splash screen icon Lenndi
splash screen name leendi

Titre : Le calendrier utile

Auteur : Francis Jammes

Au mois de Mars (le Bélier ?) on sème le trèfle, les carottes, les choux et la luzerne. On cesse de herser, et l'on met de l'engrais au pied des arbres et l'on prépare les carrés. On finit de tailler la vigne où l'on met en place, après l'avoir aérée, les échalas. Pour les bestiaux les rations d'hiver finissent. On ne mène plus, dans les prairies, les génisses qui ont de beaux yeux et que leurs mères lèchent, mais on leur donnera des nourritures fraîches. Les jours croissent d'une heure cinquante minutes. Les soirées sont douces et, au crépuscule, les chevriers traînards gonflent leurs joues aux flûtes. Les chèvres passent devant le bon chien qui agite la queue et qui est leur gardien. Si la pleine lune le veut, la PASSION échoit vers le milieu ou vers la fin de ce beau mois. Ensuite vient le beau dimanche des RAMEAUX. Quand j'étais enfant, on m'y attachait des gâteaux, et j'allais à vêpres, docile et triste. Ma mère disait : dans mon pays il y avait des olives… Jésus pleurait dans le jardin des oliviers… On était allé, en grande pompe, le chercher… À Jérusalem, les gens pleuraient en criant son nom… Il était doux comme le Ciel, et son petit ânon trottinait joyeusement sur les palmes jetées. Des mendiants amers sanglotaient de joie, en le suivant, parce qu'ils avaient la foi… De mauvaises femmes devenaient bonnes en le voyant passer avec son auréole si belle qu'on croyait que c'était le soleil. Il avait un sourire et des cheveux en miel. Il a ressuscité des morts… Ils l'ont crucifié… Je me souviens de cette enfance et des vêpres, et je pleure, le gosier serré, de ne plus être ce tout petit garçon de ces vieux mois de Mars, de n'être plus dans l'église du village où je tenais l'encens à la procession et où j'écoutais le curé dire la PASSION.