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Sabine Sicaud

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Poésies

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    La vieille femme de la lune On a beaucoup parlé dans la chambre, ce soir. Couché, bordé, la lune entrant par la fenêtre, On évoque à travers un somnolent bien-être, La vieille qui, là-haut, porte son fagot noir. Qu’elle doit être lasse et qu’on voudrait connaître Le crime pour lequel nous pouvons tous la voir Au long des claires nuits cheminer sans espoir ! Pauvre vieille si vieille, est-ce un vol de bois mort Qui courbe son vieux dos sur la planète ronde ? Elle a très froid, qui sait, quand le vent souffle fort. Va-t-elle donc marcher jusqu’à la fin du monde ? Et pourquoi dans le ciel la traîner jusqu’au jour ! On dort… Nous fermerons les yeux à double tour… Lune, laisse-la donc s’asseoir une seconde.

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Le chemin de crève-coeur Un seul coeur ? Impossible Si c’est par lui qu’on souffre et que l’on est heureux. On dit : coeur douloureux, Coeur torturé, coeur en lambeaux – Puis : joyeux et léger comme un oiseau des Iles, Un coeur si grand, si lourd, si gros Qu’il n’y a plus de place Pour rien d’autre que lui dans notre corps humain. Puis évadé, baigné d’une grâce divine ? Un coeur si plein De tout le sang du monde et ne gardant la trace Que d’une cicatrice fine qui s’efface ? Impossible ! Il me faut plusieurs coeurs. Le même ne peut pas oublier dans la joie Tout ce qu’il a connu de détresse une fois – Une fois ou plusieurs, chaque fois pour toujours – Mon coeur se souviendrait qu’il fut un coeur trop lourd Et ne serait jamais un coeur neuf, sans patrie, Sans bagage à porter de vie en vie.

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Le chemin de Dieu Il est plusieurs chemins dans le Royaume de mon père… S’ils se côtoient, se croisent ou s’ignorent, ont leurs pentes de joies, leurs gouffres, leurs clairières et leur faune et leur flore, n’importe. Il est plusieurs chemins. Il est plusieurs montagnes de hauteur différente avec plusieurs versants… et bien des taupières où grimpent des fourmis. Si nul ne t’accompagne que l’ombre de ton corps sur le cadran solaire, mettras-tu plus de temps à gravir la montagne ? Si tu dors sous la tente des riches caravanes, mettras-tu moins de temps à sortir des savanes? Si tu n’as pas d’amis dont la barque et les rames aient bravé la tempête aux quatre coins du monde, mettras-tu plus de temps pour atteindre le port que vous n’en auriez mis ramant ensemble ? Quels chemins se ressemblent ! Tant de lames profondes et de côtes sans fjords, tant de vagues de sable autour de minarets, tant de neige et de vent sur le mon Everest… Et le chemin de Dieu peut être si modeste.

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Le chemin de l’oiseau Je ne choisirai pas cette route ni l’autre Où des oiseaux tout court ont trop chanté À la saison des chasses. On a trahi partout leurs souvenirs de l’Arche Et saint François ne leur a plus parlé. Saint Hubert, Saint Hubert : Plumes que vent emporte ; Plumes et feuilles mortes Sous le ciel pommelé…

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Le chemin des arbres I. Le chemin du cèdre J’ai rencontré le cèdre Nous nous sommes tous deux reconnus. Il m’a dit : « C’est toi, toi que je sais, dont les bras sont enduits de ma résine blanche et dont les cheveux brillent de mes fines aiguilles et dont les poches craquent de mes pommes de cèdre… » Je n’ai rien dit. Mais son odeur à lui, d’encens, d’ambre et de cèdre, est bien ce que je sais comme il sait tout le reste. II. Le chemin du chêne J’ai rencontré le chêne, le vieux chêne aux abeilles, Il a toujours le cœur ouvert, mais moins d’abeilles, moins de miel semble-t-il au fond de son cœur noir. Des essaims l’ont quitté peut-être – ou j’ai passé trop tard ce soir. Le chêne secouait sa vieille tête comme un homme bien seul… III. Le chemin de l’ormeau J’ai rencontré l’ormeau. Pas un ormeau célèbre, mais un ormeau sans ex-voto, tournant le dos à la route des hommes. Sa colonne de bois, rugueuse, nue, énorme, quelqu’un l’a-t-il jamais serrée entre ses bras ? Nous l’avions mesurée avec un fil de soie la colonne de bois qui ne s’arrête pas de grossir en silence. Mais grossir – qui jamais voit grossir un ormeau ? Tant de jours et de nuits, tant de soleil et d’eau, de paix, d’oubli, de chance…tant et tant ! Entre les émondeurs, les chenilles, l’autan, J’ai rencontré la Patience. IV. Le chemin des genévriers J’ai retrouvé mes petits genévriers, tordus, piquants roussis, cramponnés aux rochers comme des acrobates. Ah! le bleu d’outremer de leurs petites baies le long des couchants écarlates ! Ils se hérissent, ronds ou si déchiquetés que tout le ciel traverse leurs petits corps fantasques. Le gazon ras joue au tapis de Perse mais le vent s’y jette en bourrasque. Ici, les lièvres et les chèvres Échappent aux hommes d’en bas Ici bleuissent les genièvres pour l’oiseau que l’on ne voit pas. Petit grain bleu, sauvage, amer, semé parmi les toisons rousses d’arbres nains que l’hiver rebrousse comme les oursins dans la mer. V. Le chemin du roseau Puis j’ai rencontré le roseau, le roseau vert qui dit : « Je plie et ne romps pas ». Les pieds dans l’eau, il se courbait si bas que ses rubans encombraient le ruisseau. Il avait oublié son âme de pipeau. Son front vert saluait, saluait sans relâche, son dos se balançait comme un dos de serpent et jamais le soleil ne le voyait en face. Il disait aux pipas : « Je plie et ne romps pas, je plie et ne romps pas… » enfin, ce qu’il disait au chêne de Monsieur Jean de La Fontaine. Et l’âne qui broutait l’a brouté tout de même. Je n’ai pas rencontré le baobab.

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    Sabine Sicaud

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    Le chemin des chansons C’est la chanson du pauvre noir, sa chanson de route. Dans l’île, de sa case où la nuit chaude écoute, cette chanson est née. D’une voix basse et résignée, elle berce les pauvres noirs dans toutes les îles. C’est la chanson de l’Homme jaune au fond des rizières. Elle descend, remonte, monotone, en jonque, le long des rivières. Elle bourdonne au cœur des maisons de papier, mais dit : dans mes bateaux de guerre, on m’entendra jusqu’au bout de la terre. Pour la chanson des hommes blancs, il faut plus d’instruments et des voix plus savantes. Plus de ciel où monter, plus de ciel d’où tomber, dit l’Homme blanc qui chante. Mais le chant du Peau-Rouge, du guerrier, du chasseur, du cavalier Peau-Rouge, du pirate Peau-Rouge et du sorcier Peau-Rouge, sur la route perdue entre toutes les routes qui le retrouvera ?

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    Sabine Sicaud

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    Le chemin des chevaux N’as-tu pas un cheval blanc Là-bas dans ton île ? Une herbe sauvage Croît-elle pour lui ? Ah ! Comme ses crins flottants Flottent dans les bras du vent Quand il se réveille ! Il dort comme un oiseau blanc Quelque part dans l’île. J’ai beau marcher dans la rue Comme tout le monde, C’est l’herbe, l’herbe inconnue, Et le cheval chevelu Couleur de la lune, Qui sont de chez moi, là-bas, Dans une île ronde. Caparaçonnés, au pas, au galop, Je ne connais pas tes quatre chevaux. Tu vas à Paris, La chanson le dit, Sur ton cheval gris. Tu vas à La Haye Sur la jument baie. Tu vas au manoir Sur le cheval noir. Et je ne sais où Sur le poulain roux. Mais mon cheval blanc Nuit et jour m’attend Au seuil de mon île.

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Le chemin des veuves Veuves – tant de veuves si veuves avec ce nom créé pour elles, avec ce noir comme preuve. Pauvre veuve. On dit : pauvre veuve, et c’est le malheur en série. Ah! c’est un Dieu sourd que l’on prie. Veuve jeune, belle peut-être, ou vieille et seule un soir de vent. Ah! cet arbre sous la fenêtre… On allait dehors deux ensemble. On savait bien peu l’un de l’autre, mais la prière des Apôtres brûlait peut-être dans le vent. Quai désert. Havre dévasté. Qui peut dire de quel moment on est veuf pour l’éternité ?

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    Le chemin du bonheur Le bonheur ? Oh ! tant de visages… Petits et grands bonheurs, vieux et jeunes bonheurs, Bonheurs sans âge. Le brin d’herbe oublié derrière les faucheurs. Mon bonheur. Mon bonheur qui sent la fleur sauvage Mes doigts l’ont tant serré qu’ils en sont douloureux Et je ne sais plus bien ni comment je le veux Ni comment seront faits les barreaux de sa cage. Mon bonheur de ce soir et celui de demain, Se ressembleraient-ils, ne seront plus les mêmes. Bonheur des grands chemins Vous apprivoise-t-on comme un duvet que sème Le pissenlit amer dans les remous du vent ? Bonheur de la maison, brillez-vous sous la cendre Comme le tison d’or que l’on croit endormi ? Bonheur de ceux qu’on aime et par qui sont remis Tous les vagues remords de nos coeurs anxieux, Bonheur qu’on lit au fond des yeux Comme un miracle tendre, Bonheur de croire à la bonté du jour levant Malgré tout ce qui fut, tout ce qui vous attend…

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    Le chemin du guerrier Et tous invoquaient Dieu Mon Dieu est grand Dit le guerrier qui va-t-en guerre. Je gagnerai la guerre. Mon Dieu est juste Dit le guerrier qui va-t-en guerre Contre l’autre guerrier. Le bon combat je gagnerai. Mon Dieu est le plus fort Dit le guerrier du Nord, Il m’a promis la gloire. Mon Dieu est tout-puissant Dit le guerrier du Sud. La victoire est à moi. Vos dieux ? Mais il n’y a – Dit le petit oiseau qui vole d’arbre en arbre – Il n’y a qu’un seul Dieu, Un seul Dieu dans les Cieux. Et vous a-t-il promis, guerriers victorieux, Qu’était gagné par le fer et le feu Le salut de votre âme ?

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Le cinéma Pour un vieux Monsieur qui ne comprend pas le cinéma Trou d’ombre. Grotte obscure, où l’on sent, vaguement, Bouger des êtres. La pâleur de l’écran nu Comme une baie ouverte, au fond, sur l’inconnu… Musique en sourdine, tiédeur, chuchotements, Odeur de mandarine, De sucre d’orge et d’amandes grillées. Attente, carillon d’un timbre qui s’obstine, Petite danse de lueurs éparpillées. …………………………………… Puis, coup de soleil brusque. Le mystère De ce carré de neige s’animant. Floraisons de jardins, pics, fleuves, coins charmants, Coins tragiques, villes, forêts, la vaste terre… La vaste terre, et le ciel vaste, et la magie De visages parlant des yeux, des lèvres, Sans la voix. Gestes précis, calme, énergie Ou nerfs qui cèdent, Fièvres, Bonheurs et désespoirs. Des paroles, pourquoi ? Un sourire, une larme, Un battement de cils… L’émotion n’est pas dans le vacarme. Une ligne, des points… voici le fil Du roman triste ou gai qui se déroule. Aimes-tu voir les hommes s’agiter ? Assis, tu regardes la foule. Aimes-tu le désert ? Tu le parcours, l’été, Sous un torrent de feu, sans autre peine Que de laisser pour toi marcher les sables… Plaines, Montagnes, mers, te livrent leurs secrets, Et le pôle est si près Que Nanouk l’Esquimau l’accueille en frère ; Et la jungle est si près Que tu t’en vas avec le chasseur de panthères… Ô beaux voyages que jamais tu ne ferais ! Tous les héros, tu les connais, Ceux de l’Histoire et ceux de la légende ; Tous les contes des Mille et une nuits, – Les contes d’autrefois, ceux d’aujourd’hui – Et les temples, et les palais, Et les vieux bourgs où les clairs de lune descendent… Tu les connais… Tu les connais, toi, prisonnier, Peut-être, de murs gris, de choses grises, toi Dont la vie est grise ou pire… Vois, des fleurs s’ouvrent, des oiseaux t’invitent, vois : Aux vergers d’Aladin s’emplissent des paniers… Cueille des rêves, toi qui fus un prisonnier ! Ainsi qu’une arche de porphyre, La muraille s’écarte… Évade-toi ! Il pleut, ou le vent souffle sur le toit, Ou c’est juillet qui brûle, ou dans la rue, C’est trop dimanche avec trop de gens qui bavardent, Viens dans ce petit coin merveilleux et regarde… Ici, l’heure vécue, Même terrible – tous les drames sont possibles ! – N’est qu’à demi terrible, Et te voilà, comme les tout-petits, Riant, toi qui pleurais… Tu ris, Toi, vieux, comme les écoliers que rien n’étonne. Charlie est là… Charlie ! Et Keaton, et Fatty, Et pour ce bon rire, conquis Sur toi-même, c’est le meilleur d’eux-mêmes Qu’ils te donnent. Art muet, soit… N’ajoute rien. Tu l’aimes, Tu l’aimeras, quoi que tu dises, l’art vivant Qui t’offre son visage neuf et son langage, Ses ralentis, ses raccourcis, tous ses mirages, Tous ses décors mouvants… Près de ces gens qui, dans l’ombre, s’effacent, Viens seulement t’asseoir, veux-tu, sans parti pris ? De la nuit d’une salle étroite, aux longs murs gris, Regarde ce miracle : un film qui passe…

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Les trois chansons Entends la chanson de l’eau… Comme il pleut, comme il pleut vite ! Il semble que des grelots Dans la gouttière s’agitent. À l’abri dans ton dodo Entends la chanson de l’eau ! Entends la chanson du vent… Comme les branches s’agitent ! Les nids d’oiseaux, bien souvent, Sont bercés, bercés trop vite. À l’abri des rideaux blancs Entends la chanson du vent. Entends la chanson du feu… Comme les flammes s’agitent ! Le feu jaune, rouge et bleu Pour te chauffer brûle vite. Quand tes yeux clignent un peu, Entends la chanson du feu. Écoute les trois chansons Qui se font toutes petites Et douces comme un ronron Pour que tu dormes plus vite. Si tu veux, bébé, dormons Au bruit léger des chansons.

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    Sabine Sicaud

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    L’heure du platane Sentez-vous cette odeur, cette odeur fauve et rousse de beau cuir neuf, chauffé par l’automne qui flambe ? Tous les cuirs du Levant sont là, venus ensemble de souks lointains saturés d’ambre et de santal. Des huiles et des gommes d’or les éclaboussent. En de jaunes parfums d’essences et de gousses, tous les cuirs précieux d’un faste oriental, cuirs gaufrés et gravés, pointillés de métal, peints et damasquinés, sont là. Ceux de Cordoue s’allongent en panneaux où la lumière joue comme dans l’escalier d’un palacio ducal ; ceux de Russie ont des reflets de pourpre ardente ; ceux de Venise la douceur d’épais velours, et ceux des Flandres aux blonds rares, aux bruns sourds, semblent chez le bourgmestre attendre une kermesse. Quelles mains ont offert à ces livres de messe la reliure somptueuse qui m’enchante ? Et ce manteau pareil à la robe de Dante, qui le tailla pour des poètes ignorés ? Beaux livres d’autrefois, je vous aime, dorés sur un fond de soleil ainsi que des Icones, et ma bibliothèque est un gala d’automne ce soir, entre les bras d’un arbre mitré d’or. La légende se brode à même le décor. Mes livres, des très vieux aux très jeunes, s’étagent de branche en branche, à la façon d’oiseaux pensifs, et par-dessus la mosaïque des massifs prennent la gamme fauve et rousse du feuillage. Car ils sont habillés de feuilles, en ce temps où les platanes roux et fauves se dépouillent. La vierge, dans l’allée, a filé sa quenouille afin que chaque page ait un signet flottant. Vous qui lisez, le front penché, dans une chambre, ne sentez-vous donc pas qu’au seuil froid de novembre tout ce maroquin neuf et ces parchemins d’or sont faits pour que, ce soir, on traduise, dehors, uniquement, les strophes du platane ? Automne, guilloché de soleil, broché d’insectes jaunes, plein de miel et de grains, et de cette odeur forte que promène le vent du sud, de porte en porte; Automne, qui donc pourrait croire aux feuilles mortes, croire, ce soir, à la tristesse de la mort ?

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    L’oustalet est vide L’oustalet est vide. Il est éventré, l’on ne sait pourquoi. La guerre des hommes était loin d’ici… Les vents du pays sautaient par-dessus comme des cabris, Sans même effleurer son toit de joubarbes. Et le feu du ciel, qu’aurait-il puni dans ces quatre murs couleur de cigales ? Un pauvre foyer, couleur de souris, mourut en secret sous la crémaillère. Peut-être un passant, le temps d’une averse, rêva-t-il, hier de le ranimer ?… Peut-être les dieux nous attendent-ils ? Le chemin s’arrête… Au bord du ravin, n’est-ce pas, l’odeur de ces violettes dont tu te souviens ?…

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    Sabine Sicaud

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    Maladie Filliou…Je veux Filliou. Ne t’en va pas, Filliou. Ferme la porte. Sortir ? Pour aller où ? Dis ? Je ne veux pas que tu sortes ! J’ai tout le temps besoin de toi. Pour tout, Pour t’avoir là. Reste, Filliou… Si tu t’en vas, je sonnerai si fort, si fort, Que les murailles tomberont toutes ensemble. Ma cloche vient de Chamonix. Elle ressemble À celle qui chantait, l’été dernier, au bord De ce vallon près de Ciboure. Tout le port Y scintillait, tu te souviens? Tout le décor S’assombrissait vers les montagnes et la cloche Montait dans le chemin tout proche. Au cou d’une petite vache rousse Elle a chanté peut-être aussi Ma clarine à moi, celle-ci… Filliou, Filliou, c’est à grandes secousses Qu’elle se fâche, tu sais bien, Si tu descends ! Reviens… Lis quelque chose, dis, Quelque chose de gai…dis, tu n’as rien De très comique, d’inédit ? Alors, assieds-toi là…Raconte-moi, Filliou, Raconte… On ne l’avait jamais fini, ce conte Qui nous passionnait ! Dis-le-moi jusqu’au bout… C’est « Cœur de Nénuphar et Tige de Bambou », Tu te souviens ? Le soir, tu l’inventais pour nous Et c’était merveilleux, si merveilleux, Filliou ! Raconte…

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    Matin d’automne C’est un matin… non pas un matin de Corot Avec des arbres et des nymphes – sur la terre, C’est un coin tout petit, entre des murs de pierres Pas bien hauts… C’est un matin dans le petit jardin du presbytère. C’est un matin d’automne : Vigne rouge, dahlias jaunes Petits doigts tortillés de chrysanthèmes roux ; Un tournesol montrant sa face de roi nègre Sous un vieux diadème de plumes raides, un peu maigres… Arrosoir vert, près du géranium en pot. C’est un matin, sans nymphes de Corot.1 Le curé dort, la maison dort, le chemin dort, Pendant que, doucement, tombent des pièces d’or… C’est un matin d’automne… L’aube, qui s’est levée à pas de loup, d’abord frissonne En peignoir rose… puis se met à rire dans le ciel, Et tout devient rose comme elle, et rit comme elle, Et ce sont des clartés roses et blondes telles Que le petit jardin doré semble irréel. Réveillée en sursaut, dans le clocher, la cloche sonne : « Vite ! Vite ! Levez-vous, bonnes gens C’est le matin ! C’est le matin d’automne ! Je sonne ! Il fait beau temps ! Entends, vieille servante au bonnet blanc, du presbytère. C’est l’heure, lève-toi… Lève-toi, vieux curé ; Vois les oiseaux, vois la lumière ! Prends ta soutane et ton bonnet carré, Ouvre ta porte et va… l’heure te presse ! L’allée a tous les tons fauves des vieux missels… Va vite, ne t’attarde pas, sous le grand ciel, Au tout petit jardin plein d’allégresse… Couleur de feu, couleur de fleurs, couleur de miel, Il est trop beau ! tu le prendrais pour un autel. Tu manquerais la messe… »

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Médecins Ne cherchez donc pas dans vos livres ! Est-il si compliqué de vivre ? Quel mal ils m’auront fait, ces tristes médecins… Je ne dis pas que ce soit à dessein Et l’on n’est pas toujours exprès des assassins ; Mais tant de drogues, de piqûres, Et si peu de savoir ? Ils me tueront, c’est clair. Me laisser tant souffrir, souffrir tout un hiver, Pour jouer ensuite aux Augures ! Je les vois en bouchers me palper tour à tour, Puis s’enfermer d’un air sinistre, Conseil de guerre ? de ministres ? Concile ? Ou, verrous clos, sous l’abat-jour, La conspiration de mélo, dans la cave ? Je rirais bien, si ce n’était beaucoup plus grave. Mais il s’agit de moi qui ne sais rien Et de ces gens à qui, dirait-on, j’appartiens, Parce qu’ils font semblant de savoir quelque chose. Bouchut en sait mille fois plus, hélas ! Mon vieux Bouchut qui prend son herbe et se la dose Et toujours se guérit des misères qu’il a Sans en chercher la cause… Vieux Bouchut, vieux Bouchut, dans ton bain de soleil, Tu te moques de leurs remèdes ! Ton ventre est chaud, ton petit nez vermeil. Tu me suffis, Bouchut. Viens à mon aide…

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Ne me parle pas d’absence, toi qui ne sais pas Ne parle pas d’absence, toi qui ne sais pas. Mets seulement ta joue contre la mienne. As-tu jamais interrogé la porte qui doit s’ouvrir pour le retour et désespéré…? As-tu jamais, au petit jour, songé qu’on pourrait ne plus se revoir peut-être et imaginé ?… Serre-moi plus fort. Nos deux ombres séparées, que deviendraient-elles ?

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    Sabine Sicaud

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    Nivôse Laissez tomber les plumes de la neige… Les oiseaux qui les ont perdues apportent des nouvelles toutes blanches… Les ailes qui les ont perdues ont plané sur les Finlande et les Norvège. Elles ont caressé des forêts blanches et les vertigineuses étendues où le soleil frileux, si peu de temps, se penche… Oh ! pourquoi balayer les plumes de la neige ! Elles parlent de soleils blancs comme la lune et de lacs blancs où les traîneaux courent si vite… Elles parlent de légendes au clair de lune et de cabanes où les « Tomtes » nous invitent. Des ailes ont semé leurs plumes, une à une… Tendez les mains aux plumes de la neige ! C’est comme l’âme de pays qui nous invitent, de pays racontés par Selma Lagerlöf…

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Pluviôse Il pleut. Il pleut à petit bruit Sur le vieux chemin de traverse… – Quel Dieu, pour nous punir te verse, Ô campagne, le jour, la nuit, Cette pluie à si menu bruit ? – C’est comme un chagrin qui nous suit Et goutte à goutte nous transperce, Un gris sans fin qui porte en lui Tant de lassitude et d’ennui Que le cœur tout entier s’y noie. – Un linceul d’eau grise tournoie Sur les vieux chemins qui se noient… – Ô luisantes feuilles de soie Qui dans le soleil et la joie Brodaient les vergers lourds de fruits ! Jardinet rose autour d’un puits… – Se peut-il que l’hiver s’emploie À gâcher tous les coins de joie ? – On va, songeant aux nids détruits. La corde pleure sur le puits, Les arbres pleurent dans la plaine… – Comme dans le cœur de Verlaine, Il pleut, il pleure à petit bruit. C’est comme un chagrin qui nous suit… Et peut-être aussi qui nous mène, – Vers où, vers quoi, si tôt, si tard ? Au glas persistant des gouttières Un château se meurt quelque part ! – Des chaumes s’effondrent, épars… – Et des yeux gris, dans le brouillard, (Est-ce une toile de Carrière ?) Regardent au loin, quelque part, Vers la ville aux jaunes lumières…

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    Sabine Sicaud

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    Potager basque Le rouge du piment, celui de la tomate, Luisent joyeusement contre le petit mur. Le bel oignon de cuivre et le melon trop mûr Joignent leur blondeur fauve à la gamme écarlate. Des grains de malaga qui font songer aux dattes Achèvent de confire au haut du petit mur. Le cardonnette en fleurs mêle une ombre d’azur Aux doigts fins de l’hysope offrant ses aromates, Mais le crépi de cahxu qui par morceaux éclate Semble jusqu’à la nuit, le long du petit mur, Réfléchir un soleil si blanc, tapant si dur, Que les lézards ont dû fermer leurs yeux d’agate.

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    Sabine Sicaud

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    Premières feuilles Vous vous tendez vers moi, vertes petites mains des arbres, Vertes petites mains des arbres du chemin. Pendant que les vieux murs un peu plus se délabrent, Que les vieilles maisons montrent leurs plaies, Vous vous tendez vers moi, bourgeons des haies, Verts petits doigts. Petits doigts en coquilles, Petits doigts jeunes, lumineux, pressés de vivre, Par-dessus les vieux murs vous vous tendez vers nous. Le vieux mur dit : « Gare au vent fou, Gare au soleil trop vif, gare aux nuits qui scintillent, Gare à la chèvre, à la chenille, Gare à la vie, ô petits doigts ! » Verts petits doigts griffus, bourrus et tendres, Vous sentez bien pourquoi Les vieux murs, ce matin, ont la voix de Cassandre. Petits doigts en papier de soie, Petits doigts de velours ou d’émail qui chatoie, Vous savez bien pourquoi Vous n’écouterez pas les murs couleur de cendre… Frêles éventails verts, mains du prochain été, Nous sentons bien pourquoi vous n’écoutez Ni les vieux murs, ni les toits qui s’affaissent ; Nous savons bien pourquoi Par-dessus les vieux murs, de tous vos petits doigts, Vous faites signe à la jeunesse !

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    Sabine Sicaud

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    Printemps Et puis, c’est oublié. Ai-je pensé, vraiment, ces choses-là ? Bon soleil, te voilà Sur les bourgeons poisseux qui vont se déplier. Le miracle est partout. Le miracle est en moi qui ne me souviens plus. Il fait clair, il fait gai sur les bourgeons velus ; Il fait beau – voilà tout. Je m’étire, j’étends mes bras au bon soleil Pour qu’il les dore comme avant, qu’ils soient pareils Aux premiers abricots dans les feuilles de juin. L’herbe ondule au fil du chemin Sous le galop du vent qui rit. Les pâquerettes ont fleuri. Je viens, je viens ! Mes pieds dansent tout seuls Comme les pieds du vent rieur, Comme ceux des moineaux sur les doigts du tilleul. (Tant de gris au-dehors, de gris intérieur, De pluie et de brouillard, était-ce donc hier ?) Ne me rappelez rien. Le ciel est si léger ! Vous ne saurez jamais tout le bonheur que j’ai À sentir la fraîcheur légère de cet air. Un rameau vert aux dents comme le « Passeur d’eau », J’ai sans doute ramé bien des nuits, bien des jours… Ne me rappelez rien. C’est oublié. Je cours Sur le rivage neuf où pointent les roseaux. Rameau vert du Passeur ou branche qu’apporta La colombe de l’Arche, ah ! la verte saveur Du buisson que tondra la chèvre aux yeux rêveurs ! Être chèvre sans corde, éblouie à ce tas De bourgeons lumineux qui mettent un halo Sur la campagne verte – aller droit devant soi Dans le bruit de grelots Du ruisseau vagabond – suivre n’importe quoi, Sauter absurdement, pour sauter – rire au vent Pour l’unique raison de rire… Comme Avant ! C’est l’oubli, je vous dis, l’oubli miraculeux. Votre visage même à qui j’en ai voulu De trop guetter le mien, je ne m’en souviens plus, C’est un autre visage – et mes deux chats frileux, Mon grand Dikette-chien sont d’autres compagnons Faits pour gens bien portant, nouveaux, ressuscités. Bon soleil, bon soleil, voici que nous baignons Dans cette clarté chaude où va blondir l’été. Hier n’existe plus. Qui donc parlait d’hier ? Il fait doux, il fait gai sur les bourgeons ouverts…

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Quand je serai guérie Filliou, quand je serai guérie, Je ne veux voir que des choses très belles… De somptueuses fleurs, toujours fleuries ; Des paysages qui toujours se renouvellent, Des couchers de soleil miraculeux, des villes Pleines de palais blancs, de ponts, de campaniles Et de lumières scintillantes… Des visages Très beaux, très gais ; des danses Comme dans ces ballets auxquels je pense, Interprétés par Jean Borlin. Je veux des plages Au décor de féerie, Avec des étrangers sportifs aux noms de princes, Des étrangères en souliers de pierreries Et de splendides chiens neigeux aux jambes minces. Je veux, frôlés de Rolls silencieuses, De longs trottoirs de velours blond. Terrasses, Orchestres bourdonnant de musiques heureuses… Vois-tu, Filliou, le Carnaval qui passe ? La Riviera débordante de roses ? J’ai besoin de ne voir un instant que ces choses Quand je serai guérie ! J’aurai ce châle aux éclatantes broderies Qui fait songer aux courses espagnoles, Des cheveux courts en auréole Comme Mae Murray, des yeux qui rient, Un teint de cuivre et l’air, non pas d’être guérie, Mais de n’avoir jamais connu de maladie ! J’aurai tous les parfums,  » les plus rares qui soient « , Une chambre moderne aux nuances hardies, Une piscine rouge et des coussins de soie Un peu cubistes. J’ai besoin de fantaisie… J’ai besoin de sorbets et de liqueurs glacées, De fruits craquants, de raisins doux, d’amandes fraîches. Peut-être d’ambroisie… Ou simplement de mordre au coeur neuf d’une pêche ? J’ai besoin d’oublier tant de sombres pensées, Tant de bols de tisane et d’heures accablantes ! Il me faudra, vois-tu, des choses si vivantes Et si belles, Filliou… si belles – ou si gaies ! Nul ne sait à quel point nous sommes fatiguées, Toutes deux, de ce gris de la tapisserie, De l’armoire immobile et de ces noires baies Que le laurier nous tend derrière la fenêtre. Tant de voyages, dis, de pays à connaître, De choses qu’on rêvait, qui pourront être Quand je serai guérie…

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Thermidor Des lézards et des chats suis-je la sœur ? D’où me vient cet amour des pierres chaudes Et de ce plein soleil où rôdent Comme des taches de rousseur ?

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Tu te chaufferas au feu du paysan – Tu te chaufferas au feu de paysan ? – Je me chaufferai au feu de paysan. – Tu auras de vieilles lampes à pétrole ? – Je les aurai. – Un jardin de curé ? – Un jardin de curé. – Et un pot de basilic ? – Et deux pots de basilic. Et ta pitié pour moi et ma pitié pour toi.

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Un médecin ? Un médecin ? Mais alors qu’il soit beau ! Très beau. D’une beauté non pas majestueuse, Mais jeune, saine, alerte, heureuse ! Qu’il parle de plein air, non pas trop haut, Mais assez pour que du soleil entre avec lui. Qu’il sache rire – tant d’ennui Bâille aux quatre coins de la chambre – Et qu’il sache te faire rire, toi, souffrant De ta souffrance et du mal de Décembre. Décembre gris, Décembre gris, Noël errant Sous un ciel de plomb et de cendre. Un médecin doit bien savoir D’où ce gris mortel peut descendre ? Qu’il soit gai pour vaincre le soir Et les fantômes de la fièvre – Qu’il dise les mots qu’on attend Ou qu’on les devine à ses lèvres. Qu’il soit gai, qu’il soit bien portant, (Ne faut-il croire à l’équilibre Qui doit redevenir le nôtre, aux membres libres, À l’esprit jouant sans efforts ?) Qu’il soit bien portant, qu’il soit fort – sans insolence, Avec douceur, contre le sort… Il nous faut tant de confiance ! Qu’il aime ce que j’aime – J’ai besoin Qu’il ait cet art de tout comprendre Et de s’intéresser, non pas de loin, Mais en ami tout proche, à ce qui m’intéresse. Qu’il soit bon – nous voulons une indulgence tendre Pour accepter notre révolte ou nos faiblesses. De la science ? Il en aura, n’en doutez point, S’il est ce que je dis, ce que j’exige. Mais exiger cela, c’est, vous le voyez bien, Leur demander, quand ils n’y peuvent rien, Quelque chose comme un prodige ! Lequel, parmi vos diplômés, Ressemble au médecin qu’espère le malade ? Lequel, dans tout ce gris tenace, épais, maussade, Sera celui que moi je vois, les yeux fermés ? … . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ou bien, alors, prenons-le contrefait, Cagneux, pointu, perclus, minable ; Qu’il flotte en ses effets Comme un épouvantail – et semble inguérissable Des pires maux, connus ou inconnus ! Prenons-le blême et vieux, que son crâne soit nu, Ses yeux rougis, sa lèvre amère – Et que rien ne paraisse au monde plus précaire, Plus laid, plus rechigné que cet être vivant, Afin que, chaque jour, l’apercevant Comme un défi, parmi les fleurs venant d’éclore, Nous pensions, rassurés, soulagés, fiers un peu De nous sentir si forts par contraste: « Grand Dieu ! Qu’il doit être savant pour vivre encore ! »

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Vigne vierge d’automne Vous laissez tomber vos mains rouges, Vigne vierge, vous les laissez tomber Comme si tout le sang du monde était sur elles. À leur frisson, toute la balustrade bouge, Tout le mur saigne, Ô vigne vierge… Tout le ciel est imbibé D’une même lumière rouge. C’est comme un tremblement d’ailes rouges qui tombent, D’ailes d’oiseaux des îles, d’ailes Qui saignent. C’est la fin d’un règne – Ou quelque chose de plus simple infiniment. Ce sont les pieds palmés de hauts flamants Ou de fragiles pattes de colombes Qui marchent dans l’allée. (Où vont-elles, si rouges ?) Leurs traces étoilées Rejoignent l’autre vigne, où l’on vendange. Si rouge, Est-ce déjà le sang des cuves pleines ? Ah ! simplement la fête des vendanges, Simplement n’est-ce pas ? Et pourtant, que vos mains sont tremblantes ! Leurs veines Se rompent une à une… Tant de sang… Et cette odeur si fade, étrange. Ces mains qui tombent d’un air las, Ô vigne vierge, d’un air las et comme absent, Ces mains abandonnées… (Lady Macbeth n’eut-elle pas ce geste Après avoir frotté la tache si longtemps ?) Mains qui se crispent, mains qui restent En lambeaux rouges sur octobre palpitant ; Dites, oh ! dites chaque année Êtes-vous les mains meurtrières de l’Automne ? Ou chaque année, Sans rien qui s’en émeuve ni personne, Des mains assassinées Qui flottent au fil rouge de l’automne ?

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Vous parler ? Vous parler ? Non. Je ne peux pas. Je préfère souffrir comme une plante, Comme l’oiseau qui ne dit rien sur le tilleul. Ils attendent. C’est bien. Puisqu’ils ne sont pas las D’attendre, j’attendrai, de cette même attente. Ils souffrent seuls. On doit apprendre à souffrir seul. Je ne veux pas d’indifférents prêts à sourire Ni d’amis gémissants. Que nul ne vienne. La plante ne dit rien. L’oiseau se tait. Que dire ? Cette douleur est seule au monde, quoi qu’on veuille. Elle n’est pas celle des autres, c’est la mienne. Une feuille a son mal qu’ignore l’autre feuille. Et le mal de l’oiseau, l’autre oiseau n’en sait rien. On ne sait pas. On ne sait pas. Qui se ressemble ? Et se ressemblât-on, qu’importe. Il me convient De n’entendre ce soir nulle parole vaine. J’attends – comme le font derrière la fenêtre Le vieil arbre sans geste et le pinson muet… Une goutte d’eau pure, un peu de vent, qui sait ? Qu’attendent-ils ? Nous l’attendrons ensemble. Le soleil leur a dit qu’il reviendrait, peut-être…

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    La solitude Solitude … Pour vous cela veut dire seul, Pour moi – qui saura me comprendre ? Cela veut dire : vert, vert dru, vivace tendre, Vert platane, vert calycanthe, vert tilleul. Mot vert. Silence vert. Mains vertes De grands arbres penchés, d’arbustes fous ; Doigts mêlés de rosiers, de lauriers, de bambous, Pieds de cèdres âgés où se concertent Les bêtes à Bon Dieu ; rondes alertes De libellules sur l’eau verte… Dans l’eau, reflets de marronniers, D’ifs bruns, de vimes blonds, de longues menthes Et de jeune cresson ; flaques dormantes Et courants vifs où rament les « meuniers » ; Rainettes à ressort et carpes vénérables ; Martin-pêcheur… En mars, étoiles de pruniers, De poiriers, de pommiers ; grappes d’érables. En mai, la fête des ciguës, Celle des boutons d’or : splendeur des prés. Clochers blancs des yuccas, lances aiguës Et tiges douces, chèvrefeuille aux brins serrés, Vigne-vierge aux bras lourds chargés de palmes, Et toujours, et partout, fraîche, luisante, calme, L’invasion du lierre à petits flots lustrés Gagnant le mur des cours, les carreaux des fenêtres, Les toits des pavillons vainement retondus… Lierre nouant au front du chêne, au cou du hêtre, Ses bouquets de grains noirs comme un piège tendu À la grive hésitante ; vert royaume Des merles en habit – royaume qui s’étend Ainsi que dans un parc de Florence ou de Rome En nappes d’émeraude et cordages flottants… Lierre de cette allée au porche de lumière Dont les platanes séculaires, chaque été, Font une longue cathédrale verte – lierre De la grotte en rocaille où dorment abrités Chaque hiver, les callas et les cactus fragiles ; Housse, que la poussière blanche de la ville Givre à peine les soirs de très grand vent – pour moi, Vert obligé des vieilles pierres, Des arbres vieux, des toits qui penchent, des vieux toits – Un château ? Non, Madame, une gentilhommière, Un ermitage vert qui sent les bois, le foin, Où les bruits de la route arrivent d’assez loin Pour n’être plus qu’une musique en demi-teintes. Un train sur le talus se hâte avec des plaintes, Mais l’horizon tout rose et mauve qu’il rejoint Transpose le voyage en couleurs de légende. On regarde un instant vers ces trains qui s’en vont Traînant leur barbe grise – et c’est vrai qu’ils répandent Un peu de nostalgie au fil de l’été blond… Mais le jazz des moineaux fait rage dans les feuilles, Les pigeons blancs s’exaltent, le cyprès Est la tour enchantée où des notes s’effeuillent Autour du rossignol. Du pré, Monte la fièvre des grillons, des sauterelles, Toutes les herbes ont des pattes, ont des ailes – Et l’Âne et le Cheval 2 de la Fable sont là Et Chantecler3 se joue en grand gala Jour et nuit dans la cour où des plumes voltigent. Au clair de l’eau, c’est l’éternel prodige Du têtard de velours devenu crapaud d’or, De la voix de cristal parmi les râpes neuves D’innombrables grenouilles. Le chat dort. Dickette – chien s’affaire – et sur leur tête pleuvent Des pastilles de lune ou de soleil brûlant. S’il pleut vraiment, la pluie à pleins seaux ruisselants S’éparpille de même aux doigts verts qui l’arrêtent. Un tilleul, des bambous. L’abri vert du poète, Du vert, comprenez-vous ? Pour qu’aux vieilles maisons Rien ne blesse les yeux sous leurs paupières lasses. Douceur de l’arbre, de la mousse, du gazon… Vous dites : Solitude ? Ah ! dans l’heure qui passe, Est-il rien de vivant plus vivant qu’un jardin, De plus mystérieux, parfumé, dru, tenace, Et peuplé – si peuplé qu’il arrive soudain Qu’on y discourt avec mille petits génies Sortis l’on ne sait d’où, comme chez Aladin. Un mot vert… Qui dira la fraîcheur infinie D’un mot couleur de sève et de source et de l’air Qui baigne une maison depuis toujours la vôtre, Un mot désert peut-être et desséché pour d’autres, Mais pour soi, familier, si proche, tendre, vert Comme un îlot, un cher îlot dans l’univers ?…

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