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Pierre de Ronsard

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Pierre de Ronsard, né en septembre 1524 au château de la Possonnière, près du village de Couture-sur-Loir en Vendômois, et mort le 27 décembre 1585 au Prieuré Saint-Cosme de Tours, est un des poètes français les plus importants du XVIe siècle. « Prince des poètes et poète des princes », Pierre de Ronsard est une figure majeure de la littérature poétique de la Renaissance. Auteur d’une œuvre vaste qui, en plus de trente ans, s'est portée aussi bien sur la poésie engagée et officielle dans le contexte des guerres de Religion avec Les Hymnes et les Discours (1555-1564), que sur l’épopée avec La Franciade (1572) ou la poésie lyrique avec les recueils Les Odes (1550-1552) et des Amours (Les Amours de Cassandre, 1552 ; Continuation des amours, 1555 ; Sonnets pour Hélène, 1578). Imitant les auteurs antiques, Ronsard emploie d'abord les formes de l'ode (Mignonne, allons voir si la rose) et de l'hymne, considérées comme des formes majeures, mais il utilisera de plus en plus le sonnet transplanté en France par Clément Marot en 1536 en employant le décasyllabe (Mon dieu, mon dieu, que ma maistresse est belle !, Les Amours, ou Je vous envoye un bouquet…, Continuation des Amours) comme le mètre « moderne » de l'alexandrin (Comme on voit sur la branche…, Second Livre des amours, ou Quand vous serez bien vieille…, Sonnets pour Hélène).

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Poésies

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    Ange divin, qui mes plaies embaume Ange divin, qui mes plaies embaume, Le truchement et le héraut des dieux, De quelle porte es-tu coulé des cieux, Pour soulager les peines de mon âme ? Toi, quand la nuit par le penser m'enflamme, Ayant pitié de mon mal soucieux, Ore en mes bras, ore devant mes yeux, Tu fais nager l'idole de ma Dame. Demeure, Songe, arrête encore un peu ! Trompeur, attends que je me sois repu De ce beau sein dont l'appétit me ronge, Et de ces flancs qui me font trépasser : Sinon d'effet, souffre au moins que par songe Toute une nuit je les puisse embrasser.

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    Chanson d'amour Chanson XV Quand ce beau printemps je vois, J'aperçois Rajeunir la terre et l'onde, Et me semble que le jour Et l'amour, Comme enfants, naissent au monde. Le jour, qui plus beau se fait, Nous refait Plus belle et verte la terre : Et Amour, armé de traits Et d'attraits, En nos cœurs nous fait la guerre, II répand de toutes parts Feu et dards, Et dompte sous sa puissance Hommes, bêtes et oiseaux, Et les eaux Lui rendent obéissance. Vénus, avec son enfant Triomphant Au haut de son Coche assise, Laisse ses cygnes voler Parmi l'air Pour aller voir son Anchise. Quelque part que ses beaux yeux Par les Cieux Tournent leurs lumières belles, L'air qui se montre serein Est tout plein D'amoureuses étincelles. Puis en descendant à bas, Sous ses pas Naissent mille fleurs écloses : Les beaux lys et les oeillets Vermeillets Rougissent entre les roses. Je sens en ce mois si beau Le flambeau D'Amour qui m'échauffe l'âme, Y voyant de tous côtés Les beautés Qu'il emprunte de ma Dame. Quand je vois tant de couleurs Et de fleurs Qui émaillent un rivage, Je pense voir le beau teint Qui est peint Si vermeil en son visage. Quand je vis les grands rameaux Des ormeaux Qui sont lacez de lierre, Je pense être pris et las De ses bras, Et que mon col elle serre. Quand j'entends la douce voix Par les bois Du gai Rossignol qui chante, D'elle je pense jouir Et ouïr Sa douce voix qui m'enchante. Quand je vois en quelque endroit Un pin droit, Ou quelque arbre qui s'élève. Je me laisse décevoir, Pensant voir Sa telle taille et sa grève (1). Quand je vois dans un jardin Au matin S'éclore une fleur nouvelle, Je compare le bouton Au téton De son beau sein qui pommelle. Quand le soleil tout riant D'Orient Nous montre sa blonde tresse, II me semble que je vois Devant moi Lever ma belle maîtresse. Quand je sens parmi les prés Diaprez (2) Les fleurs dont la terre est pleine, Lors je fais croire à mes sens Que je sens La douceur de son haleine. Bref, je fais comparaison Par raison Du Printemps et de ma mie : II donne aux fleurs la vigueur, Et mon cœur D'elle prend vigueur et vie. Je voudrais, au bruit de l'eau D'un ruisseau. Déplier ses tresses blondes, Frisant en autant de nœuds Ses cheveux, Que je verrais friser d'ondes. Je voudrais, pour la tenir, Devenir Dieu de ces forets désertes, La baisant autant de fois Qu'en un bois Il y a de feuilles vertes. Ah, maîtresse mon souci, Vient ici, Vient contempler la verdure Les fleurs, de mon amitié Ont pitié, Et seule tu n'en as cure (3). Au moins lève un peu tes yeux Gracieux, Et vois ces deux colombelles, Qui font naturellement, Doucement, L'amour, du bec et des ailes : Et nous, sous ombre d'honneur, Le bonheur Trahissons par une crainte : Les oiseaux sont plus heureux Amoureux Qui font l'amour sans contrainte. Toutefois ne perdons pas Nos ébats Pour ces lois tant rigoureuses : Mais si tu m'en crois, vivons, Et suivons Les colombes amoureuses. Pour effacer mon émoi, Baise-moi, Rebaise-moi, ma Déesse ; Ne laissons passer en vain Si soudain Les ans de notre jeunesse. 1. Grève : Jambe. 2. Diaprer : Varier. 3. Cure : Souci.

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    A cupidon Le jour pousse la nuit, Et la nuit sombre Pousse le jour qui luit D’une obscure ombre. L’Autonne suit l’Esté, Et l’aspre rage Des vents n’a point esté Apres l’orage. Mais la fièvre d’amours Qui me tourmente, Demeure en moy tousjours, Et ne s’alente. Ce n’estoit pas moy, Dieu, Qu’il falloit poindre, Ta fleche en autre lieu Se devoit joindre. Poursuy les paresseux Et les amuse, Mais non pas moy, ne ceux Qu’aime la Muse. Helas, delivre moy De ceste dure, Qui plus rit, quand d’esmoy Voit que j’endure. Redonne la clarté A mes tenebres, Remets en liberté Mes jours funebres. Amour sois le support De ma pensée, Et guide à meilleur port Ma nef cassée. Tant plus je suis criant Plus me reboute, Plus je la suis priant Et moins m’escoute. Ne ma palle couleur D’amour blesmie N’a esmeu à douleur Mon ennemie. Ne sonner à son huis De ma guiterre, Ny pour elle les nuis Dormir à terre. Plus cruel n’est l’effort De l’eau mutine Qu’elle, lors que plus fort Le vent s’obstine. Ell’ s’arme en sa beauté, Et si ne pense Voir de sa cruauté La récompense. Monstre toy le veinqueur, Et d’elle enflame Pour exemple le coeur De telle flame, Qui la soeur alluma Trop indiscrete, Et d’ardeur consuma La Royne en Crete.

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    Adieu, belle Cassandre, et vous, belle Marie Adieu, belle Cassandre, et vous, belle Marie, Pour qui je fus trois ans en servage à Bourgueil, L'une vit, l'autre est morte, et ores, de son œil Le Ciel se réjouit, dont la terre est marrie. Sur mon premier Avril, d'une amoureuse envie J'adorais vos beautés, mais votre fier orgueil Ne s'amollit jamais pour larmes ni pour deuil, Tant d'une gauche main la Parque ourdit ma vie. Maintenant en Automne, encore malheureux, Je vis comme au Printemps, de nature amoureux, Afin que tout mon âge aille au gré de la peine. Et or que je deusse être affranchi du harnois, Mon Colonel m'envoie, à grand coups de carquois, Rassiéger Ilion pour conquérir Hélène.

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    Ah longues nuicts d’hyver de ma vie bourrelles Ah longues nuicts d’hyver de ma vie bourrelles, Donnez moy patience, et me laissez dormir, Vostre nom seulement, et suer et fremir Me fait par tout le corps, tant vous m’estes cruelles. Le sommeil tant soit peu n’esvente de ses ailes Mes yeux tousjours ouvers, et ne puis affermir Paupiere sur paupiere, et ne fais que gemir, Souffrant comme Ixion des peines eternelles. Vieille umbre de la terre, ainçois l’umbre d’enfer, Tu m’as ouvert les yeux d’une chaisne de fer, Me consumant au lict, navré de mille pointes : Pour chasser mes douleurs ameine moy la mort, Ha mort, le port commun, des hommes le confort, Viens enterrer mes maux je t’en prie à mains jointes.

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    Amour me tue, et si je ne veux dire Amour me tue, et si je ne veux dire Le plaisant mal que ce m'est de mourir : Tant j'ai grand peur, qu'on veuille secourir Le mal, par qui doucement je soupire. Il est bien vrai, que ma langueur désire Qu'avec le temps je me puisse guérir : Mais je ne veux ma dame requérir Pour ma santé : tant me plaît mon martyre. Tais-toi langueur je sens venir le jour, Que ma maîtresse, après si long séjour, Voyant le soin qui ronge ma pensée, Toute une nuit, folâtrement m'ayant Entre ses bras, prodigue, ira payant Les intérêts de ma peine avancée.

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    Amour, amour, donne-moi paix ou trêve Sonnet XI. Amour, Amour, donne-moi paix ou trêve, Ou bien retire, et d'un garrot plus fort Tranche ma vie et m'avance la mort : Douce est la mort qui vient subite et brève. Soit que le jour ou se couche ou se lève, Je sens toujours un penser qui me mord, Et malheureux en si heureux effort, Me fait la guerre et mes peine rengrèvent (1). Que dois-je faire ? Amour me fait errer Si hautement, que je n'ose espérer De mon salut que la désespérance. Puis qu'Amour donc ne me veut secourir, Pour me défende il me plaît de mourir, Et par la mort trouver ma délivrance. 1. Rengrève signifie s'aggrave.

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    Amour, tu sembles Amour tu sembles au phalange qui point Lui de sa queue, et toi de ta quadrelle : De tous deux est la pointure mortelle, Qui rampe au coeur, et si n'aparoist point. Sans souffrir mal tu me conduis au point De la mort dure, et si ne voy par quelle Playe je meurs, ny par quelle cruelle Poison autour de mon âme se joint. Ceux qui se font saigner le pié dans l'eau, Meurent sans mal, pour un crime nouveau Fait à leur roy, par traitreuse cautelle : Je meurs comme eux, voire et si je n'ay fait Encontre amour, ni trayson, ni forfait, Si trop aymer un crime ne s'appelle.

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    Amourette Or que l'hiver roidit la glace épaisse, Réchauffons-nous, ma gentille maîtresse, Non accroupis près le foyer cendreux, Mais aux plaisirs des combats amoureux. Asseyons-nous sur cette molle couche. Sus ! baisez-moi, tendez-moi votre bouche, Pressez mon col de vos bras dépliés, Et maintenant votre mère oubliez. Que de la dent votre tétin je morde, Que vos cheveux fil à fil je détorde. Il ne faut point, en si folâtres jeux, Comme au dimanche arranger ses cheveux. Approchez donc, tournez-moi votre joue. Vous rougissez ? il faut que je me joue. Vous souriez : avez-vous point ouï Quelque doux mot qui vous ait réjoui ? Je vous disais que la main j'allais mettre Sur votre sein : le voulez-vous permettre ? Ne fuyez pas sans parler : je vois bien À vos regards que vous le voulez bien. Je vous connais en voyant votre mine. Je jure Amour que vous êtes si fine, Que pour mourir, de bouche ne diriez Qu'on vous baisât, bien que le désiriez ; Car toute fille, encore qu'elle ait envie Du jeu d'aimer, désire être ravie. Témoin en est Hélène, qui suivit D'un franc vouloir Pâris, qui la ravit. Je veux user d'une douce main forte. Ah ! vous tombez, vous faites déjà la morte. Ah ! quel plaisir dans le coeur je reçois ! Sans vous baiser, vous moqueriez de moi En votre lit, quand vous seriez seulette. Or sus ! c'est fait, ma gentille brunette. Recommençons afin que nos beaux ans Soient réchauffés de combats si plaisants.

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    Au mois d'Avril quand l'an se renouvelle Au mois d'avril, quand l'an se renouvelle, L'aube ne sort si fraîche de la mer : Ni hors des flots la déesse d'aimer Ne vint à Cypre en sa conque si belle, Comme je vis la beauté que j'appelle Mon astre saint, au matin s'éveiller, Rire le ciel, la terre s'émailler, Et les Amours voler à l'entour d'elle. Amour, Jeunesse, et les Grâces qui sont Filles du ciel lui pendaient sur le front : Mais ce qui plus redoubla mon service, C'est qu'elle avait un visage sans art. La femme laide est belle d'artifice, La femme belle est belle sans du fard.

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    Autre du même à la même dame Contente-toi d’un point : Tu es, je n’en mens point, Trop chaude à la curée ; Un coup suffit, la nuit, L’ordinaire qui suit Est toujours de durée. De reins faibles je suis, Relever je ne puis : Un cheval de bon être, Qui au montoir se plaît, Sans un nouveau surcroît Porte toujours son maître. Le nombre plus parfait Du premier un se fait, Qui par soi se compose ; La très simple unité, Loin de la pluralité Conserve toute chose. Le Monde sans pareil Ne porte qu’un Soleil, Qu’une Mer, qu’une Terre, Qu’une eau, qu’un Ciel ardent : Le nombre discordant Est cause de la guerre. Ma mignonne, crois-moi : Mon cas n’est pas mon doigt, Quand je puis il me dresse ; Tant de fois pigeonner, Enconner, renconner, Ce sont tours de jeunesse. Mon cheveu blanchissant De mon coeur va chassant La force et le courage ; L’Hiver n’est pas l’Eté : J’ai autrefois été, Tu seras de mon âge. Hier, tu me bravas, Couchée entre mes bras : Je le confesse, Bure, J’eusse été bien marri, Au règne de Henri, D’endurer telle injure. Lors qu’un printemps de sang M’échauffait tout le flanc A gagner la victoire, Bien dispos, je rompais Huit ou neuf fois mon bois… Maintenant, il faut boire ! Ne ressemble au goulu, Qui son bien dissolu Tout à la fois consomme : Cil qui prend peu à peu L’argent qui lui est dû, Ne perd toute la somme. Sois donc soûle de peu ; De peu l’Homme est repu : Celui qui, sans mesure, Le fait et le refait, Ménager il ne sait Le meilleur de Nature. Au lieu que l’inconstant Jouvenceau le fait tant, Trop chaud à la bataille ; Demeurons plus longtemps, Qu’un de nos passetemps Quatre d’un autre en vaille. Il faut se reposer, Se tâter, se baiser, D’un accord pitoyable Faire trêve et paix : Souvent, les petits mets Font durer une Table. Ne fronce le sourcil : Si tu le veux ainsi, Bure, tu es servie ; Je veux, sans m’abuser, En me jouant, user Et non perdre la vie.

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    Avant le temps tes temples fleuriront Avant le temps tes temples fleuriront, De peu de jours ta fin sera bornée, Avant le soir se clorra ta journée , Trahis d’espoir tes pensers periront : Sans me flechir tes escrits fletriront, En ton desastre ira ma destinée, Ta mort sera pour m’aimer terminée, De tes souspirs noz neveux se riront. Tu seras fait d’un vulgaire la fable : Tu bastiras sus l’incertain du sable, Et vainement tu peindras dans les cieux : Ainsi disoit la Nymphe qui m’afolle, Lors que le ciel tesmoin de sa parolle, D’un dextre éclair fut presage à mes yeux.

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    À la fontaine bellerie Ô fontaine Bellerie, Belle fontaine chérie De nos Nymphes, quand ton eau Les cache au creux de ta source Fuyantes le Satyreau, Qui les pourchasse à la course Jusqu'au bord de ton ruisseau. Tu es la Nymphe éternelle De ma terre paternelle : Pour ce, en ce pré verdelet Vois ton Poète qui t'orne D'un petit chevreau de lait, A qui l'une et l'autre corne Sortent du front nouvelet. L'Été, je dors ou repose Sur ton herbe, où je compose, Caché sous tes saules verts, Je ne sais quoi, qui ta gloire Enverra par l'Univers, Commandant à la Mémoire Que tu vives par mes vers. L'ardeur de la Canicule Ton vert rivage ne brûle, Tellement qu'en toutes parts Ton ombre est épaisse et drue Aux pasteurs venants des parcs, Aux bœufs las de la charrue, Et au bestial épars. Ô ! tu seras sans cesse Des fontaines la princesse, Moi célébrant le conduit Du rocher percé, qui darde, Avec un enroué bruit, L'eau de ta source jazarde Qui trépidante se suit.

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    À la forêt de Gastine Couché sous tes ombrages vers Gastine, je te chante Autant que les Grecs par leurs vers La forest d’Erymanthe. Car malin, celer je ne puis A la race future De combien obligé je suis A ta belle verdure : Toy, qui sous l’abry de tes bois Ravy d’esprit m’amuses, Toy, qui fais qu’à toutes les fois Me respondent les Muses : Toy, par qui de ce meschant soin Tout franc je me délivre. Lors qu’en toy je me pers bien loin. Parlant avec un livre. Tes bocages soient tousjours pleins D’amoureuses brigades, De Satyres et de Sylvains, La crainte des Naiades. En toy habite désormais Des Muses le college. Et ton bois ne sente jamais La flame sacrilège.

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    À Madame Marguerite Il faut que j’aille tanter L’oreille de MARGUERITE, Et dans son palais chanter Quel honneur elle merite : Debout Muses, qu’on m’atelle Vostre charette immortelle, Affin qu’errer je la face Par une nouvelle trace, Chantant la vierge autrement Que nos poëtes barbares, Qui ses saintes vertus rares Ont souillé premierement. J’ai sous l’esselle un carquois Gros de fleches nompareilles, Qui ne font bruire leurs vois Que pour les doctes oreilles : Leur roideur n’est apparante, A telle bande ignorante, Quand l’une d’elles annonce L’honneur que mon arc enfonce : Entre toutes j’elirai La mieus sonnante, & de celle Par la terre universelle Ses vertus je publirai. Sus mon Ame, ouvre la porte A tes vers plus dous que miel, Affin qu’une fureur sorte Pour la ravir jusque au ciel : Du croc arrache la Lire Qui tant de gloire t’aquit, Et vien sus ses cordes dire Comme la Nimphe náquit. Par un miracle nouveau Pallas du bout de sa lance Ouvrit un peu le cerveau De François seigneur de France. Adonques Vierge nouvelle Tu sortis de sa cervelle, Et les Muses qui te prindrent En leurs sçiences t’apprindrent : Mais quand le tens eut parfait L’acroissance de ton age, Tu pensas en ton courage, De mettre à chef un grand fait. Tes mains s’armerent alors De l’horreur de deus grands haches : Tes braz, tes flancs, & ton cors, Sous un double fer tu caches : Une menassante creste Branloit au hault de ta teste Joant sur la face horrible D’une Meduse terrible : Ainsi tu alas trouver Le vilain monstre Ignorance, Qui souloit toute la France Desous son ventre couver. L’ire qui la Beste offense En vain irrita son cueur, Pour la pousser en defense S’opposant au bras vainqueur : Car le fer pront à la batre Ja dans son ventre est caché, Et ja trois fois voire quatre, Le cueur lui a recherché. Le Monstre gist etandu, De son sang l’herbe se mouille : Aus Muses tu as pandu Pour Trophée sa depouille : Puis versant de ta poitrine Mainte source de doctrine, Au vrai tu nous fais connoistre Le miracle de ton estre. Pour cela je chanterai Ce bel hinne de victoire, Et de France à la Gent noire L’enseigne j’en planterai. Mais moi qui suis le témoin De ton los qui le monde orne, Il ne faut ruer si loin Que mon trait passe la borne : Frape à ce coup MARGUERITE, Et te fiche en son merite, Qui luit comme une planette Ardante la nuit brunette. Repandon devant ses ieus Ma musique toute neuve Et ma douceur qui abreuve L’honneur alteré des cieus. Affin que la Nimphe voie Que mon luc premierement Aus François montra la voie De sonner si proprement : Et comme imprimant ma trace Au champ Attiq’ & Romain, Callimaq’, Pindare, Horace, Je deterrai de ma main.

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    À sa guiterre Ma guiterre, je te chante, Par qui seule je deçoy, Je deçoy, je romps, j'enchante Les amours que je reçoy. Nulle chose, tant soit douce, Ne te sçauroit esgaler, Toi qui mes ennuis repousse Si tost qu'ils t'oyent parler. Au son de ton harmonie Je refreschy ma chaleur ; Ardante en flamme infinie, Naissant d'infini malheur. Plus chèrement je te garde Que je ne garde mes yeux, Et ton fust que je regarde Peint dessus en mille lieux, Où le nom de ma déesse En maint amoureux lien, En mains laz d'amour se laisse, Joindre en chiffre avec le mien ; Où le beau Phebus, qui baigne Dans le Loir son poil doré, Du luth aux Muses enseigne Dont elles m'ont honoré, Son laurier preste l'oreille, Si qu'au premier vent qui vient, De reciter s'apareille Ce que par cœur il retient. Icy les forests compagnes Orphée attire, et les vents, Et les voisines campagnes, Ombrage de bois suivants. Là est Ide la branchue, Où l'oiseau de Jupiter Dedans sa griffe crochue Vient Ganymede empieter, Ganymede délectable, Chasserot délicieux, Qui ores sert à la table D'un bel échanson aux Dieux. Ses chiens après l'aigle aboient, Et ses gouverneurs aussi, En vain étonnez, le voient Par l'air emporter ainsi. Tu es des dames pensives L'instrument approprié, Et des jeunesses lascives Pour les amours dédié. Les amours, c'est ton office, Non pas les assaus cruels, Mais le joyeux exercice De souspirs continuels. Encore qu'au temps d'Horace Les armes de tous costez Sonnassent par la menace Des Cantabres indomtez, Et que le Romain empire Foullé des Parthes fust tant, Si n'a-il point à sa lyre Bellonne accordé pourtant, Mais bien Venus la riante, Ou son fils plein de rigueur, Ou bien Lalagé fuyante Davant avecques son cœur. Quand sur toy je chanteroye D'Hector les combas divers, Et ce qui fut fait à Troye Par les Grecs en dix hyvers, Cela ne peut satisfaire A l'amour qui tant me mord : Que peut Hector pour moy faire ? Que peut Ajax, qui est mort ? Mieux vaut donc de ma maistresse Chanter les beautez, afin Qu'à la douleur qui me presse Daigne mettre heureuse fin ; Ces yeux autour desquels semble Qu'amour vole, ou que dedans II se cache, ou qu'il assemble Cent traits pour les regardants. Chantons donc sa chevelure, De laquelle Amour vainqueur Noua mille rets à l'heure Qu'il m'encordela le cœur, Et son sein, rose naïve, Qui va et vient tout ainsi Que font deux flots à leur rive Poussez d'un vent adoucy.

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    Pierre de Ronsard

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    À sa maîtresse La lune est coutumière De naître tous les mois : Mais quand notre lumière Est éteinte une fois, Sans nos yeux réveiller, Faut longtemps sommeiller. Tandis que vivons ores, Un baiser donnez-moi, Donnez-m'en mille encore, Amour n'a point de loi : A sa divinité Convient l'infinité. En vous baisant, Maîtresse, Vous m'avez entamé La langue chanteresse De votre nom aimé. Quoi ! est-ce là le prix Du travail qu'elle a pris ? Elle, par qui vous êtes Déesse entre les Dieux, Qui vos beautés parfaites Célébrait jusqu'aux Cieux, Ne faisant l'air, sinon Bruire de votre nom ? De votre belle face, Le beau logis d'Amour, Où Vénus et la Grâce Ont choisi leur séjour, Et de votre œil qui fait Le soleil moins parfait ; De votre sein d'ivoire Par deux ondes secous (1) Elle chantait la gloire, Ne chantant rien que vous : Maintenant en saignant, De vous se va plaignant. Las ! de petite chose Je me plains sans raison, Non de la plaie enclose Au cœur sans guérison, Que l'Archerocux M'y tira de vos yeux. 1. Secous : Secoué.

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    Pierre de Ronsard

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    À sa maîtresse (II) Ma Dame ne donne pas Des baisers, mais des appas Qui seuls nourrissent mon âme, Les biens dont les Dieux sont sous, Du Nectar, du sucre doux, De la cannelle et du bâme (1), Du thym, du lis, de la rose, Entre les lèvres écloses Fleurante en toutes saisons, Et du miel tel qu'en Hymette (2) La desrobe-fleur avette Remplit ses douces maisons. O dieux, que j'ai de plaisir Quand je sens mon col saisir De ses bras en mainte sorte ! Sur moi se laissant courber, D'yeux clos je la vois tomber Sur mon sein à demi-morte. Puis mettant la bouche sienne Tout à plat dessus la mienne, Me mord et je la remords : Je lui darde, elle me darde Sa languette frétillarde, Puis en ses bras je m'endors. D'un baiser mignard et long Me resuce l'âme adonc (3), Puis en soufflant la repousse, La resuce encore un coup, La ressoude (4) tout à coup Avec son haleine douce. Tout ainsi les colombelles Trémoussant un peu des ailes Avidement se vont baisant, Après que l'oiseuse glace A quitté la froide place Au Printemps doux et plaisant. Hélas! mais tempère un peu Les biens dont je suis repu, Tempère un peu ma liesse (5) : Tu me ferais immortel. Hé ! je ne veux être tel Si tu n'es aussi Déesse. 1. Bâme : Baume parfumé très agréable. 2. Hymette : Le mont Hymette est un massif grec connu pour son miel. 3. Adonc : En ce moment, alors. 4. Ressoude : Se réunir, être soudé ensemble. 5. Liesse : Joie.

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    Pierre de Ronsard

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    À son âme Amelette Ronsardelette, Mignonnelette doucelette, Treschere hostesse de mon corps, Tu descens là bas foiblelette, Pasle, maigrelette, seulette, Dans le froid Royaume des mors : Toutesfois simple, sans relors De meurtre, poison, ou rancune, Méprisant faveurs et tresors Tant enviez par la commune. Passant, j’ay dit, suy ta fortune Ne trouble mon repos, je dors.

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    Pierre de Ronsard

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    À une fille Ma petite Nymphe Macée, Plus blanche qu'ivoire taillé, Plus blanche que neige amassée. Plus blanche que le lait caillé, Ton beau teint ressemble les lis Avecque les roses cueillis. Découvre-moi ton beau chef-d'œuvre, Tes cheveux où le Ciel, donneur Des grâces, richement découvre Tous ses biens pour leur faire honneur ; Découvre ton beau front aussi, Heureux objet de mon souci. Comme une Diane tu marches, Ton front est beau, tes yeux sont beaux, Qui flambent sous deux noires arches, Comme deux célestes flambeaux, D'où le brandon fut allumé, Qui tout le cœur m'a consumé. Ce fut ton œil, douce mignonne, Que d'un fol regard écarté Les miens encore emprisonne, Peu soucieux de liberté, Tous deux au retour du Printemps, Et sur l'Avril de nos beaux ans. Te voyant jeune, simple et belle, Tu me suces l'âme et le sang ; Montre-moi ta rose nouvelle, Je dis ton sein d'ivoire blanc, Et tes deux rondelets tétons, Que s'enflent comme deux boutons. Las ! puisque ta beauté première Ne me daigne faire merci, Et me privant de ta lumière, Prend son plaisir de mon souci, Au moins regarde sur mon front Les maux que tes beaux yeux me font.

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    Pierre de Ronsard

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    Bonjour mon coeur Bonjour mon coeur, bonjour ma douce vie. Bonjour mon oeil, bonjour ma chère amie, Hé ! bonjour ma toute belle, Ma mignardise, bonjour, Mes délices, mon amour, Mon doux printemps, ma douce fleur nouvelle, Mon doux plaisir, ma douce colombelle, Mon passereau, ma gente tourterelle, Bonjour, ma douce rebelle. Hé ! faudra-t-il que quelqu'un me reproche Que j'aie vers toi le coeur plus dur que roche De t'avoir laissée, maîtresse, Pour aller suivre le Roi, Mendiant je ne sais quoi Que le vulgaire appelle une largesse ? Plutôt périsse honneur, court, et richesse, Que pour les biens jamais je te relaisse, Ma douce et belle déesse.

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    Pierre de Ronsard

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    Ce jour de Mai qui a la tête peinte Ce jour de Mai qui a la tête peinte, D'une gaillarde et gentille verdeur, Ne doit passer sans que ma vive ardeur Par votre grâce un peu ne soit éteinte.

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    Pierre de Ronsard

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    Celui qui boit Celui qui boit, comme a chanté Nicandre, De l'Aconite, il a l'esprit troublé, Tout ce qu'il voit lui semble estre doublé, Et sur ses yeux la nuit se vient espandre. Celui qui boit de l'amour de Cassandre, Qui par ses yeux au cœur est ecoulé, Il perd raison, il devient afolé, Cent fois le jour la Parque le vient prendre. Mais la chaut vive, ou la rouille, ou le vin Ou l'or fondu peuvent bien mettre fin Au mal cruel que l'Aconite donne :

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    Pierre de Ronsard

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    Chanson Le printemps n’a point tant de fleurs, L’autonne tant de raisins meurs, L’esté tant de chaleurs halées, L’hyver tant de froides gelées, Ny la mer a tant de poissons, Ny la Beauce tant de moissons, Ny la Bretaigne tant d’arenes, Ny l’Auvergne tant de fonteines, Ny la nuict tant de clairs flambeaux, Ny les forests tant de rameaux, Que je porte au coeur, ma maistresse, Pour vous de peine et de tristesse.

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    Pierre de Ronsard

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    Ciel, air et vents, plains et monts découverts Ciel, air et vents, plains et monts découverts, Tertres vineux et forêts verdoyantes, Rivages torts et sources ondoyantes, Taillis rasés et vous bocages verts, Antres moussus à demi-front ouverts, Prés, boutons, fleurs et herbes roussoyantes, Vallons bossus et plages blondoyantes, Et vous rochers, les hôtes de mes vers, Puis qu’au partir, rongé de soin et d’ire, A ce bel oeil Adieu je n’ai su dire, Qui près et loin me détient en émoi, Je vous supplie, Ciel, air, vents, monts et plaines, Taillis, forêts, rivages et fontaines, Antres, prés, fleurs, dites-le-lui pour moi.

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    Pierre de Ronsard

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    Comme on voit sur la branche Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose, En sa belle jeunesse, en sa première fleur, Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur, Quand l’Aube de ses pleurs au point du jour l’arrose; La grâce dans sa feuille, et l’amour se repose, Embaumant les jardins et les arbres d’odeur; Mais battue, ou de pluie, ou d’excessive ardeur, Languissante elle meurt, feuille à feuille déclose. Ainsi en ta première et jeune nouveauté, Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté, La Parque t’a tuée, et cendres tu reposes. Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs, Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs, Afin que vif et mort, ton corps ne soit que roses.

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    Pierre de Ronsard

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    Comme un chevreuil Comme un Chevreuil, quand le printemps détruit L’oiseux cristal de la morne gelée, Pour mieux brouter l’herbette emmiellée Hors de son bois avec l’Aube s’enfuit, Et seul, et sûr, loin de chien et de bruit, Or sur un mont, or dans une vallée, Or près d’une onde à l’écart recelée, Libre folâtre où son pied le conduit : De rets ni d’arc sa liberté n’a crainte, Sinon alors que sa vie est atteinte, D’un trait meurtrier empourpré de son sang : Ainsi j’allais sans espoir de dommage, Le jour qu’un oeil sur l’avril de mon âge Tira d’un coup mille traits dans mon flanc.

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    Pierre de Ronsard

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    Contre Denise Sorcière L’inimitié que je te porte. Passe celle, tant elle est forte, Des aigneaux et des loups, Vieille sorcière deshontée, Que les bourreaux ont fouettée Te honnissant de coups. Tirant après toy une presse D’hommes et de femmes espesse, Tu monstrois nud le flanc. Et monstrois nud parmy la rue L’estomac, et l’espaule nue Rougissante de sang. Mais la peine fut bien petite. Si lon balance ton mérite : Le Ciel ne devoit pas Pardonner à si lasche teste, Ains il devoit de sa tempeste L’acravanter à bas. La Terre mère encor pleurante Des Geans la mort violante Bruslez du feu des cieux, (Te laschant de son ventre à peine) T’engendra, vieille, pour la haine Qu’elle portait aux Dieux. Tu sçais que vaut mixtionnée La drogue qui nous est donnée Des pays chaleureux. Et en quel mois, en quelles heures Les fleurs des femmes sont meilleures Au breuvage amoureux. Nulle herbe, soit elle aux montagnes. Ou soit venimeuse aux campagnes, Tes yeux sorciers ne fuit. Que tu as mille fois coupée D’une serpe d’airain courbée, Béant contre la nuit. Le soir, quand la Lune fouette Ses chevaux par la nuict muette, Pleine de rage, alors Voilant ta furieuse teste De la peau d’une estrange beste Tu t’eslances dehors. Au seul soufler de son haleine Les chiens effroyez par la plaine Aguisent leurs abois : Les fleuves contremont reculent. Les loups effroyablement hurlent Apres toy par les bois. Adonc par les lieux solitaires. Et par l’horreur des cimetaires Où tu hantes le plus, Au son des vers que tu murmures Les corps des morts tu des-emmures De leurs tombeaux reclus. Vestant de l’un l’image vaine Tu viens effroyer d’une peine (Rebarbotant un sort) Quelque veufve qui se tourmente, Ou quelque mère qui lamente Son seul héritier mort. Tu fais que la Lune enchantée Marche par l’air toute argentée, Luy dardant d’icy bas Telle couleur aux joues pâlies. Que le son de mille cymbales Ne divertiroit pas. Tu es la frayeur du village : Chacun craignant ton sorcelage Te ferme sa maison. Tremblant de peur que tu ne taches Ses bœufs, ses moutons et ses vaches Du just de ta poison. J ’ay veu souvent ton œil senestre. Trois fois regardant de loin paistre La guide du troupeau. L’ensorceler de telle sorte. Que tost après je la vy morte Et les vers sur la peau. Comme toy, Medée exécrable Fut bien quelquefois profitable : Ses venins ont servy, Reverdissant d’Eson l’escorce : Au contraire, tu m’as par force Mon beau printemps ravy. Dieux ! si là haut pitié demeure, Pour recompense qu’elle meure, Et ses os diffamez Privez d’honneur de sépulture, Soient des oiseaux goulus pasture, Et des chiens affamez.

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    Pierre de Ronsard

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    Contre les bucherons de la forest de Gastin Elégie Quiconque aura premier la main embesongnée A te couper, forest, d’une dure congnée, Qu’il puisse s’enferrer de son propre baston, Et sente en l’estomac la faim d’Erisichton, Qui coupa de Cerés le Chesne venerable Et qui gourmand de tout, de tout insatiable, Les bœufs et les moutons de sa mère esgorgea, Puis pressé de la faim, soy-mesme se mangea : Ainsi puisse engloutir ses rentes et sa terre, Et se devore après par les dents de la guerre. Qu’il puisse pour vanger le sang de nos forests, Tousjours nouveaux emprunts sur nouveaux interests Devoir à l’usurier, et qu’en fin il consomme Tout son bien à payer la principale somme. Que tousjours sans repos ne face en son cerveau Que tramer pour-neant quelque dessein nouveau, Porté d’impatience et de fureur diverse, Et de mauvais conseil qui les hommes renverse. Escoute, Bucheron (arreste un peu le bras) Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas, Ne vois-tu pas le sang lequel degoute à force Des Nymphes qui vivoyent dessous la dure escorce ? Sacrilege meurdrier, si on prend un voleur Pour piller un butin de bien peu de valeur, Combien de feux, de fers, de morts, et de destresses Merites-tu, meschant, pour tuer des Déesses ? Forest, haute maison des oiseaux bocagers, Plus le Cerf solitaire et les Chevreuls legers Ne paistront sous ton ombre, et ta verte criniere Plus du Soleil d’Esté ne rompra la lumiere. Plus l’amoureux Pasteur sur un tronq adossé, Enflant son flageolet à quatre trous persé, Son mastin à ses pieds, à son flanc la houlette, Ne dira plus l’ardeur de sa belle Janette : Tout deviendra muet : Echo sera sans voix : Tu deviendras campagne, et en lieu de tes bois, Dont l’ombrage incertain lentement se remue, Tu sentiras le soc, le coutre et la charrue : Tu perdras ton silence, et haletans d’effroy Ny Satyres ny Pans ne viendront plus chez toy. Adieu vieille forest, le jouët de Zephyre, Où premier j’accorday les langues de ma lyre, Où premier j’entendi les fleches resonner D’Apollon, qui me vint tout le coeur estonner : Où premier admirant la belle Calliope, Je devins amoureux de sa neuvaine trope, Quand sa main sur le front cent roses me jetta, Et de son propre laict Euterpe m’allaita. Adieu vieille forest, adieu testes sacrées, De tableaux et de fleurs autrefois honorées, Maintenant le desdain des passans alterez, Qui bruslez en Esté des rayons etherez, Sans plus trouver le frais de tes douces verdures, Accusent vos meurtriers, et leur disent injures. Adieu Chesnes, couronne aux vaillans citoyens, Arbres de Jupiter, germes Dodonéens, Qui premiers aux humains donnastes à repaistre, Peuples vrayment ingrats, qui n’ont sceu recognoistre Les biens receus de vous, peuples vraiment grossiers, De massacrer ainsi nos peres nourriciers. Que l’homme est malheureux qui au monde se fie ! Ô Dieux, que véritable est la Philosophie, Qui dit que toute chose à la fin perira, Et qu’en changeant de forme une autre vestira : De Tempé la vallée un jour sera montagne, Et la cyme d’Athos une large campagne, Neptune quelquefois de blé sera couvert. La matiere demeure, et la forme se perd.

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    Pierre de Ronsard

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    Cueillez dés aujourd’huy les roses de la vie Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle, Assise aupres du feu, dévidant & filant, Direz, chantant mes vers, en vous esmerveillant, Ronsard me celebroit du temps que j’estois belle. Lors vous n’aurez servante oyant telle nouvelle, Desja sous le labeur à demy sommeillant, Qui au bruit de mon nom ne s’aille resveillant, Bénissant vostre nom de louange immortelle. Je seray sous la terre: & fantôme sans os Par les ombres myrteux je prendray mon repos ; Vous serez au fouyer une vieille accroupie Regrettant mon amour & vostre fier desdain. Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain : Cueillez dés aujourd’huy les roses de la vie.

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