splash screen icon Lenndi
splash screen name leendi
@marcelineDesbordesValmore profile image

Marceline Desbordes-Valmore

Auteurplume

Marceline Desbordes-Valmore, née le 20 juin 1786 à Douai et morte le 23 juillet 1859 à Paris, est une poétesse française.

...plus

Compte non officiel

Poésies

85

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    L'absence Quand je me sens mourir du poids de ma pensée, Quand sur moi tout mon sort assemble sa rigueur, D'un courage inutile affranchie et lassée, Je me sauve avec toi dans le fond de mon cœur ! Tu grondes ma tristesse, et, triste de mes larmes, De tes plus doux accents tu me redis les charmes : J'espère ! ... car ta voix, plus forte que mon sort, De mes chagrins profonds triomphe sans effort. Je ne sais ; mais je crois qu'à tes regrets rendue, Dans ces seuls entretiens tu m'as tout entendue. Tu ne dis pas : « Ce soir ! » Tu ne dis pas : « Demain ! » Non, mais tu dis : « Toujours ! » en pleurant sur ma main.

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    L'adieu Adieu pour toujours, Mes amours ; Ne pleure pas, Tes pleurs ont trop d'appas ! Presse encor ma main ; Mais, demain, Il aura fui, Le bonheur d'aujourd'hui. Quand une fleur Va perdre sa couleur, On n'y doit plus De regrets superflus : Et le flambeau, Dont l'éclat fut si beau, Quand il s'éteint, Cède au froid qui l'atteint. Adieu pour toujours, Mes amours ; Ne pleure pas, Tes pleurs ont trop d'appas ! Presse encor ma main ; Mais, demain, Il aura fui, Le bonheur d'aujourd'hui. Ton doux regard M'éclaira par hasard ; Et dans mes yeux Il répandit les cieux : Dès ce moment, Si fatal... si charmant, Mon cœur perdu Ne me fut pas rendu ! Adieu pour toujours, Mes amours ; Ne pleure pas, Tes pleurs ont trop d'appas ! Presse encor ma main ; Mais, demain, Il aura fui, Le bonheur d'aujourd'hui.

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    L'ami d'enfance Un ami me parlait et me regardait vivre : Alors, c'était mourir... mon jeune âge était ivre De l'orage enfermé dont la foudre est au coeur ; Et cet ami riait, car il était moqueur. Il n'avait pas d'aimer la funeste science. Son seul orage à lui, c'était l'impatience. Léger comme l'oiseau qui siffle avant d'aimer, Disant : « Tout feu s'éteint, puisqu'il peut s'allumer ; » Plein de chants, plein d'audace et d'orgueil sans alarme, Il eût mis tout un jour à comprendre une larme. De nos printemps égaux lui seul portait les fleurs ; J'étais déjà l'aînée, hélas ! Par bien des pleurs. Décorant sa pitié d'une grâce insolente, Il disputait, joyeux, avec ma voix tremblante. À ses doutes railleurs, je répondais trop bas... Prouve-t-on que l'on souffre à qui ne souffre pas ? Soudain, presque en colère, il m'appela méchante De tromper la saison où l'on joue, où l'on chante : « Venez, sortez, courez où sonne le plaisir ! Pourquoi restez-vous là navrant votre loisir ? Pourquoi défier vos immobiles peines ? Venez, la vie est belle, et ses coupes sont pleines ! ... Non ? Vous voulez pleurer ? Soit ! J'ai fait mon devoir : Adieu ! — quand vous rirez, je reviendrai vous voir. » Et je le vis s'enfuir comme l'oiseau s'envole ; Et je pleurai longtemps au bruit de sa parole. Mais quoi ? La fête en lui chantait si haut alors Qu'il n'entendait que ceux qui dansent au dehors. Tout change. Un an s'écoule, il revient... qu'il est pâle ! Sur son front quelle flamme a soufflé tant de hâle ? Comme il accourt tremblant ! Comme il serre ma main ! Comme ses yeux sont noirs ! Quel démon en chemin L'a saisi ? — c'est qu'il aime ! Il a trouvé son âme. Il ne me dira plus : « Que c'est lâche ! Une femme. » Triste, il m'a demandé : « C'est donc là votre enfer ? Et je riais... grand dieu ! Vous avez bien souffert ! »

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    L'amour Vous demandez si l'amour rend heureuse ; Il le promet, croyez-le, fût-ce un jour. Ah ! pour un jour d'existence amoureuse, Qui ne mourrait ? la vie est dans l'amour. Quand je vivais tendre et craintive amante, Avec ses feux je peignais ses douleurs : Sur son portrait j'ai versé tant de pleurs, Que cette image en paraît moins charmante. Si le sourire, éclair inattendu, Brille parfois au milieu de mes larmes, C'était l'amour ; c'était lui, mais sans armes ; C'était le ciel... qu'avec lui j'ai perdu. Sans lui, le coeur est un foyer sans flamme ; Il brûle tout, ce doux empoisonneur. J'ai dit bien vrai comme il déchire une âme : Demandez-donc s'il donne le bonheur ! Vous le saurez : oui, quoi qu'il en puisse être, De gré, de force, amour sera le maître ; Et, dans sa fièvre alors lente à guérir, Vous souffrirez, ou vous ferez souffrir. Dès qu'on l'a vu, son absence est affreuse ; Dès qu'il revient, on tremble nuit et jour ; Souvent enfin la mort est dans l'amour ; Et cependant... oui, l'amour rend heureuse !

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    L'ange et le rameau Que ce rameau béni protège ta demeure ! L'ange du souvenir me l'a donné pour toi : Toi qui n'aimes pas que l'on pleure, Sois heureux, plus heureux que moi ! Écoute : À ce rameau j'attache une espérance : L'ange qui me conduit sait mon cœur comme toi ; S'il a bien compris ma souffrance, Sois heureux, plus heureux que moi ! J'ai respiré l'encens de ce vieux sanctuaire, Et je m'y suis assise, et j'ai prié pour toi ; Je n'ai dit que cette prière : Sois heureux, plus heureux que moi ! Pour passer près de toi j'ai fait un long voyage ; Mais l'ange me rappelle et veut m'ôter à toi. Adieu... Donne-moi du courage : Sois heureux, plus heureux que moi !

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    L'ange gardien Oui, vous avez un ange ; un jeune ange qui pleure ; Il pleure, car il aime... et vous ne pleurez pas ; Il s'en plaint doucement dans le ciel, puis dans l'heure, Quand elle sonne triste à ralentir vos pas. Voyez comme il vous donne et couve sous son aile Des mots harmonieux tièdes d'âme et d'encens : Et, quand vous les prenez dans sa main fraternelle, Comme ils forment aux yeux de célestes accents. Nous avons tous notre ange, et je tiens de ma mère, Qu'on ne marche pas seul dans une voie amère. Le rayon de soleil qui passe et vient vous voir, L'haleine de vos fleurs que vous buvez le soir ; Un pauvre qui bénit votre obole furtive, Dont la prière à Dieu s'achève moins plaintive ; La fraîche voix d'enfant qui vous jette : Bonjour ! Comptez que c'est votre ange et votre ange d'amour ! D'autres fois, je croyais qu'on nous coupait les ailes, Pour nous faire oublier le chemin des oiseaux. Puis, qu'elles renaissaient plus vives et plus belles, Quand nous avions marché longtemps, quand les roseaux Ne se relevaient plus près des dormantes eaux : Nous remontions alors raconter nos voyages Aux frères parcourant leurs villes de nuages ; Et las de cette terre où tombent toutes fleurs, Nous chantions au soleil avec des voix sans pleurs ! Rêves d'enfant pensif et bercé de prières, Dont quelque doux cantique assoupit les paupières ; Indigent, mais comblé de biens mystérieux, Au foyer calme et nu qu'ornait le buis pieux ! À présent je suis femme à la terre exilée, Descendue à l'école où vous brûlez vos jours ; Toujours en pénitence ou d'un livre accablée, N'apprenant rien du monde et l'épelant toujours ! Ce livre, c'est ma vie et ses mobiles pages Où le cyprès serpente à chaque ligne. Eh quoi ! N'avez-vous pas des pleurs à cacher comme moi, Sous l'album périssable et lourd de trop d'images ? Dans ces jours embaumés respirés par le cœur, N'avez-vous pas aussi vu tomber bien des roses ? N'aviez-vous pas choisi parmi ces frêles choses, Un intime trésor qui s'appela : Malheur ! Mais je crois ! mais quelque ange à l'aveugle écolière, Ouvre parfois son aile et sa pitié de feu : Il me laisse à genoux ; mais il desserre un peu L'anneau qui loin de lui me retient prisonnière !

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    L'aveu permis Viens, mon cher Olivier, j'ai deux mots à te dire, Ma mère l'a permis ; ils te rendront joyeux. Eh bien ! je n'ose plus. Mais, dis-moi, sais-tu lire ? Ma mère l'a permis, regarde dans mes yeux. Voilà mes yeux baissés. Dieu ! que je suis confuse ! Mon visage a rougi ; vois-tu, c'est la pudeur. Ma mère l'a permis, ce sera ton excuse ; Pendant que je rougis, mets ta main sur mon cœur. Que ton air inquiet me tourmente et me touche ! Ces deux mots sont si doux ! mon cœur les dit si bien ! Tu ne les entends pas, prends-les donc sur ma bouche ; Je fermerai les yeux, prends, mais ne m'en dis rien.

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    L'enfant triste Pauvre enfant, dans un jour d'effroi, L'amour a-t-il semé ta vie ? Tonnait-il fort ? faisait-il froid ? N'entendait-on pas le beffroi ? Ta jeune mère eut-elle envie De mourir, dans ce jour d'effroi ? Pauvre enfant ! Chargés d'un vague souvenir, Tes yeux tristes, mais sans colère, Se détournent de l'avenir. Est-ce l'enfant qu'il doit punir ? Y vois-tu luire une lumière Qui réponde à ton souvenir ? Pauvre enfant ! Augure du jaloux amour, Ta poupée en tes bras cachée, Objet d'un culte sans retour, Sous tes soins ardents chaque jour Est-elle à ton cœur attachée, L'augure du jaloux amour ? Pauvre enfant !

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    L'espoir Je voudrais aimer autrement, Hélas ! Je voudrais être heureuse ! Pour moi l'amour est un tourment, La tendresse m'est douloureuse. Ah ! Que je voudrais être heureuse ! Que je voudrais être autrement ! Vous dites que je changerai : Comme vous je le crois possible, Mon cœur ne sera plus sensible ; Je l'espère, car je mourrai. Oui ! Si la mort peut l'impossible, Vous dites vrai, je changerai !

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    L'espérance Comme une vaine erreur, Comme un riant mensonge, S'évanouit le songe Qui faisait mon bonheur. Ô douce chimère ! Si tu fuis sans retour, Dans ta course légère Emporte mon amour ! Ce tendre sentiment, Cette aimable folie, Ce charme de ma vie, Sans toi n'est qu'un tourment. Ô douce chimère ! Si tu fuis sans retour, Dans ta course légère Emporte mon amour. Déjà, pour me punir D'avoir été trop tendre, Je consens à te rendre Un si cher souvenir. Ô douce chimère ! Si tu fuis sans retour, Dans ta course légère Emporte mon amour. Que voulez-vous de moi, Raison trop inflexible ? Tourment d'un cœur sensible, Je cède à votre loi. Ô douce chimère ! Si tu fuis sans retour, Dans ta course légère Emporte mon amour.

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    L'exil Ils vont sans trêve ; ils vont sous le ciel bas et sombre, Les Fugitifs, chassés des anciens paradis ; Et toute la tribu, depuis des jours sans nombre, Dans leur sillon fatal traîne ses pieds roidis. Ils vont, les derniers-nés des races primitives, Les derniers dont les yeux, sur les divins sommets, Dans les herbes en fleur ont vu fuir les Eaux vives Et grandir un Soleil, oublié désormais. Tout est mort et flétri sur les plateaux sublimes Où l'aurore du monde a lui pour leurs aïeux ; Et voici que les fils, à l'étroit sur les cimes, Vers l'Occident nocturne ont cherché d'autres cieux. Ils ont fui. Le vent souffle et pousse dans l'espace La neige inépuisable en tourbillons gonflés ; Un hiver éternel suspend, en blocs de glace, De rigides torrents aux flancs des monts gelés. Des amas de rochers, blancs d'une lourde écume, Témoins rugueux d'un monde informe et surhumain. Visqueux, lavés de pluie et noyés dans la brume, De leurs blocs convulsés ferment l'âpre chemin. Des forêts d'arbres morts, tordus par les tempêtes, S'étendent ; et le cri des voraces oiseaux, Près de grands lacs boueux, répond au cri des bêtes Qui râlent en glissant sur l'épaisseur des eaux. Mais l'immense tribu, par les sentiers plus rudes, Par les ravins fangeux où s'engouffre le vent, Comme un troupeau perdu, s'enfonce aux solitudes, Sans hâte, sans relâche et toujours plus avant. En tête, interrogeant l'ombre de leurs yeux ternes, Marchent les durs chasseurs, les géants et les forts, Plus monstrueux que l'ours qu'au seuil de leurs cavernes Ils étouffaient naguère en luttant corps à corps. Leurs longs cheveux, pareils aux lianes farouches, En lanières tombaient de leurs crânes étroits, Tandis qu'en se figeant l'haleine de leurs bouchés Hérissait de glaçons leurs barbes aux poils droits. Les uns, ceints de roseaux tressés ou d'herbes sèches, Aux rafales de grêle offraient leurs larges flancs ; D'autres, autour du col attachant des peaux fraîches, D'un manteau bestial couvraient leurs reins sanglants. Et les femmes marchaient, lentes, mornes, livides, Haletant et pliant sous les doubles fardeaux Des blêmes nourrissons pendus à leurs seins vides Et des petits enfants attachés sur leur dos. En arrière, portés sur des branches unies, De grands vieillards muets songeaient aux jours lointains Et, soulevant parfois leurs paupières ternies, Vers l'horizon perdu tournaient des yeux éteints. Ils allaient. Mais soudain, quand la nuit dans, l'espace Roulait, avec la peur, l'obscurité sans fin, La tribu tout entière, épuisée et trop lasse, Multipliait le cri terrible de sa faim. Les chasseurs ont hier suivi des pistes fausses ; Le renne prisonnier a rompu ses liens ; L'ours défiant n'a pas trébuché dans les fosses ; Le cerf n'est pas tombé sous les crocs blancs des chiens. Le sol ne livre plus ni germes ni racines, Le poisson se dérobe aux marais submergés ; Rien, ni les acres fruits ni le flux des résines, Ni la moelle épaisse au creux des os rongés. Et voici qu'appuyés sur des haches de pierre, Les mâles, dans l'horreur d'un songe inassouvi, Ont compté tous les morts dont la chair nourricière Fut le festin des loups, sur le chemin suivi. Voici la proie humaine, offerte à leur délire, Vieillards, femmes, enfants, les faibles, autour d'eux Vautrés dans leur sommeil stupide, sans voir luire Les yeux des carnassiers en un cercle hideux. Les haches ont volé. Devant les corps inertes, Dans la pourpre qui bout et coule en noirs ruisseaux, Les meurtriers, fouillant les poitrines ouvertes, Mangent les cœurs tout vifs, arrachés par morceaux. Et tous, repus, souillés d'un sang qui fume encore, Parmi les os blanchis épars sur le sol nu, Aux blafardes lueurs de la nouvelle aurore, Marchent, silencieux, vers le but inconnu. Telle, de siècle en siècle incessamment errante, Sur la neige durcie et le désert glacé Ne laissant même pas sa trace indifférente, La tribu, sans espoir et sans rêve, a passé. Tels, les Fils de l'Exil, suivant le bord des fleuves Dont les vallons emplis traçaient le large cours, Sauvages conquérants des solitudes neuves, Ont avancé, souffert et pullulé toujours ; Jusqu'à l'heure où, du sein des vapeurs méphitiques, Dont le rideau flottant se déchira soudain, Une terre, pareille aux demeures antiques, A leurs yeux éblouis fleurit comme un jardin. Devant eux s'étalait calme, immense et superbe, Comme un tapis changeant au pied des monts jeté, Un pays, vierge encore, où, mugissant dans l'herbe, Des vaches au poil blanc paissaient en liberté. Et sous les palmiers verts, parmi les fleurs nouvelles, Les étalons puissants, les cerfs aux pieds légers Et les troupeaux épars des fuyantes gazelles Écoutaient sans effroi les pas des étrangers. C'était là. Le Destin, dans l'aube qui se lève, Au terme de l'Exil ressuscitait pour eux, Comme un réveil tardif après un sombre rêve, Le vivant souvenir des siècles bienheureux. La Vie a rejailli de la source féconde, Et toute soif s'abreuve à son flot fortuné, Et le désert se peuple et toute chair abonde, Et l'homme pacifique est comme un nouveau-né. Il revoit le Soleil, l'immortelle Lumière, Et le ciel où, témoins des clémentes saisons, Des astres reconnus, à l'heure coutumière, Montent, comme autrefois, sur les vieux horizons. Et plus loin, par delà le sable monotone, Il voit irradier, comme un profond miroir, L'étincelante mer dont l'infini frissonne Quand le Soleil descend dans la rougeur du soir. Et le Ciel sans limite et la Nature immense, Les eaux, les bois, les monts, tout s'anime à ses yeux. Moins aveugle et moins sourd, un univers commence Où son cœur inquiet sent palpiter des Dieux. Ils naissent du chaos où s'ébauchaient leurs formes, Multiples et sans noms, l'un par l'autre engendrés ; Et le reflet sanglant de leurs ombres énormes D'une terreur barbare emplit les temps sacrés. Ils parlent dans l'orage ; ils pleurent dans l'averse. Leur bras libérateur darde et brandit l'éclair, Comme un glaive strident qui poursuit et transperce Les monstres nuageux accumulés dans l'air. Sur l'abîme éternel des eaux primordiales Nagent des Dieux prudents, tels que de grands poissons ; D'infaillibles Esprits peuplent les nuits astrales ; Des serpents inspirés sifflent dans les buissons. Puis, lorsque surgissant comme un roi, dans l'aurore, Le Soleil triomphal brille au firmament bleu, L'homme, les bras tendus, chante, contemple, adore La Majesté suprême et le plus ancien Dieu ; Celui qui féconda la Vie universelle, L'ancêtre vénéré du jour propice et pur, Le guerrier lumineux dont le disque étincelle Comme un bouclier d'or suspendu dans l'azur ; Et celui qui parfois, formidable et néfaste, Immobile au ciel fauve et morne de l'Été, Flétrit, dévore, embrase, et du désert plus vaste Fait, jusqu'aux profondeurs, flamber l'immensité. Mais quand l'homme, éveillant l'éternelle Nature, Ses formes, ses couleurs, ses clartés et ses voix, Fut seul devant les Dieux, fils de son âme obscure, Il tressaillit d'angoisse et supplia ses Rois. Alors, ô Souverains ! les taureaux et les chèvres D'un sang expiatoire ont inondé le sol ; Et l'hymne évocateur, en s'échappant des lèvres, Comme un aiglon divin tenta son premier vol. Idoles de granit, simulacres de pierre, Bétyles, Pieux sacrés, Astres du ciel serein, Vers vous, avec l'offrande, a monté la prière, Et la graisse a fumé sur les autels d'airain. Les siècles ont passé ; les races successives Ont bâti des palais, des tours et des cités Et des temples jaloux, dont les parois massives Aux profanes regards cachaient les Dieux sculptés. Triomphants tour à tour ou livrés aux insultes, Voluptueux, cruels, terribles ou savants, Tels, vous avez versé pour jamais, ô vieux cultes ! L'ivresse du Mystère aux âmes des vivants. Tels vous traînez encore, au fond de l'ombre ingrate, Vos cortèges sacrés, lamentables et vains, Du vieux Nil à la mer et du Gange à l'Euphrate, Ô spectres innommés des ancêtres divins ! Et dans le vague abîme où gît le monde antique, Luit, comme un astre mort, au ciel religieux, La sombre majesté de l'Orient mystique, Berceau des nations et sépulcre des Dieux.

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    L'inquiétude Qu'est-ce donc qui me trouble, et qu'est-ce que j'attends ? Je suis triste à la ville, et m'ennuie au village ; Les plaisirs de mon âge Ne peuvent me sauver de la longueur du temps. Autrefois l'amitié, les charmes de l'étude Remplissaient sans effort mes paisibles loisirs. Oh ! quel est donc l'objet de mes vagues désirs ? Je l'ignore, et le cherche avec inquiétude. Si pour moi le bonheur n'était pas la gaîté, Je ne le trouve plus dans ma mélancolie ; Mais, si je crains les pleurs autant que la folie, Où trouver la félicité ? Et vous qui me rendiez heureuse, Avez-vous résolu de me fuir sans retour ? Répondez, ma raison ; incertaine et trompeuse, M'abandonnerez-vous au pouvoir de l'Amour ? ... Hélas ! voilà le nom que je tremblais d'entendre. Mais l'effroi qu'il inspire est un effroi si doux ! Raison, vous n'avez plus de secret à m'apprendre, Et ce nom, je le sens, m'en a dit plus que vous.

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    Prière pour lui Dieu ! créez à sa vie un objet plein de charmes, Une voix qui réponde aux secrets de sa voix ! Donnez-lui du bonheur, Dieu ! donnez-lui des larmes ; Du bonheur de le voir j'ai pleuré tant de fois ! J'ai pleuré : mais ma voix se tait devant la sienne ; Mais tout ce qu'il m'apprend, lui seul l'ignorera ; Il ne dira jamais : « Soyons heureux, sois mienne ! » L'aimera-t-elle assez, celle qui l'entendra ? Celle à qui sa présence ira porter la vie, Qui sentira son cœur l'atteindre et la chercher, Qui ne fuira jamais, bien qu'à jamais suivie, Et dont l'ombre à la sienne osera s'attacher ? Ils ne feront qu'un seul ! et ces ombres heureuses Dans les clartés du soir se confondront toujours ; Ils ne sentiront pas d'entraves douloureuses Désenchaîner leurs nuits, désenchanter leurs jours ! Qu'il la trouve demain ! Qu'il m'oublie et l'adore ! Demain : à mon courage il reste peu d'instants. Pour une autre aujourd'hui je peux prier encore ; Mais . . . Dieu ! vous savez tout : vous savez s'il est temps !

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    L'oreiller d'un enfant Cher petit oreiller, doux et chaud sous ma tête, Plein de plume choisie, et blanc ! et fait pour moi ! Quand on a peur du vent, des loups, de la tempête, Cher petit oreiller, que je dors bien sur toi ! Beaucoup, beaucoup d'enfants pauvres et nus, sans mère, Sans maison, n'ont jamais d'oreiller pour dormir ; Ils ont toujours sommeil. Ô destinée amère ! Maman ! douce maman ! cela me fait gémir. Et quand j'ai prié Dieu pour tous ces petits anges Qui n'ont pas d'oreiller, moi j'embrasse le mien. Seule, dans mon doux nid qu'à tes pieds tu m'arranges, Je te bénis, ma mère, et je touche le tien ! Je ne m'éveillerai qu'à la lueur première De l'aube ; au rideau bleu c'est si gai de la voir ! Je vais dire tout bas ma plus tendre prière : Donne encore un baiser, douce maman ! Bonsoir !

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    L'oreiller d'une petite fille Aux petits des oiseaux il donne la pâture, Et sa bonté s'étend sur toute la nature. Athalie. Cher petit oreiller, doux et chaud sous ma tête, Plein de plume choisie, et blanc ! et fait pour moi ! Quand on a peur du vent, des loups, de la tempête, Cher petit oreiller, que je dors bien sur toi ! Beaucoup, beaucoup d'enfants pauvres et nus, sans mère, Sans maison, n'ont jamais d'oreiller pour dormir ; Ils ont toujours sommeil. Ô destinée amère ! Maman ! douce maman ! cela me fait gémir. Et quand j'ai prié Dieu pour tous ces petits anges Qui n'ont pas d'oreiller, moi, j'embrasse le mien. Seule, dans mon doux nid qu'à tes pieds tu m'arranges, Je te bénis, ma mère, et je touche le tien. Je ne m'éveillerai qu'à la lueur première De l'aube ; au rideau bleu c'est si gai de la voir ! Je vais dire tout bas ma plus tendre prière : Donne encore un baiser, douce maman ! Bonsoir ! PRIÈRE. Dieu des enfants ! le cœur d'une petite fille, Plein de prière (écoute !), est ici sous mes mains On me parle toujours d'orphelins sans famille : Dans l'avenir, mon Dieu, ne fais plus d'orphelins ! Laisse descendre au soir un ange qui pardonne, Pour répondre à des voix que l'on entend gémir. Mets, sous l'enfant perdu que la mère abandonne, Un petit oreiller qui le fera dormir !

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    L'âme errante Je suis la prière qui passe Sur la terre où rien n'est à moi ; Je suis le ramier dans l'espace, Amour, où je cherche après toi. Effleurant la route féconde, Glanant la vie à chaque lieu, J'ai touché les deux flancs du monde, Suspendue au souffle de Dieu. Ce souffle épura la tendresse Qui coulait de mon chant plaintif Et répandit sa sainte ivresse Sur le pauvre et sur le captif Et me voici louant encore Mon seul avoir, le souvenir, M'envolant d'aurore en aurore Vers l'infinissable avenir. Je vais au désert plein d'eaux vives Laver les ailes de mon coeur, Car je sais qu'il est d'autres rives Pour ceux qui vous cherchent, Seigneur ! J'y verrai monter les phalanges Des peuples tués par la faim, Comme s'en retournent les anges, Bannis, mais rappelés enfin... Laissez-moi passer, je suis mère ; Je vais redemander au sort Les doux fruits d'une fleur amère, Mes petits volés par la mort. Créateur de leurs jeunes charmes, Vous qui comptez les cris fervents, Je vous donnerai tant de larmes Que vous me rendrez mes enfants !

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    La fleur renvoyée Adieu, douce pensée, Image du plaisir ! Mon âme est trop blessée, Tu ne peux la guérir. L'espérance légère De mon bonheur Fut douce et passagère, Comme ta fleur. Rien ne me fait envie, Je ne veux plus te voir. Je n'aime plus la vie, Qu'ai-je besoin d'espoir ? En ce moment d'alarme Pourquoi t'offrir ? Il ne faut qu'une larme Pour te flétrir. Par toi, ce que j'adore Avait surpris mon cœur ; Par toi, veut-il encore Égarer ma candeur ? Son ivresse est passée ; Mais, en retour, Qu'est-ce qu'une pensée Pour tant d'amour ?

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    La jalousie Qu'as-tu fait d'un aveu doux à ton espérance ? Mes pleurs, qu'en as-tu fait ? Ton bonheur d'un moment. Les secrets de mon âme ont aigri ta souffrance, Et, pour y croire enfin, tu voulus un serment. Le serment est livré : tu ne crois pas encore, Tu doutes des parfums en respirant les fleurs ; Tu voudrais ajouter des rayons à l'aurore, Au soleil des flambeaux, à l'iris des couleurs. Incrédule, inquiète, ingrate jalousie ! Amour, aveugle amour qui méconnaît l'amour ! Qui regarde un ciel pur, et demande le jour ; Oh ! que je... que je t'aime, aimable frénésie !

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    La jeune fille et le ramier Les rumeurs du jardin disent qu'il va pleuvoir ; Tout tressaille, averti de la prochaine ondée : Et toi qui ne lis plus, sur ton livre accoudée, Plaints-tu l'absent aimé qui ne pourra te voir ? Là-bas, plaint son aile et mouillé sous l'ombrage, Banni de l'horizon qu'il n'atteint que des yeux, Appelant sa compagne et regardant les cieux, Un ramier, comme toi, soupire de l'orage. Laissez pleuvoir, ô cœurs solitaires et doux ! Sous l'orage qui passe il renaît tant de choses, Le soleil sans la pluie ouvrirait-il les roses ? Amants, vous attendez, de quoi vous plaignez-vous ?

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    La maison de ma Mère Maison de la naissance, ô nid, doux coin du monde ! O premier univers où nos pas ont tourné ! Chambre ou ciel, dont le cœur garde la mappemonde, Au fond du temps je vois ton seuil abandonné. Je m'en irais aveugle et sans guide à ta porte. Toucher le berceau nu qui daigna me nourrir ; Si je deviens âgée et faible, qu'on m'y porte ! Je n'y pus vivre enfant ; j'y voudrais bien mourir ; Marcher dans notre cour où croissait un peu d'herbe. Où l'oiseau de nos toits descendait boire, et puis, Pour coucher ses enfants, becquetait l'humble gerbe, Entre les cailloux bleus que mouillait le grand puits ! De sa fraîcheur lointaine il lave encor mon âme, Du présent qui me brûle il étanche la flamme, Ce puits large et dormeur au cristal enfermé, Où ma mère baignait son enfant bien-aimé : Lorsqu'elle berçait l'air avec sa voix rêveuse, Qu'elle était calme et blanche et paisible le soir. Désaltérant le pauvre assis, comme on croit voir Aux ruisseaux de la bible une fraîche laveuse : Elle avait des accents d'harmonieux amour, Que je buvais du cœur en jouant dans la cour ! Ciel ! où prend donc sa voix une mère qui chante. Pour aider le sommeil à descendre au berceau ? Dieu mit-il plus de grâce au souffle d'un ruisseau ? Est-ce l'Éden rouvert à son hymne louchante. Laissant sur l'oreiller de l'enfant qui s'endort. Poindre tous les soleils qui lui cachent la mort ? Et l'enfant assoupi sous cette âme voilée. Reconnaît-il les bruits d'une vie écoulée ? Est-ce un cantique appris à son départ du ciel, Où l'adieu d'un jeune ange épancha quelque miel ? Elle se défendait de me faire savante ; "Apprendre, c'est vieillir, disait-elle, et l'enfant "Se nourrira trop tôt du fruit que Dieu défend ; "Fruit fiévreux à la sève aride et décevante ; "L'enfant sait tout qui dit à son ange gardien : "— Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien ! "C'est assez demander à cette vie amère ; "Assez de savoir suivre et regarder sa mère, "Et nous aurons appris pour un long avenir, "Si nous savons prier, nous soumettre et bénir !" Et je ne savais rien à dix ans qu'être heureuse ; Rien, que jeter au ciel ma voix d'oiseau, mes fleurs ; Rien, durant ma croissance aiguë et douloureuse. Que plonger dans ses bras mon sommeil ou mes Je n'avais rien appris, rien lu que ma prière, [pleurs : Quand mon sein se gonfla de chants mystérieux ; J'écoutais Notre-Dame et j'épelais les cieux Et la vague harmonie inondait ma paupière ; Les mots seuls y manquaient ; mais je croyais qu'un [jour. On m'entendrait aimer pour me répondre : amour !

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    La Mère qui pleure J'ai presque perdu la vue A suivre le jeune oiseau Qui, du sommet d'un roseau, S'est élancé vers la nue. S'il ne doit plus revenir, Pourquoi m'en ressouvenir ? Bouquet vivant d'étincelles, Il descendit du soleil Éblouissant mon réveil Au battement de ses ailes. S'il ne doit plus revenir, Pourquoi m'en ressouvenir ? Prompt comme un ramier sauvage, Après l'hymne du bonheur. Il s'envola de mon cœur, Tant il craignait l'esclavage ! S'il ne doit plus revenir, Pourquoi m'en ressouvenir ? De tendresse et de mystère Dès qu'il eut rempli ces lieux, Il emporta vers les deux Tout mon espoir de la terre ! S'il ne doit plus revenir, Pourquoi m'en ressouvenir ? Son chant que ma voix prolonge Plane encore sur ma raison. Et dans ma triste maison Je n'entends chanter qu'un songe. S'il ne doit plus revenir, Pourquoi m'en ressouvenir ? Le jour ne peut redescendre Dans l'ombre où son vol a lui. Et pour monter jusqu'à lui Mes ailes ont trop de cendre. S'il ne doit plus revenir. Pourquoi m'en ressouvenir ? Comme l'air qui va si vite, Sois libre, ô mon jeune oiseau ! Mais que devient le roseau, Quand son doux chanteur le quitte ! S'il ne doit plus revenir. Pourquoi m'en ressouvenir ?

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    La prière perdue Inexplicable cœur, énigme de toi-même, Tyran de ma raison, de la vertu que j'aime, Ennemi du repos, amant de la douleur, Que tu me fais de mal, inexplicable cœur ! Si l'horizon plus clair me permet de sourire, De mon sort désarmé tu trompes le dessein ; Dans ma sécurité tu ne vois qu'un délire ; D'une vague frayeur tu soulèves mon sein. Si de tes noirs soupçons l'amertume m'oppresse, Si je veux par la fuite apaiser ton effroi, Tu demandes du temps, quelques jours, rien ne presse ; J'hésite, tu gémis, je cède malgré moi. Que je crains, ô mon cœur, ce tyrannique empire ! Que d'ennuis, que de pleurs il m'a déjà coûté ! Rappelle-toi ce temps de liberté, Ce bien perdu dont ma fierté soupire. Tu me trahis toujours, et tu me fais pitié. Crois-moi, rends à l'amour un sentiment trop tendre ; Pour ton repos, si tu voulais m'entendre, Tu n'en aurais encor que trop de la moitié ! Non, dis-tu, non, jamais ! trop faible esclave, écoute, Écoute ! Et ma raison te pardonne et t'absout : Rends-lui du moins les pleurs ! Tu vas céder sans doute ? Hélas ! non ! toujours non ! Ô mon cœur ! prends donc tout.

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    La séparation Il le faut, je renonce à toi ; On le veut, je brise ta chaîne. Je te rends tes serments, ta foi : Sois heureux, quitte-moi sans peine. Séparons-nous... attends, hélas ! Mon cœur encor ne se rend pas ! Toi qui fus mes seules amours, Le charme unique de ma vie, Une autre fera tes beaux jours, Et je le verrai sans envie. Séparons-nous... attends, hélas ! Mon cœur encor ne se rend pas. Reprends-le ce portrait charmant Où l'amour a caché ses armes ; On n'y verra plus ton serment, Il est effacé par mes larmes ! Séparons-nous... attends, hélas ! Mon cœur encor ne se rend pas.

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    Le convoi d'un ange Quand j'ignorais la mort, je pense qu'une fois On me fit blanche et belle, et qu'on serra ma tête D'une tresse de fleurs comme pour une fête ; Qu'une gaze tombait sur mes souliers plus beaux ; Et qu'à travers le jour nous portions des flambeaux : Et puis, qu'un long ruban nous tenait, jeunes filles Prises pour le cortège au sein de nos familles. Oui, de mes jours pleures je vois sortir ce jour Tout soleil ! ruisselant sur la fraîche chapelle Où je voudrais prier quand je me la rappelle. Enfants, nous emportions à son dernier séjour Un enfant plus léger, plus peureux de la terre. Et qui s'en retournait habillé de mystère, Furtif comme l'oiseau sur nos toits entrevu, Posé pour nous chanter son passage imprévu, Dont la flèche invisible a détendu les ailes. Et qui se traîne aux fleurs, et disparaît sous elles ! Nous entrâmes sans bruit dans la chapelle ouverte, Étrangère au soleil sous sa coupole verte ; Là, comme une eau qui coule au milieu de l'été, On entendait tout bas courir l'éternité ; Quelque chose de tendre y languissait : du lierre Y tenait doucement la vierge prisonnière ; Parmi le jour douteux qui flottait dans le chœur, On voyait s'abaisser et s'élever son cœur. Je le croirai toujours : c'était comme une femme Sur ses genoux émus tenant son premier-né, Chaste et nu, doux et fort, humble et prédestiné, Déjà si plein d'amour qu'il nous attirait l'âme ! La mort passait sans pleurs. Hélas ! on n'avait pu Porter la mère au seuil où la blanche volée, Sur la petite boîte odorante et voilée, Reprenait l'hymne frêle aux vents interrompu : Et le deuil n'était pas dans notre frais cortège ; Car le prêtre avait dit : "Enfant, Dieu te protège ; Dieu t'enlève au banquet mortel qui t'appelait, Encor gonflé pour toi de larmes et de lait !" Et quand je ne vis plus ce doux fardeau de roses Trembler au fond du voile au soleil étendu, On dit : "Regarde au ciel !" Et je vis tant de choses, Que je l'y crus porté par le vent, ou perdu. Fait ange dans l'azur inondé de lumière ; Car l'or du ciel fondait en fils éuncelants, Et tant de jour coulait sur nos vêtements blancs. Qu'il fallut curieuse en ôter ma paupière. Longtemps tout fut mobile et rouge sous ma main, Et je ne pus compter les arbres du chemin : Sous le toit sans bonheur on nous reçut encore : Le jardin nous offrit ce que l'enfance adore, Et nous trouvâmes bons les fruits de l'ange. Hélas ! Une chambre était triste : elle ne s'ouvrit pas ; Et nous fîmes un feu des églantines mortes, Dont l'enfant qui s'en va fait arroser les portes.

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    Le dernier rendez-vous Mon seul amour ! embrasse-moi. Si la mort me veut avant toi, Je bénis Dieu ; tu m'as aimée ! Ce doux hymen eut peu d'instants : Tu vois ; les fleurs n'ont qu'un printemps, Et la rose meurt embaumée. Mais quand, sous tes pieds renfermée, Tu viendras me parler tout bas, Crains-tu que je n'entende pas ? Je t'entendrai, mon seul amour ! Triste dans mon dernier séjour, Si le courage t'abandonne ; Et la nuit, sans te commander, J'irai doucement te gronder, Puis te dire : « Dieu nous pardonne ! » Et, d'une voix que le ciel donne, Je te peindrai les cieux tout bas : Crains-tu de ne m'entendre pas ? J'irai seule, en quittant tes yeux, T'attendre à la porte des Cieux, Et prier pour ta délivrance. Oh ! dussé-je y rester longtemps, Je veux y couler mes instants A t'adoucir quelque souffrance ; Puis un jour, avec l'Espérance, Je viendrai délier tes pas ; Crains-tu que je ne vienne pas ? Je viendrai, car tu dois mourir, Sans être las de me chérir ; Et comme deux ramiers fidèles, Séparés par de sombres jours, Pour monter où l'on vit toujours, Nous entrelacerons nos ailes ! Là, nos heures sont éternelles : Quand Dieu nous l'a promis tout bas, Crois-tu que je n'écoutais pas ?

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    Le nid solitaire Va, mon âme, au-dessus de la foule qui passe. Ainsi qu'un libre oiseau te baigner dans l'espace-Va voir ! et ne reviens qu'après avoir touché Le rêve... mon beau rêve à la terre caché. Moi, je veux du silence, il y va de ma vie ; Et je m'enferme où rien, plus rien ne m'a suivie ; Et de son nid étroit d'où nul sanglot ne sort, J'entends courir le siècle à côté de mon sort. Le siècle qui s'enfuit grondant devant nos portes, Entraînant dans son cours, comme des algues mortes, Les noms ensanglantés, les vœux, les vains serments, Les bouquets purs, noués de noms doux et charmants. Va, mon âme, au-dessus de la foule qui passe. Ainsi qu'un libre oiseau te baigner dans l'espace. Va voir ! et ne reviens qu'après avoir touché Le rêve-., mon beau rêve à la terre caché !

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    Le pardon Je me meurs, je succombe au destin qui m'accable. De ce dernier moment veux-tu charmer l'horreur ? Viens encore une fois presser ta main coupable Sur mon cœur. Quand il aura cessé de brûler et d'attendre, Tu ne sentiras pas de remords superflus ; Mais tu diras : « Ce cœur, qui pour moi fut si tendre, N'aime plus. » Vois l'amour qui s'enfuit de mon âme blessée, Contemple ton ouvrage et ne sens nul effroi : La mort est dans mon sein, pourtant je suis glacée Moins que toi. Prends ce cœur, prends ton bien ! L'amante qui t'adore N'eut jamais à t'offrir, hélas ! Un autre don ; Mais en le déchirant, tu peux y lire encore Ton pardon.

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    Le premier amour Vous souvient-il de cette jeune amie, Au regard tendre, au maintien sage et doux ? À peine, hélas ! au printemps de sa vie, Son cœur sentit qu'il était fait pour vous. Point de serment, point de vaine promesse : Si jeune encore, on ne les connaît pas ; Son âme pure aimait avec ivresse, Et se livrait sans honte et sans combats. Elle a perdu son idole chérie ; Bonheur si doux a duré moins qu'un jour ! Elle n'est plus au printemps de sa vie : Elle est encore à son premier amour.

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    Le rendez-vous Il m'attend : je ne sais quelle mélancolie Au trouble de l'amour se mêle en cet instant : Mon cœur s'est arrêté sous ma main affaiblie ; L'heure sonne au hameau ; je l'écoute... et pourtant, Il m'attend. Il m'attend : d'où vient donc que dans ma chevelure Je ne puis enlacer les fleurs qu'il aime tant ? J'ai commencé deux fois sans finir ma parure, Je n'ai pas regardé le miroir... et pourtant, Il m'attend. Il m'attend : le bonheur recèle-t-il des larmes ? Que faut-il inventer pour le rendre content ? Mes bouquets, mes aveux, ont-ils perdu leurs charmes ? Il est triste, il soupire, il se tait... et pourtant, Il m'attend. Il m'attend : au retour serai-je plus heureuse ? Quelle crainte s'élève en mon sein palpitant ! Ah ! dût-il me trouver moins tendre que peureuse, Ah ! dussé-je en pleurer, viens, ma mère... et pourtant, Il m'attend !

    en cours de vérification

    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    Le secret Dans la foule, Olivier, ne viens plus me surprendre ; Sois là, mais sans parler, tâche de me l'apprendre : Ta voix a des accents qui me font tressaillir ! Ne montre pas l'amour que je ne puis te rendre, D'autres yeux que les tiens me regardent rougir. Se chercher, s'entrevoir, n'est-ce pas tout se dire ? Ne me demande plus, par un triste sourire, Le bouquet qu'en dansant je garde malgré moi : Il pèse sur mon coeur quand mon coeur le désire, Et l'on voit dans mes yeux qu'il fut cueilli pour toi. Lorsque je m'enfuirai, tiens-toi sur mon passage ; Notre heure pour demain, les fleurs de mon corsage, Je te donnerai tout avant la fin du jour : Mais puisqu'on n'aime pas lorsque l'on est bien sage, Prends garde à mon secret, car j'ai beaucoup d'amour !

    en cours de vérification