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Gérard de Nerval

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Gérard Labrunie, dit Gérard de Nerval, est un écrivain et un poète français, né le 22 mai 1808 à Paris, ville où il est mort le 26 janvier 1855. Figure majeure du romantisme français, le « plus pur des écrivains romantiques de la France » selon Georges Gusdorf, il est essentiellement connu pour ses poèmes et ses nouvelles, notamment son ouvrage Les Filles du feu (1854), recueil de nouvelles qui comprend Sylvie et les sonnets Les Chimères, et sa nouvelle Aurélia publiée en 1855. Il a aussi publié un récit de voyage, le Voyage en Orient (1851).

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Poésies

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    À Madame Henri Heine Vous avez des yeux noirs, et vous êtes si belle, Que le poète en vous voit luire l'étincelle Dont s'anime la force et que nous envions : Le génie à son tour embrase toute chose ; Il vous rend sa lumière, et vous êtes la rose Qui s'embellit sous ses rayons.

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    À Madame Sand « Ce roc voûté par art, chef-d’oeuvre d’un autre âge, Ce roc de Tarascon hébergeait autrefois Les géants descendus des montagnes de Foix, Dont tant d’os excessifs rendent sûr témoignage. » O seigneur Du Bartas ! Je suis de ton lignage, Moi qui soude mon vers à ton vers d’autrefois ; Mais les vrais descendants des vieux Comtes de Foix Ont besoin de témoins pour parler dans notre âge. J’ai passé près Salzbourg sous des rochers tremblant ; La Cigogne d’Autriche y nourrit les Milans, Barberousse et Richard ont sacré ce refuge. La neige règne au front de leurs pies infranchis ; Et ce sont, m’a-t-on dit, les ossements blanchis Des anciens monts rongés par la mer du Déluge.

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    Épitaphe Il a vécu tantôt gai comme un sansonnet, Tour à tour amoureux insoucieux et tendre, Tantôt sombre et rêveur comme un triste Clitandre. Un jour il entendit qu'à sa porte on sonnait. C'était la Mort ! Alors il la pria d'attendre Qu'il eût posé le point à son dernier sonnet ; Et puis sans s'émouvoir, il s'en alla s'étendre Au fond du coffre froid où son corps frissonnait. Il était paresseux, à ce que dit l'histoire, Il laissait trop sécher l'encre dans l'écritoire. Il voulait tout savoir mais il n'a rien connu. Et quand vint le moment où, las de cette vie, Un soir d'hiver, enfin l'âme lui fut ravie, Il s'en alla disant : "Pourquoi suis-je venu ?"

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    A béranger Ode Des chants, voilà toute sa vie ! Ainsi qu’un brouillard vaporeux, Le souffle animé de l’envie Glissa sur son coeur généreux Toujours sa plus chère espérance Rêva le bonheur de la France ; Toujours il respecta les lois… Mais les haines sont implacables, Et sur le banc des vils coupables La vertu s’assied quelquefois. Qu’a-t-il fait ? pourquoi le proscrire ? Ah ! c’est encor pour des chansons : Courage ! étouffez la satire, Au lieu d’écouter ses leçons. Quand une secte turbulente, Levant sa tête menaçante, Brave les décrets souverains, Vous restez muets, sans vengeance, Et vous n’usez de la puissance Que pour combattre des refrains… Ô Béranger ! muse chérie ! Toi dont la voix unit toujours Le souvenir de la patrie Au souvenir de tes amours, Tendre ami, poète sublime, Du pouvoir jaloux qui t’opprime Tes nobles chants seront vainqueurs ; Car ils parlent de notre gloire, Et, comme un récit de victoire, Ils ont fait palpiter nos coeurs. Un jour viendra, la France émue Rendra justice à tes vertus ; On verra surgir ta statue… Mais alors tu ne seras plus ! Car un poète,sur la terre Doit lutter contre la misère Et des détracteurs odieux, Jusqu’au jour où, brisant ses chaînes, Le droit vient terminer ses peines Et le placer au rang des dieux. Mais nous que charma son délire Quand il chantait la liberté, Accourons, enfants de la lyre, Devançons la postérité. Pour célébrer notre poète, Pour poser des fleurs sur sa tête, N’attendons pas qu’il ait vécu… Si dans la lutte qui s’engage Son sort doit être l’esclavage, Redisons tous : Gloire au vaincu !

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    A un ami Mon ami, vous me demandez si je pourrais retrouver quelques-uns de mes anciens vers, et vous vous inquiétez même d'apprendre comment j'ai été poète, longtemps avant de devenir un humble prosateur 3. Je vous envoie les trois âges du poète—il n'y a plus en moi qu'un prosateur obstiné. J'ai fait les premiers vers par enthousiasme de jeunesse, les seconds par amour, les derniers par désespoir. La Muse est entrée dans mon cœur comme une déesse aux paroles dorées ; elle s'en est échappée comme une pythie en jetant des cris de douleur. Seulement, ses derniers accents se sont adoucis à mesure qu'elle s'éloignait. Elle s'est détournée un instant, et j'ai revu comme en un mirage les traits adorés d'autrefois La vie d'un poète est celle de tous. Il est inutile d'en définir toutes les phases. Et maintenant : Rebâtissons, ami, ce château périssable Que le souffle du monde a jeté sur le sable, Replaçons le sopka sous les tableaux flamands... *

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    Antéros Tu demandes pourquoi j'ai tant de rage au cœur Et sur un col flexible une tête indomptée ; C'est que je suis issu de la race d'Antée, Je retourne les dards contre le dieu vainqueur.

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    Artémis La Treizième revient... C'est encor la première ; Et c'est toujours la Seule, - ou c'est le seul moment : Car es-tu Reine, ô Toi ! la première ou dernière ? Es-tu Roi, toi le seul ou le dernier amant ? ...

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    Autre rêve J'eus à peine deux heures d'un sommeil tourmenté; je ne revis pas les petits gnomes bienfaisants; ces êtres panthéistes, éclos sur le sol germain, m'avaient totalement abandonné. En revanche, je comparaissais devant un tribunal, qui se dessinait au fond d'une ombre épaisse, imprégnée au bas d'une poussière srolastique. Le président avait un faux air de M. Nisard; les deux assesseurs ressemblaient à M. Cousin et à M. Guizot, mes anciens maîtres. Je ne passais plus, comme autrefois, devant eux mon examen en Sor-bonne. J'allais subir une condamnation capitale. Sur une table étaient étendus plusieurs numéros de Magazines anglais et américains, et une foule de livraisons illustrées à four et à six pence, où apparaissaient vaguement les noms d'Edgar Poe, de Dickens, d'Ains-worth, etc., et trois figures pâles et maigres se dressaient à droite du tribunal, drapées de thèses en latin imprimées sur satin, où je crus distinguer ces noms : Sapienlia, Elhica, Grammalica-. Les trois spectres accusateurs me jetaient ces mots méprisants : « Fantaisiste! réaliste!! essayiste!!! » Je saisis quelques phrases de l'accusation, formulée à l'aide d'un organe qui semblait être celui de M. Patin : « Du réalisme au crime il n'y a qu'un pas; car le crime est essentiellement réaliste. Le fanlaisisme conduit tout droit à l'adoration des monstres. Li'essayisme amène ce faux esprit à pourrir sur la paille humide des cachots. On commence par visiter Paul Niquet, on en vient à adorer une femme à cornes et à chevelure de mérinos, on finit par se faire arrêter à Crespy pour cause de vagabondagf p' dp troubadourisme exagéré!... » J'essayai de répondre : j'invoquai Lucien, Rabp-lais, Érasme et autres fantaisistes classiques. Je sentis alors que je devenais prétentieux Alors, je m'écriai en pleurant : « Confiteor ! plangor .'juro.'... — Je jure de renoncer à ces œuvres maudites par la Sorbonne et par l'Institut : je n'écrirai plus que de l'histoire, de la philosophie, de la philologie et de la statistique... On semble en douter... eh bien, je ferai des romans vertueux et champêtres, je viserai aux prix de poésie, de morale, je ferai des livres contre l'esclavage et pour les enfants, des poèmes didactiques... des tragédies! Des tragédies!... Je vais même en réciter une que j'ai écrite en Seconde, et dont le souvenir me revient... » Les fantômes disparurent en jetant des cris plaintifs.

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    Avril Déjà les beaux jours, – la poussière, Un ciel d’azur et de lumière, Les murs enflammés, les longs soirs ; – Et rien de vert : – à peine encore Un reflet rougeâtre décore Les grands arbres aux rameaux noirs ! Ce beau temps me pèse et m’ennuie. – Ce n’est qu’après des jours de pluie Que doit surgir, en un tableau, Le printemps verdissant et rose, Comme une nymphe fraîche éclose Qui, souriante, sort de l’eau.

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    Chanson gothique Belle épousée, J’aime tes pleurs ! C’est la rosée Qui sied aux fleurs. Les belles choses N’ont qu’un printemps, Semons de roses Les pas du Temps ! Soit brune ou blonde Faut-il choisir ? Le Dieu du monde, C’est le Plaisir.

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    Chant des femmes en illyrie Pays enchanté, C'est la beauté Qui doit te soumettre à ses chaînes. Là-haut sur ces monts Nous triomphons : L'infidèle est maître des plaines. Chez nous, Son amour jaloux Trouverait des inhumaines... Mais, pour nous conquérir, Que faut-il nous offrir ? Un regard, un mot tendre, un soupir !... Ô soleil riant De l'Orient ! Tu fais supporter l'esclavage ; Et tes feux vainqueurs Domptent les cœurs, Mais l'amour peut bien davantage. Ses accents Sont tout-puissants Pour enflammer le courage... À qui sait tout oser Qui pourrait refuser Une fleur, un sourire, un baiser ?

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    Choeur d’amour Ici l’on passe Des jours enchantés ! L’ennui s’efface Aux coeurs attristés Comme la trace Des flots agités. Heure frivole Et qu’il faut saisir, Passion folle Qui n’est qu’un désir, Et qui s’envole Après le plaisir !

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    Dans les bois Au printemps l'oiseau naît et chante : N'avez-vous pas ouï sa voix ?... Elle est pure, simple et touchante, La voix de l'oiseau — dans les bois ! L'été, l'oiseau cherche l'oiselle ; Il aime — et n'aime qu'une fois ! Qu'il est doux, paisible et fidèle, Le nid de l'oiseau — dans les bois ! Puis quand vient l'automne brumeuse, Il se tait... avant les temps froids. Hélas ! qu'elle doit être heureuse La mort de l'oiseau — dans les bois !

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    Delfica La connais-tu, Dafné, cette ancienne romance, Au pied du sycomore, ou sous les lauriers blancs, Sous l’olivier, le myrthe ou les saules tremblants, Cette chanson d’amour… qui toujours recommence ! Reconnais-tu le Temple, au péristyle immense, Et les citrons amers où s’imprimaient tes dents ? Et la grotte, fatale aux hôtes imprudents, Où du dragon vaincu dort l’antique semence. Ils reviendront, ces dieux que tu pleures toujours ! Le temps va ramener l’ordre des anciens jours ; La terre a tressailli d’un souffle prophétique… Cependant la sibylle au visage latin Est endormie encor sous l’arc de Constantin : – Et rien n’a dérangé le sévère portique.

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    Le temps I Le Temps ne surprend pas le sage ; Mais du Temps le sage se rit, Car lui seul en connaît l’usage ; Des plaisirs que Dieu nous offrit, Il sait embellir l’existence ; Il sait sourire à l’espérance, Quand l’espérance lui sourit. II Le bonheur n’est pas dans la gloire, Dans les fers dorés d’une cour, Dans les transports de la victoire, Mais dans la lyre et dans l’amour. Choisissons une jeune amante, Un luth qui lui plaise et l’enchante ; Aimons et chantons tour à tour ! III  » Illusions ! vaines images ! «  Nous dirons les tristes leçons De ces mortels prétendus sages Sur qui l’âge étend ses glaçons ; «   » Le bonheur n’est point sur la terre, Votre amour n’est qu’une chimère, Votre lyre n’a que des sons ! «  IV Ah ! préférons cette chimère A leur froide moralité ; Fuyons leur voix triste et sévère ; Si le mal est réalité, Et si le bonheur est un songe, Fixons les yeux sur le mensonge, Pour ne pas voir la vérité. V Aimons au printemps de la vie, Afin que d’un noir repentir L’automne ne soit point suivie ; Ne cherchons pas dans l’avenir Le bonheur que Dieu nous dispense ; Quand nous n’aurons plus l’espérance, Nous garderons le souvenir. VI Jouissons de ce temps rapide Qui laisse après lui des remords, Si l’amour, dont l’ardeur nous guide, N’a d’aussi rapides transports : Profitons de l’adolescence, Car la coupe de l’existence Ne pétille que sur ses bords ! (1824)

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    El desdichado Je suis le Ténébreux, – le Veuf, – l'Inconsolé, Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie : Ma seule Etoile est morte, – et mon luth constellé Porte le Soleil noir de la Mélancolie. Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m'as consolé, Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie, La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé, Et la treille où le Pampre à la Rose s'allie. Suis-je Amour ou Phébus ? … Lusignan ou Biron ? Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ; J'ai rêvé dans la Grotte où nage la sirène… Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron : Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.

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    Espagne Mon doux pays des Espagnes Qui voudrait fuir ton beau ciel, Tes cités et tes montagnes, Et ton printemps éternel ? Ton air pur qui nous enivre, Tes jours, moins beaux que tes nuits, Tes champs, où Dieu voudrait vivre S’il quittait son paradis. Autrefois ta souveraine, L’Arabie, en te fuyant, Laissa sur ton front de reine Sa couronne d’Orient ! Un écho redit encore A ton rivage enchanté L’antique refrain du Maure : Gloire, amour et liberté !

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    Fantaisie Il est un air pour qui je donnerais Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber, Un air très-vieux, languissant et funèbre, Qui pour moi seul a des charmes secrets. Or, chaque fois que je viens à l'entendre, De deux cents ans mon âme rajeunit : C'est sous Louis treize; et je crois voir s'étendre Un coteau vert, que le couchant jaunit, Puis un château de brique à coins de pierre, Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs, Ceint de grands parcs, avec une rivière Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs ; Puis une dame, à sa haute fenêtre, Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens, Que dans une autre existence peut-être, J'ai déjà vue… et dont je me souviens !

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    Gaieté Petit piqueton de Mareuil, Plus clairet qu’un vin d’Argenteuil, Que ta saveur est souveraine ! Les Romains ne t’ont pas compris Lorsqu’habitant l’ancien Paris Ils te préféraient le Surène. Ta liqueur rose, ô joli vin ! Semble faite du sang divin De quelque nymphe bocagère ; Tu perles au bord désiré D’un verre à côtes, coloré Par les teintes de la fougère. Tu me guéris pendant l’été De la soif qu’un vin plus vanté M’avait laissé depuis la veille ; Ton goût suret, mais doux aussi, Happant mon palais épaissi, Me rafraîchit quand je m’éveille. Eh quoi ! si gai dès le matin, Je foule d’un pied incertain Le sentier où verdit ton pampre !… – Et je n’ai pas de Richelet Pour finir ce docte couplet… Et trouver une rime en ampre.

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    La sérénade — Oh ! quel doux chant m’éveille ? — Près de ton lit je veille, Ma fille ! et n’entends rien… Rendors-toi, c’est chimère ! — J’entends dehors, ma mère, Un chœur aérien ! — Ta fièvre va renaître. — Ces chants de la fenêtre Semblent s’être approchés. — Dors, pauvre enfant malade, Qui rêves sérénade… Les galants sont couchés ! — Les hommes ! que m’importe ? Un nuage m’emporte… Adieu le monde, adieu ! Mère, ces sons étranges C’est le concert des anges Qui m’appellent à Dieu !

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    Horus Le dieu Kneph en tremblant ébranlait l'univers : Isis, la mère, alors se leva sur sa couche, Fit un geste de haine à son époux farouche, Et l'ardeur d'autrefois brilla dans ses yeux verts. « Le voyez-vous, dit-elle, il meurt, ce vieux pervers, Tous les frimas du monde ont passé par sa bouche, Attachez son pied tors, éteignez son œil louche, C'est le dieu des volcans et le roi des hivers ! L'aigle a déjà passé, l'esprit nouveau m'appelle, J'ai revêtu pour lui la robe de Cybèle... C'est l'enfant bien-aimé d'Hermès et d'Osiris ! » La déesse avait fui sur sa conque dorée, La mer nous renvoyait son image adorée, Et les cieux rayonnaient sous l'écharpe d'Iris.

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    L'enfance Qu'ils étaient doux ces jours de mon enfance Où toujours gai, sans soucis, sans chagrin, je coulai ma douce existence, Sans songer au lendemain. Que me servait que tant de connaissances A mon esprit vinssent donner l'essor, On n'a pas besoin des sciences, Lorsque l'on vit dans l'âge d'or ! Mon cœur encore tendre et novice, Ne connaissait pas la noirceur, De la vie en cueillant les fleurs, Je n'en sentais pas les épines, Et mes caresses enfantines Étaient pures et sans aigreurs. Croyais-je, exempt de toute peine Que, dans notre vaste univers, Tous les maux sortis des enfers, Avaient établi leur domaine ? Nous sommes loin de l'heureux temps Règne de Saturne et de Rhée, Où les vertus, les fléaux des méchants, Sur la terre étaient adorées, Car dans ces heureuses contrées Les hommes étaient des enfants.

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    La cousine L’hiver a ses plaisirs ; et souvent, le dimanche, Quand un peu de soleil jaunit la terre blanche, Avec une cousine on sort se promener… – Et ne vous faites pas attendre pour dîner, Dit la mère. Et quand on a bien, aux Tuileries, Vu sous les arbres noirs les toilettes fleuries, La jeune fille a froid… et vous fait observer Que le brouillard du soir commence à se lever. Et l’on revient, parlant du beau jour qu’on regrette, Qui s’est passé si vite… et de flamme discrète : Et l’on sent en rentrant, avec grand appétit, Du bas de l’escalier, – le dindon qui rôtit.

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    La gloire Le temps, comme un torrent, roule sur les cités ; Rien n'échappe à l'effort de ses flots irrités : En vain quelques vieillards, sur le bord du rivage, Derniers et seuls débris qui restent d'un autre âge, Roidissant contre lui leur effort impuissant, S'attachent, comme un lierre, au siècle renaissant : De leurs corps un moment le flot du temps se joue, Et, sans les détacher, les berce et les secoue ; Puis bientôt, tout gonflés d'un orgueil criminel, Les entraîne sans bruit dans l'abîme éternel. Ô chimère de l'homme ! ô songe de la vie ! Ô vaine illusion, d'illusions suivie ! Qu'on parle de grandeur et d'immortalité... Mortels, pourquoi ces bruits de votre vanité ? Qu'est-ce ? Un roi qui s'éteint, un empire qui tombe ? Un poids plus ou moins lourd qu'on jette dans la tombe... À de tels accidents, dont l'homme s'est troublé, Le ciel s'est-il ému ? le sol a-t-il tremblé ?... Non, le ciel est le même, et dans sa paix profonde N'a d'aucun phénomène épouvanté le monde : Eh ! qu'importe au destin de la terre et des cieux Que le sort ait détruit un peuple ambitieux, Ou bien qu'un peu de chair d'un puissant qu'on révère Ait d'un nouvel engrais fertilisé la terre ! Et vous croyez, mortels, que Dieu, par ses décrets, Règle du haut des cieux vos petits intérêts, Et choisissant en vous des vengeurs, des victimes, Prend part à vos vertus aussi bien qu'à vos crimes, Vous montre tour à tour ses bontés, son courroux, Vous immole lui-même, ou s'immole pour vous ?... Ô vanité de l'homme, aveuglement stupide, D'un atome perdu dans les déserts du vide, Qui porte jusqu'aux cieux sa faible vanité, Et veut d'un peu plus d'air gonfler sa nullité ! Hélas ! dans l'univers, tout passe, tout retombe Du matin de la vie à la nuit de la tombe ! Nous voyons, sans retour, nos jours se consumer, Sans que le flambeau mort puisse se rallumer ; Tout meurt, et le pouvoir, et le talent lui même, Ainsi que le vulgaire, a son heure suprême. Une idée a pourtant caressé mon orgueil, Je voudrais qu'un grand nom décore mon cercueil ; Tout ce qui naît s'éteint, il est vrai, mais la gloire Ne meurt pas tout entière, et vit dans la mémoire ; Elle brave le temps, aux siècles révolus Fait entendre les noms de ceux qui ne sont plus ; Et, quand un noble son dans les airs s'évapore, Elle est l'écho lointain qui le redit encore. Il me semble qu'il est un sort bien glorieux : C'est de ne point agir comme ont fait nos aïeux, De ne point imiter, dans la commune ornière, Des serviles humains la marche moutonnière. Un cœur indépendant, d'un feu pur embrasé, Rejette le lien qui lui fut imposé, Va, de l'humanité lavant l'ignominie, Arracher dans le ciel ces dons qu'il lui dénie, S'élance, étincelant, de son obscurité, Et s'enfante lui même à l'immortalité. Dans mon esprit charmé, revenez donc encore Douces illusions que le vulgaire ignore : Ah ! laissez quelque temps résonner à mon cœur Ces sublimes pensers de gloire et de grandeur ; Laissez-moi croire enfin, si le reste succombe, Que je puis arracher quelque chose à la tombe, Que, même après ma mort, mon nom toujours vivant, Dans la postérité retentira souvent ; Puisque ce corps terrestre est fait pour la poussière, Et qu'il faut le quitter au bout de la carrière, Qu'un rayon de la gloire, à tous les yeux surpris, Comme un flambeau des temps, luise sur ses débris. Il me semble en effet que je sens dans mon âme La dévorante ardeur d'une céleste flamme, Quelque chose de beau, de grand, d'audacieux, Qui dédaigne la terre et qui remonte aux cieux : Quelquefois, dans le vol de ma pensée altière, Je veux abandonner la terrestre poussière ; Je veux un horizon plus pur, moins limité, Où l'âme, sans efforts, respire en liberté ; Mais, dans le cercle étroit de l'humaine pensée, L'âme sous la matière est toujours affaissée, Et, sitôt qu'il veut prendre un essor moins borné, L'esprit en vain s'élance, il se sent enchaîné. Puisqu'à l'humanité notre âme est asservie, Et qu'il nous faut payer un tribut à la vie, Choisissons donc au moins la plus aimable erreur, Celle qui nous promet un instant de douceur. Oh ! viens me consoler, amour, belle chimère ! Emporte mes chagrins sur ton aile légère ; Et si l'illusion peut donner le bonheur, Remplis-en, combles-en le vide de mon cœur ! Je ne te connais pas, amour,... du moins mon âme N'a jamais éprouvé ton ardeur et la flamme Il est vrai que mon cœur, doucement agité, En voyant une belle a souvent palpité ; Mais je n'ai point senti, d'un être vers un être, L'irrésistible élan que tous doivent connaître ; De repos, de bonheur, mon esprit peu jaloux, Jusqu'ici, se livrant à des rêves moins doux, Poursuivit une idée encor plus illusoire, Et mon cœur n'a battu que pour le mot de gloire. Suprême déité, reine de l'univers, Gloire, c'est ton nom seul qui m'inspira des vers, Qui ralluma mon cœur d'une plus vive flamme, Et dans un air plus pur fit respirer mon âme ; J'aimai, je désirai tes célestes attraits, Tes lauriers immortels, et jusqu'à tes cyprès. On parle des chagrins qu'à tes amants tu donnes, Et des poisons mêlés aux fleurs de tes couronnes ; Mais qui peut trop payer tes transports, tes honneurs ? Un seul de tes regards peut sécher bien des pleurs. Qu'importe que l'orgueil des nullités humaines Voue à de froids dédains nos travaux et nos peines, Qu'importent leurs clameurs, si la postérité Nous imprime le sceau de l'immortalité, Si son arrêt plus sûr nous illustre et nous venge : Tandis que le Zoïle, au milieu de sa fange, Traînant dans l'infamie un nom déshonoré, Jette en vain les poisons dont il est dévoré. Si la vie est si courte et nous paraît un songe, La gloire est éternelle et n'est pas un mensonge ; Car sans doute il est beau d'arracher à l'oubli Un nom qui, sans honneur, serait enseveli, De pouvoir dire au temps : « Je brave ton empire, Respecte dans ton cours mes lauriers et ma lyre, Je suis de tes fureurs l'impassible témoin, Toute ma gloire est là : tu n'iras pas plus loin. »

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    La Grand'mère Voici trois ans qu'est morte ma grand'mère, La bonne femme, — et, quand on l'enterra, Parents, amis, tout le monde pleura D'une douleur bien vraie et bien amère. Moi seul j'errais dans la maison, surpris Plus que chagrin ; et, comme j'étais proche De son cercueil, — quelqu'un me fit reproche De voir cela sans larmes et sans cris. Douleur bruyante est bien vite passée : Depuis trois ans, d'autres émotions, Des biens, des maux, — des révolutions, — Ont dans les murs sa mémoire effacée. Moi seul j'y songe, et la pleure souvent ; Depuis trois ans, par le temps prenant force, Ainsi qu'un nom gravé dans une écorce, Son souvenir se creuse plus avant !

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    La mort de l'exilé Toi qui semblas un dieu, quoique fils de la terre, Qui pourra de ta vie expliquer le mystère? Un matin, tu brillas comme un soleil nouveau, Mais, le soir, las enfin de lasser la victoire, Trop chargé de grandeurs, de triomphe, de gloire, Tu roulas contre un roc avec ton lourd fardeau 8. Là, tu viens de t'asseoir, et ta tâche 8 est finie : Du crêpe de la nuit la terre est rembrunie; Au repos bienfaisant tu vas enfin céder... Jusqu'à ce que la voix du maître qui t'éveille A la fin de la nuit vienne te demander Compte du travail de la veille. Mais, avant d'accueillir ce sommeil précieux, Vers le jour qui n'est plus tu reportes les yeux, Et ton esprit, plongeant dans ta course passée, Tantôt veut secouer un triste souvenir, Tantôt d'un plus brillant aime à s'entretenir, Et semble en écouter l'enivrante * pensée. Dont les premiers essais étonnaient l'univers? Et toi, que pensas-tu, quand, battu par l'orage, Tu te vis, de si loin, jeté sur le rivage, Comme un débris vomi par l'écume des mers? Mais pourquoi par le temps laisser ronger tes armes? Pourquoi laisser couler ton âme dans les larmes? Reprends le glaive encor, sors de ton long repos! N'as-tu donc plus le bras qui lance le tonnerre? N'as-tu plus le sourcil qui fait trembler la terre? N'as-tu plus le regard qui produit les héros? Lève-toi! c'est assez gémir dans le silence! De tes lâches gardiens crains-tu la vigilance? Ces vaincus d'autrefois ne te connaissent plus : Mais redeviens toi-même, et reparais leur maître!... Ils gardent sans effroi ce que tu semblés être, Et s'enfuiront encor devant ce que tu fus ! Mais ton âme n'a plus sa brûlante * énergie, Ton talisman sans force a perdu sa magie, Et les fers ont usé ta vie et ton ardeur : Ainsi le roi des bois devient doux et docile, Et se laisse guider par le chasseur habile, Qui sut enchaîner sa fureur 2. Tu n'es plus à présent qu'un mortel ordinaire, Faible dans l'infortune et sensible aux malheurs ; Plus d'encens! plus d'autels pour l'enfant de la terre... On ne peut désormais t'accorder que des pleurs ! Il fallait rester grand en restant à ta place ; Au lieu de te plier 3, te briser sous le sort, Tu pouvais en héros défier sa menace : N'avais-tu pas toujours * un asile?... la mort! La mort, mais elle est là : c'est Dieu qui te rappelle; Il va te délivrer de l'écorce mortelle Qui cachait ton âme de feu B : Lui seul peut prononcer l'éloge ou l'anathème. Quand sur les rois détruits tu régnais, dieu toi-même ; Songeais-tu qu'il était un Dieu? Maintenant tu frémis, et ta vue incertaine Sonde l'éternité; Et ton œil, égaré dans la céleste plaine, Pénètre avec horreur dans son immensité. Ne crains rien! notre Dieu, c'est un Dieu La clémence qui l'environne, Et son éternelle bonté, Sont sa plus brillante couronne, Le plus bel attribut de sa divinité. Il te pardonnera ; qu'importe que sur terre Il t'ait vu consumer un temps si précieux, A ramasser en tas quelque peu de poussière... Que le souffle du Nord fit voler dans tes yeux. La mort vient. — Et, semblable à la mourante flamme, Dans ton cœur défaillant tu sens trembler ton âme, Et tes cils, tout chargés du long sommeil des morts *, Vacillent sur tes yeux, s'abaissent; tu t'endors!2 — Adieu! — Mais, en quittant sa dépouille 3 grossière, Ton âme arrête encor et se porte en arrière; Tu crains... que peux-tu craindre au moment du trépas? Non, personne jamais n'occupera ta place; Eh! quel fils de la terre osera, sur ta trace, S'élancer jusqu'aux cieux pour retomber si bas? O vous * qu'il étonna dans sa noble carrière, Contemplez le héros au moment du sommeil; De sa chute on le vit se relever naguère... Mais, hélas! cette fois, c'est sa chute dernière, Et son repos tardif n'aura plus de réveil. Ah! contemplez encore au moment qu'il expire, Cette tête où siégea le destin d'un empire, Cette bouche où tonna sa formidable voix, Ce front vaste, foyer de ses projets immenses, Cette main dont l'effort écrasait des puissances, Elevait des guerriers, ou pesait sur des rois. Mais sa bouche est muette, et sa main impuissante. Son front n'enferme plus une pensée ardente, Et, puisque le grand homme est au séjour des morts, II n'en restera plus bientôt que la mémoire... Et le ver du cercueil aura rongé son corps, Quand l'Envie à son tour voudra ronger sa gloire. Dans le triste réduit où le roi prisonnier Après tant de chagrins exhala l'existence, Les preux, frappés encor de son accent dernier*, Les yeux fixés sur lui, gémissent en silence; Mais aux portes s'entend un bruit long et confus; Soudain la Renommée embouche la trompette; L'écho redit ses sons, et partout il répète Ces mots : // n'est plus! il n'est plus! N'est-ce qu'un bruit trompeur et l'accent du mensonge?... Sans le croire on l'entend : mais le bruit se prolonge, Le temps, comme un vain son, ne l'a point dissipé, Et sur tant de grandeur la mort a donc frappé! Les uns ont tressailli d'une barbare joie ; D'autres, pleurant sa perte, au chagrin sont en proie; Quelques-uns même encor ne peuvent consentir A croire un coup du sort qu'ils étaient loin de craindre : « Comme si le soleil pouvait jamais s'éteindre, Et comme si le dieu pouvait jamais mourir! »] Il n'est plus ; mais la gloire a droit de le défendre Du blâme qui souvent plane autour des tombeaux, Le grand homme en mourant a couvert ses défauts Du rapide laurier qui grandit sur sa cendre. Quoique, ressortant plus sur un fond radieux. Des faiblesses sans doute entachent sa mémoire, Honte a vous qui voulez rabaisser cette gloire Dont l'éclat aveugla vos yeux : Ne portez pas si haut ces yeux faits pour la terre ; Reptiles impuissants, rampez dans la poussière... L'aigle était dans les cieuxl Avant sa mort, craignant un revers de fortune, L'Europe, mesurant le long gouffre des mers Et la lenteur * d'une vie importune. Frémissait au bruit de ses fers. Mais, le champ désormais étant libre à l'injure, Ta s mémoire est en butte à des flots d'imposture; Des nocturnes oiseaux les lamentables cris Viennent insulter l'aigle à son heure dernière, Comme un vent empesté, planent sur ses débris, Et croassent longtemps autour de sa poussière. « Il n'est plus 8, disent-ils, ce tyran des mortels ; Dans un honteux exil à son tour il succombe, Ce lâche contempteur des ordres éternels, Qui voulait de la terre obtenir des autels, Et qui n'en obtient7 qu'une tombe. « Le hasard, ce seul Dieu qu'il voulût adorer, De la coupe des biens se plut à l'enivrer; Mais il la vida tout entière; Alors sa fortune cessa; Puis il l'emplit du sang des peuples de la terre Et la coupe se renversa ! « Comme un songe d'Enfer, il pesait sur le monde, Balayait en passant son espoir renversé, Ainsi qu'un vent du nord dans la plaine féconde, Promenant son souffle glacé. La palme qu'il portait était toute sanglante, Les x guirlandes étaient des fers ; « Et son sceptre imprimait une tache infamante Au front des rois de l'univers; Sa gloire qui brûlait la terre palpitante, Était de sang toute fumante, Et ses rayons de feu 2 n'étaient que des éclairs. « Mais les hivers du Nord arrêtèrent sa rage, Le tonnerre au néant le força de rentrer, La mer le revomit dans une île sauvage, Où le sol le porta... mais pour le dévorer. « Tigre 3 cruel, l'horreur de toute la nature, Dans un étroit cachot l'on sut te captiver. Là, tu viens d'expirer 4 faute de nourriture; Car il t'aurait fallu tout le monde en pâture, Et tout le sang pour t'abreuver! » En insultes ainsi déborde l'impudence! Mais un autre motif le guidait aux combats Que celui de régner sur de vastes États : Ce fut par le désir d'une juste défense 5, Par celui de venger et d'agrandir la France, Qu'il remplit vingt pays des flots de ses soldats. Cependant, si toujours à conquérir la terre, A rabaisser l'orgueil de ses puissants rivaux, Il eût borné tous ses travaux, Sans doute il n'eût été qu'un conquérant vulgaire Mais il fut des talents et le guide et l'appui; Il encourageait le génie, Ornait de monuments la France rajeunie, Et les arts régnaient avec lui. Admirez en tous lieux ces superbes portiques, Ces monuments sacrés 8, ces palais magnifiques, Dont il remplissait ses États ; II fut grand dans la paix comme dans la victoire ; 0 Français, contemplez ces colonnes de gloire, Dont le bronze orgueilleux retrace vos combats : Gloire au législateur! il terrasse le crime, Il montre à l'innocence un sévère vengeur, Et Thémis, reprenant son pouvoir qu'il ranime, Entoure le héros d'une sainte splendeur 1 Gloire 2 à lui qui fut grand, et de toutes les gloires, A lui qui nous combla de maux et de bienfaits, A lui qui fut vainqueur de toutes les victoires, Mais ne put se vaincre jamais! Extrême en ses grandeurs comme en ses petitesses 3, N'allons pas comparer à César, à Sylla, Dans ses vertus ou ses faiblesses, Ce qu'il fut... ou ce qu'il sembla; N'égalons donc à rien celui que rien n'égale; Qu'il tombât dans l'abîme, ou volât au soleil, Sur un rocher désert, dans la pourpre royale, Ou plus haut, ou plus bas, il était sans pareil! Le superbe tombeau qu'il fit jadis construire, Ainsi que son immense empire, Est demeuré vide de lui : On tailla dans le roc sa demeure dernière, Et sous une modeste pierre Sa cendre repose aujourd'hui. Mais ses gloires, toujours aux nôtres enchaînées, Lui promettent un nom qui ne doit pas finir, Monument éternel, enfant du souvenir, Qui ne croulera pas sous le poids des années, Mais grandira dans l'avenir!

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    Gérard de Nerval

    Gérard de Nerval

    @gerardDeNerval

    Les cydalises Où sont nos amoureuses ? Elles sont au tombeau. Elles sont plus heureuses, Dans un séjour plus beau ! Elles sont près des anges, Dans le fond du ciel bleu, Et chantent les louanges De la mère de Dieu !

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    Gérard de Nerval

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    @gerardDeNerval

    La tête armée Napoléon mourant vit une Tête armée… Il pensait à son fils déjà faible et souffrant : La Tête, c’était donc sa France bien-aimée, Décapitée aux pieds du César expirant. Dieu, qui jugeait cet homme et cette renommée, Appela Jésus-Christ ; mais l’abîme s’ouvrant, Ne rendit qu’un vain souffle, un spectre de fumée : Le Demi-Dieu, vaincu, se releva plus grand. Alors on vit sortir du fond du purgatoire Un jeune homme inondé des pleurs de la Victoire, Qui tendit sa main pure au monarque des cieux ; Frappés au flanc tous deux par un double mystère, L’un répandait son sang pour féconder la Terre, L’autre versait au ciel la semence des dieux !

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    Gérard de Nerval

    Gérard de Nerval

    @gerardDeNerval

    Le ballet des heures Les heures sont des fleurs l’une après l’autre écloses Dans l’éternel hymen de la nuit et du jour ; Il faut donc les cueillir comme on cueille les roses Et ne les donner qu’à l’amour. Ainsi que de l’éclair, rien ne reste de l’heure, Qu’au néant destructeur le temps vient de donner ; Dans son rapide vol embrassez la meilleure, Toujours celle qui va sonner. Et retenez-la bien au gré de votre envie, Comme le seul instant que votre âme rêva ; Comme si le bonheur de la plus longue vie Était dans l’heure qui s’en va. Vous trouverez toujours, depuis l’heure première Jusqu’à l’heure de nuit qui parle douze fois, Les vignes, sur les monts, inondés de lumière, Les myrtes à l’ombre des bois. Aimez, buvez, le reste est plein de choses vaines ; Le vin, ce sang nouveau, sur la lèvre versé, Rajeunit l’autre sang qui vieillit dans vos veines Et donne l’oubli du passé. Que l’heure de l’amour d’une autre soit suivie, Savourez le regard qui vient de la beauté ; Être seul, c’est la mort ! Être deux, c’est la vie ! L’amour c’est l’immortalité !

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    Gérard de Nerval

    Gérard de Nerval

    @gerardDeNerval

    Le cabaret de la Mère Saguet Jamais les gens de lettres ne furent plus graves qu'en ce temps-ci : soit qu'ils aient compris dans leur état une plus haute vocation que celle de plaire et de faire rire, soit qu'ils veuillent que leur conduite ne démente pas leurs écrits, soit qu'ils cachent mieux qu'autrefois leur vie privée, toujours est-il que l'on n'entend plus parler de ces joyeux repas, de ces délicieuses orgies que les auteurs célèbres des deux derniers siècles ont immortalisés entre la poire et le fromage : heureux âge, dont les jours de folie occuperont la postérité!... Oh! qui nous revaudra le souper d'Auteuil et la nuit de Piron chez le commissaire, et la vraie chanson de lable, et les comédies au gros sel, et le Théâtre de la Foire! Nous avons la grande élégie du xixe siècle, nous avons le drame, nous avons la comédie du Gymnase : d'un côté, la mélancolie rêveuse de l'homme qui ne s'enivre jamais; de l'autre, la froide plaisanterie de bon ton de l'homme des cafés et des restaurants... Vivent les cabarets, mordieu!... vous verrez qu'on y reviendra! Allez donc, avec des amis, passer votre soirée au café Procope : ohl l'ennuyeuse et sotte chose! Les uns se jettent sur les journaux, les autres organisent une poule au billard; pas de conversation gaie et bruyante, pas de ces bons éclats de rire qui vous fendent la bouche jusqu'aux oreilles; autrement, le garçon viendrait poliment vous prier de faire moins de bruit; cela interrompt les lecteurs de journaux, cela distrait les habitués qui font leur partie... Tarare! je veux, moi, être de bonne humeur! . Or, savez-vous où tend ce préambule?... à vous parler d'une tentative que font, en ce moment, quelques jeunes gens de rétablir l'usage antique et solennel des cabarets, et ceci, ne riez pas, ceci vaut au moins les barbes à la Henri III et tant d'autres inventions imitées de l'ancien régime. Si, quelque soir, il vous prend fantaisie de faire une promenade hors barrière, et qu'en revenant tard vous entendiez des rieurs et des chanteurs mener grand bruit dans l'intérieur de quelque cabaret borgne de la chaussée du Mont-Parnasse, vous monterez au plus haut du pavé, fixant les yeux aux fenêtres et vous dressant, pour voir, sur la pointe des pieds : ce sont, direz-vous, des ouvriers en goguette l et vous poursuivrez votre route... Non, arrêtez-vous,-entrez au grand salon, et vous y trouverez, autour de la table du milieu, chargée de pots, de cigares et de quelques coins de fromage, à la lueur de trois chandelles bien espacées, vous trouverez une vingtaine de messieurs bien mis, au front haut et à l'œil pétillant, tous buvant et s'enivrant d'aussi bonne grâce que Chapelle et Panard, quoique avec moins d'habitude, il est vrai. Écoutez-les un peu; faites comme les hôtes ordinaires du lieu, assis alentour, aux petites tables, et tout émerveillés de ne rien comprendre à ce beau parler; écoutez, dis-je, et, au travers de ce tumulte trivial et délirant, vous saisirez par éclairs une conversation qui est quelque chose de plus que spirituelle, des pensées hardies et profondes, des vues d'art développées avec génie... C'est que ces hommes sont vraiment des artistes célèbres, des écrivains dont la France s'honore et qui sont venus au cabaret comme Hoffmann; qui sait?... peut-être pour voir aussi l'idéal et le fantastique de leur art se dessiner dans les nuages de fumée de tabac, ou apparaître parmi les vapeurs de l'ivresse... Ils se sont mis tous en rapport, comme par le magnétisme, afin d'avoir des rêves de l'avenir, choquant ensemble leurs rêves et leurs pensées, pour en faire jaillir la lumière... ou encore... Eh bien! oui, riez, gens du monde, riez, car vous ne comprenez pas... Vous serez allés, ce soir-là même, rendre visite à quelques-uns de ces hommes illustres, vous vous serez présentés chez une puissance littéraire du siècle, osant à peine poser le pied à terre, et le corps humblement plié en deux... et la dame de la maison vous aura répondu : « Monsieur... est au cabaret. » Entendez-vous, bonnes gens? au cabaret!

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