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Victor Hugo

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Victor Hugo, parfois surnommé l'Homme océan ou, de manière posthume, l'Homme siècle, est un poète, dramaturge, écrivain, romancier et dessinateur romantique français, né le 7 ventôse an X (26 février 1802) à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris. Il est considéré comme l'un des écrivains de la langue française et de la littérature mondiale les plus importants. Hugo est aussi une personnalité politique et un intellectuel engagé qui a un rôle idéologique majeur et occupe une place marquante dans l'histoire des lettres françaises au XIXe siècle. Au théâtre, Victor Hugo s'impose comme un des chefs de file du romantisme français en présentant sa conception du drame romantique dans les préfaces qui introduisent Cromwell en 1827, puis Hernani en 1830, qui sont de véritables manifestes, puis par ses autres œuvres dramatiques, en particulier Lucrèce Borgia en 1833 et Ruy Blas en 1838. Son œuvre poétique comprend plusieurs recueils de poèmes lyriques, dont les plus célèbres sont Odes et Ballades paru en 1826, Les Feuilles d'automne en 1831 et Les Contemplations en 1856. Victor Hugo est aussi un poète engagé contre Napoléon III dans Les Châtiments, paru en 1853, et un poète épique dans La Légende des siècles, publié de 1859 à 1883. Comme romancier, il rencontre un grand succès populaire, d'abord avec Notre-Dame de Paris en 1831, et plus encore avec Les Misérables en 1862. Son œuvre multiple comprend aussi des écrits et discours politiques, des récits de voyages, des recueils de notes et de mémoires, des commentaires littéraires, une correspondance abondante, près de quatre mille dessins dont la plupart réalisés à l'encre, ainsi que la conception de décors intérieurs et une contribution à la photographie. Très impliqué dans le débat public, Victor Hugo est parlementaire sous la monarchie de Juillet et sous la Deuxième et Troisième République. Il s'exile pendant près de vingt ans à Jersey et Guernesey sous le Second Empire, dont il est l'un des grands opposants. Attaché à la paix et à la liberté et sensible à la misère humaine, il s'exprime en faveur de nombreuses avancées sociales, s'oppose à la peine de mort et à l'esclavage. Il soutient aussi l'idée d'une Europe unifiée. Son engagement résolument républicain dans la deuxième partie de sa vie et son immense œuvre littéraire font de lui un personnage emblématique, que la Troisième République honore par des funérailles nationales et le transfert de sa dépouille au Panthéon de Paris le 1er juin 1885, dix jours après sa mort. Pendant les deux jours où sa tombe est exposée au public, plus de deux millions de personnes se déplacent pour lui rendre hommage. Ayant fortement contribué au renouvellement de la poésie et du théâtre et ayant marqué son époque par ses prises de position politiques et sociales, Victor Hugo est encore célébré aujourd'hui, en France et à l'étranger, comme un personnage illustre, dont la vie et l'œuvre font l'objet de multiples commentaires et hommages.

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Poésies

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    1er Janvier Enfant, on vous dira plus tard que le grand-père Vous adorait ; qu'il fit de son mieux sur la terre, Qu'il eut fort peu de joie et beaucoup d'envieux, Qu'au temps où vous étiez petits il était vieux, Qu'il n'avait pas de mots bourrus ni d'airs moroses, Et qu'il vous a quittés dans la saison des roses ; Qu'il est mort, que c'était un bonhomme clément ; Que, dans l'hiver fameux du grand bombardement, Il traversait Paris tragique et plein d'épées, Pour vous porter des tas de jouets, des poupées, Et des pantins faisant mille gestes bouffons ; Et vous serez pensifs sous les arbres profonds. 1er janvier 1871.

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    Après la bataille Mon père, ce héros au sourire si doux, Suivi d'un seul housard qu'il aimait entre tous Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille, Parcourait à cheval, le soir d'une bataille, Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit. Il lui sembla dans l'ombre entendre un faible bruit. C'était un Espagnol de l'armée en déroute Qui se traînait sanglant sur le bord de la route, Râlant, brisé, livide, et mort plus qu'à moitié. Et qui disait : « À boire! à boire par pitié ! » Mon père, ému, tendit à son housard fidèle Une gourde de rhum qui pendait à sa selle, Et dit : « Tiens, donne à boire à ce pauvre blessé. » Tout à coup, au moment où le housard baissé Se penchait vers lui, l'homme, une espèce de maure, Saisit un pistolet qu'il étreignait encore, Et vise au front mon père en criant: « Caramba ! » Le coup passa si près que le chapeau tomba Et que le cheval fit un écart en arrière. « Donne-lui tout de même à boire », dit mon père.

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    Trois ans après Il est temps que je me repose ; Je suis terrassé par le sort. Ne me parlez pas d'autre chose Que des ténèbres où l'on dort ! Que veut-on que je recommence ? Je ne demande désormais A la création immense Qu'un peu de silence et de paix ! Pourquoi m'appelez-vous encore ? J'ai fait ma tâche et mon devoir. Qui travaillait avant l'aurore, Peut s'en aller avant le soir. A vingt ans, deuil et solitude ! Mes yeux, baissés vers le gazon, Perdirent la douce habitude De voir ma mère à la maison.

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    Dieu qui sourit et qui donne Dieu qui sourit et qui donne Et qui vient vers qui l'attend, Pourvu que vous soyez bonne, Sera content. Le monde où tout étincelle, Mais où rien n'est enflammé, Pourvu que vous soyez belle, Sera charmé. Mon cœur, dans l'ombre amoureuse Où l'enivre deux beaux yeux, Pourvu que tu sois heureuse, Sera joyeux. Le 1<sup>er</sup> janvier 1840.

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    Dizain de femmes Une de plus que les muses ; Elles sont dix. On croirait, Quand leurs jeunes voix confuses Bruissent dans la forêt, Entendre, sous les caresses Des grands vieux chênes boudeurs, Un brouhaha de déesses Passant dans les profondeurs. Elles sont dix châtelaines De tout le pays voisin. La ruche vers leurs haleines Envoie en chantant l'essaim. Elles sont dix belles folles, Démons dont je suis cagot ; Obtenant des auréoles Et méritant le fagot. Que de coeurs cela dérobe, Même à nous autres manants ! Chacune étale à sa robe Quatre volants frissonnants, Et court par les bois, sylphide Toute parée, en dépit De la griffe qui, perfide, Dans les ronces se tapit. Oh ! ces anges de la terre ! Pensifs, nous les décoiffons ; Nous adorons le mystère De la robe aux plis profonds. Jadis Vénus sur la grève N'avait pas l'attrait taquin Du jupon qui se soulève Pour montrer le brodequin. Les antiques Arthémises Avaient des fronts élégants, Mais n'étaient pas si bien mises Et ne portaient point de gants. La gaze ressemble au rêve ; Le satin, au pli glacé, Brille, et sa toilette achève Ce que l'oeil a commencé. La marquise en sa calèche Plaît, même au butor narquois ; Car la grâce est une flèche Dont la mode est le carquois. L'homme, sot par étiquette, Se tient droit sur son ergot ; Mais Dieu créa la coquette Dès qu'il eut fait le nigaud. Oh ! toutes ces jeunes femmes, Ces yeux où flambe midi, Ces fleurs, ces chiffons, ces âmes, Quelle forêt de Bondy ! Non, rien ne nous dévalise Comme un minois habillé, Et comme une Cydalise Où Chapron a travaillé ! Les jupes sont meurtrières. La femme est un canevas Que, dans l'ombre, aux couturières Proposent les Jéhovahs. Cette aiguille qui l'arrange D'une certaine façon Lui donne la force étrange D'un rayon dans un frisson. Un ruban est une embûche, Une guimpe est un péril ; Et, dans l'Éden, où trébuche La nature à son avril, Satan — que le diable enlève ! — N'eût pas risqué son pied-bot Si Dieu sur les cheveux d'Ève Eût mis un chapeau d'Herbaut. Toutes les dix, sous les voûtes, Des grands arbres, vont chantant ; On est amoureux de toutes ; On est farouche et content. On les compare, on hésite Entre ces robes qui font La lueur d'une visite Arrivant du ciel profond. Oh ! pour plaire à cette moire, À ce gros de Tours flambé, On se rêve plein de gloire, On voudrait être un abbé. On sort du hallier champêtre, La tête basse, à pas lents, Le coeur pris, dans ce bois traître, Par les quarante volants.

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    Du songe universel Du songe universel notre pensée est faite ; Et le dragon était consulté du prophète, Et jadis, dans l'horreur des antres lumineux, Entr'ouvrant de leur griffe ou tordant en leurs noeuds D'effrayants livres pleins de sinistres passages, Les monstres chuchotaient à l'oreille des sages.

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    À villequier Maintenant que Paris, ses pavés et ses marbres, Et sa brume et ses toits sont bien loin de mes yeux ; Maintenant que je suis sous les branches des arbres, Et que je puis songer à la beauté des cieux ; Maintenant que du deuil qui m'a fait l'âme obscure Je sors, pâle et vainqueur, Et que je sens la paix de la grande nature Qui m'entre dans le cœur ;

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    A celle qui est voilée Tu me parles du fond d’un rêve Comme une âme parle aux vivants. Comme l’écume de la grève, Ta robe flotte dans les vents. Je suis l’algue des flots sans nombre, Le captif du destin vainqueur ; Je suis celui que toute l’ombre Couvre sans éteindre son coeur. Mon esprit ressemble à cette île, Et mon sort à cet océan ; Et je suis l’habitant tranquille De la foudre et de l’ouragan. Je suis le proscrit qui se voile, Qui songe, et chante, loin du bruit, Avec la chouette et l’étoile, La sombre chanson de la nuit. Toi, n’es-tu pas, comme moi-même, Flambeau dans ce monde âpre et vil, Ame, c’est-à-dire problème, Et femme, c’est-à-dire exil ? Sors du nuage, ombre charmante. O fantôme, laisse-toi voir ! Sois un phare dans ma tourmente, Sois un regard dans mon ciel noir ! Cherche-moi parmi les mouettes ! Dresse un rayon sur mon récif, Et, dans mes profondeurs muettes, La blancheur de l’ange pensif ! Sois l’aile qui passe et se mêle Aux grandes vagues en courroux. Oh, viens ! tu dois être bien belle, Car ton chant lointain est bien doux ; Car la nuit engendre l’aurore ; C’est peut-être une loi des cieux Que mon noir destin fasse éclore Ton sourire mystérieux ! Dans ce ténébreux monde où j’erre, Nous devons nous apercevoir, Toi, toute faite de lumière, Moi, tout composé de devoir ! Tu me dis de loin que tu m’aimes, Et que, la nuit, à l’horizon, Tu viens voir sur les grèves blêmes Le spectre blanc de ma maison. Là, méditant sous le grand dôme, Près du flot sans trêve agité, Surprise de trouver l’atome Ressemblant à l’immensité, Tu compares, sans me connaître, L’onde à l’homme, l’ombre au banni, Ma lampe étoilant ma fenêtre A l’astre étoilant l’infini ! Parfois, comme au fond d’une tombe, Je te sens sur mon front fatal, Bouche de l’Inconnu d’où tombe Le pur baiser de l’Idéal. A ton souffle, vers Dieu poussées, Je sens en moi, douce frayeur, Frissonner toutes mes pensées, Feuilles de l’arbre intérieur. Mais tu ne veux pas qu’on te voie ; Tu viens et tu fuis tour à tour ; Tu ne veux pas te nommer joie, Ayant dit : Je m’appelle amour. Oh ! fais un pas de plus ! Viens, entre, Si nul devoir ne le défend ; Viens voir mon âme dans son antre, L’esprit lion, le coeur enfant ; Viens voir le désert où j’habite Seul sous mon plafond effrayant ; Sois l’ange chez le cénobite, Sois la clarté chez le voyant. Change en perles dans mes décombres Toutes mes gouttes de sueur ! Viens poser sur mes oeuvres sombres Ton doigt d’où sort une lueur ! Du bord des sinistres ravines Du rêve et de la vision, J’entrevois les choses divines… – Complète l’apparition ! Viens voir le songeur qui s’enflamme A mesure qu’il se détruit, Et, de jour en jour, dans son âme A plus de mort et moins de nuit ! Viens ! viens dans ma brume hagarde, Où naît la foi, d’où l’esprit sort, Où confusément je regarde Les formes obscures du sort. Tout s’éclaire aux lueurs funèbres ; Dieu, pour le penseur attristé, Ouvre toujours dans les ténèbres De brusques gouffres de clarté. Avant d’être sur cette terre, Je sens que jadis j’ai plané ; J’étais l’archange solitaire, Et mon malheur, c’est d’être né. Sur mon âme, qui fut colombe, Viens, toi qui des cieux as le sceau. Quelquefois une plume tombe Sur le cadavre d’un oiseau. Oui, mon malheur irréparable, C’est de pendre aux deux éléments, C’est d’avoir en moi, misérable, De la fange et des firmaments ! Hélas ! hélas ! c’est d’être un homme ; C’est de songer que j’étais beau, D’ignorer comment je me nomme, D’être un ciel et d’être un tombeau ! C’est d’être un forçat qui promène Son vil labeur sous le ciel bleu ; C’est de porter la hotte humaine Où j’avais vos ailes, mon Dieu ! C’est de traîner de la matière ; C’est d’être plein, moi, fils du jour, De la terre du cimetière, Même quand je m’écrie : Amour !

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    À mes amis S.-B. et L.B Amis, mes deux amis, mon peintre, mon poète ! Vous me manquez toujours, et mon âme inquiète Vous redemande ici. Des deux amis, si chers à ma lyre engourdie, Pas un ne m'est resté. Je t'en veux, Normandie, De me les prendre ainsi ! Ils emportent en eux toute ma poésie ; L'un, avec son doux luth de miel et d'ambroisie, L'autre avec ses pinceaux. Peinture et poésie où s'abreuvait ma muse, Adieu votre onde ! Adieu l'Alphée et l'Aréthuse Dont je mêlais les eaux ! Adieu surtout ces coeurs et ces âmes si hautes, Dont toujours j'ai trouvé pour mes maux et mes fautes Si tendre la pitié ! Adieu toute la joie à leur commerce unie ! Car tous deux, ô douceur ! si divers de génie, Ont la même amitié ! Je crois d'ici les voir, le poète et le peintre. Ils s'en vont, raisonnant de l'ogive et du cintre Devant un vieux portail ; Ou, soudain, à loisir, changeant de fantaisie, Poursuivent un oeil noir dessous la jalousie, À travers l'éventail. Oh ! de la jeune fille et du vieux monastère, Toi, peins-nous la beauté, toi, dis-nous le mystère. Charmez-nous tour à tour. À travers le blanc voile et la muraille grise Votre oeil, ô mes amis, sait voir Dieu dans l'église, Dans la femme l'amour ! Marchez, frères jumeaux, l'artiste avec l'apôtre ! L'un nous peint l'univers que nous explique l'autre ; Car, pour notre bonheur, Chacun de vous sur terre a sa part qu'il réclame. À toi, peintre, le monde ! à toi, poète, l'âme ! À tous deux le Seigneur ! Mai 1830.

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    A une femme Enfant ! si j’étais roi, je donnerais l’empire, Et mon char, et mon sceptre, et mon peuple à genoux Et ma couronne d’or, et mes bains de porphyre, Et mes flottes, à qui la mer ne peut suffire, Pour un regard de vous ! Si j’étais Dieu, la terre et l’air avec les ondes, Les anges, les démons courbés devant ma loi, Et le profond chaos aux entrailles fécondes, L’éternité, l’espace, et les cieux, et les mondes, Pour un baiser de toi !

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    Abîme - L'homme Je suis l'esprit, vivant au sein des choses mortes. Je sais forger les clefs quand on ferme les portes ; Je fais vers le désert reculer le lion ; Je m'appelle Bacchus, Noé, Deucalion ; Je m'appelle Shakspeare, Annibal, César, Dante ; Je suis le conquérant ; je tiens l'épée ardente, Et j'entre, épouvantant l'ombre que je poursuis, Dans toutes les terreurs et dans toutes les nuits. Je suis Platon, je vois ; je suis Newton, je trouve. Du hibou je fais naître Athène, et de la louve Rome ; et l'aigle m'a dit : Toi, marche le premier ! J'ai Christ dans mon sépulcre et Job sur mon fumier. Je vis ! dans mes deux mains je porte en équilibre L'âme et la chair ; je suis l'homme, enfin maître et libre ! Je suis l'antique Adam ! j'aime, je sais, je sens ; J'ai pris l'arbre de vie entre mes poings puissants ; Joyeux, je le secoue au-dessus de ma tête, Et, comme si j'étais le vent de la tempête, J'agite ses rameaux d'oranges d'or chargés, Et je crie : " Accourez, peuples ! prenez, mangez ! " Et je fais sur leurs fronts tomber toutes les pommes ; Car, science, pour moi, pour mes fils, pour les hommes, Ta sève à flots descend des cieux pleins de bonté, Car la Vie est ton fruit, racine Éternité ! Et tout germe, et tout croît, et, fournaise agrandie, Comme en une forêt court le rouge incendie, Le beau Progrès vermeil, l'oeil sur l'azur fixé, Marche, et tout en marchant dévore le passé. Je veux, tout obéit, la matière inflexible Cède ; je suis égal presque au grand Invisible ; Coteaux, je fais le vin comme lui fait le miel ; Je lâche comme lui des globes dans le ciel. Je me fais un palais de ce qui fut ma geôle ; J'attache un fil vivant d'un pôle à l'autre pôle ; Je fais voler l'esprit sur l'aile de l'éclair ; Je tends l'arc de Nemrod, le divin arc de fer, Et la flèche qui siffle et la flèche qui vole, Et que j'envoie au bout du monde, est ma parole. Je fais causer le Rhin, le Gange et l'Orégon Comme trois voyageurs dans le même wagon. La distance n'est plus. Du vieux géant Espace J'ai fait un nain. Je vais, et, devant mon audace, Les noirs titans jaloux lèvent leur front flétri ; Prométhée, au Caucase enchaîné, pousse un cri, Tout étonné de voir Franklin voler la foudre ; Fulton, qu'un Jupiter eût mis jadis en poudre, Monte Léviathan et traverse la mer ; Galvani, calme, étreint la mort au rire amer ; Volta prend dans ses mains le glaive de l'archange Et le dissout ; le monde à ma voix tremble et change ; Caïn meurt, l'avenir ressemble au jeune Abel ; Je reconquiers Éden et j'achève Babel. Rien sans moi. La nature ébauche ; je termine. Terre, je suis ton roi.

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    Abîme - La Voie Lactée Millions, millions, et millions d'étoiles ! Je suis, dans l'ombre affreuse et sous les sacrés voiles, La splendide forêt des constellations. C'est moi qui suis l'amas des yeux et des rayons, L'épaisseur inouïe et morne des lumières, Encor tout débordant des effluves premières, Mon éclatant abîme est votre source à tous. O les astres d'en bas, je suis si loin de vous Que mon vaste archipel de splendeurs immobiles, Que mon tas de soleils n'est, pour vos yeux débiles, Au fond du ciel, désert lugubre où meurt le bruit, Qu'un peu de cendre rouge éparse dans la nuit ! Mais, ô globes rampants et lourds, quelle épouvante Pour qui pénétrerait dans ma lueur vivante, Pour qui verrait de près mon nuage vermeil ! Chaque point est un astre et chaque astre un soleil. Autant d'astres, autant d'immensités étranges, Diverses, s'approchant des démons ou des anges, Dont les planètes font autant de nations ; Un groupe d'univers, en proie aux passions, Tourne autour de chacun de mes soleils de flammes ; Dans chaque humanité sont des cœurs et des âmes, Miroirs profonds ouverts à l'œil universel, Dans chaque cœur l'amour, dans chaque âme le ciel ! Tout cela naît, meurt, croît, décroît, se multiplie. La lumière en regorge et l'ombre en est remplie. Dans le gouffre sous moi, de mon aube éblouis, Globes, grains de lumière au loin épanouis, Toi, zodiaque, vous, comètes éperdues, Tremblants, vous traversez les blêmes étendues, Et vos bruits sont pareils à de vagues clairons, Et j'ai plus de soleils que vous de moucherons. Mon immensité vit, radieuse et féconde. J'ignore par moments si le reste du monde, Errant dans quelque coin du morne firmament, Ne s'évanouit pas dans mon rayonnement.

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    Ad Majorem Dei Gloriam « Vraiment, notre siècle est étrangement délicat. S'imagine-t-il donc que la cendre des bûchers soit totalement éteinte ? qu'il n'en soit pas resté le plus petit tison pour allumer une seule torche ? Les insensés ! en nous appelant jésuites, ils croient nous couvrir d'opprobre ! Mais ces jésuites leur réservent la censure, un bâillon et du feu... Et, un jour, ils seront les maîtres de leurs maîtres... » (Le Père ROOTHAAN, général des Jésuites, à la conférence de CHIÉRI.) Ils ont dit : « Nous serons les vainqueurs et les maîtres. Soldats par la tactique et par la robe prêtres, Nous détruirons progrès, lois, vertus, droits, talents. Nous nous ferons un fort avec tous ces décombres, Et pour nous y garder, comme des dogues sombres, Nous démusèlerons les préjugés hurlants. « Oui, l'échafaud est bon ; la guerre est nécessaire ; Acceptez l'ignorance, acceptez la misère ; L'enfer attend l'orgueil du tribun triomphant ; L'homme parvient à l'ange en passant par la buse. Notre gouvernement fait de force et de ruse Bâillonnera le père, abrutira l'enfant. « Notre parole, hostile au siècle qui s'écoule, Tombera de la chaire en flocons sur la foule Elle refroidira les cœurs irrésolus, Y glacera tout germe utile ou salutaire, Et puis elle y fondra comme la neige à terre, Et qui la cherchera ne la trouvera plus. « Seulement un froid sombre aura saisi les âmes ; Seulement nous aurons tué toutes les flammes Et si quelqu'un leur crie, à ces français d'alors Sauvez la liberté pour qui luttaient vos pères ! Ils riront, ces français sortis de nos repaires, De la liberté morte et de leurs pères morts. « Prêtres, nous écrirons sur un drapeau qui brille — Ordre, Religion, Propriété, Famille. — Et si quelque bandit, corse, juif ou payen, Vient nous aider avec le parjure à la bouche, Le sabre aux dents, la torche au poing, sanglant, farouche Volant et massacrant, nous lui dirons : c'est bien ! « Vainqueurs, fortifiés aux lieux inabordables, Nous vivrons arrogants, vénérés, formidables. Que nous importe au fond Christ, Mahomet, Mithra ! Régner est notre but, notre moyen proscrire. Si jamais ici-bas on entend notre rire, Le fond obscur du cœur de l'homme tremblera. « Nous garrotterons l'âme au fond d'une caverne. Nations, l'idéal du peuple qu'on gouverne, C'est le moine d'Espagne ou le fellah du Nil. À bas l'esprit ! à bas le droit ! vive l'épée ! Qu'est-ce que la pensée ? une chienne échappée. Mettons Jean-Jacques au bagne et Voltaire au chenil. « Si l'esprit se débat, toujours nous l'étouffâmes. Nous parlerons tout bas à l'oreille des femmes. Nous aurons les pontons, l'Afrique, le Spielberg. Les vieux bûchers sont morts, nous les ferons revivre N'y pouvant jeter l'homme, on y jette le livre ; À défaut de Jean Huss, nous brûlons Gutenberg. « Et quant à la raison, qui prétend juger Rome, Flambeau qu'allume Dieu sous le crâne de l'homme, Dont s'éclairait Socrate et qui guidait Jésus, Nous, pareils au voleur qui se glisse et qui rampe, Et commence en entrant par éteindre la lampe, En arrière et furtifs, nous soufflerons dessus. « Alors dans l'âme humaine obscurité profonde. Sur le néant des cœurs le vrai pouvoir se fonde. Tout ce que nous voudrons, nous le ferons sans bruit. Pas un souffle de voix, pas un battement d'aile Ne remuera dans l'ombre, et notre citadelle Sera comme une tour plus noire que la nuit. « Nous régnerons. La tourbe obéit comme l'onde. Nous serons tout-puissants, nous régirons le monde Nous posséderons tout, force, gloire et bonheur ; Et nous ne craindrons rien, n'ayant ni foi ni règles... » — Quand vous habiteriez la montagne des aigles, Je vous arracherais de là, dit le Seigneur !

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    Adieux de l'hôtesse arabe Puisque rien ne t'arrête en cet heureux pays, Ni l'ombre du palmier, ni le jaune maïs, Ni le repos, ni l'abondance, Ni de voir à ta voix battre le jeune sein De nos sœurs, dont, les soirs, le tournoyant essaim Couronne un coteau de sa danse, Adieu, voyageur blanc ! J'ai sellé de ma main, De peur qu'il ne te jette aux pierres du chemin, Ton cheval à l'œil intrépide ; Ses pieds fouillent le sol, sa croupe est belle à voir, Ferme, ronde et luisante ainsi qu'un rocher noir Que polit une onde rapide. Tu marches donc sans cesse ! Oh ! que n'es-tu de ceux Qui donnent pour limite à leurs pieds paresseux Leur toit de branches ou de toiles ! Qui, rêveurs, sans en faire, écoutent les récits, Et souhaitent, le soir, devant leur porte assis, De s'en aller dans les étoiles ! Si tu l'avais voulu, peut-être une de nous, Ô jeune homme, eût aimé te servir à genoux Dans nos huttes toujours ouvertes ; Elle eût fait, en berçant ton sommeil de ses chants, Pour chasser de ton front les moucherons méchants, Un éventail de feuilles vertes. Mais tu pars ! – Nuit et jour, tu vas seul et jaloux. Le fer de ton cheval arrache aux durs cailloux Une poussière d'étincelles ; A ta lance qui passe et dans l'ombre reluit, Les aveugles démons qui volent dans la nuit Souvent ont déchiré leurs ailes. Si tu reviens, gravis, pour trouver ce hameau, Ce mont noir qui de loin semble un dos de chameau ; Pour trouver ma hutte fidèle, Songe à son toit aigu comme une ruche à miel, Qu'elle n'a qu'une porte, et qu'elle s'ouvre au ciel Du côté d'où vient l'hirondelle. Si tu ne reviens pas, songe un peu quelquefois Aux filles du désert, sœurs à la douce voix, Qui dansent pieds nus sur la dune ; Ô beau jeune homme blanc, bel oiseau passager, Souviens-toi, car peut-être, ô rapide étranger, Ton souvenir reste à plus d'une ! Adieu donc ! – Va tout droit. Garde-toi du soleil Qui dore nos fronts bruns, mais brûle un teint vermeil ; De l'Arabie infranchissable ; De la vieille qui va seule et d'un pas tremblant ; Et de ceux qui le soir, avec un bâton blanc, Tracent des cercles sur le sable ! Le 24 novembre 1828.

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    Aimons toujours ! Aimons encore Aimons toujours ! Aimons encore ! Quand l’amour s’en va, l’espoir fuit. L’amour, c’est le cri de l’aurore, L’amour c’est l’hymne de la nuit. Ce que le flot dit aux rivages, Ce que le vent dit aux vieux monts, Ce que l’astre dit aux nuages, C’est le mot ineffable : Aimons ! L’amour fait songer, vivre et croire. Il a pour réchauffer le coeur, Un rayon de plus que la gloire, Et ce rayon c’est le bonheur ! Aime ! qu’on les loue ou les blâme, Toujours les grand coeurs aimeront : Joins cette jeunesse de l’âme A la jeunesse de ton front ! Aime, afin de charmer tes heures ! Afin qu’on voie en tes beaux yeux Des voluptés intérieures Le sourire mystérieux ! Aimons-nous toujours davantage ! Unissons-nous mieux chaque jour. Les arbres croissent en feuillage ; Que notre âme croisse en amour ! Soyons le miroir et l’image ! Soyons la fleur et le parfum ! Les amants, qui, seuls sous l’ombrage, Se sentent deux et ne sont qu’un ! Les poètes cherchent les belles. La femme, ange aux chastes faveurs, Aime à rafraîchir sous ses ailes Ces grand fronts brûlants et rêveurs. Venez à nous, beautés touchantes ! Viens à moi, toi, mon bien, ma loi ! Ange ! viens à moi quand tu chantes, Et, quand tu pleures, viens à moi ! Nous seuls comprenons vos extases. Car notre esprit n’est point moqueur ; Car les poètes sont les vases Où les femmes versent leur coeurs. Moi qui ne cherche dans ce monde Que la seule réalité, Moi qui laisse fuir comme l’onde Tout ce qui n’est que vanité, Je préfère aux biens dont s’enivre L’orgueil du soldat ou du roi, L’ombre que tu fais sur mon livre Quand ton front se penche sur moi. Toute ambition allumée Dans notre esprit, brasier subtil, Tombe en cendre ou vole en fumée, Et l’on se dit :  » Qu’en reste-t-il ? «  Tout plaisir, fleur à peine éclose Dans notre avril sombre et terni, S’effeuille et meurt, lis, myrte ou rose, Et l’on se dit :  » C’est donc fini ! «  L’amour seul reste. Ô noble femme Si tu veux dans ce vil séjour, Garder ta foi, garder ton âme, Garder ton Dieu, garde l’amour ! Conserve en ton coeur, sans rien craindre, Dusses-tu pleurer et souffrir, La flamme qui ne peut s’éteindre Et la fleur qui ne peut mourir !

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    Chanson (VII, 6) Sa grandeur éblouit l’histoire. Quinze ans, il fut Le dieu que traînait la victoire Sur un affût ; L’Europe sous sa loi guerrière Se débattit. – Toi, son singe, marche derrière, Petit, petit. Napoléon dans la bataille, Grave et serein, Guidait à travers la mitraille L’aigle d’airain. Il entra sur le pont d’Arcole, Il en sortit. – Voici de l’or, viens, pille et vole, Petit, petit. Berlin, Vienne, étaient ses maîtresses ; Il les forçait, Leste, et prenant les forteresses Par le corset ; Il triompha de cent bastilles Qu’il investit. – Voici pour toi, voici des filles, Petit, petit. Il passait les monts et les plaines, Tenant en main La palme, la foudre et les rênes Du genre humain ; Il était ivre de sa gloire Qui retentit. – Voici du sang, accours, viens boire, Petit, petit. Quand il tomba, lâchant le monde, L’immense mer Ouvrit à sa chute profonde Le gouffre amer ; Il y plongea, sinistre archange, Et s’engloutit. – Toi, tu te noieras dans la fange, Petit, petit.

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    Ami Z Ami Z, tu m'es présent en cette solitude. Quand le ciel, mon problème, et l'homme, mon étude, Quand le travail, ce maître auguste et sérieux, Quand les songes sereins, profonds, impérieux, Qui tiennent jour et nuit ma pensée en extase, Me laissent, dans cette ombre où Dieu souffle et m'embrase, Un instant dont je puis faire ce que je veux, Je me tourne vers toi, penseur aux blancs cheveux, Vers toi, l'homme qu'on aime et l'homme qu'on révère, Poète souriant, historien sévère ! Je repasse, bonheur pourtant bien incomplet, Par tous les doux sentiers d'un souvenir qui plaît. Ton Henri, — ton fils Pierre, ami de mon fils Charles, — Et ta femme, — ange heureux qui rêve quand tu parles, Je me rappelle tout : ton salon, tes discours, Et nos longs entretiens qui font les soirs si courts, Ton vénérable amour que jamais rien n'émousse Pour toute belle chose et toute chose douce ! Maint poème charmant que nous disait ta voix M'apparaît... — Mon esprit, admirant à la fois Tant de jours sur ton front, tant de grâce en ton style, Croit voir un patriarche au milieu d'une idylle ! Ainsi tu n'es jamais loin de mon âme, et puis Tout me parle de toi dans ces champs où je suis ; Je compare, en mon coeur que ton ombre accompagne, Ta verte poésie et la fraîche campagne ; Je t'évoque partout ; il me semble souvent Que je vais te trouver dans quelque coin rêvant, Et que, dans le bois sombre ouvrant ses ailes blanches, Ton vers jeune et vivant chante au milieu des branches. Je m'attends à te voir sous un arbre endormi. Je dis : où donc est-il ? et je m'écrie : — Ami, Que tu sois dans les champs, que tu sois à la ville, Salut ! bois un lait pur, bénis Dieu, lis Virgile ! Que le ciel rayonnant, où Dieu met sa clarté, Te verse au coeur la joie et la sérénité ! Qu'il fasse à tout passant ta demeure sacrée ! Qu'autour de ta vieillesse aimable et vénérée, Il accroisse, tenant tout ce qu'il t'a promis, Ta famille d'enfants, ta famille d'amis ! Que le sourire heureux, te soit toujours facile ! Doux vieillard ! noble esprit ! sage tendre et tranquille !

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    Ami, j'ai quitté vos fêtes Ami, j'ai quitté vos fêtes. Mon esprit, à demi-voix, Hors de tout ce que vous faites, Est appelé par les bois. J'irai, loin des murs de marbre, Tant que je pourrai marcher, Fraterniser avec l'arbre, La fauvette et le rocher. Je fuirai loin de la ville Tant que Dieu clément et doux Voudra me mettre un peu d'huile Entre les os des genoux. Ne va pas croire du reste Que, bucolique et hautain, J'exige, pour être agreste, Le vieux champ grec ou latin ; Ne crois pas que ma pensée, Vierge au soupir étouffé, Ne sachant où prendre Alcée, Se rabatte sur d'Urfé ; Ne crois pas que je demande L'Hémus où Virgile erra. Dans de la terre normande Mon églogue poussera. Pour mon vers, que l'air secoue, Les pommiers sont suffisants ; Et mes bergers, je l'avoue, Ami, sont des paysans. Mon idylle est ainsi faite ; Franche, elle n'a pas besoin D'avoir dans miel l'Hymète Et l'Arcadie en son foin. Elle chante, et se contente, Sur l'herbe où je viens m'asseoir, De l'haleine haletante Du boeuf qui rentre le soir. Elle n'est point misérable Et ne pense pas déchoir Parce qu'Alain, sous l'érable, Ôte à Toinon son mouchoir. Elle honore Théocrite ; Mais ne se fâche pas trop Que la fleur soit Marguerite Et que l'oiseau soit Pierrot. J'aime les murs pleins de fentes D'où sortent les liserons, Et les mouches triomphantes Qui soufflent dans leurs clairons. J'aime l'église et ses tombes, L'invalide et son bâton ; J'aime, autant que les colombes Qui jadis venaient, dit-on, Conter leurs métempsycoses À Terpandre dans Lesbos, Les petites filles roses Sortant du prêche en sabots. J'aime autant Sedaine et Jeanne Qu'Orphée et Pratérynnis. Le blé pousse, l'oiseau plane, Et les cieux sont infinis.

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    Amis, un dernier mot Toi, vertu, pleure si je meurs ! André Chénier. Amis, un dernier mot ! - et je ferme à jamais Ce livre, à ma pensée étranger désormais. Je n'écouterai pas ce qu'en dira la foule. Car, qu'importe à la source où son onde s'écoule ? Et que m'importe, à moi, sur l'avenir penché, Où va ce vent d'automne au souffle desséché Qui passe, en emportant sur son aile inquiète Et les feuilles de l'arbre et les vers du poète ? Oui, je suis jeune encore, et quoique sur mon front, Où tant de passions et d'oeuvres germeront, Une ride de plus chaque jour soit tracée, Comme un sillon qu'y fait le soc de ma pensée, Dans le cour incertain du temps qui m'est donné, L'été n'a pas encor trente fois rayonné. Je suis fils de ce siècle ! une erreur, chaque année, S'en va de mon esprit, d'elle-même étonnée, Et, détrompé de tout, mon culte n'est resté Qu'à vous, sainte patrie et sainte liberté ! Je hais l'oppression d'une haine profonde. Aussi, lorsque j'entends, dans quelque coin du monde, Sous un ciel inclément, sous un roi meurtrier, Un peuple qu'on égorge appeler et crier ; Quand, par les rois chrétiens aux bourreaux turcs livrée, La Grèce, notre mère, agonise éventrée ; Quand l'Irlande saignante expire sur sa croix ; Quand Teutonie aux fers se débat sous dix rois ; Quand Lisbonne, jadis belle et toujours en fête, Pend au gibet, les pieds de Miguel sur sa tête ; Lorsqu'Albani gouverne au pays de Caton ; Que Naples mange et dort ; lorsqu'avec son bâton, Sceptre honteux et lourd que la peur divinise, L'Autriche casse l'aile au lion de Venise ; Quand Modène étranglé râle sous l'archiduc ; Quand Dresde lutte et pleure au lit d'un roi caduc ; Quand Madrid se rendort d'un sommeil léthargique ; Quand Vienne tient Milan ; quand le lion Belgique, Courbé comme le boeuf qui creuse un vil sillon, N'a plus même de dents pour mordre son bâillon ; Quand un Cosaque affreux, que la rage transporte, Viole Varsovie échevelée et morte, Et, souillant son linceul, chaste et sacré lambeau, Se vautre sur la vierge étendue au tombeau ; Alors, oh ! je maudis, dans leur cour, dans leur antre, Ces rois dont les chevaux ont du sang jusqu'au ventre Je sens que le poète est leur juge ! je sens Que la muse indignée, avec ses poings puissants, Peut, comme au pilori, les lier sur leur trône Et leur faire un carcan de leur lâche couronne, Et renvoyer ces rois, qu'on aurait pu bénir, Marqués au front d'un vers que lira l'avenir ! Oh ! la muse se doit aux peuples sans défense. J'oublie alors l'amour, la famille, l'enfance, Et les molles chansons, et le loisir serein, Et j'ajoute à ma lyre une corde d'airain !

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    Amour Amour ! « Loi, » dit Jésus. « Mystère, » dit Platon. Sait-on quel fil nous lie au firmament ? Sait-on Ce que les mains de Dieu dans l'immensité sèment ? Est-on maître d'aimer ? pourquoi deux êtres s'aiment, Demande à l'eau qui court, demande à l'air qui fuit, Au moucheron qui vole à la flamme la nuit, Au rayon d'or qui veut baiser la grappe mûre ! Demande à ce qui chante, appelle, attend, murmure ! Demande aux nids profonds qu'avril met en émoi Le cœur éperdu crie : « Est-ce que je sais, moi ? Cette femme a passé : je suis fou. C'est l'histoire. Ses cheveux étaient blonds, sa prunelle était noire ; En plein midi, joyeuse, une fleur au corset, Illumination du jour, elle passait ; Elle allait, la charmante, et riait, la superbe ; Ses petits pieds semblaient chuchoter avec l'herbe ; Un oiseau bleu volait dans l'air, et me parla ; Et comment voulez-vous que j'échappe à cela ? Est-ce que je sais, moi ? c'était au temps des roses ; Les arbres se disaient tout bas de douces choses ; Les ruisseaux l'ont voulu, les fleurs l'ont comploté. J'aime ! » Ô Bodin, Vouglans, Delancre ! prévôté, Bailliage, châtelet, grand'chambre, saint-office, Demandez le secret de ce doux maléfice Aux vents, au frais printemps chassant l'hiver hagard, Au philtre qu'un regard boit dans l'autre regard, Au sourire qui rêve, à la voix qui caresse, À ce magicien, à cette charmeresse ! Demandez aux sentiers traîtres qui, dans les bois, Vous font recommencer les mêmes pas cent fois, À la branche de mai, cette Armide qui guette, Et fait tourner sur nous en cercle sa baguette ! Demandez à la vie, à la nature, aux cieux, Au vague enchantement des champs mystérieux ! Exorcisez le pré tentateur, l'antre, l'orme ! Faite, Cujas au poing, un bon procès en forme Aux sources dont le cœur écoute les sanglots, Au soupir éternel des forêts et des flots. Dressez procès-verbal contre les pâquerettes Qui laissent les bourdons froisser leurs collerettes ; Instrumentez ; tonnez. Prouvez que deux amants Livraient leur âme aux fleurs, aux bois, aux lacs dormants, Et qu'ils ont fait un pacte avec la lune sombre, Avec l'illusion, l'espérance aux yeux d'ombre, Et l'extase chantant des hymnes inconnus, Et qu'ils allaient tous deux, dès que brillait Vénus, Sur l'herbe que la brise agite par bouffées, Danser au bleu sabbat de ces nocturnes fées, Éperdus, possédés d'un adorable ennui, Elle n'étant plus elle et lui n'étant plus lui ! Quoi ! nous sommes encore aux temps où la Tournelle, Déclarant la magie impie et criminelle, Lui dressait un bûcher par arrêt de la cour, Et le dernier sorcier qu'on brûle, c'est l'Amour ! Juillet 1843.

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    Amour secret Ô toi d'où me vient ma pensée, Sois fière devant le Seigneur ! Relève ta tête abaissée, Ô toi d'où me vient mon bonheur ! Quand je traverse cette lieue Qui nous sépare, au sein des nuits, Ta patrie étoilée et bleue Rayonne à mes yeux éblouis. C'est l'heure où cent lampes en flammes Brillent aux célestes plafonds ; L'heure où les astres et les âmes Échangent des regards profonds. Je sonde alors ta destinée, Je songe à toi, qui viens des cieux, A toi, grande âme emprisonnée, A toi, grand coeur mystérieux ! Noble femme, reine asservie, Je rêve à ce sort envieux Qui met tant d'ombre dans ta vie, Tant de lumière dans tes yeux Moi, je te connais tout entière Et je te contemple à genoux ; Mais autour de tant de lumière Pourquoi tant d'ombre, ô sort jaloux ? Dieu lui donna tout, hors l'aumône Qu'il fait à tous dans sa bonté ; Le ciel qui lui devait un trône Lui refusa la liberté. Oui, ton aile, que le bocage, Que l'air joyeux réclame en vain, Se brise aux barreaux d'une cage, Pauvre grande âme, oiseau divin ! Bel ange, un joug te tient captive, Cent préjugés sont ta prison, Et ton attitude pensive, Hélas, attriste ta maison. Tu te sens prise par le monde Qui t'épie, injuste et mauvais. Dans ton amertume profonde Souvent tu dis : si je pouvais ! Mais l'amour en secret te donne Ce qu'il a de pur et de beau, Et son invisible couronne, Et son invisible flambeau ! Flambeau qui se cache à l'envie, Qui luit, splendide et clandestin, Et qui n'éclaire de la vie Que l'intérieur du destin. L'amour te donne, ô douce femme, Ces plaisirs où rien n'est amer, Et ces regards où toute l'âme Apparaît dans un seul éclair, Et le sourire, et la caresse, L'entretien furtif et charmant, Et la mélancolique ivresse D'un ineffable épanchement, Et les traits chéris d'un visage, Ombre qu'on aime et qui vous suit, Qu'on voit le jour dans le nuage, Qu'on voit dans le rêve la nuit, Et les extases solitaires, Quand tous deux nous nous asseyons Sous les rameaux pleins de mystères Au fond des bois pleins de rayons ; Purs transports que la foule ignore, Et qui font qu'on a d'heureux jours Tant qu'on peut espérer encore Ce dont on se souvient toujours. Va, sèche ton bel oeil qui pleure, Ton sort n'est pas déshérité. Ta part est encor la meilleure, Ne te plains pas, ô ma beauté ! Ce qui manque est bien peu de chose Quand on est au printemps vermeil, Et quand on vit comme la rose De parfums, d'ombre et de soleil. Laisse donc, ô ma douce muse, Sans le regretter un seul jour, Ce que le destin te refuse Pour ce que te donne l'amour !

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    Après l’hiver N’attendez pas de moi que je vais vous donner Des raisons contre Dieu que je vois rayonner ; La nuit meurt, l’hiver fuit ; maintenant la lumière, Dans les champs, dans les bois, est partout la première. Je suis par le printemps vaguement attendri. Avril est un enfant, frêle, charmant, fleuri ; Je sens devant l’enfance et devant le zéphyre Je ne sais quel besoin de pleurer et de rire ; Mai complète ma joie et s’ajoute à mes pleurs. Jeanne, George, accourez, puisque voilà des fleurs. Accourez, la forêt chante, l’azur se dore, Vous n’avez pas le droit d’être absents de l’aurore. Je suis un vieux songeur et j’ai besoin de vous, Venez, je veux aimer, être juste, être doux, Croire, remercier confusément les choses, Vivre sans reprocher les épines aux roses, Être enfin un bonhomme acceptant le bon Dieu. Ô printemps ! bois sacrés ! ciel profondément bleu ! On sent un souffle d’air vivant qui vous pénètre, Et l’ouverture au loin d’une blanche fenêtre ; On mêle sa pensée au clair-obscur des eaux ; On a le doux bonheur d’être avec les oiseaux Et de voir, sous l’abri des branches printanières, Ces messieurs faire avec ces dames des manières. 26 juin 1878

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    Chanson de grand-père Dansez, les petites filles, Toutes en rond. En vous voyant si gentilles, Les bois riront. Dansez, les petites reines, Toutes en rond. Les amoureux sous les frênes S'embrasseront.

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    Apres L'hiver (I) Tout revit, ma bien-aimée ! Le ciel gris perd sa pâleur ; Quand la terre est embaumée, Le coeur de l'homme est meilleur. En haut, d'ou l'amour ruisselle, En bas, où meurt la douleur, La même immense étincelle Allume l'astre et la fleur. L'hiver fuit, saison d'alarmes, Noir avril mystérieux Où l'âpre sève des larmes Coule, et du coeur monte aux yeux. Ô douce désuétude De souffrir et de pleurer ! Veux-tu, dans la solitude, Nous mettre à nous adorer ? La branche au soleil se dore Et penche, pour l'abriter, Ses boutons qui vont éclore Sur l'oiseau qui va chanter. L'aurore où nous nous aimâmes Semble renaître à nos yeux ; Et mai sourit dans nos âmes Comme il sourit dans les cieux. On entend rire, on voit luire Tous les êtres tour à tour, La nuit, les astres bruire, Et les abeilles, le jour. Et partout nos regards lisent, Et, dans l'herbe et dans les nids, De petites voix nous disent : « Les aimants sont les bénis ! » L'air enivre ; tu reposes A mon cou tes bras vainqueurs. Sur les rosiers que de roses ! Que de soupirs dans nos coeurs ! Comme l'aube, tu me charmes ; Ta bouche et tes yeux chéris Ont, quand tu pleures, ses larmes, Et ses perles quand tu ris. La nature, soeur jumelle D'Ève et d'Adam et du jour, Nous aime, nous berce et mêle Son mystère à notre amour. Il suffit que tu paraisses Pour que le ciel, t'adorant, Te contemple ; et, nos caresses, Toute l'ombre nous les rend ! Clartés et parfums nous-mêmes, Nous baignons nos coeurs heureux Dans les effluves suprêmes Des éléments amoureux. Et, sans qu'un souci t'oppresse, Sans que ce soit mon tourment, J'ai l'étoile pour maîtresse ; Le soleil est ton amant ; Et nous donnons notre fièvre Aux fleurs où nous appuyons Nos bouches, et notre lèvre Sent le baiser des rayons. Juin 18...

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    Au bois Nous étions, elle et moi, dans cet avril charmant De l'amour qui commence en éblouissement. Ô souvenirs ! ô temps ! heures évanouies ! Nous allions, le coeur plein d'extases inouïes, Ensemble dans les bois, et la main dans la main. Pour prendre le sentier nous quittions le chemin, Nous quittions le sentier pour marcher dans les herbes. Le ciel resplendissait dans ses regards superbes ; Elle disait : Je t'aime ! et je me sentais dieu. Parfois, près d'une source, on s'asseyait un peu. Que de fois j'ai montré sa gorge aux branches d'arbre ! Rougissante et pareille aux naïades de marbre, Tu baignais tes pieds nus et blancs comme le lait. Puis nous nous en allions rêveurs. Il me semblait, En regardant autour de nous les pâquerettes, Les boutons-d'or joyeux, les pervenches secrètes Et les frais liserons d'une eau pure arrosés, Que ces petites fleurs étaient tous les baisers Tombés dans le trajet de ma bouche à ta bouche Pendant que nous marchions ; et la grotte farouche Et la ronce sauvage et le roc chauve et noir, Envieux, murmuraient : Que va dire ce soir Diane aux chastes yeux, la déesse étoilée, En voyant toute l'herbe au fond du bois foulée ?

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    Au bord de la mer Vois, ce spectacle est beau. Ce paysage immense Qui toujours devant nous finit et recommence ; Ces blés, ces eaux, ces prés, ce bois charmant aux yeux ; Ce chaume où l'on entend rire un groupe joyeux ; L'océan qui s'ajoute à la plaine où nous sommes ; Ce golfe, fait par Dieu, puis refait par les hommes, Montrant la double main empreinte en ses contours, Et des amas de rocs sous des monceaux de tours ; Ces landes, ces forêts, ces crêtes déchirées ; Ces antres à fleur d'eau qui boivent les marées ; Cette montagne, au front de nuages couvert, Qui dans un de ses plis porte un beau vallon vert, Comme un enfant des fleurs dans un pan de sa robe ; La ville que la brume à demi nous dérobe, Avec ses mille toits bourdonnants et pressés ; Ce bruit de pas sans nombre et de rameaux froissés, De voix et de chansons qui par moments s'élève ; Ces lames que la mer amincit sur la grève, Où les longs cheveux verts des sombres goémons Tremblent dans l'eau moirée avec l'ombre des monts ; Cet oiseau qui voyage et cet oiseau qui joue ; Ici cette charrue, et là-bas cette proue, Traçant en même temps chacune leur sillon ; Ces arbres et ces mâts, jouets de l'aquilon ; Et là-bas, par-delà les collines lointaines, Ces horizons remplis de formes incertaines ; Tout ce que nous voyons, brumeux ou transparent, Flottant dans les clartés, dans les ombres errant, Fuyant, debout, penché, fourmillant, solitaire, Vagues, rochers, gazons, - regarde, c'est la terre ! Et là-haut, sur ton front, ces nuages si beaux Où pend et se déchire une pourpre en lambeaux ; Cet azur, qui ce soir sera l'ombre infinie ; Cet espace qu'emplit l'éternelle harmonie ; Ce merveilleux soleil, ce soleil radieux Si puissant à changer toute forme à nos yeux Que parfois, transformant en métaux les bruines, On ne voit plus dans l'air que splendides ruines, Entassements confus, amas étincelants De cuivres et d'airains l'un sur l'autre croulants, Cuirasses, boucliers, armures dénouées, Et caparaçons d'or aux croupes des nuées ; L'éther, cet océan si liquide et si bleu, Sans rivage et sans fond, sans borne et sans milieu, Que l'oscillation de toute haleine agite, Où tout ce qui respire, ou remue, ou gravite, A sa vague et son flot, à d'autres flots uni, Où passent à la fois, mêlés dans l'infini, Air tiède et vents glacés, aubes et crépuscules, Bises d'hiver, ardeur des chaudes canicules, Les parfums de la fleur et ceux de l'encensoir, Les astres scintillant sur la robe du soir, Et les brumes de gaze, et la douteuse étoile, Paillette qui se perd dans les plis noirs du voile, La clameur des soldats qu'enivre le tambour, Le froissement du nid qui tressaille d'amour, Les souffles, les échos, les brouillards, les fumées, Mille choses que l'homme encor n'a pas nommées, Les flots de la lumière et les ondes du bruit, Tout ce qu'on voit le jour, tout ce qu'on sent la nuit ; Eh bien ! nuage, azur, espace, éther, abîmes, Ce fluide océan, ces régions sublimes Toutes pleines de feux, de lueurs, de rayons, Où l'âme emporte l'homme, où tous deux nous fuyons, Où volent sur nos fronts, selon des lois profondes, Près de nous les oiseaux et loin de nous les mondes, Cet ensemble ineffable, immense, universel, Formidable et charmant, contemple, c'est le ciel ! Oh oui ! la terre est belle et le ciel est superbe ; Mais quand ton sein palpite et quand ton oeil reluit, Quand ton pas gracieux court si léger sur l'herbe Que le bruit d'une lyre est moins doux que son bruit ; Lorsque ton frais sourire, aurore de ton âme, Se lève rayonnant sur moi qu'il rajeunit, Et de ta bouche rose, où naît sa douce flamme, Monte jusqu'à ton front comme l'aube au zénith ; Quand, parfois, sans te voir, ta jeune voix m'arrive, Disant des mots confus qui m'échappent souvent, Bruit d'une eau qui se perd sous l'ombre de sa rive Chanson d'oiseau caché qu'on écoute en rêvant ; Lorsque ma poésie, insultée et proscrite, Sur ta tête un moment se repose en chemin ; Quand ma pensée en deuil sous la tienne s'abrite, Comme un flambeau de nuit sous une blanche main ; Quand nous nous asseyons tous deux dans la vallée ; Quand ton âme, soudain apparue en tes yeux, Contemple avec les pleurs d'une soeur exilée, Quelque vertu sur terre ou quelque étoile aux cieux ; Quand brille sous tes cils, comme un feu sous les branches, Ton beau regard, terni par de longues douleurs ; Quand sous les maux passés tout à coup tu te penches, Que tu veux me sourire et qu'il te vient des pleurs ; Quand mon corps et ma vie à ton souffle résonnent, Comme un tremblant clavier qui vibre à tout moment ; Quand tes doigts, se posant sur mes doigts qui frissonnent, Font chanter dans mon coeur un céleste instrument ; Lorsque je te contemple, ô mon charme suprême ! Quand ta noble nature, épanouie aux yeux, Comme l'ardent buisson qui contenait Dieu même, Ouvre toutes ses fleurs et jette tous ses feux ; Ce qui sort à la fois de tant de douces choses, Ce qui de ta beauté s'exhale nuit et jour, Comme un parfum formé du souffle de cent roses, C'est bien plus que la terre et le ciel, c'est l'amour !

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    Au peuple Il te ressemble ; il est terrible et pacifique. Il est sous l’infini le niveau magnifique ; Il a le mouvement, il a l’immensité. Apaisé d’un rayon et d’un souffle agité, Tantôt c’est l’harmonie et tantôt le cri rauque. Les monstres sont à l’aise en sa profondeur glauque ; La trombe y germe ; il a des gouffres inconnus D’où ceux qui l’ont bravé ne sont pas revenus ; Sur son énormité le colosse chavire ; Comme toi le despote il brise le navire ; Le fanal est sur lui comme l’esprit sur toi ; Il foudroie, il caresse, et Dieu seul sait pourquoi ; Sa vague, où l’on entend comme des chocs d’armures, Emplit la sombre nuit de monstrueux murmures, Et l’on sent que ce flot, comme toi, gouffre humain, Ayant rugi ce soir, dévorera demain. Son onde est une lame aussi bien que le glaive ; Il chante un hymne immense à Vénus qui se lève ; Sa rondeur formidable, azur universel, Accepte en son miroir tous les astres du ciel ; Il a la force rude et la grâce superbe ; Il déracine un roc, il épargne un brin d’herbe ; Il jette comme toi l’écume aux fiers sommets, Ô peuple ; seulement, lui, ne trompe jamais Quand, l’oeil fixe, et debout sur sa grève sacrée, Et pensif, on attend l’heure de sa marée. Victor Hugo

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    @victorHugo

    Autre Chanson L'aube naît, et ta porte est close ! Ma belle, pourquoi sommeiller ? À l'heure où s'éveille la rose Ne vas-tu pas te réveiller ? Ô ma charmante, Ecoute ici L'amant qui chante Et pleure aussi ! Tout frappe à ta porte bénie. L'aurore dit : Je suis le jour ! L'oiseau dit : Je suis l'harmonie ! Et mon cœur dit : Je suis l'amour ! Ô ma charmante, Ecoute ici L'amant qui chante Et pleure aussi ! Je t'adore ange et t'aime femme. Dieu qui par toi m'a complété A fait mon amour pour ton âme Et mon regard pour ta beauté ! Ô ma charmante, Ecoute ici L'amant qui chante Et pleure aussi ! Février 1829.

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    @victorHugo

    Autre guitare Comment, disaient-ils, Avec nos nacelles, Fuir les alguazils ? – Ramez, disaient-elles. Comment, disaient-ils, Oublier querelles. Misère et périls ? – Dormez, disaient-elles. Comment, disaient-ils, Enchanter les belles Sans philtres subtils ? – Aimez, disaient-elles.

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    @victorHugo

    C'est l'hiver C'est l'hiver. Ô villes folles, Dansez ! Dans le bal béant Tourbillonnent les paroles De la joie et du néant. L'homme flotte dans la voie Où l'homme errant se perdit ; En bas le plaisir flamboie, En haut l'amour resplendit. Le plaisir, clarté hagarde Du faux rire et des faux biens, Dit au noir passant : Prends garde ! L'amour rayonne et dit: Viens ! Ces deux lueurs, sur la lame Guidant l'hydre et l'alcyon, Nous éclairent ; toute l'âme Vogue à ce double rayon. Mer ! j'ai fui loin des Sodomes ; Je cherche tes grands tableaux ; Mais ne voit-on pas les hommes Quand on regarde les flots ? Les spectacles de l'abîme Ressemblent à ceux du cour ; Le vent est le fou sublime, Le jonc est le-nain moqueur. Comme un ami l'onde croule ; Sitôt que le jour s'enfuit La mer n'est plus qu'une foule Qui querellé dans la nuit ; Le désert de l'eau qui souffre Est plein de cris et de voix, Et parle dans tout le gouffre A toute l'ombre à la fois. Que dit-il ? Dieu seul recueille Ce blasphème ou ce sanglot ; Dieu seul répond à la feuille, Et Dieu seul réplique au flot.

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