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Titre : Fafou

Auteur : Sabine Sicaud Recueil : Poème d’enfant

Chimère, dromadaire, kangourou ? Non. Rien que cette ombre chinoise, Fafou, sur la fenêtre, à contre-jour, Fafou, Toute seule et pensive… Un fuchsia pavoise L’écran vert derrière elle, et j’entends, à deux pas, Des oiseaux qui l’ont vue et s’égosillent. Fafou se pose en gargouille. Un œil las Semble à peine s’ouvrir dans son profil où brille, Cependant, quelque chose, on ne sait quoi d’aigu… Par là, se cache un nid d’oisillons nus Pour qui la mère tremble – Fafou songe. Un tout petit pétale rouge, qui s’allonge, Marque d’un trait sa gueule fine… Un bâillement. Puis un autre… Fafou dormait innocemment. Fafou dormait, vous dis-je ! Elle s’étire, La queue en yatagan, Puis en cierge; le dos bombé, puis creux. Le pire, C’est qu’elle n’a pas l’air de voir, s’égosillant, La mère-oiseau dans l’if si proche… Une patte en fusil, assise, la voilà Qui se brosse, candide, et sa robe a l’éclat D’un beau satin de vieille dame où se raccroche La lumière du soir. Une dame ? ou quelque vieux diable en habit noir ? Fafou, je n’aime pas ces yeux d’un autre monde, Ces yeux de revenant… Tout à l’heure croissants, Maintenant lunes rondes, Pourquoi ces trous phosphorescents Dans cette face obscure ? Sur la toile Qui se fonce, elle aussi – la toile du jardin Où les pendants des fuchsias sont des étoiles La robe d’un noir vif s’éteint… – Elle n’est plus qu’un badigeon d’encre ou de suie, Un pelage sinistre ! Où l’as-tu pris Ce noir d’enseigne de chat noir lavé de pluie ? – Chat noir ou lion noir ? Chauve-souris, Chouette, quoi ? Je ne sais plus. Sur la fenêtre, Une tête où l’oreille plate disparaît… Lézard, couleuvre ou tortue ? Ah ! Si près, L’oiseau même ne sait qui redouter, quel être Fantastique et changeant va ramper cette nuit Dans le jardin au noir mystère de caverne ! – Du noir, du noir… Un point luit, Deux points… deux vers luisants, vertes lanternes… Fafou, je ne veux pas ! D’où reviens-tu, démon, de quel sabbat, De quelle grotte de sorcière, Lorsque tes yeux me font cette peur, tout à coup ? – C’est l’heure des gouttières, De la jungle ! Foulant, d’un piétinement doux, Une vendange imaginaire, sur la pierre, Quelle arme aiguises-tu ? Je ne veux pas, Fafou ! Viens sous la lampe ! Un ruban rose au cou, Un beau ruban rose de jeune fille, rose pâle, Je te veux, comme en haut d’une carte postale, Une petite chatte noire, voilà tout…