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Gérard de Nerval

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Gérard Labrunie, dit Gérard de Nerval, est un écrivain et un poète français, né le 22 mai 1808 à Paris, ville où il est mort le 26 janvier 1855. Figure majeure du romantisme français, le « plus pur des écrivains romantiques de la France » selon Georges Gusdorf, il est essentiellement connu pour ses poèmes et ses nouvelles, notamment son ouvrage Les Filles du feu (1854), recueil de nouvelles qui comprend Sylvie et les sonnets Les Chimères, et sa nouvelle Aurélia publiée en 1855. Il a aussi publié un récit de voyage, le Voyage en Orient (1851).

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Poésies

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    Le Christ aux oliviers Dieu est mort ! le ciel est vide… Pleurez ! enfants, vous n’avez plus de père ! I Quand le Seigneur, levant au ciel ses maigres bras Sous les arbres sacrés, comme font les poètes, Se fut longtemps perdu dans ses douleurs muettes, Et se jugea trahi par des amis ingrats ; Il se tourna vers ceux qui l’attendaient en bas Rêvant d’être des rois, des sages, des prophètes… Mais engourdis, perdus dans le sommeil des bêtes, Et se prit à crier : « Non, Dieu n’existe pas ! » Ils dormaient. « Mes amis, savez-vous la nouvelle ? J’ai touché de mon front à la voûte éternelle ; Je suis sanglant, brisé, souffrant pour bien des jours ! « Frères, je vous trompais : Abîme ! abîme ! abîme ! Le dieu manque à l’autel où je suis la victime… Dieu n’est pas ! Dieu n’est plus ! » Mais ils dormaient toujours !… II Il reprit : « Tout est mort ! J’ai parcouru les mondes ; Et j’ai perdu mon vol dans leurs chemins lactés, Aussi loin que la vie en ses veines fécondes, Répand des sables d’or et des flots argentés : « Partout le sol désert côtoyé par les ondes, Des tourbillons confus d’océans agités… Un souffle vague émeut les sphères vagabondes, Mais nul esprit n’existe en ces immensités. « En cherchant l’œil de Dieu, je n’ai vu qu’un orbite Vaste, noir et sans fond, d’où la nuit qui l’habite Rayonne sur le monde et s’épaissit toujours ; « Un arc-en-ciel étrange entoure ce puits sombre, Seuil de l’ancien chaos dont le néant est l’ombre, Spirale engloutissant les Mondes et les Jours ! III « Immobile Destin, muette sentinelle, Froide Nécessité !… Hasard qui, t’avançant Parmi les mondes morts sous la neige éternelle, Refroidis, par degrés, l’univers pâlissant, « Sais-tu ce que tu fais, puissance originelle, De tes soleils éteints, l’un l’autre se froissant… Es-tu sûr de transmettre une haleine immortelle, Entre un monde qui meurt et l’autre renaissant ?… « Ô mon père ! est-ce toi que je sens en moi-même ? As-tu pouvoir de vivre et de vaincre la mort ? Aurais-tu succombé sous un dernier effort « De cet ange des nuits que frappa l’anathème ?… Car je me sens tout seul à pleurer et souffrir, Hélas ! et, si je meurs, c’est que tout va mourir ! » IV Nul n’entendait gémir l’éternelle victime, Livrant au monde en vain tout son cœur épanché ; Mais prêt à défaillir et sans force penché, Il appela le seul – éveillé dans Solyme : « Judas ! lui cria-t-il, tu sais ce qu’on m’estime, Hâte-toi de me vendre, et finis ce marché : Je suis souffrant, ami ! sur la terre couché… Viens ! ô toi qui, du moins, as la force du crime ! » Mais Judas s’en allait, mécontent et pensif, Se trouvant mal payé, plein d’un remords si vif Qu’il lisait ses noirceurs sur tous les murs écrites… Enfin Pilate seul, qui veillait pour César, Sentant quelque pitié, se tourna par hasard : « Allez chercher ce fou ! » dit-il aux satellites. V C’était bien lui, ce fou, cet insensé sublime… Cet Icare oublié qui remontait les cieux, Ce Phaéton perdu sous la foudre des dieux, Ce bel Atys meurtri que Cybèle ranime ! L’augure interrogeait le flanc de la victime, La terre s’enivrait de ce sang précieux… L’univers étourdi penchait sur ses essieux, Et l’Olympe un instant chancela vers l’abîme. « Réponds ! criait César à Jupiter Ammon, Quel est ce nouveau dieu qu’on impose à la terre ? Et si ce n’est un dieu, c’est au moins un démon… » Mais l’oracle invoqué pour jamais dut se taire ; Un seul pouvait au monde expliquer ce mystère : – Celui qui donna l’âme aux enfants du limon.

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    Le point noir Quiconque a regardé le soleil fixement Croit voir devant ses yeux voler obstinément Autour de lui, dans l’air, une tache livide. Ainsi, tout jeune encore et plus audacieux, Sur la gloire un instant j’osai fixer les yeux : Un point noir est resté dans mon regard avide. Depuis, mêlée à tout comme un signe de deuil, Partout, sur quelque endroit que s’arrête mon oeil, Je la vois se poser aussi, la tache noire ! Quoi, toujours ? Entre moi sans cesse et le bonheur ! Oh ! c’est que l’aigle seul – malheur à nous, malheur ! Contemple impunément le Soleil et la Gloire.

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    Le relais En voyage, on s’arrête, on descend de voiture ; Puis entre deux maisons on passe à l’aventure, Des chevaux, de la route et des fouets étourdi, L’œil fatigué de voir et le corps engourdi. Et voici tout à coup, silencieuse et verte, Une vallée humide et de lilas couverte, Un ruisseau qui murmure entre les peupliers, – Et la route et le bruit sont bien vite oubliés !

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    Le réveil en voiture Voici ce que je vis : Les arbres sur ma route Fuyaient mêlés, ainsi qu’une armée en déroute, Et sous moi, comme ému par les vents soulevés, Le sol roulait des flots de glèbe et de pavés ! Des clochers conduisaient parmi les plaines vertes Leurs hameaux aux maisons de plâtre, recouvertes En tuiles, qui trottaient ainsi que des troupeaux De moutons blancs, marqués en rouge sur le dos ! Et les monts enivrés chancelaient, – la rivière Comme un serpent boa, sur la vallée entière Étendu, s’élançait pour les entortiller… — J’étais en poste, moi, venant de m’éveiller !

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    Les papillons I De toutes les belles choses Qui nous manquent en hiver, Qu’aimez-vous mieux ? – Moi, les roses ; – Moi, l’aspect d’un beau pré vert ; – Moi, la moisson blondissante, Chevelure des sillons ; – Moi, le rossignol qui chante ; – Et moi, les beaux papillons ! Le papillon, fleur sans tige, Qui voltige, Que l’on cueille en un réseau ; Dans la nature infinie, Harmonie Entre la plante et l’oiseau !… Quand revient l’été superbe, Je m’en vais au bois tout seul : Je m’étends dans la grande herbe, Perdu dans ce vert linceul. Sur ma tête renversée, Là, chacun d’eux à son tour, Passe comme une pensée De poésie ou d’amour ! Voici le papillon « faune », Noir et jaune ; Voici le « mars » azuré, Agitant des étincelles Sur ses ailes D’un velours riche et moiré. Voici le « vulcain » rapide, Qui vole comme un oiseau : Son aile noire et splendide Porte un grand ruban ponceau. Dieux ! le « soufré », dans l’espace, Comme un éclair a relui… Mais le joyeux « nacré » passe, Et je ne vois plus que lui ! II Comme un éventail de soie, Il déploie Son manteau semé d’argent ; Et sa robe bigarrée Est dorée D’un or verdâtre et changeant. Voici le « machaon-zèbre », De fauve et de noir rayé ; Le « deuil », en habit funèbre, Et le « miroir » bleu strié ; Voici l' »argus », feuille-morte, Le « morio », le « grand-bleu », Et le « paon-de-jour » qui porte Sur chaque aile un oeil de feu ! Mais le soir brunit nos plaines ; Les « phalènes » Prennent leur essor bruyant, Et les « sphinx » aux couleurs sombres, Dans les ombres Voltigent en tournoyant. C’est le « grand-paon » à l’oeil rose Dessiné sur un fond gris, Qui ne vole qu’à nuit close, Comme les chauves-souris ; Le « bombice » du troëne, Rayé de jaune et de vent, Et le « papillon du chêne » Qui ne meurt pas en hiver !… Voici le « sphinx » à la tête De squelette, Peinte en blanc sur un fond noir, Que le villageois redoute, Sur sa route, De voir voltiger le soir. Je hais aussi les « phalènes », Sombres hôtes de la nuit, Qui voltigent dans nos plaines De sept heures à minuit ; Mais vous, papillons que j’aime, Légers papillons de jour, Tout en vous est un emblème De poésie et d’amour ! III Malheur, papillons que j’aime, Doux emblème, A vous pour votre beauté !… Un doigt, de votre corsage, Au passage, Froisse, hélas ! le velouté !… Une toute jeune fille Au coeur tendre, au doux souris, Perçant vos coeurs d’une aiguille, Vous contemple, l’oeil surpris : Et vos pattes sont coupées Par l’ongle blanc qui les mord, Et vos antennes crispées Dans les douleurs de la mort !…

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    L’enfance Qu’ils étaient doux ces jours de mon enfance Où toujours gai, sans soucis, sans chagrin, je coulai ma douce existence, Sans songer au lendemain. Que me servait que tant de connaissances A mon esprit vinssent donner l’essor, On n’a pas besoin des sciences, Lorsque l’on vit dans l’âge d’or ! Mon coeur encore tendre et novice, Ne connaissait pas la noirceur, De la vie en cueillant les fleurs, Je n’en sentais pas les épines, Et mes caresses enfantines Étaient pures et sans aigreurs. Croyais-je, exempt de toute peine Que, dans notre vaste univers, Tous les maux sortis des enfers, Avaient établi leur domaine ? Nous sommes loin de l’heureux temps Règne de Saturne et de Rhée, Où les vertus, les fléaux des méchants, Sur la terre étaient adorées, Car dans ces heureuses contrées Les hommes étaient des enfants.

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    Myrtho Je pense à toi, Myrtho, divine enchanteresse, Au Pausilippe altier, de mille feux brillant, À ton front inondé des clartés de l'Orient, Aux raisins noirs mêlés avec l'or de ta tresse. C'est dans ta coupe aussi que j'avais bu l'ivresse, Et dans l'éclair furtif de ton œil souriant, Quand aux pieds d'lacchus on me voyait priant, Car la Muse m'a fait l'un des fils de la Grèce. Je sais pourquoi là-bas le volcan s'est rouvert... C'est qu'hier tu l'avais touché d'un pied agile, Et de cendres soudain l'horizon s'est couvert. Depuis qu'un duc normand brisa tes dieux d'argile, Toujours, sous les rameaux du laurier de Virgile, Le pâle hortensia s'unit au myrte vert !

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    Mélodie Quand le plaisir brille en tes yeux Pleins de douceur et d'espérance, Quand le charme de l'existence Embellit tes traits gracieux, − Bien souvent alors je soupire En songeant que l'amer chagrin, Aujourd'hui loin de toi, peut t'atteindre demain, Et de ta bouche aimable effacer le sourire ; Car le Temps, tu le sais, entraîne sur ses pas Les illusions dissipées, Et les yeux refroidis, et les amis ingrats, Et les espérances trompées ! Mais crois-moi, mon amour ! tous ces charmes naissants Que je contemple avec ivresse, S'ils s'évanouissaient sous mes bras caressants, Tu conserverais ma tendresse ! Si tes attraits étaient flétris, Si tu perdais ton doux sourire, La grâce de tes traits chéris Et tout ce qu'en toi l'on admire, Va, mon cœur n'est pas incertain : De sa sincérité tu pourrais tout attendre. Et mon amour, vainqueur du Temps et du Destin, S'enlacerait à toi, plus ardent et plus tendre ! Oui, si tous tes attraits te quittaient aujourd'hui, J'en gémirais pour toi ; mais en ce cœur fidèle Je trouverais peut-être une douceur nouvelle, Et, lorsque loin de toi les amants auraient fui, Chassant la jalousie en tourments si féconde, Une plus vive ardeur me viendrait animer. « Elle est donc à moi seul, dirais-je, puisqu'au monde Il ne reste que moi qui puisse encor l'aimer ! »

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    Mélodie irlandaise Le soleil du matin commençait sa carrière, Je vis près du rivage une barque légère Se bercer mollement sur les flots argentés. Je revins quand la nuit descendait sur la rive : La nacelle était là, mais l’onde fugitive Ne baignait plus ses flancs dans le sable arrêtés. Et voilà notre sort ! au matin de la vie Par des rêves d’espoir notre âme poursuivie Se balance un moment sur les flots du bonheur ; Mais, sitôt que le soir étend son voile sombre, L’onde qui nous portait se retire, et dans l’ombre Bientôt nous restons seuls en proie à la douleur. Au déclin de nos jours on dit que notre tête Doit trouver le repos sous un ciel sans tempête ; Mais qu’importe à mes voeux le calme de la nuit ! Rendez-moi le matin, la fraîcheur et les charmes ; Car je préfère encor ses brouillards et ses larmes Aux plus douces lueurs du soleil qui s’enfuit. Oh ! qui n’a désiré voir tout à coup renaître Cet instant dont le charme éveilla dans son être Et des sens inconnus et de nouveaux transports ! Où son âme, semblable à l’écorce embaumée, Qui disperse en brûlant sa vapeur parfumée, Dans les feux de l’amour exhala ses trésors !

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    Ode I. Le Temps ne surprend pas le sage, Mais du Temps le sage se rit, Car lui seul en connaît l'usage : Des plaisirs que Dieu nous offrit Il sait embellir l'existence, Il sait sourire à l'espérance, Quand l'espérance lui sourit. II. Le bonheur n'est pas dans la gloire, Dans les fers dorés d'une cour, Dans les transports de la victoire, Mais dans la lyre et dans l'amour : Choisissons une jeune amante, Un luth qui lui plaise et l'enchante : Aimons et chantons tour-à-tour. III. « Illusions ! vaines images ! Nous diront les tristes leçons De ces mortels prétendus sages Sur qui l'âge étend ses glaçons : Le bonheur n'est point sur la terre, Votre amour n'est qu'une chimère, Votre lyre n'a que des sons. » IV. Ah ! préférons cette chimère À leur froide moralité ; Fuyons leur voix triste et sévère ; Si le mal est réalité, Et si le bonheur est un songe, Fixons les yeux sur le mensonge, Pour ne pas voir la vérité. V. Aimons au printemps de la vie, Afin que d'un noir repentir L'automne ne soit point suivie ; Ne cherchons pas dans l'avenir Le bonheur que Dieu nous dispense ; Quand nous n'aurons plus l'espérance, Nous garderons le souvenir. VI. Jouissons de ce temps rapide, Qui laisse après lui des remords, Si l'amour, dont l'ardeur nous guide, N'a d'aussi rapides transports : Profitons de l'adolescence, Car la coupe de l'existence Ne pétille que sur ses bords.

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    Pensée de byron Par mon amour et ma constance, J’avais cru fléchir ta rigueur, Et le souffle de l’espérance Avait pénétré dans mon coeur ; Mais le temps, qu’en vain je prolonge, M’a découvert la vérité, L’espérance a fui comme un songe… Et mon amour seul m’est resté ! Il est resté comme un abîme Entre ma vie et le bonheur, Comme un mal dont je suis victime, Comme un poids jeté sur mon coeur ! Pour fuir le piège où je succombe, Mes efforts seraient superflus ; Car l’homme a le pied dans la tombe, Quand l’espoir ne le soutient plus. J’aimais à réveiller la lyre, Et souvent, plein de doux transports, J’osais, ému par le délire, En tirer de tendres accords. Que de fois, en versant des larmes, J’ai chanté tes divins attraits ! Mes accents étaient pleins de charmes, Car c’est toi qui les inspirais. Ce temps n’est plus, et le délire Ne vient plus animer ma voix ; Je ne trouve point à ma lyre Les sons qu’elle avait autrefois. Dans le chagrin qui me dévore, Je vois mes beaux jours s’envoler ; Si mon oeil étincelle encore, C’est qu’une larme va couler ! Brisons la coupe de la vie ; Sa liqueur n’est que du poison ; Elle plaisait à ma folie, Mais elle enivrait ma raison. Trop longtemps épris d’un vain songe, Gloire ! amour ! vous eûtes mon coeur : O Gloire ! tu n’es qu’un mensonge ; Amour ! tu n’es point le bonheur !

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    Politique Dans Sainte-Pélagie, Sous ce règne élargie, Où, rêveur et pensif, Je vis captif, Pas une herbe ne pousse Et pas un brin de mousse Le long des murs grillés Et frais taillés. Oiseau qui fends l'espace... Et toi, brise, qui passe Sur l'étroit horizon De la prison, Dans votre vol superbe, Apportez-moi quelque herbe, Quelque gramen, mouvant Sa tête au vent ! Qu'à mes pieds tourbillonne Une feuille d'automne Peinte de cent couleurs, Comme les fleurs ! Pour que mon âme triste Sache encor qu'il existe Une nature, un Dieu Dehors ce lieu. Faites-moi cette joie, Qu'un instant je revoie Quelque chose de vert Avant l'hiver !

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    Prière de Socrate Ô toi, dont le pouvoir remplit l'immensité, Suprême ordonnateur de ces célestes sphères, Dont j'ai voulu jadis, en ma témérité, Calculer les rapports et sonder les mystères ; Esprit consolateur, reçois du haut du ciel L'unique et pur hommage D'un des admirateurs de ton sublime ouvrage, Qui brûle de rentrer en ton sein paternel ! Un peuple entier, guidé par un infâme prêtre Accuse d'être athée, et rebelle à la foi, Le philosophe ardent, qui seul connaît ta loi, Et bientôt cesserait de l'être, S'il doutait un moment de toi. Oh ! comment, voyant l'ordre où marche toute chose, Pourrais-je, en admirant ces prodiges divers, Cet éternel flambeau, ces mondes et ces mers, En admettre l'effet, en rejeter la cause. Oui, grand Dieu, je te dois le bien que j'ai goûté, Et le bien que j'espère ; À m'appeler ton fils j'ai trop de volupté Pour renier mon père. Mais qu'es-tu cependant, être mystérieux ? Qui jamais osera pénétrer ton essence, Déchirer le rideau qui te cache à nos yeux, Et montrer au grand jour ta gloire et ta puissance ? Sans cesse dans le vague, on erre en te cherchant. Combien l'homme crédule a rabaissé ton être ! Trop bas pour te juger, il écoute le prêtre, Qui te fait, comme lui, vil, aveugle et méchant. Les imposteurs sacrés, qui vivent de ton culte, Te prodiguent sans cesse et l'outrage et l'insulte ; Ils font de ton empire un éternel enfer, Te peignent, gouvernant de tes mains souveraines Un stupide ramas de machines humaines, Avec une verge de fer. À te voir de plus près en vain il veut prétendre, Le sage déraisonne en croyant te comprendre, Et, d'après lui seul te créant, En vain sur une base, il t'élève, il te hausse ; Mais son être parfait n'est qu'un homme étonnant, Et son Jupiter un colosse. Brûlant de te connaître, ô divin créateur ! J'analysais souvent les cultes de la terre, Et je ne vis partout que mensonge et chimère : Alors, abandonnant et le monde et l'erreur, Et cherchant pour te voir une source plus pure, J'ai demandé ton nom à toute la nature, Et j'ai trouvé ton culte en consultant mon cœur. Ah ! ta bonté sans doute approuva mon hommage, Puisqu'en toi j'ai goûté le plaisir le plus pur, Qu'en toi, pour expirer, je puise du courage Dans l'espoir d'un bonheur futur ! Réveillé de la vie, en toi je vais renaître, À tous mes ennemis je pardonne leurs torts, Et puisque je me crois digne de te connaître, Je descends dans ton sein, sans trouble et sans remords.

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    Romance Ah ! sous une feinte allégresse Ne nous cache pas ta douleur ! Tu plais autant par ta tristesse Que par ton sourire enchanteur À travers la vapeur légère L'Aurore ainsi charme les yeux ; Et, belle en sa pâle lumière, La nuit, Phœbé charme les cieux. Qui te voit, muette et pensive, Seule rêver le long du jour, Te prend pour la vierge naïve Qui soupire un premier amour ; Oubliant l'auguste couronne Qui ceint tes superbes cheveux, À ses transports il s'abandonne, Et sent d'amour les premiers feux !

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    Rêverie de Charles VI On ne sait pas toujours où va porter la hache, Et bien des souverains, maladroits ouvriers, En laissent retomber le coupant sur leurs pieds ! ... Que d'ennuis sur un front la main de Dieu rassemble Et donne pour racine aux fleurons du bandeau ! Pourquoi mit-il encor ce pénible fardeau Sur ma tête aux pensées tristes abandonnée, Et souffrante, et déjà de soi-même inclinée. Moi qui n'aurais aimé, si j'avais pu choisir, Qu'une existence calme, obscure et sans désir : Une pauvre maison dans quelque bois perdue, De mousse, de jasmins et de vigne tendue ; Des fleurs à cultiver, la barque d'un pêcheur, Et de la nuit sur l'eau respire la fraîcheur ; Prier Dieu sur les monts, suivre mes rêveries Par les bois ombragés et les grandes prairies, Des collines le soir descendre le penchant, Le visage baigné des lueurs du couchant ; Quand un vent parfumé nous apporte en sa plainte Quelques sons affaiblis d'une ancienne complainte... Oh ! ces feux du couchant, vermeils, capricieux, Montent, comme un chemin splendide, vers les cieux ! Il semble que Dieu dise à mon âme souffrante : Quitte le monde impur, la foule indifférente, Suis d'un pas assuré cette route qui luit, Et — viens à moi, mon fils... et — n'attends pas la NUIT !!!

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    Sur le pays des chimères Sur le pays des chimères Notre vol s’est arrêté : Conduis-nous en sûreté Pour traverser ces bruyères, Ces rocs, ce champ dévasté. Vois ces arbres qui se pressent Se froisser rapidement ; Vois ces roches qui s’abaissent Trembler dans leur fondement. Partout le vent souffle et crie ! Dans ces rocs, avec furie, Se mêlent fleuve et ruisseau ; J’entends là le bruit de l’eau, Si cher à la rêverie ! Les soupirs, les voeux flottants, Ce qu’on plaint, ce qu’on adore… Et l’écho résonne encore Comme la voix des vieux temps, Ou hou ! chou hou ! retentissent ; Hérons et hiboux gémissent, Mêlant leur triste chanson ; On voit de chaque buisson Surgir d’étranges racines ; Maigres bras, longues échines ; Ventres roulants et rampants ; Parmi les rocs, les ruines, Fourmillent vers et serpents. À des noeuds qui s’entrelacent Chaque pas vient s’accrocher ! Là des souris vont et passent Dans la mousse du rocher. Là des mouches fugitives Nous précèdent par milliers, Et d’étincelles plus vives Illuminent les sentiers. Mais faut-il à cette place Avancer ou demeurer ? Autour de nous tout menace, Tout s’émeut, luit et grimace, Pour frapper, pour égarer ; Arbres et rocs sont perfides ; Ces feux, tremblants et rapides, Brillent sans nous éclairer !…

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    Une allée du Luxembourg Elle a passé, la jeune fille Vive et preste comme un oiseau À la main une fleur qui brille, À la bouche un refrain nouveau. C'est peut-être la seule au monde Dont le cœur au mien répondrait, Qui venant dans ma nuit profonde D'un seul regard l'éclaircirait ! Mais non, – ma jeunesse est finie… Adieu, doux rayon qui m'as lui, – Parfum, jeune fille, harmonie… Le bonheur passait, – il a fui !

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    Une amoureuse flamme Une amoureuse flamme Consume mes beaux jours ; Ah ! la paix de mon âme A donc fui pour toujours ! Son départ, son absence Sont pour moi le cercueil ; Et loin de sa présence Tout me paraît en deuil. Alors, ma pauvre tête Se dérange bientôt ; Mon faible esprit s'arrête, Puis se glace aussitôt. Une amoureuse flamme Consume mes beaux jours ; Ah ! la paix de mon âme A donc fui pour toujours ! Je suis à ma fenêtre, Ou dehors, tout le jour, C'est pour le voir paraître, Ou hâter son retour. Sa marche que j'admire, Son port si gracieux, Sa bouche au doux sourire, Le charme de ses yeux ; La voix enchanteresse Dont il sait m'embraser, De sa main la caresse, Hélas ! et son baiser... D'une amoureuse flamme Consumant mes beaux jours ; Ah ! la paix de mon âme A donc fui pour toujours ! Mon coeur bientôt se presse, Dès qu'il le sent venir ; Au gré de ma tendresse Puis-je le retenir ? Ô caresses de flamme ! Que je voudrais un jour Voir s'exhaler mon âme Dans ses baisers d'amour !

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    Une femme est l'amour Une femme est l'amour, la gloire et l'espérance ; Aux enfants qu'elle guide, à l'homme consolé, Elle élève le cœur et calme la souffrance, Comme un esprit des cieux sur la terre exilé. Courbé par le travail ou par la destinée, L'homme à sa voix s'élève et son front s'éclaircit ; Toujours impatient dans sa course bornée, Un sourire le dompte et son cœur s'adoucit. Dans ce siècle de fer la gloire est incertaine : Bien longtemps à l'attendre il faut se résigner. Mais qui n'aimerait pas, dans sa grâce sereine, La beauté qui la donne ou qui la fait gagner ?

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    Gérard de Nerval

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    Vers dorés Homme ! libre penseur - te crois-tu seul pensant Dans ce monde où la vie éclate en toute chose : Des forces que tu tiens ta liberté dispose, Mais de tous tes conseils l'univers est absent. Respecte dans la bête un esprit agissant : ... Chaque fleur est une âme à la Nature éclose ; Un mystère d'amour dans le métal repose : "Tout est sensible ! " - Et tout sur ton être est puissant !

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