monde fertile en plaisirs ; J'ai pesé tes moindres désirs, Je sais où vont les jeunes bandes, Je connais théâtres et bals ; J'ai dans les mains un carnaval, Dans le cœur, ce que tu demandes. Pour la rencontre, j'ai prévu Quand je pourrais quitter l'ouvrage, La route à suivre, un temps d'orage, Et jusqu'au perfide impromptu. J'ai tremblé que point ne te plaisent Les tapis, les miroirs, les chaises. J'ai tout préparé, j'ai tout vu. J'ai mesuré mon art de plaire, Mes faiblesses et ma fierté, Les mots, l'accent à leur prêter ; J'ai calculé d'être sincère, Triste ou gai, confiant, rêveur. Je me suis paré de pudeur, De force et de grâce légère. Et me voici, prends-moi, je viens Frémissant, comme au sacrifice, T'offrir, à toi l'inspiratrice, Mon être affamé de liens, Mon être entier qui te réclame. Donne tes mains, donne ton âme, Tes yeux, tes lèvres... Je suis tien.

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A

Alphonse Beauregard

@alphonseBeauregard

Jours de souffrance Ô les jours où le cœur broyé dans un étau Sent monter, comme une marée, La trahison de la femme adorée ; Où sans cesse l'on tourne et tourne en son cerveau La même torturante idée ; Où, des heures, l'on tend une oreille obsédée Par le pressentiment trompeur Qu'arrive la lettre attendue ; Où l'on répète, pour la prochaine entrevue, Un rôle plein de tragique douleur ; Où l'on tâche à ne pas regarder la nature Ni le ciel azuré, De peur que, sous le choc de la beauté, ne dure La colère où se plaît l'orgueil exaspéré. Ô jours, soyez maudits pour cette âpre souffrance. Ô les jours où l'on voit son ardeur, ses talents, Ses penchants et le plus intime de son âme Par soi jetés aux pieds de cette femme, Tels des sacrifiés aux dieux indifférents ; Où les désirs inapaisés, blême cortège, Viennent crier qu'on les a déchaînés En se laissant tomber au piège D'un artifice suranné ; Où la pensée au fond d'un abîme se plonge Pour oublier les rêves décevants ; Où, dans ce noir, on goûte et raffine et prolonge L'amère volupté des blasphèmes savants. Ô jours, soyez maudits pour cette âpre souffrance. Ô les jours où la vie, en son rythme animal, Ayant adouci la blessure ancienne, On cite en pensée à son tribunal, Avec la clairvoyance de la haine, La femme admirée autrefois ; Où dans elle on aperçoit La vanité qui prédomine, L'égoïsme en l'amour drapé, Et jusqu'à ces laideurs profondes qu'illumine Un mot par hasard échappé ; Où, reniant son âme aveuglée, Plein de mépris pour ce qu'on fut en ce temps-là. On ricane devant la face maculée : Ce n'était que cela ! Ô jours, soyez maudits pour cette âpre souffrance.

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A

Alphonse Beauregard

@alphonseBeauregard

La raison parle N'aimes-tu pas ce temps de discrète clarté, Aube faite de grâce et de sérénité, Où, rêvant qu'une bouche appuiera sur la tienne, Tu marches au hasard, distrait quoi qu'il advienne, Tu parles et tu ris, l'esprit courant les bois, Et machinalement tu manges et tu bois ; Où fusent, imprévus, dans l'air et se colorent Des mots que tu n'avais jamais compris encore ; Où simplement heureux de vivre, et confiant Dans celle qui vers toi se penche en souriant, Sans appréhension tu peux voir sur la scène Les drames que l'amour dans l'existence entraîne. À ces jours recueillis tu reviendras songer, Alors, pourquoi ne veux-tu pas les prolonger ? – Je craindrais, allongeant d'une heure la durée De ce temps, défini comme une œuvre inspirée, D'en détruire le rythme exquisément subtil. J'aime jusqu'au troublant désir de cet Avril Et je cherche à goûter sa beauté toute entière. Mais l'homme, qui pourtant sait l'avenir précaire, Tient son regard fixé sur un lointain bonheur Même si le présent le baigne de tiédeur ; Il ne s'arrête pas avant l'hôtellerie Malgré le charme épars dans la verte prairie. – Le bonheur dans l'amour ! Songe éternel et vain. Que d'hommes le croyant prisonnier sous leur main N'eurent qu'une minable aventure en partage. D'autres, que la luxure a gagnés et ravage, Devenus sous le joug de la femme, des chiens, Sentent gronder en eux l'orgueil des jours anciens, Déversent sur leur front des insultes affreuses Et vont se recoucher aux pieds de la dompteuse. D'autres encore, liés par l'âme et par la chair, Perdent l'être sans qui leur vie est un désert, Et ne pouvant créer d'astre qui les dirige Abandonnent leurs sens à de mortels vertiges. Si tu n'as rien appris à voir ceux-là souffrir, Tes larmes couleront peut-être sans tarir. – Si l'homme t'écoutait, Raison pusillanime, Au lieu de s'élancer d'un coup d'aile sublime Vers la gloire et la mort, dans le ciel, sur la mer, Il resterait caché dans son trou, comme un ver. Je veux savoir quel horizon m'ouvre l'extase, Juger ce que mon cœur contient d'or et de vase, Connaître ma constance et mon droit à l'amour. Fort de ma grandissante émotion, et sourd Aux aguichants appels dénués de tendresse, Je ne tomberai pas dans de lâches faiblesses. Si j'ai surestimé la femme de mon choix, Si j'abjure ma paix pour saisir une croix, Rien ne m'enlèvera, du moins, la jouissance De reporter mon âme à ces jours d'espérance, Sachant que n'aurait pas tinté leur pur cristal Si je n'avais rêvé d'un bonheur intégral.

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A

Alphonse Beauregard

@alphonseBeauregard

Nouvel amour Comment savoir d'avance Si ce nouvel amour sera la vague immense Qui transportera l'âme ivre d'émotion, Jusqu'où s'annonce, enfin, la révélation, Ou s'il ira se perdre en fol espoir vivide, En trépignements dans le vide ? À sa famille de pensées Une femme nous présenta ; Ravi, nous avons dit, en phrases nuancées, Vers quel bonheur tendaient nos pas. Un soir de clair de lune, Un moment de tendresse et de rêve charnel, Où le monde paraît simple et presque irréel, Cette femme devient la grisante fortune Que notre désir appelait. Le songe autour de nous danse un pas de ballet. Tout à coup transparaît en l'aimée une tache Qui nous hallucine, grandit, Éclipse ses vertus et cache Son charme de jadis. Et parce que la dissemblance Inéluctable entre les cœurs, Avança par hasard son jour de délivrance, Le bel amour nouveau se meurt.

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A

Alphonse Beauregard

@alphonseBeauregard

Synthèse Dans la foule aux replis profonds, l'homme et la femme, Se voyant, ont croisé le regard qui proclame Une mystérieuse affinité de l'âme. La conversation habile a dessiné Un passé de droiture où des malheurs sont nés ; À se chérir ils se sont vus prédestinés. Émoi de se sentir, par cet amour, renaître, Indicibles baisers irradiant tout l'être, Sourires dans les yeux qu'une langueur pénètre. Ils disent leurs projets, leur travail quotidien, Les secrets négligés aux premiers entretiens, Et de leurs dons bientôt ils n'ignorent plus rien. Les caresses des mains n'atteignent plus à l'âme, Leur trésor dépensé, qu'un fol ennui proclame, Dans les replis profonds rentrent l'homme et la femme.

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A

Alphonse Beauregard

@alphonseBeauregard

Un corbillard passe Voici la mort dans son faste lourd. Un corps de plus qu'il faut engloutir ! Et la coutume, avant d'en finir, Veut qu'on le traîne insensible et sourd, Vers l'ouragan des notes funèbres D'un orgue aveugle et fou de ténèbres. L'orgue gémit sous le noir velours, On entend des pleurs et des soupirs. L'enfant de chœur s'amuse à ternir, Par trop d'encens, le trop faible jour. Sinistrement grincent les deux câbles Pour déchaîner un glas formidable. Les sons du glas deviennent plus sourds, La pioche creuse un sombre avenir Où le corps vaniteux va pourrir, Malgré sa boite aux ornements lourds. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . On n'entend plus qu'un bruit sec de pelle ; Un peu de boue à d'autre se mêle.

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Alphonse Daudet

Alphonse Daudet

@alphonseDaudet

Autre Amoureuse Lorsque je vivais loin de vous, Toujours triste, toujours en larmes, Pour mon cœur malade et jaloux Le sommeil seul avait des charmes. Maintenant que tu m’appartiens Et que mon cœur a sa pâture, — Il ne m’est plus qu’une torture, Le sommeil cher aux jours anciens. Lorsque je dormais loin de vous, Dans un rêve toujours le même, Je vous voyais à mes genoux Me dire chaque nuit : « Je t’aime ! » Maintenant que tu m’appartiens, Dans les bras chaque nuit je rêve Que tu pars, qu’un méchant t’enlève Et que je meurs quand tu reviens.

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Alphonse Daudet

Alphonse Daudet

@alphonseDaudet

Aux Petits Enfants Enfants d’un jour, ô nouveau-nés, Petites bouches, petits nez, Petites lèvres demi-closes, Membres tremblants, Si frais, si blancs, Si roses ; Enfants d’un jour, ô nouveaux-nés, Pour le bonheur que vous donnez, À vous voir dormir dans vos langes, Espoir des nids Soyez bénis, Chers anges ! Pour vos grands yeux effarouchés Que sous vos draps blancs vous cachez. Pour vos sourires, vos pleurs même, Tout ce qu’en vous, Êtres si doux, On aime ; Pour tout ce que vous gazouillez, Soyez bénis, baisés, choyés, Gais rossignols, blanches fauvettes ! Que d’amoureux Et que d’heureux Vous faites ! Lorsque sur vos chauds oreillers, En souriant vous sommeillez, Près de vous, tout bas, ô merveille ! Une voix dit : « Dors, beau petit ; Je veille. » C’est la voix de l’ange gardien ; Dormez, dormez, ne craignez rien ; Rêvez, sous ses ailes de neige : Le beau jaloux Vous berce et vous Protège. Enfants d’un jour, ô nouveau-nés, Au paradis, d’où vous venez, Un léger fil d’or vous rattache. À ce fil d’or Tient l’âme encor Sans tache. Vous êtes à toute maison Ce que la fleur est au gazon. Ce qu’au ciel est l’étoile blanche, Ce qu’un peu d’eau Est au roseau Qui penche. Mais vous avez de plus encor Ce que n’a pas l’étoile d’or, Ce qui manque aux fleurs les plus belles : Malheur à nous ! Vous avez tous Des ailes.

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Alphonse Daudet

Alphonse Daudet

@alphonseDaudet

Dernière amoureuse A l’heure d’amour, l’autre soir, La Mort près de moi vint s’asseoir ; S’asseoir, près de moi, sur ma couche. En silence, elle s’accouda. Sur mes yeux clos elle darda Son grand œil noir, lascif et louche ; Puis, comme l’amante à l’amant, Elle mit amoureusement Sa bouche sur ma bouche ! « Viens, dit le spectre en m’enlaçant, « Viens sur mon cœur, viens dans mon sang « Savourer de longues délices. « Viens ; la couche, ô mon bien-aimé ! « A son oreiller parfumé, « Ses draps chauds comme des pelisses. « Nous nous chérirons nuit et jour : « Nos âmes sont deux fleurs d’amour, « Nos lèvres deux calices. » Je crus, sur mon front endormi, Sentir passer un souffle ami D’une saveur déjà connue. J’eus un rêve délicieux. Je lui dis, sans ouvrir les yeux : « Chère, vous voilà revenue ! « Vous voilà ! mon cœur rajeunit. « Fauvette, qui revient au nid, « Sois-y la bienvenue. « Sans remords comme sans pitié, « Méchante, on m’avait oublié ; « Allons, venez, Mademoiselle. « Je consens à vous pardonner, « Mais avant, je veux enchaîner « Ma folle petite gazelle. » Et, comme je lui tends les bras, Le spectre me répond tout bas : « C’est moi…ce n’est pas elle… » « – C’est toi, la Mort ! eh bien ! tant mieux. « Mon âme est veuve ; mon cœur vieux, « J’avais besoin d’une maîtresse. « Une tombe est un rendez-vous « Comme un autre ; prélassons-nous « Dans une éternelle caresse ! » Je l’embrasse ; elle se défend, Recule et me dit : « Cher enfant, « Attends, rien ne nous presse !… « Gardons-nous pour des temps meilleurs ; « Mais aujourd’hui, je cherche ailleurs « Des amoureux en hécatombe. « Ailleurs, je vais me reposer « Et couper en deux le baiser « D’un ramier et de sa colombe ! « Sois heureux, tu me reverras ; « Sois amoureux, et tu seras « Mûr pour la tombe ! »

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Alphonse Daudet

Alphonse Daudet

@alphonseDaudet

Fanfaronnade Je n’ai plus ni foi ni croyance ! Il n’est pas de fruit défendu Que ma dent n’ait un peu mordu Sur le vieil arbre de science : Je n’ai plus ni foi ni croyance. Mon cœur est vieux ; il a mûri Dans la pensée et dans l’étude ; Il n’est pas de vieille habitude Dont je ne l’aie enfin guéri. Mon cœur est vieux, il a mûri. Les grands sentiments me font rire ; Mais, comme c’est très bien porté, J’en ai quelques uns de côté Pour les jours où je veux écrire Des vers de sentiment…pour rire. Quand un ami me saute au cou, Je porte la main à ma poche ; Si c’est mon parent le plus proche, J’ai toujours peur d’un mauvais coup, Quand ce parent me saute au cou. Veut-on savoir ce que je pense De l’amour chaste et du devoir ? Pour le premier…allez-y voir ; Quant à l’autre, je me dispense De vous dire ce que je pense C’est moi qui me suis interdit Toute croyance par système, Et, voyez, je ne crois pas même Un seul mot de ce que j’ai dit.

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Alphonse Daudet

Alphonse Daudet

@alphonseDaudet

La rêveuse Elle rêve, la jeune femme ! L’œil alangui, les bras pendants, Elle rêve, elle entend son âme, Son âme qui chante au dedans. Tout l’orchestre de ses vingt ans, Clavier d’or aux notes de flamme, Lui dit une joyeuse gamme Sur la clef d’amour du printemps… La rêveuse leva la tête, Puis la penchant sur son poète, S’en fut, lui murmurant tout bas : « Ami, je rêve ; ami, je pleure ; « Ami, je songe que c’est l’heure… « Et que mon coiffeur ne vient pas. »

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Alphonse Daudet

Alphonse Daudet

@alphonseDaudet

La vierge à la crèche Dans ses langes blancs, fraîchement cousus, La vierge berçait son enfant-Jésus. Lui, gazouillait comme un nid de mésanges. Elle le berçait, et chantait tout bas Ce que nous chantons à nos petits anges… Mais l’enfant-Jésus ne s’endormait pas. Étonné, ravi de ce qu’il entend, Il rit dans sa crèche, et s’en va chantant Comme un saint lévite et comme un choriste ; Il bat la mesure avec ses deux bras, Et la sainte vierge est triste, bien triste, De voir son Jésus qui ne s’endort pas. « Doux Jésus, lui dit la mère en tremblant, « Dormez, mon agneau, mon bel agneau blanc. « Dormez ; il est tard, la lampe est éteinte. « Votre front est rouge et vos membres las ; « Dormez, mon amour, et dormez sans crainte. » Mais l’enfant-Jésus ne s’endormait pas. « Il fait froid, le vent souffle, point de feu… « Dormez ; c’est la nuit, la nuit du bon dieu. « C’est la nuit d’amour des chastes épouses ; « Vite, ami, cachons ces yeux sous nos draps, « Les étoiles d’or en seraient jalouses. » Mais l’enfant-Jésus ne s’endormait pas. « Si quelques instants vous vous endormiez, « Les songes viendraient, en vol de ramiers, « Et feraient leurs nids sur vos deux paupières, « Ils viendront ; dormez, doux Jésus. » Hélas ! Inutiles chants et vaines prières, Le petit Jésus ne s’endormait pas. Et marie alors, le regard voilé, Pencha sur son fils un front désolé : « Vous ne dormez pas, votre mère pleure, « Votre mère pleure, ô mon bel ami… » Des larmes coulaient de ses yeux ; sur l’heure, Le petit Jésus s’était endormi.

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Alphonse Daudet

Alphonse Daudet

@alphonseDaudet

Le croup Alors Hérode envoya tuer dans Bethléem Et dans les pays d’alentour les enfants de Deux ans et au-dessous.Saint Matthieu, III. I Dans son petit lit, sous le rayon pâle D’un cierge qui tremble et qui va mourir, L’enfant râle. Quel est le bourreau qui le fait souffrir ? Quel boucher sinistre a pris à la gorge Ce pauvre agnelet que rien ne défend ? Qui l’égorge ? Qui sait égorger un petit enfant ? Sombre nuit ! La chambre est froide. On frissonne. Dans l’âtre glacé fume un noir tison. L’heure sonne. Le vent de la mort court dans la maison. II Aux rideaux du lit la mère s’accroche. Elle est nue. Elle est pâle. Elle défend Qu’on l’approche : Elle veut rester seule avec l’enfant. Son fils ! Il faut voir comme elle lui cause ! « Ami, ne meurs pas. Je te donnerai « Quelque chose ; « Ami, si tu meurs, moi je pleurerai. » Et pour empêcher que l’oiseau s’envole, Elle lui promet du mouron plus frais… Pauvre folle ! Comme si l’oiseau s’envolait exprès. Le père est debout dans l’ombre. Il se cache, Il pleure. On l’entend dire en étouffant : « Ô le lâche « Qui n’ose pas voir mourir son enfant ! » Dans un coin, l’aïeul accroupi par terre Chante une gavotte, et quand on lui dit De se taire, Il répond : « Hé ! hé ! j’endors le petit. » III Le cierge s’éteint près du lit qui sombre… Un râle de mort, un cri de douleur, Et dans l’ombre On entend quelqu’un fuir comme un voleur. Qui va là ? Qui vient d’ouvrir cette porte ?… Courons ! C’est un spectre armé d’un couteau, Il emporte Le petit enfant dans son grand manteau. Oh ! je te connais, – ne cours pas si vite, Massacreur d’enfants ! Je t’ai reconnu Tout de suite À ton manteau rouge, à ton couteau nu. Hérode t’a fait ce legs effroyable. Tu portes sa pourpre et son yatagan. Vas au diable Comme Hérode, spectre, assassin, forban !

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Les bottines Ce bruit charmant des talons qui résonnent sur le parquet : clic ! clac ! est le plus joli thème pour un rondeau. GŒTHE, Wilhelm Meister. I Moitié chevreau, moitié satin, Quand elles courent par la chambre, Clic ! clac ! Il faut voir de quel air mutin Leur fine semelle se cambre. Clic ! Clac ! Sous de minces boucles d’argent, Toujours trottant, jamais oisives, Clic ! clac ! Elles ont l’air intelligent De deux petites souris vives. Clic ! clac ! Elles ont le marcher d’un roi, Les élégances d’un Clitandre, Clic ! clac ! Par là-dessus, je ne sais quoi De fou, de railleur et de tendre. Clic ! clac ! II En hiver au coin d’un bon feu, Quand le sarment pétille et flambe, Clic ! clac ! Elles aiment à rire un peu, En laissant voir un bout de jambe. Clic ! clac ! Mais quoique assez lestes, – au fond, Elles ne sont pas libertines, Clic ! clac ! Et ne feraient pas ce que font La plupart des autres bottines. Clic ! clac ! Jamais on ne nous trouvera, Dansant des polkas buissonnières, Clic ! clac ! Au bal masqué de l’Opéra, Ou dans le casion d’Asnières. Clic ! clac ! C’est tout au plus si nous allons, Deux fois par mois, avec décence, Clic ! clac ! Nous trémousser dans les salons Des bottines de connaissance. Clic ! clac ! Puis quand nous avons bien trotté, Le soir nous faisons nos prières, Clic ! clac ! Avec toute la gravité De deux petites sœurs tourières. Clic ! clac ! III Maintenant, dire où j’ai connu Ces merveilles de miniature, Clic ! clac ! Le premier chroniqueur venu Vous en contera l’aventure. Clic ! clac ! Je vous avouerai cependant Que souventes fois il m’arrive, Clic ! clac ! De verser, en les regardant, Une grosse larme furtive. Clic ! clac ! Je songe que tout doit finir, Même un poème d’humoriste, Clic ! clac ! Et qu’un jour prochain peut venir Où je serai bien seul, bien triste, Clic ! clac ! Lorsque, – pour une fois, Mes oiseaux prenant leur volée, Clic ! clac ! De loin, sur l’escalier de bois, J’entendrai, l’âme désolée : Clic ! clac !

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