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Titre : La maison de ma Mère

Auteur : Marceline Desbordes-Valmore

Maison de la naissance, ô nid, doux coin du monde ! O premier univers où nos pas ont tourné ! Chambre ou ciel, dont le cœur garde la mappemonde, Au fond du temps je vois ton seuil abandonné. Je m'en irais aveugle et sans guide à ta porte. Toucher le berceau nu qui daigna me nourrir ; Si je deviens âgée et faible, qu'on m'y porte ! Je n'y pus vivre enfant ; j'y voudrais bien mourir ; Marcher dans notre cour où croissait un peu d'herbe. Où l'oiseau de nos toits descendait boire, et puis, Pour coucher ses enfants, becquetait l'humble gerbe, Entre les cailloux bleus que mouillait le grand puits ! De sa fraîcheur lointaine il lave encor mon âme, Du présent qui me brûle il étanche la flamme, Ce puits large et dormeur au cristal enfermé, Où ma mère baignait son enfant bien-aimé : Lorsqu'elle berçait l'air avec sa voix rêveuse, Qu'elle était calme et blanche et paisible le soir. Désaltérant le pauvre assis, comme on croit voir Aux ruisseaux de la bible une fraîche laveuse : Elle avait des accents d'harmonieux amour, Que je buvais du cœur en jouant dans la cour ! Ciel ! où prend donc sa voix une mère qui chante. Pour aider le sommeil à descendre au berceau ? Dieu mit-il plus de grâce au souffle d'un ruisseau ? Est-ce l'Éden rouvert à son hymne louchante. Laissant sur l'oreiller de l'enfant qui s'endort. Poindre tous les soleils qui lui cachent la mort ? Et l'enfant assoupi sous cette âme voilée. Reconnaît-il les bruits d'une vie écoulée ? Est-ce un cantique appris à son départ du ciel, Où l'adieu d'un jeune ange épancha quelque miel ? Elle se défendait de me faire savante ; "Apprendre, c'est vieillir, disait-elle, et l'enfant "Se nourrira trop tôt du fruit que Dieu défend ; "Fruit fiévreux à la sève aride et décevante ; "L'enfant sait tout qui dit à son ange gardien : "— Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien ! "C'est assez demander à cette vie amère ; "Assez de savoir suivre et regarder sa mère, "Et nous aurons appris pour un long avenir, "Si nous savons prier, nous soumettre et bénir !" Et je ne savais rien à dix ans qu'être heureuse ; Rien, que jeter au ciel ma voix d'oiseau, mes fleurs ; Rien, durant ma croissance aiguë et douloureuse. Que plonger dans ses bras mon sommeil ou mes Je n'avais rien appris, rien lu que ma prière, [pleurs : Quand mon sein se gonfla de chants mystérieux ; J'écoutais Notre-Dame et j'épelais les cieux Et la vague harmonie inondait ma paupière ; Les mots seuls y manquaient ; mais je croyais qu'un [jour. On m'entendrait aimer pour me répondre : amour !