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Sabine Sicaud

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Poésies

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    N’oublie pas la chanson du soleil, Vassili N’oublie pas la chanson du soleil, Vassili. Elle est dans les chemins craquelés de l’été, dans la paille des meules, dans le bois sec de ton armoire, …si tu sais bien l’entendre. Elle est aussi dans le cri du criquet. Vassili, Vassili, parce que tu as froid, ce soir, Ne nie pas le soleil.

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Ah ! Laissez-moi crier Ah! Laissez-moi crier, crier, crier … Crier à m’arracher la gorge ! Crier comme une bête qu’on égorge, Comme le fer martyrisé dans une forge, Comme l’arbre mordu par les dents de la scie, Comme un carreau sous le ciseau du vitrier… Grincer, hurler, râler ! Peu me soucie Que les gens s’en effarent. J’ai besoin De crier jusqu’au bout de ce qu’on peut crier. Les gens ? Vous ne savez donc pas comme ils sont loin, Comme ils existent peu, lorsque vous supplicie Cette douleur qui vous fait seul au monde ? Avec elle on est seul, seul dans sa geôle. Répondre ? Non. Je n’attends pas qu’on me réponde. Je ne sais même pas si j’appelle au secours, Si même j’ai crié, crié comme une folle, Comme un damné, toute la nuit et tout le jour. Cette chose inouïe, atroce, qui vous tue, Croyez-vous qu’elle soit Une chose possible à quoi l’on s’habitue ? Cette douleur, mon Dieu, cette douleur qui tue… Avec quel art cruel de supplice chinois, Elle montait, montait, à petits pas sournois, Et nul ne la voyait monter, pas même toi, Confiante santé, ma santé méconnue ! C’est vers toi que je crie, ah ! c’est vers toi, vers toi ! Pourquoi, si tu m’entends, n’être pas revenue ? Pourquoi me laisser tant souffrir, dis-moi pourquoi Ou si c’est ta revanche et parce qu’autrefois Jamais, simple santé, je ne pensais à toi.

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Au jardin Le bébé, dans le jardin, Comme un petit chat se glisse. « Bonjour ! » dit le romarin. « Je sens bon » dit la mélisse. « Comme il fait beau ce matin ! » Dit le coq aux plumes lisses. « Fait beau ? » disent les poussins. « Beau » dit leur maman nourrice. « Veux-tu nous donner la main ? Vois nos gentilles cabanes ! » Disent les petits lapins. « Vois mon trou » dit le lucane. « Moi » dit l’escargot malin « Je porte ma maisonnette. » « Moi je dors dans le bassin » Dit en sautant la rainette. « Sous ma peau jaune à gros grains, Vois si mon ventre bat vite ! » Dit le crapaud tout chagrin, « Faudra-t-il que je t’évite ? » Mais le bébé du jardin Fait sa voix la plus petite Et dit : « Bonjour, mon copain, Je suis un frère en visite. Un prince, peut-être bien, Sous ta robe jaune habite ? » Le crapaud cligne un oeil fin Et sa main droite s’agite. Un prince, peut-être bien… C’est une fable au jardin.

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Aux médecins qui viennent me voir Je ne peux plus, je ne peux plus, vous voyez bien… C’est tout ce que je puis. Et vous me regardez et vous ne faites rien. Vous dites que je peux, vous dites – aujourd’hui Comme il y a des jours et des jours – que l’on doit Lutter quand même et vous ne savez pas Que j’ai donné toute ma pauvre force, moi, Tout mon pauvre courage et que j’ai dans mes bras Tous mes efforts cassés, tous mes efforts trompés Qui pèsent tant – si vous saviez ! Pourquoi ne pas comprendre ? Au bois des Oliviers Jésus de Nazareth pleurait, enveloppé D’une moins lourde nuit que celle où je descends. Il fait noir. Tout est laid, misérable, écœurant, sinistre…Vainement, vous tentez en passant un absurde sourire auquel nul ne se prend. C’est d’un geste raté, d’une voix sonnant faux que vous me promettez un secours pour demain. Demain ! C’est à présent, tout de suite, qu’il faut une main secourable dans ma main. Je suis à bout… C’est tout ce que je peux souffrir, c’est tout. Je ne peux plus, je ne crois plus, n’espère plus. Vous n’avez pas voulu, pas su comprendre, sans pitié Vous me laissez mourir de ma souffrance… Au moins, Faites-moi donc mourir comme on est foudroyé D’un seul coup de couteau, d’un coup de poing – ou d’un de ces poisons de fakir, vert et or, Qui vous endorment pour toujours, comme on s’endort Quand on a tant souffert, tant souffert jour et nuit, Que rien ne compte plus que l’oubli, rien que lui…

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Bonnets de bain Voyez… voyez, la mer, comme un étang, Se jaspe de fleurs vives : Nénuphars éclatants, Rouges nélumbiums, iris jaunes des rives… Le vent du large semble avoir fauché cela Pour le jeter, dans le vieux port, en moisson folle. Moisson qui danse au chant des vagues, farandole De corolles aux tons de flamme. C’est bien là, Dites, l’Espagne toute proche ? J’ai cru voir un champ de lotus, au pied des roches, Et ce sont les oeillets de Carmen, regardez ! Les pétales en bas, ils dansent ! Renversés, luisants d’eau, sur l’écran bleu, ridé Par mille petits rires, leur présence Est la gaîté du beau soir basque, lamé d’or. Cocardes aux couleurs de quel toréador ? Pompons de mules montagnardes, Petits vases vernis et ronds, je les regarde Et je cligne des yeux, et ne veux rien savoir Des visages cachés sous les dômes de soie. Cheveux blonds ? Cheveux noirs ? Qu’importe ! Dans la joie De ces reflets qui semblent Se prendre par la main pour mieux bondir, Je songe à l’invisible fil qui vous rassemble, Ô gais ballons d’enfants ! – Lanternes de saphir, De rubis, de topaze et d’émeraude ; Fruits d’Aladin, autour de qui des poissons rôdent Et que la vague, à coups furtifs, poudre d’argent ; Coquillages magiques, surnageant Au bout de tiges qu’on prétend de chair humaine, C’est de loin que vous me plaisez, jouant au creux De cette vasque rousse et calme du Port-Vieux ! Un écho de jazz-band vous mène… Et, du haut des falaises, me penchant Sur l’anse verte, mauve, rose et rouge, Dans le faux jour oblique du couchant, C’est vous encore que je vois, taches qui bougent, Derniers petits bonnets prenant leur vol, Oiseaux-fleurs de ce châle à franges et ramages Dont, elle aussi, pour mieux avoir l’air espagnol, Se pare, à son heure, la plage… Biarritz, septembre 1925

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    Sabine Sicaud

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    Carte postale Quand l’anémone rouge et les jacinthes bleues Fleurissent les parcs d’Angleterre, Une petite fille en robe rouge ou bleue Descend les escaliers de pierre. De green, les parterres, le lierre, Les beaux arbres jamais taillés Et les sous-bois pleins de jacinthes… En robe rouge ou bleue – anémone ou jacinthe – Une petite fille est peinte Dans le printemps vert et mouillé De la vieille Angleterre.

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    Sabine Sicaud

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    Chemins de l’Est Quand j’étais Russe, il m’arrivait de m’appeler Katia, Masha, Tania. J’avais une niania, une baba, tout ce qui chante en « a » dans les noms russes. Dans notre isba Notre-Dame de Portchaïef luisait comme une étoile et dehors les étoiles luisaient comme la mosaïque de notre église à Pâques. Et sur la terre pâle de sa pâleur de neige ou rouge de ses coquelicots, courait comme le vent mon beau petit cheval de Sibérie. Traîneaux, bateaux, troupeaux, blanche et rouge Russie, danses, musique de chez moi, quand j’étais Russe… Pouvoir de tant souffrir, d’être si vieux, si jeune, de faire un geste de la main sans pleur ni cri. J’avais de longues tresses blondes comme aujourd’hui.

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    Chemins de l’Ouest Pour qui vous a-t-on faits, grands chemins de l’Ouest ? chemins de liberté que l’on suppose tels et qui mentez sans doute… Espaces où surgit le Popocatepelt, où le noir séquoïa cerne d’étranges routes, où la faune et la flore ont de si vastes ciels que l’homme ne sait plus à quel étage vivre. Chemins de liberté que nous supposons libres. À travers les Pampas court mon cheval sans bride, mais la ville géante a ses réseaux de feu, et les jeunes mortels faits de toutes les races ont leurs lassos, leurs murs, leur pères et leurs dieux. Des  » Trois Puntas  » à la mer des Sargasses, Amériques du Sud, du Nord, pays des toisons d’or, des mines d’or, de l’or qui fait l’homme libre et l’esclave, le Pampero peut-être ignore les entraves et l’aigle boréal, les pièges du chasseur… Mais, ô ma liberté, plus chère qu’une soeur, c’est en moi que tu vis, sereine et sédentaire, pendant que les chemins font le tour de la terre.

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    Chemins du Nord Lorsque « je pâlissais au nom de Vancouver » et que j’étais du Nord trop de froid traversait ma pelisse d’hiver et mon bonnet de bêtes mortes. Mes frères chassaient les oursons jusqu’au fond des grottes de fées ; du sang parlait sous leurs trophées, les Tomtes se cachaient, le vent hurlait aux portes et la glace barrait les fjords lorsque j’étais du Nord. Murs blancs du froid, prison. Je ne voyais jamais passer Nils Holgersson. Selma, Selma, pourquoi m’aviez-vous oubliée ? Il fallait naître à Morbacka, le jour de Pâques. Je savais bien pourtant que j’étais conviée…

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    Sabine Sicaud

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    Chemins du Sud Chemins du Sud avec un nom qui vous fait mal certains jours à force de creuser des nostalgies… Inscrits en rouge ou bleu sur le cristal de vos grandes agences de voyage, inscrits sur les navires au mouillage, sur l’avion postal ou sur l’oiseau qui craint le froid des jours plus courts, certains jours – certains jours comme se fait insidieuse leur magie ! Chemins du Sud – l’odeur du pamplemousse ou du désert sans oasis ou de la forêt vierge aux dangereuses nuits. Pistes de bêtes dans la brousse ou dans ces mers pleines d’étoiles rousses dont parlent entre eux les marins. Soleil du Sud qui fait la peau d’huile et d’ébène, soirs de villages indigènes, tam-tam…Plus loin que vous, au Sud, Bolero de Ravel qui pourtant faites mal comme ces noms aux tristesses étranges, bord astral de ces routes sans ange où sombre lentement la Croix du Sud…

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Château de Biron Sur les chemins nus, plus personne. Couleur de sanguine pâlie Un horizon de bois frissonne. De quelle âpre mélancolie Nous enveloppe ici l’automne ? Un gémissement de poulie Survit seul en haut du puits rond. La cour d’honneur et le perron En vain parleraient d’Italie… Trop de couloirs sombres relient Aux salles où nos pas résonnent Des retraits que nous ignorons. Trop d’ombre se tasse aux chevrons Le long de frises abolies. Feu le duc aux « souliers tout ronds » A rejoint défunt Bragelonne. Dans les cuisines, plus personne. Le soir meurt, plein de moucherons. Vieux château des Gontaut-Biron Avec quelle mélancolie Vous regardez venir l’automne…

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    Sabine Sicaud

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    Cloches de Pâques Les cloches sont parties… Les grosses cloches les premières. Ou les petites, que sait-on ? si diverties, Si pimpantes de s’en aller toutes légères ! – Leur jupe bouffait autour d’elles ; Et le battant ne disait rien, Comme un oiseau blotti dans une cage. Elles volaient sans ailes, Par des chemins à elles, très anciens, Des chemins bleus au-dessus des nuages. – Les gros bourdons, parfois devant, parfois derrière, S’essoufflaient à vouloir montrer qu’ils allaient vite. Et les petites cloches des couvents Ou des églises de campagne, si petites Qu’elles semblaient des gobelets d’enfants, si fières D’aller quand même à Rome – étaient devant, Derrière, et partout à la fois, toutes légères… – Les enfants regardaient en l’air, criant : Bonjour ! Les gens d’âge levaient aussi la tête, Mais ne les voyaient plus de leurs yeux clignotants. – Et les enfants attendent leur retour, Comme une grande fête. Les gens d’âge attendent aussi, comme on attend Quand on n’est plus bien sûr de croire aux œufs de Pâques… – Cependant, il faut croire aux miracles, toujours. Resonnez les Matines, frère Jacques ! Je vois les cloches reparaître, se hâtant… – De leur jupe, sur les jardins, glisse autour d’elles Tout le printemps de Rome, et de chaque battant S’échappent, aux alléluias, deux hirondelles.

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    Sabine Sicaud

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    Corrida de muerte Du sang… Je le sais trop. J’en ai l’horreur, Le remords comme vous qui chérissez les bêtes. Mais ce vertige de soleil ! cette couleur Des Goya qui bougent et chantent – ce que jette L’éclat des éventails, des fleurs, Des lèvres et des yeux sur les plazas en fête À Séville, à Madrid, partout où l’on entend Des grelots et des castagnettes… Ce décor éclatant Où des mules aux pompons rouges se profilent… Ah ! tout cela, toute la fièvre d’une ville, Parce qu’un beau toréador aux sourcils noirs Va passer comme un roi de légende – pourrais-je, Ayant vu tout cela, dites, ne plus le voir ? Ne plus revoir les gradins qu’on assiège, L’arène fauve où la quadrille décrira Cette courbe qui s’infléchit vers les tribunes, Le geste, en rapide salut, d’une main brune Vers l’œillet qui s’effeuille aux doigts des señoras ; L’or et l’argent brodés ; le chatoiement des soies ; Dans l’air, cette dansante joie Où la clef du toril tombe subitement Comme un défi poignant le cœur… sans doute, Faudrait-il échapper à l’ensorcellement Du mot magique : « A los toros », que chaque route, Chaque balcon, demain, se renverra, Bayonne, sous ton ciel aux couleurs espagnoles… Mais, oublier ? Voyez flotter les banderoles ! Plus haut que les frontons d’Aguilera Monte cette rumeur, là-bas… Pardonnez-moi, Taureaux noirs aux beaux yeux sauvages qui s’affolent, Pauvres doux vieux chevaux ruant d’effroi, Pardonnez-moi… Devant l’art souple qui se joue De la mort et la brave – et le cadre où se noue Le drame préparé dans les ganaderias Là-bas, au pied vert des montagnes – Je ne sais plus pourquoi, je ne sais pas Comment l’amour de ces choses me gagne ! Pardonnez-moi de ne plus voir que la beauté Du poème barbare, et d’oublier l’épée Sous la cape écarlate… Il faudrait moins d’été, Moins de soleil peut-être et de roses coupées, Moins d’éventails ouverts et de gens qui se hâtent, Pour dire – le pensant – : Je ne veux plus vous voir, Ô corridas de muerte, Corridas aux couleurs des romantiques soirs Dont la muleta saigne entre des rochers noirs Sur les arènes de la mer luisante et verte… Biarritz (Veille de course)

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Dans le royaume où les images vivent… Je vous ai tant aimé, Silence… Cher vieux Silence, reposant comme une eau plane. Vous ne me paraissiez jamais immense, Jamais inquiétant — mais diaphane Et doux autour de moi, rempart secret, Tour invisible et sûre… Bon Silence, Où l’on respire à l’aise et qu’on dirait Peuplé des mille choses que l’on pense Quand on est seul, un jour très beau… Silence d’une rose au bord de l’eau, D’un lézard au soleil, d’un fauteuil près du feu, Du cadre sertissant un paysage bleu, Je vous ai tant aimé… Au vain bruit des paroles, Comment s’accoutumer ? Comment suivre l’étourdissante farandole De mots parfois trompeurs et discordants À travers tant de voix, tant d’accents, tant de cris, Quand on vous a chéri, Silence ?… Ah ! laissez-moi vous retrouver, gardant Ce bienfaisant pouvoir des demi-rêves Dans le royaume où les Images vivent ! Qu’une musique, en écho, nous arrive Quand le rideau se lève, Si vous voulez… Mais laissez-moi, comme avec un ami, Voir avec vous l’histoire merveilleuse Que devient à mon gré chaque film déroulé. Nous referons, s’il faut, des fins heureuses… Nous irons jusqu’au bout de ce qu’auront promis La fée ou l’enchanteur aux baguettes de lune. Ici, tous les jardins aux fruits d’or sont permis ! Nous nous évaderons des phrases importunes… L’écran tourne pour nous ses pages, une à une — Pour nous, Silence aux yeux songeurs, Silence ami…

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Demain Tout voir – je vous ai dit que je voulais tout voir, Tout voir et tout connaître ! Ah! ne pas seulement le rêver… le pouvoir ! Ne pas se contenter d’une seule fenêtre Sur un même horizon, Mais dans chaque pays avoir une maison Et flâner à son gré de l’une à l’autre – ou mieux, Avoir cette maison roulante, Cette maison volante, d’où les yeux Peuvent aller plus loin, plus loin toujours ! Attente D’on ne sait quoi… je veux savoir ce qu’on attend. Tout savoir… Tout savoir de l’univers profond, Des êtres et des choses, De la terre et des astres, jusqu’au fond. Savoir la cause De cet amour qu’on a pour des noms de pays, Des noms qui chantent à l’oreille avec instance Comme s’ils appelaient depuis longtemps, Depuis toujours – des noms immenses Dont on est envahi, Ou des noms tout petits, presque ignorés. Longs pays blancs du Nord, pays dorés Du Sud ou du Levant plein de mystère… Et les jeunes, aux villes claires : New-York, San Francisco, Miami, des lumières, Du bruit, de la vitesse, de l’espace… Ah ! tout voir, tout savoir des minutes qui passent, De celles qui viendront… Demain, comme je t’aime ! Je ne fais qu’entrouvrir les yeux, lever le front, Commencer de comprendre. Hier, savais-je même Ce que c’était que respirer dans le jour tendre ? Bonheur de voir, d’entendre, Qui vient à vous dans un frisson ; Tant de beauté, tant de couleurs, de sons… Royaume de la vie ! Les images m’entourent de leur ronde, La musique est en moi comme une ivresse. Ne suis-je pas cette jeune princesse Qui s’en allait, suivie De tous ses petits pages ? Rien au monde Peut-il me cacher ton visage, cher Passant ? Te voilà… D’où viens-tu ? Quelle est ton âme ? Es-tu prince ou poète ? Je pressens Tout ce que tu diras si tu viens de là-bas Où, pour toi, quelque vieille femme, en son isba, Implore Notre-Dame. « Notre-Dame de Potchaïeff, guidez ses pas ! » Tu te nommes Boris ou Michel, n’est-ce pas ? Non ? C’est Tommy ? Pardon. Tu viens du golf et je te sais vainqueur. Serrons-nous les deux mains, en camarades. Beppo ? Tu dis Beppo ? C’est donc La voix de Roméo qui nous parle et son cœur Que tu m’apportes ? Soit. Je suis en promenade Et nous pouvons causer. De qui ? De Juliette ? Ou de vous, les Tristan, les Siegfried, les Vincent, Les Cyrano, les Poliche peut-être… Oui, ton âme, Poliche, la connaître. Moi je te comprendrai. Va, si la vie est faite De telles cruautés, c’est qu’on n’a pas compris. Tu dis : « On peut comprendre et rester impuissant. » Qui sait ? Qui sait, Poliche. Je pense que surtout l’on peut s’être mépris Et nous ne savons pas de quoi nous sommes riches. Tous les bonheurs, sait-on jamais leur prix ? …Sait-on si l’important n’est pas d’aimer quand même, Fût-ce un rêve toujours fuyant, pourvu qu’on aime…

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Des livres ? soit… Des livres ? Soit. Mais en hiver. Que le jardin soit gris, la vitre grise ! Que la brise, dehors, soit de la bise Et la chaleur, dedans, celle de tisons clairs. Des livres… Mais un ciel de Londres Et des larmes, sur les carreaux, en train de fondre… Manteaux sentant le vétiver – Chats en boule, manchons, marrons, l’hiver ! Alors, si vous voulez, un livre – pas des livres – Un seul, mais beau comme le printemps vert, L’été doré, le rouge automne grand ouvert, Plein d’oisillons bavards et de papillons ivres ! Lequel m’offrirez-vous, lequel M’apportera cela, demain, père Noël ? Des images, bien sûr… C’est le temps des images. Saluons-nous, Bergers, Rois Mages ! Et des contes… Bonjour, prince Charmant ! Et de l’histoire… – que vois-je, mais autrement – Et des voyages… que me gâtent les naufrages ! Père Noël, père Noël, ne cachez-vous Dans votre hotte, un brin de houx, Dans votre barbe, un grain de givre ? Ne remplaceraient-ils ce gros livre, entre nous ? Mon livre à moi n’est pas un livre Comme ceux qu’on imprime, et, jusqu’au bout, Vos feuillets bien coupés, je ne pourrais les suivre. On ne lit pas un conte… On s’en souvient. Je l’écoute, brodé par les flammes dansantes, Ceux qu’on ne me dit pas, je les invente ! L’Histoire ? Un conte aussi. Pour les voyages, rien, Rien, sachez-le, ne me retient Si quelque oiseau bleu me fait signe. Quant aux poèmes… soit. Nous attendrons l’été. L’été n’a pas besoin de rimes qui s’alignent. Attendons seulement le pourpre velouté De cette rose que je sais, près de la vigne… Décembre 1925

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    Sabine Sicaud

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    Diégo Son nom est de là-bas, comme sa race. L’œil vif, le pas dansant, les cheveux noirs, C’est un petit cheval des sierras, qui, le soir, Longtemps, regarde vers le sud, humant l’espace. Il livre toute sa crinière au vent qui passe Et, près de son oreille, on cherche le pompon D’un œillet rouge. Sur son front, Ses poils frisent, pareils à de la laine. Rien en lui de ces chevaux minces qui s’entraînent Le long d’un champ jalonné de poteaux ; Ni rien du lourd cheval né dans les plaines, Ces plaines grasses et luisantes de canaux Où des chalands s’en vont avec un bruit de chaînes. Il ignore le turf, et les charrois et les labours, Celui dont le pied sûr comme celui des chèvres, Suivit là-haut les sentiers bleus, dans les genièvres. Sur ses naseaux, larges ouverts, un frisson court. Avec d’autres poulains échevelés, il vint, un jour, De la montagne aux herbes odorantes. Poussé par des bergers en capes de brigands Il vint, petit cheval hirsute à crinière flottante… Il a gardé ses yeux surpris, des yeux d’enfant Qui fixent loin, comme à travers les choses… Et parfois on y voit luire un éclair, sans cause. On dit alors : « Vient-il de Corse ? » Mais il a D’autres regards aussi, pleins de tendresse. La jument du vieux cheik a de ces regards-là Pour le maître en burnous qu’elle aime. « Une caresse Fait l’antilope et le cheval de la maison. » Pas un tournant d’allée, un morceau de gazon, Une porte d’ici qu’il ne connaisse… Et les portes peuvent s’ouvrir imprudemment Le petit cheval noir y secoue, un moment, Sa tête qui dit : « Non, pourquoi fuirais-je ? » Il hennit comme on rit, à mi-voix, en arpège ; Et sa queue, ainsi qu’un éventail, S’agite avec le bruit de feuillages qu’on traîne. Il connaît chaque route au-delà du portail, Et peut-être sait-il où chaque route mène. Se prêtant au harnais, par jeu, derrière lui Il a tiré parfois cette chose qui bouge – Une voiture – et fait tinter le collier rouge Dont les grelots ont le son de clarines la nuit. Parfois, comme pris de folie, On le voit bondissant pour rien, pour un peu d’eau, Un jet de l’arroseur ou trois gouttes de pluie Un papier tournoyant, et ses petits sabots Allument le pavé. Parfois, dans le pré, libre, Il se met à ruer d’un air farouche, exprès ! Il galope en zigzags, ou, pliant les jarrets, Se tient debout, nous défiant, en équilibre… Quand on le mène boire, il saisit, par un coin, Nos tabliers, nos manches, ce qu’il peut, et nous dirige, Lui, le petit cheval sans bride. Un brin de foin Pend de sa lèvre brune – ou quelque tige Arrachée au vieux mur – et son œil songe, au loin… Voici longtemps, longtemps, bien des années, Qu’il est de la maison, le petit cheval noir Dont le poil, fil à fil, en bouclettes fanées, S’argente sur le front. Il se plaît à nous voir, À nous porter, à nous conduire. Il nous appelle Et nous taquine et reste jeune et reste gai… Pourtant, Quand le vent vient du sud, battant des ailes Comme un aigle de la Sierra, quand le printemps A ce parfum de romarin qui nous étonne, Et tous les soirs, et tous les soirs d’été, d’automne, Qu’attend-il, mon petit cheval aux yeux d’enfant, De quoi se souvient-il qui nous étonne, Quand le vent vient du sud ?

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Douleur, je vous déteste L’Honneur de souffrir Anna de Noailles. Douleur, je vous déteste ! Ah ! que je vous déteste ! Souffrance, je vous hais, je vous crains, j’ai l’horreur De votre guet sournois, de ce frisson qui reste Derrière vous, dans la chair, dans le coeur… Derrière vous, parfois vous précédant, J’ai senti cette chose inexprimable, affreuse : Une bête invisible aux minuscules dents Qui vient comme la taupe et fouille et mord et creuse Dans la belle santé confiante – pendant Que l’air est bleu, le soleil calme, l’eau si fraîche ! Ah ! « l’Honneur de souffrir » ?… Souffrance aux lèvres sèches, Souffrance laide, quoi qu’on dise, quel que soit Votre déguisement – Souffrance Foudroyante ou tenace ou les deux à la fois – Moi je vous vois comme un péché, comme une offense À l’allègre douceur de vivre, d’être sain Parmi des fruits luisants, des feuilles vertes, Des jardins faisant signe aux fenêtres ouvertes… De gais canards courent vers les bassins, Des pigeons nagent sur la ville, fous d’espace. Nager, courir, lutter avec le vent qui passe, N’est-ce donc pas mon droit puisque la vie est là Si simple en apparence… en apparence ! Faut-il être ces corps vaincus, ces esprits las, Parce qu’on vous rencontre un jour, Souffrance, Ou croire à cet Honneur de vous appartenir Et dire qu’il est grand, peut-être, de souffrir ? Grand ? Qui donc en est sûr et que m’importe ! Que m’importe le nom du mal, grand ou petit, Si je n’ai plus en moi, candide et forte, La Joie au clair visage ? Il s’est menti, Il se ment à lui-même, le poète Qui, pour vous ennoblir, vous chante… Je vous hais. Vous êtes lâche, injuste, criminelle, prête Aux pires trahisons ! Je sais Que vous serez mon ennemie infatigable Désormais… Désormais, puisqu’il ne se peut pas Que le plus tendre parc embaumé de lilas, Le plus secret chemin d’herbe folle ou de sable, Permettent de vous fuir ou de vous oublier ! Chère ignorance en petit tablier, Ignorance aux pieds nus, aux bras nus, tête nue À travers les saisons, ignorance ingénue Dont le rire tintait si haut. Mon Ignorance, Celle d’Avant, quand vous m’étiez une inconnue, Qu’en a-t-on fait, qu’en faites-vous, vieille Souffrance ? Vous pardonner cela qui me change le monde ? Je vous hais trop ! Je vous hais trop d’avoir tué Cette petite fille blonde Que je vois comme au fond d’un miroir embué… Une Autre est là, pâle, si différente ! Je ne peux pas, je ne veux pas m’habituer À vous savoir entre nous deux, toujours présente, Sinistre Carabosse à qui les jeunes fées Opposent vainement des Pouvoirs secourables ! Il était une fois… Il était une fois – pauvres voix étouffées ! Qui les ranimera, qui me rendra la voix De cette Source, fée entre toutes les fées, Où tous les maux sont guérissables ?

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    Sabine Sicaud

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    Et que m’importe la coque de ton âme Et que m’importe la coque de ton âme, qu’elle soit jeune ou vieille, épaisse ou fine ; que l’on t’appelle un homme ou une femme, que tu sois une cloche, un gong ou le grelot d’une source invisible, j’entendrai bien le son.

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    Sabine Sicaud

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    Fafou Chimère, dromadaire, kangourou ? Non. Rien que cette ombre chinoise, Fafou, sur la fenêtre, à contre-jour, Fafou, Toute seule et pensive… Un fuchsia pavoise L’écran vert derrière elle, et j’entends, à deux pas, Des oiseaux qui l’ont vue et s’égosillent. Fafou se pose en gargouille. Un œil las Semble à peine s’ouvrir dans son profil où brille, Cependant, quelque chose, on ne sait quoi d’aigu… Par là, se cache un nid d’oisillons nus Pour qui la mère tremble – Fafou songe. Un tout petit pétale rouge, qui s’allonge, Marque d’un trait sa gueule fine… Un bâillement. Puis un autre… Fafou dormait innocemment. Fafou dormait, vous dis-je ! Elle s’étire, La queue en yatagan, Puis en cierge; le dos bombé, puis creux. Le pire, C’est qu’elle n’a pas l’air de voir, s’égosillant, La mère-oiseau dans l’if si proche… Une patte en fusil, assise, la voilà Qui se brosse, candide, et sa robe a l’éclat D’un beau satin de vieille dame où se raccroche La lumière du soir. Une dame ? ou quelque vieux diable en habit noir ? Fafou, je n’aime pas ces yeux d’un autre monde, Ces yeux de revenant… Tout à l’heure croissants, Maintenant lunes rondes, Pourquoi ces trous phosphorescents Dans cette face obscure ? Sur la toile Qui se fonce, elle aussi – la toile du jardin Où les pendants des fuchsias sont des étoiles La robe d’un noir vif s’éteint… – Elle n’est plus qu’un badigeon d’encre ou de suie, Un pelage sinistre ! Où l’as-tu pris Ce noir d’enseigne de chat noir lavé de pluie ? – Chat noir ou lion noir ? Chauve-souris, Chouette, quoi ? Je ne sais plus. Sur la fenêtre, Une tête où l’oreille plate disparaît… Lézard, couleuvre ou tortue ? Ah ! Si près, L’oiseau même ne sait qui redouter, quel être Fantastique et changeant va ramper cette nuit Dans le jardin au noir mystère de caverne ! – Du noir, du noir… Un point luit, Deux points… deux vers luisants, vertes lanternes… Fafou, je ne veux pas ! D’où reviens-tu, démon, de quel sabbat, De quelle grotte de sorcière, Lorsque tes yeux me font cette peur, tout à coup ? – C’est l’heure des gouttières, De la jungle ! Foulant, d’un piétinement doux, Une vendange imaginaire, sur la pierre, Quelle arme aiguises-tu ? Je ne veux pas, Fafou ! Viens sous la lampe ! Un ruban rose au cou, Un beau ruban rose de jeune fille, rose pâle, Je te veux, comme en haut d’une carte postale, Une petite chatte noire, voilà tout…

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    Sabine Sicaud

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    Il est parti sur son cheval, dans l’herbe Il est parti sur son cheval, dans l’herbe. Le vent du Nord le cingle, mais il feint de promener son cheval. On dit : « Comme il oublie déjà. la terre lui paraît toujours belle. » Mais son cheval croit porter un fantôme et tourne la tête pour le regarder. Il a sifflé son chien comme auparavant. Il touche au passage les feuilles nouvelles. Celui qui reste qu’exigez-vous de lui ? Ils disent, ils crient : « Ce n’est pas possible. » Et l’aube renaît. Son cheval sans maître est déjà vendu. Les choses aimées le seront par d’autres ou s’habitueront à ne l’être plus. La vie continue.

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    Sabine Sicaud

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    Jours de fièvre Ce que je veux ? Une carafe d’eau glacée. Rien de plus. Nuit et jour, cette eau, dans ma pensée, Ruisselle doucement comme d’une fontaine. Elle est blanche, elle est bleue à force d’être fraîche. Elle vient de la source ou d’une cruche pleine. Elle a cet argent flou qui duvête les pêches Et l’étincellement d’un cristal à facettes. Elle est de givre fin, de brouillard, de rosée, Jaillit de chaque vasque en gerbes irisées, Glisse de chaque branche en rondes gouttelettes. Au coeur de la carafe, elle rit. Elle perle Sur son ventre poli, comme une sueur gaie. En mille petits flots, pour rien, elle déferle, Ou n’est qu’un point comme un brillant dans une haie. Elle danse au plafond, se complaît dans la glace, Frappe aux carreaux avec la pluie. Ah ! ces cascades… C’est le Niagara, vert bleu, vert Nil, vert jade, C’est l’eau miraculeuse en un fleuve de grâce ; Toute l’eau des névés, des lacs, des mers nordiques, Toute l’eau du Rocher de Moïse, l’eau pure D’une oasis perdue au centre de l’Afrique ; Toute l’eau qui mugit, toute l’eau qui murmure, Toute l’eau, toute l’eau du ciel et de la terre, Toute l’eau concentrée au creux glacé d’un verre ! Je ne demande rien qu’un verre d’eau glacée… Vous ne voyez donc pas mes doigts brûlants de fièvre, Mes doigts tendus vers l’eau qui fuit ? Mes pauvres lèvres Sèches comme une plante à la tige cassée ? La soif qui me torture est celle des grands sables Où galope toujours le simoun. Je ne pense Qu’à ce filet d’eau merveilleuse, intarissable, Où des poissons heureux circulent. Transparence, Fraîcheur… Est-il rien d’autre au monde que j’implore ? Alcarazas, alcarazas… un café maure Et, dans la torpeur bleue où des buveurs s’attardent, Un verre débordant parmi les autres verres, Un verre sans couleurs subtiles qui le fardent, Mais rempli de cette eau si froide, nette, claire… Ah ! prenez pour cette eau ce qui me reste à vivre, Mais laissez-la couler en moi, larmes de givre, Don de l’hiver à ce brasier qui me consume. Vous souvient-il de ces bruits clairs, dans de l’écume, Au bord d’un gave fou ? J’ai soif de tous les gaves. Les sabots des mulets, vous souvient-il, s’y lavent, Les pieds du chemineau s’y délassent. Dieu juste, Ne puis-je boire au moins comme le pré, l’arbuste, Le chien de la montagne au fil de l’eau qui court ? Cette eau… Cette eau qui m’échappe toujours, Qui, nuit et jour, obsède ma pensée… Ne m’accorderez-vous deux gouttes d’eau glacée ?

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    Sabine Sicaud

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    La chatte et son fils La petite panthère noire aux yeux dorés Nous apporte son fils… Dans la maison amie, Elle déménage et le cache à son gré – Tiède boule innocente et qu’on trouve endormie Dans l’armoire ou la boîte à fil, ou sur un livre… Bébé nègre, ses petits poings serrés, En un Paradis vague il semble vivre, Un Paradis où l’on tette et l’on dort. Ses yeux bleus qui, plus tard, seront deux sequins d’or, Tantôt s’ouvrent, ainsi que deux fleurs étonnées, Tantôt ne laissent voir qu’une fente, cernée De minuscules cils qui seront noirs. Tout noir, Depuis son petit jusqu’au bout de la queue, – Sauf l’imprévu de ces deux yeux en gouttes bleues – On le prend pour un essuie-plumes, ou, le soir, Pour un des pelotons de la corbeille… Grave, assise en presse-papier, Sa mère le surveille et nous surveille… Et le joujou de velours ras et noir, copié Sur le plus grand jouet de peluche, en sourdine, Déjà, tire l’on ne sait d’où, quand il lui plaît, Un ronron d’avion qui part ou de rouet… Tourne-broche, machine à coudre, lame fine D’un Tom Pouce qui se ferait scieur de long, Quelque chose bourdonne et l’on cherche un frelon Dans ce coin sombre, où rêve un fauve en miniature. Elle – sa mère – nous regarde. Sa figure, Qui trouve le moyen d’évoquer à la fois Le Soudan noir, le Siam jaune et le mystère De ce Nil vert qui reflétait les sphinx de pierre, Sa figure, soudain, se crispe… Deux plis droits Rétrécissent le front et deux plis élargissent La lèvre retroussée… Est-ce un rire muet ? Une ride chagrine ? L’on ne sait. Hors de leur gaine, en pointes lisses, Dix griffes, un instant, se montrent… Qu’y a-t-il ? Mais rien… Deux rouets, maintenant, tournent ensemble, Et c’est comme le grincement léger d’un fil Reliant deux petits moteurs, dans l’air qui tremble.

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    Sabine Sicaud

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    La châtaigne Peut-être un hérisson qui vient de naître ? Dans la mer, ce serait un oursin, pas bien gros… Ici, la boule d’un chardon – peut-être Ou le pompon sournois d’une bardane Ou d’un cactus ? Mais non, dans le bois qui se fane, Dans le bois sans piquants, moussu, discret et clos, Cette chose a roulé subitement, d’en-haut, Comme un défi… parmi les feuilles qui se fanent. Allez, j’ai bien compris. C’est la saison. Les geais, à coups de bec, ont travaillé dans l’arbre. Même les parcs où veillent, tout pensifs, les dieux de marbre, Ont de ces chutes-là sur leurs gazons. Marron d’Inde là-bas, châtaigne ici. Châtaigne Rude et sauvage, verte encore, détachée Par force de la branche où les grands vents, déjà, l’atteignent Le vent et les geais ricaneurs, et la nichée Des écoliers armés de pierres et de gaules. Comme il faut se défendre ! Sur l’épaule De la douce prairie en pente, l’on pouvait Glisser un jour, à son heure, qui sait ? Et se blottir dans un coin tiède, pour l’hiver… Ah! Pourquoi tant d’épines, tant d’aiguilles, Tant de poignards dressés, pauvre peloton vert ? Une fente… Voici qu’un peu de satin brille Et le cœur neuf est là, dessous, et rien ne sert D’être châtaigne obscure, âpre au goût, si menue ! Fendue, on est une châtaigne presque nue… Et le coup de sabot sur la tête viendra, Et le couteau pointu, l’eau bouillante, le pot Qui sue avec de petits rires, des sanglots Dans les tisons trop rouges ; tout sera Comme il est dit en l’ordinaire histoire des châtaignes. Et vous ne voudriez pas, quand me renseigne Dans la ville brumeuse, un cri rauque : « Marrons tout chauds ! » Quand j’aperçois, joufflus, blêmes, sans peau, Ou craquelés et durs avec des taches de panthère, Les frères de ma sauvageonne, tous ses frères Vous ne le voudriez pas, que j’évoque, là-bas, Un vieil arbre perdant ses feuilles rousses, Et me souvienne du choc sourd, lourd, lourd comme un glas, De pauvres fruits tués qui tombent sur la mousse ?

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    Sabine Sicaud

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    La chèvre L’herbe est si fraîche, ce matin, Que son velours tendre nous hante – Son velours neuf qui sent la menthe, Le jeune fenouil et le thym. La vache s’étire, gourmande, Vers le champ de trèfle voisin. Tous les verts bordent le chemin Du vert acide au vert amande. Mais c’est un velours trop soigné Qui s’aligne entre les clôtures… Dans les ronces, à l’aventure, La chèvre aime s’égratigner. Elle aime le vert des broussailles Où l’ombre devient fauve un peu, Et ce vert d’arbres presque bleus Que tous les vents d’orage assaillent. C’est bien au-delà des sillons Et des vergers gorgés de sèves, Que les clochettes de son rêve Éparpillent leurs carillons… Parfois, un glas les accompagne… Mais il fait beau, c’est le matin ! Chevrette de Monsieur Seguin Ne regardez pas la montagne…

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    Sabine Sicaud

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    La glycine Ô beau pied de glycine Qui rampes sur le toit ! Glycine en fleurs, tendre glycine – bleu pavois Des grilles, des balcons, des murs trop neufs, des toits Trop vieux – souple glycine ! Ce matin, sous le ciel frémissant comme toi, C’est dans tes grappes et tes feuilles, Tout le miracle bleu du printemps qui m’accueille ! En papillons, du bleu s’effeuille… Du bleu… du bleu nuancé de lilas, De violet si doux qu’on ne sait pas Si l’on voit des touffes d’iris ou de lilas. Par terre est un champ de pétales. Jacinthes, violettes pâles ? Non, mais, en l’air, une guirlande qui s’étale, Qui s’effrange, qui glisse en gouttes de satin… Il pleut mauve. Il a plu cette nuit, ce matin. La terre est mauve ; l’herbe mauve. Le jardin Est un jardin pareil à ceux que j’imagine Autour d’un petit pont sur des lotus, en Chine. Jardins d’Asie… Ombre au pied des collines, Toits retroussés, bassins fleuris et murmurants… C’est comme un frais bonheur inconnu qui me prend, Un bonheur du matin, fait d’air si transparent, De couleurs et d’odeurs si fines, Qu’on y sent toute l’âme en fête des glycines ! Ô glycine, collier des gouttières chagrines, Manteau léger du parc aux grands escaliers blancs Et de la pierre des vieux bancs Devant les chaumes en ruines ; – Treille aux raisins d’azur, festons d’argent, Vitrail d’évêque où chaque palme dessine Entre des pendentifs d’améthystes, en rangs ; Flocons d’encens, clairs sachets odorants, Qui tombent sur mon front, sur ma poitrine, Comme un présent de mai ! – Glycine, Dont le nom grec veut dire : doux, douceur, Vin sucré… dont le nom est comme une liqueur, Comme un parfum dans la brise câline, Dont le nom, doucement, glisse comme tes fleurs, Je te salue au seuil du Bel Été, Glycine…

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    Sabine Sicaud

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    La graine de raisin oubliée Adieu, paniers ! Les vendanges sont faites ! Qu’attends-tu, graine que je sais, doux grain vivant Qui s’obstine, grain tendre ?… C’est le temps ! Comme les castagnettes, Claquent les feuilles sèches dans le vent. Sur les coteaux, la vigne a chanté jusqu’au bout Sur chanson rouge. Et, par toutes les routes, Les chars s’en sont allés, comme ivres. Toutes, Toutes les grappes ont saigné toutes leurs gouttes. Qu’attends-tu, graine défiant l’Automne roux ? À voix basse chante le moût, À voix haute le vigneron, À voix lointaine et sans entrain, la grive… – « Où faut-il maintenant qu’on vive ? Où faut-il ? dit la grive. Ô raisins blonds, Ô raisins noirs, ô raisins bleus ! » – « Clic, clac ! – chantent les feuilles sèches – La campagne couleur pêche, De miel et de framboise est déjà morte un peu. Elle sera morte demain pour de longs jours… » Te voilà cependant jeune et vivante, Seule au cœur de la treille en loques, dans l’attente D’on ne sait quoi d’heureux, graine de frais velours ! Graine de saphir moite à reflet de rubis, Graine mûrie après les autres, retenue Par une vrille folle entre deux branches nues, Qu’attends-tu ? Vois, le vent déchire les habits Du somptueux platane. Tu subis, Tu subiras le vent, tu subiras la pluie, Le gel… « Qu’importent l’heure enfuie, L’heure à venir, dis-tu, je vis… » Et tu veux vivre, Vivre, même boule de givre, Même chair molle, avec des rides coulissant Ta petite figure de négresse ? (Car tu deviendras vieille et noire ; je pressens Déjà ces choses tristes : la vieillesse, Le ratatinement, l’ennui…) survivre là, Dehors, parmi l’hiver aux longues plaintes, Même séchée en raisin de Corinthe, Même noyée en éponge, cela Tu le veux donc ?… soit. L’homme et l’oiseau l’oublièrent. Mais ne songes-tu pas à tant de grains, tes frères, Tes frères dont le sang rouge ou doré s’en va Par les grands chemins de la terre, Vers les ports, les villes en feu, les bourgs, là-bas, Là-bas, en tonneaux lourds ou flacons rares ? Tes frères, que sais-tu de leur vie, au-delà De ton étroit verger ? Vins brûlants ou mousseux, vins musqués, vins légers, Vins qui sentent la rose et la mûre, et se parent Des noms chantants de vieux pays… dis-moi, Que sais-tu d’eux ? – « Rien. Leur destin les mène. Je vis ; je ne suis qu’une graine… J’attends, où tu me vois, De tomber toute seule et de germer peut-être. Le sillon me fera comme un nid, sous le toit Du vieux cep grelottant, un nid où peut renaître Une tige sauvage et libre… Je veux être Encore jeune vigne aux beaux jours qui viendront ! » À pleine voix chante le vigneron, À voix lointaine et plaintive, la grive…

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    La grotte des Lépreux Vallée du Gavaudun Ne me parlez ni de la tour, Ni des belles ruines rousses, Ni de cette vivante housse De feuillages en demi-jour. La gorge est trop fraîche et trop verte ; La rivière, comme un serpent, S’y tord, à peine découverte Sous trop d’herbe où reste en suspens Le mystère des forêts vierges. Ne me parlez ni de l’auberge, Ni des écrevisses qu’on prend Dans la mousse et les capillaires. Je n’ai vu, de ce coin de terre, Ni la paix du soir transparent, Ni celle des crêtes désertes. Mais, barrant le ciel, deux rochers Tout à coup si nus, écorchés, Avec plusieurs bouches ouvertes ! Vers ces bouches noires, clamant On ne sait quelle horreur ancienne, Savez-vous si, furtivement, De pauvres âmes ne reviennent ? Où sont-ils, où sont-ils, mon Dieu, Ces parias vêtus de rouge Qui, là-haut, guettaient les soirs bleus Par les trous béants de ce bouge ? Grotte des Lépreux, seuil maudit Au bord de la falaise ocreuse… Il faudrait qu’on ne m’eût pas dit Quel frisson traversait jadis Ce décor de feuilles heureuses…

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    Sabine Sicaud

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    La main des dieux, tu peux refuser de la prendre La main des dieux, tu peux refuser de la prendre. La main du mendiant, tu peux aussi. Toutes les mains qui frôleront la tienne, tu peux les oublier. La main de ton ami, ferme les doigts sur elle, et serre-la si fort que le sang de ton cœur y batte avec le sien au même rythme.

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    Sabine Sicaud

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    La paix Comment je l’imagine ? Eh bien, je ne sais pas… Peut-être enfant, très blonde, et tenant dans ses bras Des branches de glycine ? Peut-être plus petite encore, ne sachant Que sourire et jaser dans un berceau penchant Sous les doigts d’une vieille femme qui fredonne… Parfois, je la crois vieille aussi… Belle, pourtant, De la beauté de ces Madones Qu’on voit dans les vitraux anciens. Longtemps – Bien avant les vitraux – elle fut ce visage Incliné sur la source, en un bleu paysage Où les dieux grecs jouaient de la lyre, le soir. Mais à peine un moment venait-elle s’asseoir Au pied des oliviers, parmi les violettes. Bellone avait tendu son arc… Il fallait fuir. Elle a tant fui, la douce forme qu’on n’arrête Que pour la menacer encore et la trahir ! Depuis que la terre est la terre Elle fuit… Je la crois donc vieille et n’ose plus Toucher au voile qui lui prête son mystère. Est-elle humaine ? J’ai voulu Voir un enfant aux prunelles si tendres ! Où ? Quand ? Sur quel chemin faut-il l’attendre Et sous quels traits la reconnaîtront-ils Ceux qui, depuis toujours, l’habillent de leur rêve ? Est-elle dans le bleu de ce jour qui s’achève Ou dans l’aube du rose avril ? Écartant, les blés mûrs, paysanne aux mains brunes Sourit-elle au soldat blessé ? Comment la voyez-vous, pauvres gens harassés, Vous, mères qui pleurez, et vous, pêcheurs de lune ? Est-elle retournée aux Bois sacrés, Aux missels fleuris de légendes ? Dort-elle, vieux Corot1, dans les brouillards dorés ? Dans les tiens, couleur de lavande, Doux Puvis de Chavannes2 ? dans les tiens, Peintre des Songes gris, mystérieux Carrière3 ? Ou s’épanouit-elle, Henri Martin4, dans ta lumière ? Et puis, je me souviens… Un son de flûte pur, si frais, aérien, Parmi les accords lents et graves ; la sourdine De bourdonnants violoncelles vous berçant Comme un océan calme ; une cloche passant, Un chant d’oiseau, la Musique divine, Cette musique d’une flotte qui jouait, Une nuit, dans le chaud silence d’une ville ; Mozart te donnant sa grande âme, paix fragile… Je me souviens… Mais c’est peut-être, au fond, qui sait ? Bien plus simple… Et c’est toi qui, la connais, Sans t’en douter, vieil homme en houppelande, Vieux berger des sentiers blonds de genêts, Cette paix des monts solitaires et des landes, La paix qui n’a besoin que d’un grillon pour s’exprimer. Au loin, la lueur d’une lampe ou d’une étoile ; Devant la porte, un peu d’air embaumé… Comme c’est simple, vois ! Qui parlait de tes voiles Et pourquoi tant de mots pour te décrire ? Vois, Qu’importent les images : maison blanche, Oasis, arc-en-ciel, angélus, bleus dimanches ! Qu’importe la façon dont chacun porte en soi, Même sans le savoir, ton reflet qui l’apaise, Douceur promise aux coeurs de bonne volonté… Ah ! tant de verbes, d’adjectifs, de périphrases ! – Moi qui la sens parfois, dans le jardin, l’été, Si près de se laisser convaincre et de rester Quand les hommes se taisent…

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