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Victor Hugo

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Victor Hugo, parfois surnommé l'Homme océan ou, de manière posthume, l'Homme siècle, est un poète, dramaturge, écrivain, romancier et dessinateur romantique français, né le 7 ventôse an X (26 février 1802) à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris. Il est considéré comme l'un des écrivains de la langue française et de la littérature mondiale les plus importants. Hugo est aussi une personnalité politique et un intellectuel engagé qui a un rôle idéologique majeur et occupe une place marquante dans l'histoire des lettres françaises au XIXe siècle. Au théâtre, Victor Hugo s'impose comme un des chefs de file du romantisme français en présentant sa conception du drame romantique dans les préfaces qui introduisent Cromwell en 1827, puis Hernani en 1830, qui sont de véritables manifestes, puis par ses autres œuvres dramatiques, en particulier Lucrèce Borgia en 1833 et Ruy Blas en 1838. Son œuvre poétique comprend plusieurs recueils de poèmes lyriques, dont les plus célèbres sont Odes et Ballades paru en 1826, Les Feuilles d'automne en 1831 et Les Contemplations en 1856. Victor Hugo est aussi un poète engagé contre Napoléon III dans Les Châtiments, paru en 1853, et un poète épique dans La Légende des siècles, publié de 1859 à 1883. Comme romancier, il rencontre un grand succès populaire, d'abord avec Notre-Dame de Paris en 1831, et plus encore avec Les Misérables en 1862. Son œuvre multiple comprend aussi des écrits et discours politiques, des récits de voyages, des recueils de notes et de mémoires, des commentaires littéraires, une correspondance abondante, près de quatre mille dessins dont la plupart réalisés à l'encre, ainsi que la conception de décors intérieurs et une contribution à la photographie. Très impliqué dans le débat public, Victor Hugo est parlementaire sous la monarchie de Juillet et sous la Deuxième et Troisième République. Il s'exile pendant près de vingt ans à Jersey et Guernesey sous le Second Empire, dont il est l'un des grands opposants. Attaché à la paix et à la liberté et sensible à la misère humaine, il s'exprime en faveur de nombreuses avancées sociales, s'oppose à la peine de mort et à l'esclavage. Il soutient aussi l'idée d'une Europe unifiée. Son engagement résolument républicain dans la deuxième partie de sa vie et son immense œuvre littéraire font de lui un personnage emblématique, que la Troisième République honore par des funérailles nationales et le transfert de sa dépouille au Panthéon de Paris le 1er juin 1885, dix jours après sa mort. Pendant les deux jours où sa tombe est exposée au public, plus de deux millions de personnes se déplacent pour lui rendre hommage. Ayant fortement contribué au renouvellement de la poésie et du théâtre et ayant marqué son époque par ses prises de position politiques et sociales, Victor Hugo est encore célébré aujourd'hui, en France et à l'étranger, comme un personnage illustre, dont la vie et l'œuvre font l'objet de multiples commentaires et hommages.

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    À Théophile Gautier Ami, poète, esprit, tu fuis notre nuit noire. Tu sors de nos rumeurs pour entrer dans la gloire; Et désormais ton nom rayonne aux purs sommets. Moi qui t’ai connu jeune et beau, moi qui t’aimais, Moi qui, plus d’une fois, dans nos altiers coups d’aile, Éperdu, m’appuyais sur ton âme fidèle, Moi, blanchi par les jours sur ma tête neigeant, Je me souviens des temps écoulés, et songeant A ce jeune passé qui vit nos deux aurores, A la lutte, à l’orage, aux arènes sonores, A l’art nouveau qui s’offre, au peuple criant oui, J’écoute ce grand vent sublime évanoui. Fils de la Grèce antique et de la jeune France, Ton fier respect des morts fut rempli d’espérance; Jamais tu ne fermas les yeux à l’avenir. Mage à Thèbes, druide au pied du noir menhir, Flamine aux bords du Tibre et brahme aux bords du Gange, Mettant sur l’arc du dieu la flèche de l’archange, D’Achille et de Roland hantant les deux chevets, Forgeur mystérieux et puissant, tu savais Tordre tous les rayons dans une seule flamme; Le couchant rencontrait l’aurore dans ton âme; Hier croisait demain dans ton fécond cerveau; Tu sacrais le vieil art aïeul de l’art nouveau; Tu comprenais qu’il faut, lorsqu’une âme inconnue Parle au peuple, envolée en éclairs dans la nue, L’écouter, l’accepter; l’aimer, ouvrir les coeurs; Calme, tu dédaignais l’effort vil des moqueurs Écumant sur Eschyle et bavant sur Shakspeare; Tu savais que ce siècle a son air qu’il respire, Et que, l’art ne marchant qu’en se transfigurant, C’est embellir le beau que d’y joindre le grand. Et l’on t’a vu pousser d’illustres cris de joie Quand le Drame a saisi Paris comme une proie, Quand l’antique hiver fut chassé par Floréal, Quand l’astre inattendu du moderne idéal Est venu tout à coup, dans le ciel qui s’embrase Luire, et quand l’Hippogriffe a relayé Pégase! Je te salue au seuil sévère du tombeau. Va chercher le vrai, toi qui sus trouver le beau. Monte l’âpre escalier. Du haut des sombres marches, Du noir pont de l’abîme on entrevoit les arches; Va! meurs! la dernière heure est le dernier degré. Pars, aigle, tu vas voir des gouffres à ton gré; Tu vas voir l’absolu, le réel, le sublime. Tu vas sentir le vent sinistre de la cime Et l’éblouissement du prodige éternel. Ton olympe, tu vas le voir du haut du ciel, Tu vas du haut du vrai voir l’humaine chimère, Même celle de Job, même celle d’Homère, Ame, et du haut de Dieu tu vas voir Jéhovah. Monte, esprit! Grandis, plane, ouvre tes ailes, va! Lorsqu’un vivant nous quitte, ému, je le contemple; Car entrer dans la mort, c’est entrer dans le temple Et quand un homme meurt, je vois distinctement Dans son ascension mon propre avènement. Ami, je sens du sort la sombre plénitude; J’ai commencé la mort par de la solitude, Je vois mon profond soir vaguement s’étoiler; Voici l’heure où je vais, aussi moi, m’en aller. Mon fil trop long frissonne et touche presque au glaive; Le vent qui t’emporta doucement me soulève, Et je vais suivre ceux qui m’aimaient, moi, banni. Leur oeil fixe m’attire au fond de l’infini. J’y cours. Ne fermez pas la porte funéraire. Passons; car c’est la loi; nul ne peut s’y soustraire; Tout penche; et ce grand siècle avec tous ses rayons Entre en cette ombre immense où pâles nous fuyons. Oh! quel farouche bruit font dans le crépuscule Les chênes qu’on abat pour le bûcher d’Hercule! Les chevaux de la mort se mettent à hennir, Et sont joyeux, car l’âge éclatant va finir; Ce siècle altier qui sut dompter le vent contraire, Expire ô Gautier! toi, leur égal et leur frère, Tu pars après Dumas, Lamartine et Musset. L’onde antique est tarie où l’on rajeunissait; Comme il n’est plus de Styx il n’est plus de Jouvence. Le dur faucheur avec sa large lame avance Pensif et pas à pas vers le reste du blé; C’est mon tour; et la nuit emplit mon oeil troublé Qui, devinant, hélas, l’avenir des colombes, Pleure sur des berceaux et sourit à des tombes. Hauteville-house, nov. 1872. Jour des Morts.

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    À un ami Sur l'effrayante falaise, Mur par la vague entrouvert, Roc sombre où fleurit à l'aise Un charmant petit pré vert, Ami, puisque tu me laisses Ta maison loin des vivants Entre ces deux allégresses, Les grands flots et les grands vents, Salut ! merci ! les fortunes Sont fragiles, et nos temps, Comme l'algue sous les dunes, Sont dans l'abîme, et flottants. Nos âmes sont des nuées Qu'un vent pousse, âpre ou béni, Et qui volent, dénouées, Du côté de l'infini. L'énorme bourrasque humaine, Dont l'étoile est la raison, Prend, quitte, emporte et ramène L'espérance à l'horizon. Cette grande onde inquiète Dont notre siècle est meurtri Écume et gronde, et me jette Parfois mon nom dans un cri. La haine sur moi s'arrête. Ma pensée est dans ce bruit Comme un oiseau de tempête Parmi les oiseaux de nuit. Pendant qu'ici je cultive Ton champ comme tu le veux, Dans maint journal l'invective Grince et me prend aux cheveux. La diatribe m'écharpe ; Je suis âne ou scélérat ; Je suis Pradon pour Laharpe, Et pour de Maistre Marat. Qu'importe ! les coeurs sont ivres. Les temps qui viennent feront Ce qu'ils pourront de mes livres Et de moi ce qu'ils voudront. J'ai pour joie et pour merveille De voir, dans ton pré d'Honfleur, Trembler au poids d'une abeille Un brin de lavande en fleur.

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    À un poète aveugle Merci, poète ! - au seuil de mes lares pieux, Comme un hôte divin, tu viens et te dévoiles ; Et l'auréole d'or de tes vers radieux Brille autour de mon nom comme un cercle d'étoiles. Chante ! Milton chantait ; chante ! Homère a chanté. Le poète des sens perce la triste brume ; L'aveugle voit dans l'ombre un monde de clarté. Quand l'oeil du corps s'éteint, l'oeil de l'esprit s'allume. Paris, mai 1842.

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    À un riche Jeune homme ! je te plains ; et cependant j'admire Ton grand parc enchanté qui semble nous sourire, Qui fait, vu de ton seuil, le tour de l'horizon, Grave ou joyeux suivant le jour et la saison, Coupé d'herbe et d'eau vive, et remplissant huit lieues De ses vagues massifs et de ses ombres bleues. J'admire ton domaine, et pourtant je te plains ! Car dans ces bois touffus de tant de grandeur pleins, Où le printemps épanche un faste sans mesure, Quelle plus misérable et plus pauvre masure Qu'un homme usé, flétri, mort pour l'illusion, Riche et sans volupté, jeune et sans passion, Dont le coeur délabré, dans ses recoins livides, N'a plus qu'un triste amas d'anciennes coupes vides, Vases brisés qui n'ont rien gardé que l'ennui, Et d'où l'amour, la joie et la candeur ont fui ! Oui, tu me fais pitié, toi qui crois faire envie ! Ce splendide séjour sur ton coeur, sur ta vie, Jette une ombre ironique, et rit en écrasant Ton front terne et chétif d'un cadre éblouissant. Dis-moi, crois-tu, vraiment posséder ce royaume D'ombre et de fleurs, où l'arbre arrondi comme un dôme, L'étang, lame d'argent que le couchant fait d'or, L'allée entrant au bois comme un noir corridor, Et là, sur la forêt, ce mont qu'une tour garde, Font un groupe si beau pour l'âme qui regarde ! Lieu sacré pour qui sait dans l'immense univers, Dans les prés, dans les eaux et dans les vallons verts, Retrouver les profils de la face éternelle Dont le visage humain n'est qu'une ombre charnelle ! Que fais-tu donc ici ? Jamais on ne te voit, Quand le matin blanchit l'angle ardoisé du toit, Sortir, songer, cueillir la fleur, coupe irisée Que la plante à l'oiseau tend pleine de rosée, Et parfois t'arrêter, laissant pendre à ta main Un livre interrompu, debout sur le chemin, Quand le bruit du vent coupe en strophes incertaines Cette longue chanson qui coule des fontaines. Jamais tu n'as suivi de sommets en sommets La ligne des coteaux qui fait rêve ; jamais Tu n'as joui de voir, sur l'eau qui reflète, Quelque saule noueux tordu comme un athlète. Jamais, sévère esprit au mystère attaché, Tu n'as questionné le vieux orme penché Qui regarde à ses pieds toute la pleine vivre Comme un sage qui rêve attentif à son livre. L'été, lorsque le jour est par midi frappé, Lorsque la lassitude a tout enveloppé, A l'heure où l'andalouse et l'oiseau font la sieste, Jamais le faon peureux, tapi dans l'antre agreste, Ne te vois, à pas lents, loin de l'homme importun, Grave, et comme ayant peur de réveiller quelqu'un, Errer dans les forêts ténébreuses et douces Où le silence dort sur le velours des mousses. Que te fais tout cela ? Les nuages des cieux, La verdure et l'azur sont l'ennui de tes yeux. Tu n'est pas de ces fous qui vont, et qui s'en vantent, Tendant partout l'oreille aux voix qui partout chantent, Rendant au Seigneur d'avoir fait le printemps, Qui ramasse un nid, ou contemple longtemps Quelque noir champignon, monstre étrange de l'herbe. Toi, comme un sac d'argent, tu vois passer la gerbe. Ta futaie, en avril, sous ses bras plus nombreux A l'air de réclamer bien des pas amoureux, Bien des coeurs soupirants, bien des têtes pensives ; Toi qui jouis aussi sous ses branches massives, Tu songes, calculant le taillis qui s'accroît, Que Paris, ce vieillard qui, l'hiver, a si froid, Attend, sous ses vieux quais percés de rampes neuves, Ces longs serpents de bois qui descendent les fleuves ! Ton regard voit, tandis que ton oeil flotte au loin, Les blés d'or en farine et la prairie en foin ; Pour toi le laboureur est un rustre qu'on paie ; Pour toi toute fumée ondulant, noire ou gaie, Sur le clair paysage, est un foyer impur Où l'on cuit quelque viande à l'angle d'un vieux mur. Quand le soir tend le ciel de ses moires ardentes Au dos d'un fort cheval assis, jambes pendantes, Quand les bouviers hâlés, de leur bras vigoureux Pique tes boeufs géants qui par le chemin creux Se hâtent pêle-mêle et s'en vont à la crèche, Toi, devant ce tableau tu rêves à la brèche Qu'il faudra réparer, en vendant tes silos, Dans ta rente qui tremble aux pas de don Carlos ! Au crépuscule, après un long jour monotone, Tu t'enfermes chez toi. Les tièdes nuits d'automne Versent leur chaste haleine aux coteaux veloutés. Tu n'en sais rien. D'ailleurs, qu'importe ! A tes côtés, Belles, leur bruns cheveux appliqués sur les tempes, Fronts roses empourprés par le reflet des lampes, Des femmes aux yeux purs sont assises, formant Un cercle frais qui borde et cause doucement ; Toutes, dans leurs discours où rien n'ose apparaître, Cachant leurs voeux, leur âmes et leur coeur que peut-être Embaume un vague amour, fleur qu'on ne cueille pas, Parfum qu'on sentirait en se baissant tout bas. Tu n'en sais rien. Tu fais, parmi ces élégies, Tomber ton froid sourire, où, sous quatre bougies, D'autres hommes et toi, dans un coin attablés Autour d'un tapis vert, bruyants, vous querellez Les caprices du whist, du brelan ou de l'hombre. La fenêtre est pourtant pleine de lune et d'ombre ! Ô risible insensé ! vraiment, je te le dis, Cette terre, ces prés, ces vallons arrondis, Nids de feuilles et d'herbe où jasent les villages, Ces blés où les moineaux ont leurs joyeux pillages, Ces champs qui, l'hiver même, ont d'austères appas, Ne t'appartiennent point : tu ne les comprends pas. Vois-tu, tous les passants, les enfants, les poètes, Sur qui ton bois répand ses ombres inquiètes, Le pauvre jeune peintre épris de ciel et d'air, L'amant plein d'un seul nom, le sage au coeur amer, Qui viennent rafraîchir dans cette solitude, Hélas ! l'un son amour et l'autre son étude, Tous ceux qui, savourant la beauté de ce lieu, Aiment, en quittant l'homme, à s'approcher de Dieu, Et qui, laissant ici le bruit vague et morose Des troubles de leur âme, y prennent quelque chose De l'immense repos de la création, Tous ces hommes, sans or et sans ambition, Et dont le pied poudreux ou tout mouillé par l'herbe Te fait rire emporté par ton landau superbe, Sont dans ce parc touffu, que tu crois sous ta loi, Plus riches, plus chez eux, plus les maîtres que toi, Quoique de leur forêt que ta main grille et mure Tu puisses couper l'ombre et vendre le murmure ! Pour eux rien n'est stérile en ces asiles frais. Pour qui les sait cueillir tout a des dons secrets. De partout sort un flot de sagesse abondante. L'esprit qu'a déserté la passion grondante, Médite à l'arbre mort, aux débris du vieux pont. Tout objet dont le bois se compose répond A quelque objet pareil dans la forêt de l'âme. Un feu de pâtre éteint parle à l'amour en flamme. Tout donne des conseils au penseur, jeune ou vieux. On se pique aux chardons ainsi qu'aux envieux ; La feuille invite à croître ; et l'onde, en coulant vite, Avertit qu'on se hâte et que l'heure nous quitte. Pour eux rien n'est muet, rien n'est froid, rien n'est mort. Un peu de plume en sang leur éveille un remord ; Les sources sont des pleurs ; la fleur qui boit aux fleuves, Leur dit : Souvenez-vous, ô pauvres âmes veuves ! Pour eux l'antre profond cache un songe étoilé ; Et la nuit, sous l'azur d'un beau ciel constellé, L'arbre sur ses rameaux, comme à travers ses branches, Leur montre l'astre d'or et les colombes blanches, Choses douces aux coeurs par le malheur ployés, Car l'oiseau dit : Aimez ! et l'étoile : Croyez ! Voilà ce que chez toi verse aux âmes souffrantes La chaste obscurité des branches murmurantes ! Mais toi, qu'en fais tu ? dis. — Tous les ans, en flots d'or, Ce murmure, cette ombre, ineffable trésor, Ces bruits de vent qui joue et d'arbre qui tressaille, Vont s'enfouir au fond de ton coffre qui bâille ; Et tu changes ces bois où l'amour s'enivra, Toute cette nature, en loge à l'opéra ! Encor si la musique arrivait à ton âme ! Mais entre l'art et toi l'or met son mur infâme. L'esprit qui comprend l'art comprend le reste aussi. Tu vas donc dormir là ! sans te douter qu'ainsi Que tous ces verts trésors que dévore ta bourse, Gluck est une forêt et Mozart une source. Tu dors ; et quand parfois la mode, en souriant, Te dit : Admire, riche ! alors, joyeux, criant, Tu surgis, demandant comment l'auteur se nomme, Pourvu que toutefois la muse soit un homme ! Car tu te roidiras dans ton étrange orgueil Si l'on t'apporte, un soir, quelque musique en deuil, Urne que la pensée a chauffée à sa flamme, Beau vase où s'est versé tout le coeur d'une femme. Ô seigneur malvenu de ce superbe lieu ! Caillou vil incrusté dans ces rubis en feu ! Maître pour qui ces champs sont pleins de sourdes haines ! Gui parasite enflé de la sève des chênes ! Pauvre riche ! — Vis donc, puisque cela pour toi C'est vivre. Vis sans coeur, sans pensée et sans foi. Vis pour l'or, chose vile, et l'orgueil, chose vaine. Végète, toi qui n'as que du sang dans la veine, Toi qui ne sens pas Dieu frémir dans le roseau, Regarder dans l'aurore et chanter dans l'oiseau ! Car, — et bien que tu sois celui qui rit aux belles Et, le soir, se récrie aux romances nouvelles, — Dans les coteaux penchants où fument les hameaux, Près des lacs, près des fleurs, sous les larges rameaux, Dans tes propres jardins, tu vas aussi stupide, Aussi peu clairvoyant dans ton instinct cupide, Aussi sourd à la vie à l'harmonie, aux voix, Qu'un loup sauvage errant au milieu des grands bois ! Le 22 mai 1837.

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    À un visiteur Parisien Moi, que je sois royaliste ! C'est à peu près comme si Le ciel devait rester triste Quand l'aube a dit : Me voici ! Un roi, c'est un homme équestre, Personnage à numéro, En marge duquel de Maistre Écrit : Roi, lisez : Bourreau. Je n'y crois plus. Est-ce un crime Que d'avoir, par ma cloison, Vu ce point du jour sublime, Le lever de la raison ! J'étais jadis à l'école Chez ce pédant, le Passé ; J'ai rompu cette bricole ; J'épelle un autre A B C. Mon livre, ô fils de Lutèce, C'est la nature, alphabet Où le lys n'est point altesse, Où l'arbre n'est point gibet. Maintenant, je te l'avoue, Je ne crois qu'au droit divin Du coeur, de l'enfant qui joue, Du franc rire et du bon vin. Puisque tu me fais visite Sous mon chaume, à Domremy, À toi le Grec, moi le Scythe, J'ouvre mon âme à demi... Pas tout à fait. — La feuillée Doit voiler le carrefour, Et la porte entrebâillée Convient au timide amour. J'aime, en ces bois que j'habite, L'aurore ; et j'ai dans mon trou Pour pareil, lé cénobite, Pour contraire, le hibou. Une femme me fascine ; Comme Properce, j'entends Une flûte tibicine Dans les branches du printemps. J'ai pour jeu la poésie ; J'ai pour torture un minois, Vieux style, et la jalousie, Ce casse-tête chinois. Je suis fou d'une charmeuse, De Paris venue ici, Dont les saules de la Meuse Sont tous amoureux aussi. Je l'ai suivie en Sologne, Je la suis à Vaucouleurs. Mon coeur rit, ma raison grogne, Et me voilà dans les fleurs. Je l'ai nommée Euryanthe. J'en perds l'âme et l'appétit. Circonstance atténuante : Elle a le pied très petit. Plains-moi. Telle est ma blessure. Cela dit, amusons-nous. Oublions tout, la censure, Rome, et l'abbé Frayssinous. Cours les bals, danse aux kermesses. Les filles ont de la foi ; Fais-toi tenir les promesses Qu'elles m'ont faites à moi. Ris, savoure, aime, déguste, Et, libres, narguons un peu Le roi, ce faux nez auguste Que le prêtre met à Dieu.

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    À un voyageur Ami, vous revenez d'un de ces longs voyages Qui nous font vieillir vite, et nous changent en sages Au sortir du berceau. De tous les océans votre course a vu l'onde, Hélas ! et vous feriez une ceinture au monde Du sillon du vaisseau. Le soleil de vingt cieux a mûri votre vie. Partout où vous mena votre inconstante envie, Jetant et ramassant, Pareil au laboureur qui récolte et qui sème, Vous avez pris des lieux et laissé de vous-même Quelque chose en passant ! Tandis que votre ami, moins heureux et moins sage, Attendait des saisons l'uniforme passage Dans le même horizon, Et comme l'arbre vert qui de loin la dessine, A sa porte effeuillant ses jours, prenait racine Au seuil de sa maison. Vous êtes fatigué, tant vous avez vu d'hommes ! Enfin vous revenez, las de ce que nous sommes, Vous reposer en Dieu. Triste, vous me contez vos courses infécondes, Et vos pieds ont mêlé la poudre de trois mondes Aux cendres de mon feu. Or, maintenant, le cœur plein de choses profondes, Des enfants dans vos mains tenant les têtes blondes, Vous me parlez ici, Et vous me demandez, sollicitude amère ! - Où donc ton père ? où donc ton fils ? où donc ta mère ? - Ils voyagent aussi ! Le voyage qu'ils font n'a ni soleil, ni lune ; Nul homme n'y peut rien porter de sa fortune, Tant le maître est jaloux ! Le voyage qu'ils font est profond et sans bornes, On le fait à pas lents, parmi des faces mornes, Et nous le ferons tous ! J'étais à leur départ comme j'étais au vôtre. En diverses saisons, tous trois, l'un après l'autre, Ils ont pris leur essor. Hélas ! j'ai mis en terre, à cette heure suprême, Ces têtes que j'aimais. Avare, j'ai moi-même Enfoui mon trésor. Je les ai vus partir. J'ai, faible et plein d'alarmes, Vu trois fois un drap noir semé de blanches larmes Tendre ce corridor ; J'ai sur leurs froides mains pleuré comme une femme. Mais, le cercueil fermé, mon âme a vu leur âme Ouvrir deux ailes d'or ! Je les ai vus partir comme trois hirondelles Qui vont chercher bien loin des printemps plus fidèles Et des étés meilleurs. Ma mère vit le ciel, et partit la première, Et son œil en mourant fut plein d'une lumière Qu'on n'a point vue ailleurs. Et puis mon premier-né la suivit ; puis mon père, Fier vétéran âgé de quarante ans de guerre, Tout chargé de chevrons. Maintenant ils sont là, tous trois dorment dans l'ombre, Tandis que leurs esprits font le voyage sombre, Et vont où nous irons ! Si vous voulez, à l'heure où la lune décline, Nous monterons tous deux la nuit sur la colline Où gisent nos aïeux. Je vous dirai, montrant à votre vue amie La ville morte auprès de la ville endormie : Laquelle dort le mieux ? Venez ; muets tous deux et couchés contre terre, Nous entendrons, tandis que Paris fera taire Son vivant tourbillon, Ces millions de morts, moisson du fils de l'homme, Sourdre confusément dans leurs sépulcres, comme Le grain dans le sillon ! Combien vivent joyeux qui devaient, sœurs ou frères, Faire un pleur éternel de quelques ombres chères ! Pouvoir des ans vainqueurs ! Les morts durent bien peu. Laissons-les sous la pierre ! Hélas ! dans le cercueil ils tombent en poussière Moins vite qu'en nos cœurs ! Voyageur ! voyageur ! Quelle est notre folie ! Qui sait combien de morts à chaque heure on oublie ? Des plus chers, des plus beaux ? Qui peut savoir combien toute douleur s'émousse, Et combien sur la terre un jour d'herbe qui pousse Efface de tombeaux ? Le 6 juillet 1829.

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    À une femme Enfant ! si j'étais roi, je donnerais l'empire, Et mon char, et mon sceptre, et mon peuple à genoux Et ma couronne d'or, et mes bains de porphyre, Et mes flottes, à qui la mer ne peut suffire, Pour un regard de vous ! Si j'étais Dieu, la terre et l'air avec les ondes, Les anges, les démons courbés devant ma loi, Et le profond chaos aux entrailles fécondes, L'éternité, l'espace, et les cieux, et les mondes, Pour un baiser de toi !

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    À une jeune femme Voyez-vous, un parfum éveille la pensée. Repliez, belle enfant par l'aube caressée, Cet éventail ailé, pourpre, or et vermillon, Qui tremble dans vos mains comme un grand papillon, Et puis écoutez-moi. – Dieu fait l'odeur des roses Comme il fait un abîme, avec autant de choses. Celui-ci, qui se meurt sur votre sein charmant, N'aurait pas ce parfum qui monte doucement Comme un encens divin vers votre beauté pure, Si sa tige, parmi l'eau, l'air et la verdure, Dans la création prenant sa part de tout, N'avait profondément plongé par quelque bout, Pauvre et fragile fleur pour tous les vents béante, Au sein mystérieux de la terre géante. Là, par un lent travail que Dieu lui seul connaît, Fraîcheur du flot qui court, blancheur du jour qui naît, Souffle de ce qui coule, ou végète, ou se traîne, L'esprit de ce qui vit dans la nuit souterraine, Fumée, onde, vapeur, de loin comme de près, – Non sans faire avec tout des échanges secrets, – Elle a dérobé tout, son calme à l'antre sombre, Au diamant sa flamme, à la forêt son ombre, Et peut-être, qui sait ? sur l'aile du matin Quelque ineffable haleine à l'océan lointain ! Et vivant alambic que Dieu lui-même forme, Où filtre et se répand la terre, vase énorme, Avec les bois, les champs, les nuages, les eaux, Et l'air tout pénétré des chansons des oiseaux, La racine, humble, obscure, au travail résignée, Pour la superbe fleur par le soleil baignée, A, sans en rien garder, fait ce parfum si doux, Qui vient si mollement de la nature à vous, Qui vous charme, et se mêle à votre esprit, madame, Car l'âme d'une fleur parle au cœur d'une femme. Encore un mot, et puis je vous laisse rêver. Pour qu'atteignant au but où tout doit s'élever, Chaque chose ici-bas prenne un attrait suprême, Pour que la fleur embaume et pour que la vierge aime, Pour que, puisant la vie au grand centre commun, La corolle ait une âme et la femme un parfum, Sous le soleil qui luit, sous l'amour qui fascine, Il faut, fleur de beauté, tenir par la racine, L'une au monde idéal, l'autre au monde réel, Les roses à la terre et les femmes au ciel. Le 16 mai 1837.

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    À une jeune fille Pourquoi te plaindre, tendre fille ? Tes jours n’appartiennent-ils pas à la première jeunesse ? Daïno Lithuanien Vous qui ne savez pas combien l’enfance est belle, Enfant ! n’enviez point notre âge de douleurs, Où le cœur tour à tour est esclave et rebelle, Où le rire est souvent plus triste que vos pleurs. Votre âge insouciant est si doux qu’on l’oublie ! Il passe, comme un souffle au vaste champ des airs, Comme une voix joyeuse en fuyant affaiblie, Comme un alcyon sur les mers. Oh ! ne vous hâtez point de mûrir vos pensées ! Jouissez du matin, jouissez du printemps ; Vos heures sont des fleurs l’une à l’autre enlacées ; Ne les effeuillez pas plus vite que le temps. Laissez venir les ans ! le destin vous dévoue, Comme nous, aux regrets, à la fausse amitié, À ces maux sans espoir que l’orgueil désavoue, À ces plaisirs qui font pitié. Riez pourtant ! du sort ignorez la puissance Riez ! n’attristez pas votre front gracieux, Votre oeil d’azur, miroir de paix et d’innocence, Qui révèle votre âme et réfléchit les cieux ! Février 1825

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    Âme ! être, c'est aimer Âme ! être, c'est aimer. Il est. C'est l'être extrême. Dieu, c'est le jour sans borne et sans fin qui dit : j'aime. Lui, l'incommensurable, il n'a point de compas ; Il ne se venge pas, il ne pardonne pas ; Son baiser éternel ignore la morsure ; Et quand on dit : justice, on suppose mesure. Il n'est point juste ; il est. Qui n'est que juste est peu. La justice, c'est vous, humanité ; mais Dieu Est la bonté. Dieu, branche où tout oiseau se pose ! Dieu, c'est la flamme aimante au fond de toute chose. Oh ! tous sont appelés et tous seront élus. Père, il songe au méchant pour l'aimer un peu plus. Vivants, Dieu, pénétrant en vous, chasse le vice. L'infini qui dans l'homme entre, devient justice, La justice n'étant que le rapport secret De ce que l'homme fait à ce que Dieu ferait. Bonté, c'est la lueur qui dore tous les faîtes ; Et, pour parler toujours, hommes, comme vous faites, Vous qui ne pouvez voir que la forme et le lieu, Justice est le profil de la face de Dieu. Vous voyez un côté, vous ne voyez pas l'autre. Le bon, c'est le martyr ; le juste n'est qu'apôtre ; Et votre infirmité, c'est que votre raison De l'horizon humain conclut l'autre horizon. Limités, vous prenez Dieu pour l'autre hémisphère. Mais lui, l'être absolu, qu'est-ce qu'il pourrait faire D'un rapport ? L'innombrable est-il fait pour chiffrer ? Non, tout dans sa bonté calme vient s'engouffrer. On ne sait où l'on vole, on ne sait où l'on tombe, On nomme cela mort, néant, ténèbres, tombe, Et, sage, fou, riant, pleurant, tremblant, moqueur, On s'abîme éperdu dans cet immense coeur ! Dans cet azur sans fond la clémence étoilée Elle-même s'efface, étant d'ombre mêlée ! L'être pardonné garde un souvenir secret, Et n'ose aller trop haut ; le pardon semblerait Reproche à la prière, et Dieu veut qu'elle approche ; N'étant jamais tristesse, il n'est jamais reproche, Enfants. Et maintenant, croyez si vous voulez !

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    Écrit au bas d'un crucifix Vous qui pleurez, venez à ce Dieu, car il pleure. Vous qui souffrez, venez à lui, car il guérit. Vous qui tremblez, venez à lui, car il sourit. Vous qui passez, venez à lui, car il demeure. Mars 1842.

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    Écrit sur le tombeau d'un petit enfant au bord de la mer Vieux lierre, frais gazon, herbe, roseaux, corolles ; Église où l'esprit voit le Dieu qu'il rêve ailleurs ; Mouches qui murmurez d'ineffables paroles À l'oreille du pâtre assoupi dans les fleurs ; Vents, flots, hymne orageux, choeur sans fin, voix sans nombre ; Bois qui faites songer le passant sérieux ; Fruits qui tombez de l'arbre impénétrable et sombre, Étoiles qui tombez du ciel mystérieux ; Oiseaux aux cris joyeux, vague aux plaintes profondes ; Froid lézard des vieux murs dans les pierres tapi ; Plaines qui répandez vos souffles sur les ondes ; Mer où la perle éclôt, terre où germe l'épi ; Nature d'où tout sort, nature où tout retombe, Feuilles, nids, doux rameaux que l'air n'ose effleurer, Ne faites pas de bruit autour de cette tombe ; Laissez l'enfant dormir et la mère pleurer ! Le 21 janvier 1840.

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    Égalité Dans un grand jardin en cinq actes, Conforme aux préceptes du goût, Où les branches étaient exactes, Où les fleurs se tenaient debout, Quelques clématites sauvages Poussaient, pauvres bourgeons pensifs, Parmi les nobles esclavages Des buis, des myrtes et des ifs. Tout près, croissait, sur la terrasse Pleine de dieux bien copiés, Un rosier de si grande race Qu'il avait du marbre à ses pieds. La rose sur les clématites Fixait ce regard un peu sec Que Rachel jette à ces petites Qui font le choeur du drame grec. Ces fleurs, tremblantes et pendantes, Dont Zéphyre tenait le fil, Avaient des airs de confidentes Autour de la reine d'avril. La haie, où s'ouvraient leurs calices Et d'où sortaient ces humbles fleurs, Écoutait du bord des coulisses Le rire des bouvreuils siffleurs. Parmi les brises murmurantes Elle n'osait lever le front ; Cette mère de figurantes Était un peu honteuse au fond. Et je m'écriai : — Fleurs éparses Près de la rose en ce beau lieu, Non, vous n'êtes pas les comparses Du grand théâtre du bon Dieu. Tout est de Dieu l'oeuvre visible. La rose, en ce drame fécond, Dit le premier vers, c'est possible, Mais le bleuet dit le second. Les esprits vrais, que l'aube arrose, Ne donnent point dans ce travers Que les campagnes sont en prose Et que les jardins sont en vers. Avril dans les ronces se vautre, Le faux art que l'ennui couva Lâche le critique Lenôtre Sur le poète Jéhovah. Mais cela ne fait pas grand-chose À l'immense sérénité, Au ciel, au calme grandiose Du philosophe et de l'été. Qu'importe ! croissez, fleurs vermeilles ! Soeurs, couvrez la terre aux flancs bruns, L'hésitation des abeilles Dit l'égalité des parfums. Croissez, plantes, tiges sans nombre ! Du verbe vous êtes les mots. Les immenses frissons de l'ombre Ont besoin de tous vos rameaux. Laissez, broussailles étoilées, Bougonner le vieux goût boudeur ; Croissez, et sentez-vous mêlées À l'inexprimable grandeur ! Rien n'est haut et rien n'est infime. Une goutte d'eau pèse un ciel ; Et le mont Blanc n'a pas de cime Sous le pouce de l'Éternel. Toute fleur est un premier rôle ; Un ver peut être une clarté ; L'homme et l'astre ont le même pôle ; L'infini, c'est l'égalité. L'incommensurable harmonie, Si tout n'avait pas sa beauté, Serait insultée et punie Dans tout être déshérité. Dieu, dont les cieux sont les pilastres, Dans son grand regard jamais las Confond l'éternité des astres Avec la saison des lilas. Les prés, où chantent les cigales, Et l'Ombre ont le même cadran. Ô fleurs, vous êtes les égales Du formidable Aldébaran. L'intervalle n'est qu'apparence. Ô bouton d'or tremblant d'émoi, Dieu ne fait pas de différence Entre le zodiaque et toi. L'être insondable est sans frontière. Il est juste, étant l'unité. La création tout entière Attendrit sa paternité. Dieu, qui fit le souffle et la roche, Oeil de feu qui voit nos combats, Oreille d'ombre qui s'approche De tous les murmures d'en bas, Dieu, le père qui mit dans les fêtes Dans les éthers, dans les sillons, Qui fit pour l'azur les comètes Et pour l'herbe les papillons, Et qui veut qu'une âme accompagne Les êtres de son flanc sortis, Que l'éclair vole à la montagne Et la mouche au myosotis, Dieu, parmi les mondes en fuite, Sourit, dans les gouffres du jour, Quand une fleur toute petite Lui conte son premier amour.

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    Ô femmes ! chastetés augustes Ô femmes ! chastetés augustes ! fiertés saintes ! Pudeur, crainte sacrée entre toutes les craintes ! Farouche austérité du front pensif et doux ! Ô vous à qui je veux ne parler qu'à genoux, Dont la forme est si noble en notre chaos sombre, Qu'on ne se souvient plus, en la voyant dans l'ombre, De rien que de divin et de mystérieux, Sorte d'oubli tombé sur la terre des cieux, Etres charmants créés pour la plus haute sphère ; Ô femmes, parmi nous que venez-vous donc faire ? Alors questionnant l'inconnu, l'inouï, Aux voix qui disent non tâchant d'arracher oui J'écoute, et je regarde, et, plein de rêveries, Je vais au Luxembourg, je vais aux Tuileries, Parlant à tout ce qui va, vient, passe, et cherchant La réponse à ce cri vague et pur comme un chant ; Et toujours, et partout, et de toutes les femmes, De celles-ci, les coeurs, de celles-là, les âmes, Du brun regard, de l'oeil voilé de blonds cheveux, Sort un sourire immense aux enfants, ces aveux. Le 17 novembre 1879.

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    Ô mes lettres d'amour Ô mes lettres d'amour, de vertu, de jeunesse, C'est donc vous ! Je m'enivre encore à votre ivresse ; Je vous lis à genoux. Souffrez que pour un jour je reprenne votre âge ! Laissez-moi me cacher, moi, l'heureux et le sage, Pour pleurer avec vous !

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    Ô poète ! Ô poète ! pourquoi tes stances favorites Marchent-elles toujours cueillant des marguerites, Toujours des liserons et toujours des bleuets, Et vont-elles s'asseoir au fond des bois muets Laissant sur leurs pieds nus, lavés par les eaux pures, Ruisseler les cressons comme des chevelures ? Pourquoi toujours les champs et jamais les jardins ? D'où te viennent, rêveur, ces étranges dédains ? Loin des buis rehaussant le sable des allées, Loin du riant parterre aux touffes étoilées, Bordé d'oeillets en foule empressés à s'ouvrir, Pourquoi fuir, et pourquoi ne pas faire fleurir Dans tes vers, où sourit l'heureux printemps qui t'aime, Le blanc camélia, le jaune chrysanthème ? Et le poète dit : « Nous y viendrons un jour. Versez dans vos jardins plus de joie et d'amour. La rêverie a peur des portes et des grilles. La Liberté, parmi les socs et les faucilles, Chante dans les prés-verts et rit sous le ciel bleu. L'homme fait le jardin, les champs sont faits par Dieu. » Le 19 juin 1839.

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    Ô Robert, un conseil Ô Robert, un conseil. Ayez l'air moins candide. Soyons homme d'esprit. Le moment est splendide, Je le sais ; le quart d'heure est chatoyant, c'est vrai Cette Californie est riche en minerai, D'accord ; mais cependant quand un préfet, un maire, Un évêque adorant le fils de votre mère, Quand un Suin, un Parieu, payé pour sa ferveur, Vous parlant en plein nez, vous appelle sauveur, Vous promet l'avenir, atteste Fould et Magne, Et vous fait coudoyer César et Charlemagne, Mon cher, vous accueillez ces propos obligeants D'un air de bonne foi qui prête à rire aux gens. Vous avez l'œil béat d'un bailli de province. Par ces simplicités vous affligez, ô prince, Napoléon, votre oncle, et moi, votre parrain. Ne soyons pas Jocrisse ayant été Mandrin. On vole un trône, on prend un peuple en une attrape, Mais il est de bon goût d'en rire un peu sous cape Et de cligner de l'œil du côté des malins. Etre sa propre dupe ! ah ! fi donc ! Verres pleins, Poche pleine, et rions ! La France rampe et s'offre ; Soyons un sage à qui Jupiter livre un coffre ; Dépêchons-nous, pillons, régnons vite. — Mais quoi ! Le pape nous bénit ; czar, sultan, duc et roi Sont nos cousins ; fonder un empire est facile Il est doux d'être chef d'une race ! — Imbécile ! Te figures-tu donc que ceci durera ? Prends-tu pour du granit ce décor d'opéra ? Paris dompté ! par toi ! dans quelle apocalypse Lit-on que le géant devant le nain s'éclipse ? Crois-tu donc qu'on va voir, gaîment, l'œil impudent, Ta fortune cynique écraser sous sa dent La révolution que nos pères ont faite, Ainsi qu'une guenon qui croque une noisette ? Ote-toi de l'esprit ce rêve enchanteur. Crois À Rose Tamisier faisant saigner la croix, À l'âme de Baroche entrouvrant sa corolle, Crois à l'honnêteté de Deutz, à ta parole, C'est bien ; mais ne crois pas à ton succès ; il ment. Rose Tamisier, Deutz, Baroche, ton serment, C'est de l'or, j'en conviens ; ton sceptre est de l'argile. Dieu, qui t'a mis au coche, écrit sur toi : fragile. Jersey, le 29 mai 1853.

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    Ô sainte horreur du mal Ô sainte horreur du mal ! Devoir funèbre ! Ô haine ! Quand Virgile suspend la chèvre au blanc troëne ; Quand Lucrèce revêt de feuilles l'homme nu ; Quand Ennius compare au satyre cornu Le bouc passant sa tête à travers la broussaille Qui fait qu'Europe au bain se détourne et tressaille ; Quand Moschus chante Enna ; quand Horace gaîment Suit Canidie, et fait, sur le chaudron fumant Où l'horreur de la lune et des tombeaux s'infiltre, Éternuer Priape à l'âcre odeur du philtre ; Quand Plaute bat Davus ou raille Amphitryon, Le ciel bleu dans un coin brille et jette un rayon Sur la baigneuse émue ou la chèvre qui grimpe, Et l'on entend au fond rire l'immense Olympe. Mais tout azur s'éclipse où passent les vengeurs. Les soupiraux d'en bas teignent de leurs rougeurs Le mur sinistre auquel s'adosse Jérémie. Les punisseurs sont noirs. Leur pâle et grave amie, La Mort, leur met la main sur l'épaule, et leur dit : — Esprit, ne laisse pas échapper ton bandit. Car ce sont eux qui, seuls, justiciers des abîmes, Terrassent à jamais les monstres et les crimes ; Car ils sont les géants des châtiments de Dieu ; Car, sur des écriteaux d'acier en mots de feu, Du tonnerre escortés, ces hommes formidables Transcrivent de là-haut les arrêts insondables ; Car ils mettent Achab et Tibère au poteau ; Car l'un porte l'éclair, l'autre tient le marteau ; Ils marchent, affichant des sentences que l'homme Lit effaré, sur Tyr, sur Ninive, sur Rome, Et, sombres, à travers les siècles effrayés, Vont, et ces foudroyants traînent leurs foudroyés. Isaïe, accoudé sur Babylone athée, Songe ; Eschyle, vengeur et fils de Prométhée, Cloue au drame d'airain le tyran Jupiter ; Shakespeare mène en laisse Henri huit ; et Luther Fouette les Borgia mêlés aux Louis onze ; Tacite dans la nuit pose son pied de bronze Sur les douze dragons qu'on appelle Césars ; Daniel va, suivi des blêmes Balthazars ; Machiavel pensif garde la bête prince ; Milton veille au guichet du cachot, gouffre où grince Le pandaemonium de tous les Satans rois ; Juvénal tire et traîne à travers les effrois La stryge au double front que son vers a tuée, Qui gronde impératrice et rit prostituée ; Et Dante tient le bout de la chaîne de fer Que Judas rêveur mord dans l'ombre de l'enfer. Le 17 février 1854.

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    Victor Hugo

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    Ô terre, dans ta course immense Ô terre, dans ta course immense et magnifique, L'Amérique, et l'Europe, et l'Asie, et l'Afrique Se présentent aux feux du Soleil tour à tour ; Telles, l'une après l'autre, à l'heure où naît le jour, Quatre filles, l'amour d'une maison prospère, Viennent offrir leur front au baiser de leur père.

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