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Francis Jammes

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Francis Jammes (prononcer [ʒam] et non [dʒɛms]), né le 2 décembre 1868 à Tournay (Hautes-Pyrénées) et mort le 1er novembre 1938 à Hasparren (Basses-Pyrénées, aujourd'hui Pyrénées-Atlantiques), est un poète et romancier français. Après avoir été refusé au baccalauréat de français, Jammes commence à écrire de la poésie vers 20 ans. Bien qu'il vive à l'écart des cercles littéraires d'avant-garde, il est remarqué par des auteurs parisiens qui l'encouragent, notamment André Gide et Paul Claudel avec qui il se lie d'amitié. Mais il ne reçoit cependant pas le succès qu'il espère, et publie en 1897 un manifeste satirique, le Jammisme, qui est pris au sérieux et fait des émules. Bien qu'il soit enfin reconnu et commenté par la critique, Jammes passe par plusieurs phases de désespoir et de doute, notamment après des échecs amoureux qui lui inspirent des poèmes et des romans. Un tournant majeur a lieu dans sa vie en 1905, lorsqu'il revient à la foi, guidé sur cette voie par Paul Claudel depuis plusieurs années. Ses œuvres sont, à partir de ce moment, empreintes de ferveur catholique. Il épouse en 1907 une de ses admiratrices, avec qui il aura sept enfants. Mais si ses premières œuvres ont toujours du succès auprès des jeunes poètes et sont rééditées, ses œuvres chrétiennes peinent à trouver leur public, étant rejetées à la fois par l'avant-garde et par les lecteurs traditionalistes. Après trente-trois ans passés dans la petite ville d'Orthez, il est contraint de déménager et s'installe en 1921 à Hasparren, au Pays basque. Son succès faiblit en France mais se maintient à l'étranger, principalement dans les pays germaniques. Jammes s'éloigne des milieux parisiens et se montre très critique envers les mouvements modernes, comme le surréalisme. Après un dernier voyage à Paris en 1937, pendant lequel il donne une conférence très bien accueillie par le public et la presse, sa santé décline et il meurt en novembre 1938. Resté en marge des mouvements littéraires, Jammes développe un style caractérisé par sa simplicité dans la forme et le vocabulaire. Se comparant lui-même à un faune, il prône dans ses poèmes une vie simple et proche de la nature, avec une dimension religieuse importante après sa conversion. Il a exercé une grande influence sur les auteurs de son temps, notamment Alain-Fournier, François Mauriac ou Anna de Noailles.

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Poésies

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    Dans le verger… Dans le Verger où sont les arbres de lumière, La pulpe des fruits lourds pleure ses larmes d’or, Et l’immense Bagdad s’alanguit et s’endort Sous le ciel étouffant qui bleuit la rivière. Il est deux heures. Les palais silencieux Ont des repas au fond des grandes salles froides Et Sindbad le marin, sous les tentures roides, Passe l’alcarazas d’un air sentencieux. Mangeant l’agneau rôti, puis les pâtes d’amandes, Tous laissent fuir la vie en écoutant pleuvoir Les seaux d’eau qu’au seuil blanc jette un esclave noir. Les passants curieux lui posent des demandes. C’est Sindbad le marin qui donne un grand repas ! C’est Sindbad, l’avisé marin dont l’opulence Est renommée et que l’on écoute en silence. Sa galère était belle et s’en allait là-bas ! Il sent bon, le camphre et les rares arômes. Sa tête est parfumée et son nez aquilin Tombe railleusement sur sa barbe de lin : Il a la connaissance et le savoir des hommes. Il parle, et le soleil oblique sur Bagdad Jette une braise immense où s’endorment les palmes, Et les convives, tous judicieux et calmes, Écoutent gravement ce que leur dit Sindbad.

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    Il va neiger Il va neiger dans quelques jours. Je me souviens de l’an dernier. Je me souviens de mes tristesses au coin du feu. Si l’on m’avait demandé : qu’est-ce? J’aurais dit : laissez-moi tranquille. Ce n’est rien. J’ai bien réfléchi, l’année avant, dans ma chambre, pendant que la neige lourde tombait dehors. J’ai réfléchi pour rien. À présent comme alors je fume une pipe en bois avec un bout d’ambre. Ma vieille commode en chêne sent toujours bon. Mais moi j’étais bête parce que ces choses ne pouvaient pas changer et que c’est une pose de vouloir chasser les choses que nous savons. Pourquoi donc pensons-nous et parlons-nous? C’est drôle; nos larmes et nos baisers, eux, ne parlent pas et cependant nous les comprenons, et les pas d’un ami sont plus doux que de douces paroles. On a baptisé les étoiles sans penser qu’elles n’avaient pas besoin de nom, et les nombres qui prouvent que les belles comètes dans l’ombre passeront, ne les forceront pas à passer. Et maintenant même, où sont mes vieilles tristesses de l’an dernier? À peine si je m’en souviens. Je dirais : laissez-moi tranquille, ce n’est rien, si dans ma chambre on venait me demander : qu’est-ce?

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    Amie, souviens-Toi... Amie, souviens-toi de ce jour où les prairies étaient de pierre, où les vallées étaient mouillées par la lumière, où les montagnes avaient les teintes de ces liqueurs balsamiques fabriquées par des religieux. C'était au soir et je sentais que s'élargissait mon cœur vers la neige des hauts pics dorés, verts, et des pleurs montaient à mes yeux en songeant au pays de mon enfance, là-bas, vers l'air pur et froid, vers les neiges denses, vers les montagnards, vers les bergers, vers les brebis, vers les chèvres et les chiens gardiens et les flûtes de buis que les mains calleuses rendent luisantes, vers les cloches rauques des troupeaux piétinants, vers les eaux éclusées, vers les tristes jardins, vers les presbytères doux, vers les gamins qui suivaient en chantant les conscrits qui chantaient, vers les eaux d'été, vers les poissons blancs aux ailes rouges, vers la fontaine de la place du village où j'étais un petit garçon triste et sage.

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    Au beau soleil Au beau soleil qui sonnait, de pauvres femmes, au seuil d’une maison pauvre comme mon âme, désignaient quelque chose. On entendait un char. Sur les coteaux marrons le ciel était en nacre comme les écailles d’huîtres en arc-en-ciel. Le chemin grimpait, doux comme un grand sommeil, et les poules chaudes ondulaient dans la poussière, avec, sous les ailes, un roseau en lumière. … Une autre femme à un enfant cherchait des poux. Un coq chantait. Une pie volait. Tout était doux. On allait inoculer de la tuberculine à la pauvre vache qui tousse et qui s’escrime. Les pieux de la haie, près des lierres, étaient roses comme ta bouche, amie aimée à la main douce…

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    Comme un insecte… Comme un insecte, la faucheuse mécanique parcourt le foin. Son cliquetis irrégulier semble accroître la torpeur qui se communique à la vigne et à l’horloge de l’escalier. Laissez-moi ne penser à rien. C’est un ennui que de n’entendre parler que d’appendicite, de Nietzsche, de la Vie, d’on ne sait quoi ensuite. Les cornes des beaux bœufs luisent violemment, et la lumière bleue enflamme le froment. Les roses du jardin ont une odeur terrible, et leurs pétales secs sont de sable torride. Et la lourde écolière ainsi qu’un tournesol s’endort et son atlas est tombé sur le sol.

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    Dans la pâleur embaumée de ce soleil fou… Dans la pâleur embaumée de ce soleil fou, la chapelle des champs, vêtue d'un petit bois, enferme le mystère de clarté et de joie. Son clocher, comme un épi blanc mûr en Août, tout poudroyant de la farine eucharistique, domine les vallons bleus comme des cantiques. Comme une flèche encor, dans le cœur de l'Eté, par l'arc de l'horizon ce clocher est planté. Ce sont quatre tableaux exacts et monotones qui l'entourent et qui reviennent chaque année : C'est le verdissement des buissons et des prés. C'est le roussissement des vaches et des blés. C'est le bleuissement des vignes où il tonne. C'est le noircissement des jours diminués par l'espèce de suie qui tombe des nuées. Et la chapelle a un chapeau de roses jaunes. On peut la voir encor, comme un bateau de pêche, navigant sur les flots luisants du labourage où, parfois, on voit luire l'aile qui se dépêche d'une charrue comme une mouette dans l'orage. Au milieu des champs, dis-je, l'église s'élève. C'est là, entre ces murs pâles comme des grèves, c'est là qu'est le refuge et c'est là qu'est le rêve.

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    Il y avait des carafes… Il y avait des carafes d'eau claire dans le petit jardin noir du ministre protestant, à sa maison qui a un air sévère ; et il y avait aussi de gros verres sur la nappe. Il y avait des feuilles aux contrevents. Le mois de Juin. Sur la petite allée, un morceau de canne à ligne, cassée et en roseau, avait été jeté, et la journée était grise et, comme l'on dit, chargée, et comme quand il doit tomber de grosses gouttes d'eau. Par la fenêtre noire, triste, ouverte, on entendait un piano dans les lauriers luisants. Les petites fenêtres étaient vertes. Là on devait être bien heureux, certes, comme dans livres de Rousseau il y a longtemps.

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    J'ai vu, dans de vieux salons... J'ai vu, dans de vieux salons, des tableaux flamands, où, dans une auberge noire, on voyait un type qui buvait de la bière, et sa très mince pipe avait un point rouge et il fumait doucement. Il avait le nez violet et bonne mine, c'était peut-être un très heureux négociant qui avait des vaisseaux très lourds, des bâtiments pleins de beaux ornements dorés allant en Chine. Il faisait le commerce des draps recherchés, des épices, et devait avoir dans sa chambre des choses drôles, des pipes à gros bout d'ambre, des vestes de femmes turques, de beaux objets. Il avait sans doute une femme rouge et blanche qu'il caressait le soir dans son lit de richard. Et il vivait considéré, se levant tard, pour aller se promener, le poing sur la hanche.

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    J'écris dans un vieux kiosque... J'écris dans un vieux kiosque si touffu qu'il en est humide et, comme un Chinois, j'écoute l'eau du bassin et la voix d'un oiseau — là, près de la chute (chutt! !) d'eau. Je vais allumer ma pipe. Ça y est. J'en égalise la cendre. Puis le souvenir doucement descend en inspiration poétique. « Je suis venu trop tard dans un monde trop vieux » et je m'embête, je m'embête de ne pas assister à une ronde de petites filles aux grands chapeaux étalés. — Cora! tu vas salir le bas de ton pantalon, en touchant à ce vilain chien. Voilà ce qu'eussent dit, dans un soir ancien, les petites filles au bon ton. Elles m'auraient regardé, en souriant, fumer ma pipe tout doucement, et ma petite nièce eût dit gravement : Il rentre faire des vers maintenant. Et ses petites compagnes, sans comprendre, auraient arrêté une seconde le charmantage de leur ronde, croyant que les vers allaient se voir — peut-être. — Il a été à Touggourt, ma chère, eût dit le cercle des écolières plus âgées. Et Nancy eût déclaré : il y a des sauvages et des dromadaires. Puis, j'aurais vu déboucher sur la route le caracolement des ânes de plusieurs messieurs et de plusieurs dames revenant, le soir, d'une cavalcade. Mon cœur, mon cœur, ne retrouveras-tu que dans la mort cet immense amour pour ceux que tu n'as pas connus en ces tendres et défunts jours ?

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    Je ne désire point… Je ne désire point ces ardeurs qui passionnent. Non : elle me sera douce comme l'Automne. Telle est sa pureté que je désirerais qu'elle eût sur son chapeau des narcisses-des-prés. Mais que, si elle doit me donner cette grâce que la blanche vertu rend calme et efficace, et veiller aux travaux ainsi que la fourmi, je la voie au jardin me sourire parmi les carrés de piments que Septembre rougit. Ils me feront penser à mes passions passées. Elle sera le lys qui les a dominées.

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    Je t'aime... Je t'aime et je ne sais ce que je te voudrais. Hier mes jambes douces et claires ont tremblé quand ma gorge t'a touché, lorsque je courais. Moi, le sang a coulé plus fort comme une roue, jusqu'à ma gorge, en sentant tes bras ronds et doux luire à travers ta robe comme des feuilles de houx. Je t'aime et je ne sais pas ce que je voudrais. Je voudrais me coucher et je m'endormirais... La gentiane est bleue et noire à la forêt. Les troupeaux de l'Automne vont aux feuilles jaunes, la tanche d'or à l'eau et la beauté aux femmes et le corps va au corps et l'âme va à l'âme.

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    La paix est dans le bois... La paix est dans le bois silencieux et sur les feuilles en sabre qui coupent l'eau qui coule, l'eau reflète, comme en un sommeil, l'azur pur qui se pose à la pointe dorée des mousses. Je me suis assis au pied d'un chêne noir et j'ai laissé tomber ma pensée. Une grive se posait haut. C'était tout. Et la vie, dans ce silence, était magnifique, tendre et grave. Pendant que ma chienne et mon chien fixaient une mouche qui volait et qu'ils auraient voulu happer, je faisais moins de cas de ma douleur et laissais la résignation calmer tristement mon âme.

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    La salle a manger Il y a une armoire à peine luisante qui a entendu les voix de mes grand'tantes, qui a entendu la voix de mon grand-père, qui a entendu la voix de mon père. A ces souvenirs l'armoire est fidèle. On a tort de croire qu'elle ne sait que se taire, car je cause avec elle. Il y a aussi un coucou en bois. Je ne sais pourquoi il n'a plus de voix. Je ne veux pas le lui demander. Peut-être qu'elle est cassée, la voix qui était dans son ressort, tout bonnement comme celle des morts. Il y a aussi un vieux buffet qui sent la cire, la confiture, la viande, le pain et les poires mûres. C'est un serviteur fidèle qui sait qu'il ne doit rien nous voler. Il est venu chez moi bien des hommes et des femmes qui n'ont pas cru à ces petites âmes. Et je souris que l'on me pense seul vivant quand un visiteur me dit en entrant : — comment allez-vous, monsieur Jammes ?

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    Le calendrier utile Au mois de Mars (le Bélier ?) on sème le trèfle, les carottes, les choux et la luzerne. On cesse de herser, et l'on met de l'engrais au pied des arbres et l'on prépare les carrés. On finit de tailler la vigne où l'on met en place, après l'avoir aérée, les échalas. Pour les bestiaux les rations d'hiver finissent. On ne mène plus, dans les prairies, les génisses qui ont de beaux yeux et que leurs mères lèchent, mais on leur donnera des nourritures fraîches. Les jours croissent d'une heure cinquante minutes. Les soirées sont douces et, au crépuscule, les chevriers traînards gonflent leurs joues aux flûtes. Les chèvres passent devant le bon chien qui agite la queue et qui est leur gardien. Si la pleine lune le veut, la PASSION échoit vers le milieu ou vers la fin de ce beau mois. Ensuite vient le beau dimanche des RAMEAUX. Quand j'étais enfant, on m'y attachait des gâteaux, et j'allais à vêpres, docile et triste. Ma mère disait : dans mon pays il y avait des olives… Jésus pleurait dans le jardin des oliviers… On était allé, en grande pompe, le chercher… À Jérusalem, les gens pleuraient en criant son nom… Il était doux comme le Ciel, et son petit ânon trottinait joyeusement sur les palmes jetées. Des mendiants amers sanglotaient de joie, en le suivant, parce qu'ils avaient la foi… De mauvaises femmes devenaient bonnes en le voyant passer avec son auréole si belle qu'on croyait que c'était le soleil. Il avait un sourire et des cheveux en miel. Il a ressuscité des morts… Ils l'ont crucifié… Je me souviens de cette enfance et des vêpres, et je pleure, le gosier serré, de ne plus être ce tout petit garçon de ces vieux mois de Mars, de n'être plus dans l'église du village où je tenais l'encens à la procession et où j'écoutais le curé dire la PASSION.

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    Le vent triste... Le vent triste souffle dans le parc, comme dans un livre que je lus enfant, où une écolière perdue était hagarde. Le vent. Il va casser, peut-être, le tulipier. Il fait voir le dessous des feuilles blanc du vernis du Japon qu'il semble essuyer, le vent. Le baromètre est descendu subitement. Peut-être que ça va être un ouragan. Il ne peut pas pleuvoir, mais on entend le vent. Dans les livres de prix, monsieur et madame d'Arvan reviendraient en pressant le pas chez eux, vers un château tout bleu malgré le mauvais temps. Le vent. Sortez de ma tête, ô manoirs moisissants où devaient se passer d'étranges adultères, par les temps tristes, en Angleterre. Le vent. Sortez de ma tête, gentilles écolières qui jouiez à cache-cache dans la clairière, et reveniez vers le grenier sombre, à cause du grand vent. Sortez de ma tête, vieux marquis des villes qui, dans les maisons pluvieuses, lisiez Virgile dans des fauteuils à oreillettes, par des temps de vent. Sors de ma tête, ma douce tristesse, et va-t'en vers le coteau fané, va-t'en où va, sur un air un peu Chateaubriand, le vent.

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    Le village à midi Le village à midi. La mouche d’or bourdonne entre les cornes des bœufs. Nous irons, si tu le veux, Si tu le veux, dans la campagne monotone.

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    O mon cœur ! ce sera… O mon cœur ! ce sera dans l'Août bleu et torride. Lasse, vous poserez sur le coffret de buis vos ciseaux où s'accrochera de la lumière. Vous laisserez aller votre taille en arrière. Vous fermerez vos cils sur vos yeux de lavande dont l'Eté semblera parfumer votre chambre. Il sera je ne sais quelle heure après-midi : l'heure où la guêpe en feu va boire dans le puits. J'arriverai, par le grand soleil ébloui. Je vous verrai ainsi, ô ruche pleine d'aube, moulée par le sommeil dans votre chaste robe. Et je m'approcherai tout doucement de vous, et, sans vous déranger, mettrai sur vos genoux des fraises et du pain et du sucre d'abeille. Bientôt, vous éveillant de ce demi-sommeil, vos lèvres écloront sur ces fruits et ce miel comme une rose tendre et toute caressée, ou comme un abricot plein d'encens qui s'entrouvre. O ménagère amie, framboise des forêts, chaperon rouge errant qui se nourrit de baies, ô vous qui par moments à mes yeux évoquez la gravure où Perrette a renversé son lait : vous ne me direz pas combien vous accablait cette sieste où l'Eté fait peser son délire. Vous vous relèverez. Vous me regarderez. Et, pleine d'un sanglot, alors vous sentirez sourire dans mon cœur votre propre sourire.

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    Pour son mariage Dans le petit jardin d'amour de votre vie, avec vos lauriers doux faites une tonnelle où vous reposerez pareil à l'air, et elle comme l'eau de cet air que l'on voit dans le puits. La campagne prie pour vous sa naïveté. Nous vivons orgueilleux loin des choses savantes, mais dans nos pays tristes les vieilles servantes ont le chapelet des chaînes des puits rouillées. Elles l'égrèneront sur l'eau de vos bonheurs. Dans mon royaume je ferai prier pour vous les cris secs des grillons et les poules qui gloussent, gonflées et en cachant leurs petits sur leur cœur. Ainsi, Gide, cachons nos pensées les plus sages comme la poule cache ses petits poussins; et, n'en laissons voir, pour amuser les voisins, qu'une multitude de très petites pattes. Mais toujours dans l'ombre d'amour de la tonnelle, et que vous aurez faite avec vos doux lauriers, la pensée que vous eûtes de vous marier sera dans ces lauriers la rose simple et belle.

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    Prière pour aller au paradis avec les ânes Lorsqu'il faudra aller vers vous, ô mon Dieu, faites que ce soit par un jour où la campagne en fête poudroiera. Je désire, ainsi que je fis ici-bas, choisir un chemin pour aller, comme il me plaira, au Paradis, où sont en plein jour les étoiles. Je prendrai mon bâton et sur la grande route j'irai, et je dirai aux ânes, mes amis : Je suis Francis Jammes et je vais au Paradis, car il n'y a pas d'enfer au pays du Bon Dieu. Je leur dirai : " Venez, doux amis du ciel bleu, pauvres bêtes chéries qui, d'un brusque mouvement d'oreille, chassez les mouches plates, les coups et les abeilles." Que je Vous apparaisse au milieu de ces bêtes que j'aime tant parce qu'elles baissent la tête doucement, et s'arrêtent en joignant leurs petits pieds d'une façon bien douce et qui vous fait pitié. J'arriverai suivi de leurs milliers d'oreilles, suivi de ceux qui portent au flanc des corbeilles, de ceux traînant des voitures de saltimbanques ou des voitures de plumeaux et de fer-blanc, de ceux qui ont au dos des bidons bossués, des ânesses pleines comme des outres, aux pas cassés, de ceux à qui l'on met de petits pantalons à cause des plaies bleues et suintantes que font les mouches entêtées qui s'y groupent en ronds. Mon Dieu, faites qu'avec ces ânes je Vous vienne. Faites que, dans la paix, des anges nous conduisent vers des ruisseaux touffus où tremblent des cerises lisses comme la chair qui rit des jeunes filles, et faites que, penché dans ce séjour des âmes, sur vos divines eaux, je sois pareil aux ânes qui mireront leur humble et douce pauvreté à la limpidité de l'amour éternel.

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    Septembre Le mois de Septembre, expliquent les savants qui ont des bonnets carrés pour voir s'il fait du vent, est soumis au régime de la Balance. À cette époque, les bateaux sur la mer dansent furieusement. Les livres parlent d'équinoxe. J'en ai même vu un où sont des PARADOXES, des écliptiques, des zodiaques et des reflux qui expliquent la terre au moment de Septembre. C'est d'une grande poésie et, dans ma chambre, j'ai vu sur le papier des ronds blancs et noirs, avec des rubans et des rayons emplis d'astres. Et cela fait penser à Christophe Colomb, ce fou sublime qui allait devant lui, et qu'un méchant roi a mis en prison parce que l'ingratitude est la sœur de la jalousie. Maintenant je chanterai les animaux de ce mois, qui sont les mêmes que ceux des autres, je le crois, mais je ne nommerai que les principaux, à cause du papier qui coûte cher aux poètes.

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