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Titre : Les papillons

Auteur : Gérard de Nerval Recueil : Odelettes

I De toutes les belles choses Qui nous manquent en hiver, Qu’aimez-vous mieux ? – Moi, les roses ; – Moi, l’aspect d’un beau pré vert ; – Moi, la moisson blondissante, Chevelure des sillons ; – Moi, le rossignol qui chante ; – Et moi, les beaux papillons ! Le papillon, fleur sans tige, Qui voltige, Que l’on cueille en un réseau ; Dans la nature infinie, Harmonie Entre la plante et l’oiseau !… Quand revient l’été superbe, Je m’en vais au bois tout seul : Je m’étends dans la grande herbe, Perdu dans ce vert linceul. Sur ma tête renversée, Là, chacun d’eux à son tour, Passe comme une pensée De poésie ou d’amour ! Voici le papillon « faune », Noir et jaune ; Voici le « mars » azuré, Agitant des étincelles Sur ses ailes D’un velours riche et moiré. Voici le « vulcain » rapide, Qui vole comme un oiseau : Son aile noire et splendide Porte un grand ruban ponceau. Dieux ! le « soufré », dans l’espace, Comme un éclair a relui… Mais le joyeux « nacré » passe, Et je ne vois plus que lui ! II Comme un éventail de soie, Il déploie Son manteau semé d’argent ; Et sa robe bigarrée Est dorée D’un or verdâtre et changeant. Voici le « machaon-zèbre », De fauve et de noir rayé ; Le « deuil », en habit funèbre, Et le « miroir » bleu strié ; Voici l' »argus », feuille-morte, Le « morio », le « grand-bleu », Et le « paon-de-jour » qui porte Sur chaque aile un oeil de feu ! Mais le soir brunit nos plaines ; Les « phalènes » Prennent leur essor bruyant, Et les « sphinx » aux couleurs sombres, Dans les ombres Voltigent en tournoyant. C’est le « grand-paon » à l’oeil rose Dessiné sur un fond gris, Qui ne vole qu’à nuit close, Comme les chauves-souris ; Le « bombice » du troëne, Rayé de jaune et de vent, Et le « papillon du chêne » Qui ne meurt pas en hiver !… Voici le « sphinx » à la tête De squelette, Peinte en blanc sur un fond noir, Que le villageois redoute, Sur sa route, De voir voltiger le soir. Je hais aussi les « phalènes », Sombres hôtes de la nuit, Qui voltigent dans nos plaines De sept heures à minuit ; Mais vous, papillons que j’aime, Légers papillons de jour, Tout en vous est un emblème De poésie et d’amour ! III Malheur, papillons que j’aime, Doux emblème, A vous pour votre beauté !… Un doigt, de votre corsage, Au passage, Froisse, hélas ! le velouté !… Une toute jeune fille Au coeur tendre, au doux souris, Perçant vos coeurs d’une aiguille, Vous contemple, l’oeil surpris : Et vos pattes sont coupées Par l’ongle blanc qui les mord, Et vos antennes crispées Dans les douleurs de la mort !…