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Imaginaire

207 poésies en cours de vérification
Imaginaire

Poésies de la collection imaginaire

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    Francis Etienne Sicard

    @francisEtienneSicard

    Constantinopolis Imaginez le soir en robe de satin Et le ciel, sous un dais broché de perles pâles. Découpez dans vos rêves des bruits de pétales, Et colorez vos yeux d’un lourd parfum de marbre. Attachez-y la soie d’un voile byzantin Dont la Sainte, Sophie, aux langueurs médiévales, Fond la cire de paix sur un miroir de dalles, Et vous verrez l’Orient déguiser son destin. Bosphore et Corne d’or, la mer de Marmara, Etale son tapis de navires marchands Sur le toit des palais, d’un pas fragile et lent. Or, écoutez la voix des minarets béats, Où se froisse le souffle d’un soleil couchant, Sous l’enclume alanguie des fanions de sultans.

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    Francis Etienne Sicard

    @francisEtienneSicard

    De profundis clamavi ad te Une averse de lune et son torrent d’ombrage Répandent une peur à l’étrange pâleur, Sur le charmant jardin d’un palais d’empereur, Où repose la nuit sous un soyeux corsage. Au pied d’un pont de bois conduisant à la plage, Un albatros blessé suffoquant de douleur, Ronge le sable froid d’un bec blasphémateur, Rivant son regard noir sur le lointain rivage. Quand soudain échappé d’un long alexandrin, Un chapelet de mots l’entoure de vélin, Et guérit son chagrin d’un tour de magicienne. S’envolant dans le ciel au dessus de l’azur, Son âme alors sereine ivre à cet air si pur, Embrasse le soleil et sa robe assyrienne.

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    Francis Etienne Sicard

    @francisEtienneSicard

    Empire d’une illusion Des flammes de cendal éfaufilent le ciel D’une aiguille de vent en verre de Venise, Et dévorent le soir à la sombre chemise, De baisers amoureux aux essences de miel. Des barques en suspend au bord d’un arc en ciel, S’endorment lentement d’un sommeil de banquise, Où parfois glisse un cygne au souffle de la brise, Comme un peuple d’oiseaux s’effaçant du pluriel. La ruse d’un renard échappé d’une bestiaire, Trompe l’œil amusé par la pâleur lunaire D’une branche de houx d’où s’envole un hibou. Au froissement d’un pas murmuré par un ange, On reconnaît alors la sente du passage Entre l’eau qui bouillonne et l’odeur du thé bou.

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    Francis Etienne Sicard

    @francisEtienneSicard

    La bayadère et le rajah A la douce splendeur de l’hiver qui se fige, Les mots de ma passion inventent vos amours Entre la nuit masquée au loup de son velours Et le jour immolé par mon devoir de lige. Pour chacun de vos pas, des chevaux de voltige, Farouches et domptés, devant toute la cour, Se couchent à vos pieds, et fous de vos atours, Rêvent de devenir la chair d’un seul vertige. Quand ainsi vous passez, comme une nymphe nue, Près de mes doigts brûlés sous la forge des mots, Ma jalouse laideur brise votre statue. Vous habillez alors mon fragile destin D’un rire émerveillé dont je bois les échos Jusqu’au bout du sommeil qui me sert de festin.

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    Francis Etienne Sicard

    @francisEtienneSicard

    La nymphe Aux plis fluides du temps, les marches et leurs rides Avalent le néant sous des arches de thym Dont le jour réfléchit par un miroir sans tain Le parfum infini jusqu’au cœur des absides. Le visage couvert de riches éphélides, Une nymphe endormie en offrant ses beaux seins, D’une main martelée à la perle d’airain, Rejoint l’éternité sous des soleils torrides. Les masques émargés de faunes délurés Sourient comme des paons affublés de virgules Puis s’épuisent vaincus devant tant de beautés. Une ombre et son venin, cachant sous son ombrelle La fraicheur d’un ruisseau, pénétrant les veinules, Perce alors le cœur pur de notre demoiselle.

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    Francis Etienne Sicard

    @francisEtienneSicard

    Le combat fantastique Voilà deux Samouraïs, enlacés dans le sang, Qui brûlent leurs paupières et tachent leurs peaux De plaies, tranchant les chairs rompues jusque au noyau, D’un éclair aiguisé comme un rasoir dormant. Ils jurent, écoutez-les, en se dévorant, Des paroles magiques lues sur les caveaux De barons dévoués aux cultes ancestraux, Avant que ne tombât, malgré leurs mains, le gant. Sur le mur du clos, froissée, ne voyez-vous pas Cette robe de soie qui palpite et qui bat D’un cœur rompant le souffle aux ossements des yeux? Or, si vous le vouliez, vous remarqueriez là, Une femme à genoux, transpirant les grenats D’un rosaire alourdi par les remous du feu.

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    Francis Jammes

    Francis Jammes

    @francisJammes

    Dans le verger… Dans le Verger où sont les arbres de lumière, La pulpe des fruits lourds pleure ses larmes d’or, Et l’immense Bagdad s’alanguit et s’endort Sous le ciel étouffant qui bleuit la rivière. Il est deux heures. Les palais silencieux Ont des repas au fond des grandes salles froides Et Sindbad le marin, sous les tentures roides, Passe l’alcarazas d’un air sentencieux. Mangeant l’agneau rôti, puis les pâtes d’amandes, Tous laissent fuir la vie en écoutant pleuvoir Les seaux d’eau qu’au seuil blanc jette un esclave noir. Les passants curieux lui posent des demandes. C’est Sindbad le marin qui donne un grand repas ! C’est Sindbad, l’avisé marin dont l’opulence Est renommée et que l’on écoute en silence. Sa galère était belle et s’en allait là-bas ! Il sent bon, le camphre et les rares arômes. Sa tête est parfumée et son nez aquilin Tombe railleusement sur sa barbe de lin : Il a la connaissance et le savoir des hommes. Il parle, et le soleil oblique sur Bagdad Jette une braise immense où s’endorment les palmes, Et les convives, tous judicieux et calmes, Écoutent gravement ce que leur dit Sindbad.

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    Adagio La rue était déserte et donnait sur les champs. Quand j’allais voir l’été les beaux soleils couchants Avec le rêve aimé qui partout m’accompagne, Je la suivais toujours pour gagner la campagne, Et j’avais remarqué que, dans une maison Qui fait l’angle et qui tient, ainsi qu’une prison, Fermée au vent du soir son étroite persienne, Toujours à la même heure, une musicienne Mystérieuse, et qui sans doute habitait là, Jouait l’adagio de la sonate en la. Le ciel se nuançait de vert tendre et de rose. La rue était déserte ; et le flâneur morose Et triste, comme sont souvent les amoureux, Qui passait, l’oeil fixé sur les gazons poudreux, Toujours à la même heure, avait pris l’habitude D’entendre ce vieil air dans cette solitude. Le piano chantait sourd, doux, attendrissant, Rempli du souvenir douloureux de l’absent Et reprochant tout bas les anciennes extases. Et moi, je devinais des fleurs dans de grands vases, Des parfums, un profond et funèbre miroir, Un portrait d’homme à l’oeil fier, magnétique et noir, Des plis majestueux dans les tentures sombres, Une lampe d’argent, discrète, sous les ombres, Le vieux clavier s’offrant dans sa froide pâleur, Et, dans cette atmosphère émue, une douleur Épanouie au charme ineffable et physique Du silence, de la fraîcheur, de la musique. Le piano chantait toujours plus bas, plus bas. Puis, un certain soir d’août, je ne l’entendis pas. Depuis, je mène ailleurs mes promenades lentes. Moi qui hais et qui fuis les foules turbulentes, Je regrette parfois ce vieux coin négligé. Mais la vieille ruelle a, dit-on, bien changé : Les enfants d’alentour y vont jouer aux billes, Et d’autres pianos l’emplissent de quadrilles.

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    Bouquetière Un maître, de qui la palette Se plaisait aux sombres couleurs, A peint un élégant squelette Portant un frais panier de fleurs. Près de lui la danse macabre, Comme les plis d’un noir drapeau, Ondoie ; et reîtres à grand sabre, Écoliers la pipe au chapeau, Moines chauves, rois lourds d’hermine, Bourgeois à ventres de bedeaux, Mendiants fiers de leur vermine, L’emplâtre à l’œil, la loque au dos, Tous passent, enlaçant des filles, Ou marchant d’un air rogue et sec, Ou clochetant sur des béquilles, Au son du fifre et du rebec. Pourtant la bande tout entière Suspend sa danse et son caquet Devant la maigre bouquetière, Et chacun lui prend un bouquet. Vieil artiste mélancolique, Quels sont ces fous ? Dans quel dessein Cachent-ils comme une relique Ces fleurs mortelles dans leur sein ? Je ne sais. Mais sur ma poitrine, Souvenir des amours défunts, Une fleur jadis purpurine A vécu ses derniers parfums. Ainsi qu’on fait d’une amulette, Je la garde là, mais j’en meurs : Et je songe au morne squelette Prodiguant ses funèbres fleurs.

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    La mémoire Souvent, lorsque la main sur les yeux je médite, Elle m’apparaît, svelte et la tête petite, Avec ses blonds cheveux coupés courts sur le front. Trouverai-je jamais des mots qui la peindront, La chère vision que malgré moi j’ai fuie ? Qu’est auprès de son teint la rose après la pluie ? Peut-on comparer même au chant du bengali Son exotique accent, si clair et si joli ? Est-il une grenade entr’ouverte qui rende L’incarnat de sa bouche adorablement grande ? Oui, les astres sont purs, mais aucun, dans les cieux, Aucun n’est éclatant et pur comme ses yeux ; Et l’antilope errant sous le taillis humide N’a pas ce long regard lumineux et timide. Ah ! devant tant de grâce et de charme innocent, Le poète qui veut décrire est impuissant ; Mais l’amant peut du moins s’écrier : « Sois bénie, O faculté sublime à l’égal du génie, Mémoire, qui me rends son sourire et sa voix, Et qui fais qu’exilé loin d’elle, je la vois ! »

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    Le rêve du poète Ce serait sur les bords de la Seine. Je vois Notre chalet, voilé par un bouquet de bois. Un hamac au jardin, un bateau sur le fleuve. Pas d’autre compagnon qu’un chien de Terre-Neuve Qu’elle aimerait et dont je serais bien jaloux. Des faïences à fleurs pendraient après des clous ; Puis beaucoup de chapeaux de paille et des ombrelles. Sous leurs papiers chinois les murs seraient si frêles Que même, en travaillant à travers la cloison Je l’entendrais toujours errer par la maison Et traîner dans l’étroit escalier sa pantoufle. Les miroirs de ma chambre auraient senti son souffle Et souvent réfléchi son visage, charmés. Elle aurait effleuré tout de ses doigts aimés. Et ces bruits, ces reflets, ces parfums, venant d’elle, Ne me permettraient pas d’être une heure infidèle. Enfin, quand, poursuivant un vers capricieux, Je serais là, pensif et la main sur les yeux, Elle viendrait, sachant pourtant que c’est un crime, Pour lire mon poème et me souffler ma rime, Derrière moi, sans bruit, sur la pointe des pieds. Moi, qui ne veux pas voir mes secrets épiés, Je me retournerais avec un air farouche ; Mais son gentil baiser me fermerait la bouche. – Et dans les bois voisins, inondés de rayons, Précédés du gros chien, nous nous promènerions, Moi, vêtu de coutil, elle, en toilette blanche, Et j’envelopperais sa taille, et sous sa manche Ma main caresserait la rondeur de son bras. On ferait des bouquets, et, quand nous serions las On rejoindrait, toujours suivis du chien qui jappe, La table mise, avec des roses sur la nappe, Près du bosquet criblé par le soleil couchant ; Et, tout en s’envoyant des baisers en mangeant, Tout en s’interrompant pour se dire : Je t’aime ! On assaisonnerait des fraises à la crème, Et l’on bavarderait comme des étourdis Jusqu’à ce que la nuit descende… – O Paradis !

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    Rédemption Pour aimer une fois encor, mais une seule, Je veux, libertin repentant, La vierge qui, rêveuse aux genoux d’une aïeule, Sans m’avoir jamais vu m’attend. Elle est pieuse et sage, elle dit ses prières Tous les soirs et tous les matins, Et ne livre jamais aux doigts des chambrières Ses modestes cheveux châtains. Quelquefois, le dimanche, en robe étroite et grise, Elle sort au bras d’un vieillard, Laissant errer la vague extase et la surprise Innocente de son regard. Et les oisifs n’ont point de pensers d’infamies Devant ses yeux calmes et doux, Lorsque dans les jardins, chez les fleurs, ses amies, Elle arrive à ses rendez-vous. Elle est ainsi, n’aimant que les choses fleuries, Préférant, pour passer le soir, Les patients travaux de ses tapisseries Aux sourires de son miroir. Elle a le charme exquis de tout ce qui s’ignore, Elle est blanche, elle a dix-sept ans, Elle rayonne, elle a la clarté de l’aurore Comme elle a l’âge du printemps. Les heures des longs jours pour elle passent brèves Et, s’exhalant comme un parfum, Elle voit chaque nuit des blancheurs dans ses rêves, Et toute sa vie en est un. Telle elle est, ou du moins je la devine telle, Lys candide, cygne ingénu. Je la cherche, et bientôt, quand j’aurai dit : « C’est elle ! » Quand elle m’aura reconnu, Je veux lui donner tout, ma vie et ma pensée, Ma gloire et mon orgueil, et veux Choisir pour la nommer enfin ma fiancée Une nuit propice aux aveux. Elle viendra s’asseoir sur un vieux banc de pierre, Au fond du parc inexploré, Et me regardera sans baisser la paupière, Et moi, je m’agenouillerai. Doucement, dans mes mains, je presserai les siennes Comme on tient des oiseaux captifs, Et je lui conterai des choses très anciennes, Les choses des cœurs primitifs. Elle m’écoutera, pensive et sans rien dire, Mais fixant sur moi ses grands yeux, Avec tout ce qu’on peut mettre dans un sourire D’amour pur et religieux. Et ses yeux me diront, éloquences muettes, Ce que disent à demi-voix Les amants dont on voit les claires silhouettes Blanchir l’obscurité des bois. Et sans bruit, pour que seul, oh ! seul, je puisse entendre L’ineffable vibration, Jusqu’à moi son baiser descendra, grave et tendre Comme une bénédiction. Et quand elle aura, pure, à ma coupable lèvre Donné le baiser baptismal, Sans doute je pourrai guérir enfin ma fièvre Et t’expulser, regret du mal. Oui, bien qu’autour de moi plane toujours et rôde L’épouvante de mon passé, Que mon lit garde encor ta place toute chaude, Ô désir vainement chassé, Je pourrai, je pourrai, Nixe horrible, Sirène, Secouer enfin la langueur De mes sens et purger, ô femme, la gangrène Dont tu m’as saturé le cœur, Ainsi que fait du fard brûlant dont il se grime L’histrion, chanteur d’opéras, Ou comme un spadassin essuie, après le crime, L’épée atroce sous son bras !

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    Georges Fourest

    @georgesFourest

    La négresse blonde Cannibale, mais ingénue, elle est assise, toute nue, sur une peau de kanguroo, dans l’île de Tamamourou! Là, pétauristes, potourous, ornithorynques et wombats, phascolomes prompts au combat, près d’elle prennent leurs ébats! Selon la mode Papoua, sa mère, enfant, la tatoua: en jaune, en vert, en vermillon, en zinzolin, par millions oiseaux, crapauds, serpents, lézards, fleurs polychromes et bizarres, chauves-souris, monstres ailés, laids, violets, bariolés, sur son corps noir sont dessinés. Sur ses fesses bariolées on écrivit en violet deux sonnets sibyllins rimes par le poète Mallarmé et sur son ventre peint en bleu fantastique se mord la queue un amphisbène. L’arête d’un poisson lui traverse le nez, de sa dextre aux doigts terminés par des ongles teints au henné, elle caresse un échidné, et parfois elle fait sonner en souriant d’un air amène à son col souple un beau collier de dents humaines, La belle Négresse, la Négresse blonde ! Or des Pierrots, de blancs Pierrots, de doux Pierrots blancs comme des poiriers en fleurs, comme la fleur des pâles nymphéas sur l’eau, comme l’écorce des bouleaux, comme le cygne, oiseau des eaux, comme les os d’un vieux squelette, blancs comme un blanc papier de riz, blancs comme un blanc Mois-de-Marie, de doux Pierrots, de blancs Pierrots dansent le falot boléro la fanfoulla, la bamboula, éperdument au son de la maigre gusla, autour de la Négresse blonde.

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    Georges Fourest

    @georgesFourest

    La singesse Donc voici ! Moi, Poète, en ma haute sagesse Respuant l’Ève à qui le Père succomba J’ai choisi pour l’aimer une jeune singesse Au pays noir dans la forêt de Mayummba. Fille des mandrills verts, ô guenuche d’Afrique, Je te proclame ici la reine et la Vénus Quadrumane, et je bous d’une ardeur hystérique Pour les callosités qui bordent ton anus. J’aime ton cul pelé, tes rides, tes bajoues Et je proclamerai devant maintes et maints, Devant monsieur Reyer, mordieu ! que tu ne joues Oncques du piano malgré tes quatre mains ; Et comme Salomon pour l’enfant sémitique, La perle d’Issachar offerte au bien-aimé, J’entonnerai pour toi l’énamouré cantique, Ô ma tour de David, ô mon jardin fermé… C’était dans la forêt vierge sous les tropiques Où s’ouvre en éventail le palmier chamœrops ; Dans le soir alangui d’effluves priapiques Stridait, rauque, le cri des nyctalomerops ; L’heure glissait, nocturne, où gazelles, girafes, Couaggas, éléphants, zèbres, zébus, springbocks[1] Vont boire aux zihouas sans verres ni carafes Laissant l’homme pervers s’intoxiquer de bocks ; Sous les cactus en feu tout droits comme des cierges Des lianes rampaient (nullement de Pougy) ; Autant que la forêt ma Singesse était vierge ; De son sang virginal l’humus était rougi. Le premier, j’écartai ses lèvres de pucelle En un rut triomphal, oublieux de Malthus, Et des parfums salés montaient de son aisselle Et des parfums pleuvaient des larysacanthus ; Elle se redressa, fière de sa blessure, À demi souriante et confuse à demi ; Le rugissement fou de notre jouissure Arrachait au repos le chacal endormi. Sept fois je la repris, lascive : son œil jaune Clignottait, langoureux, tour à tour, et mutin ; La Dryade amoureuse aux bras du jeune Faune A moins d’amour en fleurs et d’esprit libertin ! Toi, Fille des humains, triste poupée humaine Au ventre plein de son, tondeuse de Samson, Dalila, Bovary, Marneffe ou Celimène, Contemple mon épouse et retiens sa leçon : Mon épouse est loyale et très chaste et soumise Et j’adore la voir, aux matins ingénus, Le cœur sans artifice et le corps sans chemise, Au soleil tropical, montrer ses charmes nus ; Elle sait me choisir ignames et goyaves ; Lorsque nous cheminons par les sentiers étroits, Ses mains aux doigts velus écartent les agaves, Tel un page attentif marchant devant les rois, Puis dans ma chevelure oublieuse du peigne Avec précaution elle cherche les poux Satisfaite pourvu que d’un sourire daigne La payer, une fois, le Seigneur et l’Époux. Si quelque souvenir de souleur morte amasse Des rides sur mon front que l’ennui foudroya, Pour divertir son maître elle fait la grimace, Grotesque et fantastique à délecter Goya ! Un étrange rictus tord sa narine bleue, Elle se gratte d’un geste obscène et joli La fesse puis s’accroche aux branches par la queue En bondissant, Footit, Littl-Tich. Hanlon-Lee ! Mais soudain la voilà très grave ! Sa mimique Me dicte et je sais lire en ses regards profonds Des vocables muets au sens métaphysique Je comprends son langage et nous philosophons : Elle croit en un Dieu par qui le soleil brille Qui créa l’univers pour le bon chimpanzé Puis dont le Fils-Unique, un jour s’est fait gorille Pour ravir le pécheur à l’enfer embrasé ! Simiesque Iaveh de la forêt immense Ô Zeus omnipotent de l’Animalité, Fais germer en ses flancs et croître ma semence, Ouvre son utérus à la maternité Car je veux voir issus de sa vulve féconde Nos enfants libérés d’atavismes humains Aux obroontchoas que la serpe n’émonde Jamais en grimaçant grimper à quatre mains !… Et dans l’espoir sacré d’une progéniture Sans lois, sans préjugés, sans rêves décevants Nous offrons notre amour à la grande Nature, Fiers comme les palmiers, libres comme les vents !!!

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    Georges Fourest

    @georgesFourest

    Le cid Le palais de Gormaz, comte et gobernador, est en deuil : pour jamais dort couché sous la pierre l’hidalgo dont le sang a rougi la rapière de Rodrigue appelé le Cid Campeador. Le soir tombe. Invoquant les deux saints Paul et Pierre Chimène, en voiles noirs, s’accoude au mirador Et ses yeux dont les pleurs ont brûlé la paupière Regardent, sans rien voir, mourir le soleil d’or… Mais un éclair, soudain, fulgure en sa prunelle : sur la plaza Rodrigue est debout devant elle ! Impassible et hautain, drapé dans sa capa, le héros meurtrier à pas lent se promène : « Dieu ! » soupire à part soi la plaintive Chimène, « qu’il est joli garçon l’assassin de Papa ! »

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    Grégory Rateau

    @gregoryRateau

    En route ! Géant, il commandait aux ombres Agitant ses longs bras Avec cette insouciance des Dieux Tout en lui repoussait les limites du bon sens Son sourire planait trop haut La misère à bonne distance La voix du monde pour coryphée Lui seul détenait le secret du bonheur Je le suivais sans réfléchir Me reniant si souvent Jusqu’à perdre sa trace Au carrefour de villes imaginaires Son secret irrévélé Et ce silence pesant

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    Crépuscule À Mademoiselle Marie Laurencin. Frôlée par les ombres des morts Sur l’herbe où le jour s’exténue L’arlequine s’est mise nue Et dans l’étang mire son corps Un charlatan crépusculaire Vante les tours que l’on va faire Le ciel sans teinte est constellé D’astres pâles comme du lait Sur les tréteaux l’arlequin blême Salue d’abord les spectateurs Des sorciers venus de Bohême Quelques fées et les enchanteurs Ayant décroché une étoile Il la manie à bras tendu Tandis que des pieds un pendu Sonne en mesure les cymbales L’aveugle berce un bel enfant La biche passe avec ses faons Le nain regarde d’un air triste Grandir l’arlequin trismégiste

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    C’est C’est la réalité des photos qui sont sur mon cœur que je veux Cette réalité seule, elle seule, et rien d’autre Mon cœur le répète sans cesse comme une bouche d’orateur et le redit À chaque battement Toutes les autres images du monde sont fausses Elles n’ont pas d’autre apparence que celle des fantômes Le monde singulier qui m’entoure métallique végétal Souterrain Ô vie qui aspire le soleil matinal Cet univers singulièrement orné d’artifices N’est-ce point quelque œuvre de sorcellerie Comme on pouvait l’étudier autrefois À Tolède Où fut l’école diabolique la plus illustre Et moi j’ai sur moi un univers plus précis plus certain Fait à ton image Courmelois, le 23 juin 1915

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    En allant chercher des obus Toi qui précèdes le long convoi qui marche au pas Dans la nuit claire… Les testicules pleins, le cerveau tout empli d’images neuves… Le sergent des riz pain de sel qui jette l’épervier dans le canal bordé de tilleuls… L’âme exquise de la plue Jolie me parvient dans l’odeur soudaine des lilas qui déjà tendent à défleurir dans les jardins abandonnés Des Bobosses poudreux reviennent des tranchées blanches comme les bras de l’Amour Je rêve de t’avoir nuit et jour dans mes bras Je respire ton âme à l’odeur des lilas Ô Portes de ton corps Elles sont neuf et je les ai toutes ouvertes O Portes de ton corps Elles sont neuf et pour moi se sont toutes refermées À la première porte La Raison Claire est morte C`était, t’en souviens-tu le premier jour à Nice Ton oeil de gauche ainsi qu`une couleuvre glisse Jusqu’à mon coeur Et que se rouvre encore la porte de ton regard de gauche À la seconde porte Toute ma force est morte C`était t’en souviens-tu dans une auberge à Cagnes Ton oeil de droite palpitait comme mon coeur Tes paupières battent comme dans la brise battent les fleurs Et que se rouvre encore la porte de ton regard de droite À la troisième porte Entends battre l’aorte Et toutes mes artères gonflées par ton seul amour Et que se rouvre encore la porte de ton oreille de gauche À la quatrième porte Tous les printemps m’escortent Et l’oreille tendue entends du bois joli Monter cette chanson de l`amour et des nids Si triste pour les soldats qui sont en guerre Et que se rouvre encore la porte de ton oreille de droite À la cinquième porte C`est ma vie que je t’apporte C’était t’en souviens-tu dans le train qui revenait de Grasse Et dans l`ombre, tout près, tout bas Ta bouche me disait Des mots de damnation si pervers et si tendres Que je me demande, ô mon âme blessée Comment alors j’ai pu sans mourir les entendre Ô mots si doux, si forts que quand j’y pense il me semble que je les touche Et que s’ouvre encore la porte de ta bouche À la sixième porte Ta gestation de putréfaction, ô Guerre, avorte Voici tous les printemps avec leurs fleurs Voici les cathédrales avec leur encens Voici tes aisselles avec leur divine odeur Et tes lettres parfumées que je sens Pendant des heures Et que se rouvre encore la porte de ta narine de gauche À la septième porte Ô parfums du passé que le courant d’air emporte Les effluves salins donnaient à tes lèvres le goût de la mer Odeur marine, odeur d’amour; sous nos fenêtres mourait la mer Et l’odeur des orangers t’enveloppait d’amour Tandis que dans mes bras tu te pelotonnais Quiète et coite Et que se rouvre encore la porte de ta narine de droite À la huitième porte Deux anges joufflus veillent sur les roses tremblantes qui supportent Le ciel exquis de ta taille élastique Et me voici armé d`un fouet fait de rayons de lune Les amours couronnés de jacinthe arrivent en troupe Et que se rouvre encore la porte de ta croupe À la neuvième porte Il faut que l`amour même en sorte Vie de ma vie Je me joins a toi pour l’éternité Et par l’amour parfait et sans colère Nous arriverons dans la passion pure ou perverse Selon ce qu’on voudra À tout savoir à tout voir, à tout entendre Je me suis renoncé dans le secret profond de ton amour Ô porte ombreuse, ô porte de corail vivant Entre les deux colonnes de perfection Et que se rouvre encore la porte que tes mains savent si bien ouvrir Courmelois, le 13 mai 1915

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    Je rêve de revoir Je rêve de revoir mon ptit Lou pour toujours Ô nuances des frondaisons pendants les matins lourds Creux où joue le jour comme aux cassures d’un velours Ô temps, souffre qu’en moi-même je retourne en arrière Dans les commencements de cette longue guerre Voici la mer et les palmiers Et cette grande place où tu la vis naguère Sous son grand canotier Ô temps, reviendra-t-il le temps où nos deux âmes Comme deux avions ennemis se rencontreront Pour l’idéal combat où mon Lou tu réclames La verge d’Aaron. Puisque tu es, cœur éternel : La FEMME Et que je te connais Onde qui fuit, porte sur rien, insaisissable flamme Ou gamin pied de nez Ou bien, ô mon cher cœur, tu es cette musique Qui monte nuit et jour du creux des bois profonds Et tes bras blancs levés en geste prophétique Annoncent ce que font Et tout ce que feront les longs troupeaux des hommes Vénus sous ton regard chargé de volupté Te crier leur Désir, dire ce que nous sommes Et ce qu’avons été Puis s’en aller mourir par le matin livide Afin que tes beaux yeux aient le droit de choisir L’esclave le plus beau pour orner ton lit vide Afin de t’assouvir. Et sans aller mourir par le matin livide Afin que ton caprice ait le droit de choisir L’esclave encor plus beau pour orner le lit vide Selon ton bon plaisir Ô Lou, je te revois sur la grande-place à Nice Dans le matin ambré… Un obus vient mourir sur le canon factice Que les boches ont repéré. Courmelois, le 12 mai 1915

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    La chanson du mal-aimé Et je chantais cette romance En 1903 sans savoir Que mon amour à la semblance Du beau Phénix s’il meurt un soir Le matin voit sa renaissance. Un soir de demi-brume à Londres Un voyou qui ressemblait à Mon amour vint à ma rencontre Et le regard qu’il me jeta Me fit baisser les yeux de honte Je suivis ce mauvais garçon Qui sifflotait mains dans les poches Nous semblions entre les maisons Onde ouverte de la Mer Rouge Lui les Hébreux moi Pharaon Oue tombent ces vagues de briques Si tu ne fus pas bien aimée Je suis le souverain d’Égypte Sa soeur-épouse son armée Si tu n’es pas l’amour unique Au tournant d’une rue brûlant De tous les feux de ses façades Plaies du brouillard sanguinolent Où se lamentaient les façades Une femme lui ressemblant C’était son regard d’inhumaine La cicatrice à son cou nu Sortit saoule d’une taverne Au moment où je reconnus La fausseté de l’amour même Lorsqu’il fut de retour enfin Dans sa patrie le sage Ulysse Son vieux chien de lui se souvint Près d’un tapis de haute lisse Sa femme attendait qu’il revînt L’époux royal de Sacontale Las de vaincre se réjouit Quand il la retrouva plus pâle D’attente et d’amour yeux pâlis Caressant sa gazelle mâle J’ai pensé à ces rois heureux Lorsque le faux amour et celle Dont je suis encore amoureux Heurtant leurs ombres infidèles Me rendirent si malheureux Regrets sur quoi l’enfer se fonde Qu’un ciel d’oubli s’ouvre à mes voeux Pour son baiser les rois du monde Seraient morts les pauvres fameux Pour elle eussent vendu leur ombre J’ai hiverné dans mon passé Revienne le soleil de Pâques Pour chauffer un coeur plus glacé Que les quarante de Sébaste Moins que ma vie martyrisés Mon beau navire ô ma mémoire Avons-nous assez navigué Dans une onde mauvaise à boire Avons-nous assez divagué De la belle aube au triste soir Adieu faux amour confondu Avec la femme qui s’éloigne Avec celle que j’ai perdue L’année dernière en Allemagne Et que je ne reverrai plus Voie lactée ô soeur lumineuse Des blancs ruisseaux de Chanaan Et des corps blancs des amoureuses Nageurs morts suivrons-nous d’ahan Ton cours vers d’autres nébuleuses Je me souviens d’une autre année C’était l’aube d’un jour d’avril J’ai chanté ma joie bien-aimée Chanté l’amour à voix virile Au moment d’amour de l’année

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    La nuit La nuit S’achève Et Gui Poursuit Son rêve Où tout Est Lou On est en guerre Mais Gui N’y pense guère La nuit S’étoile et la paille se dore Il songe à Celle qu’il adore Nuit du 27 avril 1915

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    Nuit rhénane Mon verre est plein d’un vin trembleur comme une flamme Écoutez la chanson lente d’un batelier Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu’à leurs pieds Debout chantez plus haut en dansant une ronde Que je n’entende plus le chant du batelier Et mettez près de moi toutes les filles blondes Au regard immobile aux nattes repliées Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent Tout l’or des nuits tombe en tremblant s’y refléter La voix chante toujours à en râle-mourir Ces fées aux cheveux verts qui incantent l’été Mon verre s’est brisé comme un éclat de rire

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    G

    Guillaume de Lacoste Lareymondie

    @guillaumeDeLacosteLareymondie

    L’idiot Dans le soir moite où la salle s’enlise, L’ombre recèle un faune paresseux, – Autour de lui, seuls des pétales gisent… Point de labeur, mais seules songeries, Les siens ont fui, fui loin du bienheureux, Point de savoir, mais seules rêveries, Point de bouquin où baille l’ignorance. Dehors est vide en la peur de ses yeux, Il voit l’amour tuer son innocence.

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    Guy de Maupassant

    Guy de Maupassant

    @guyDeMaupassant

    Découverte J’étais enfant. J’aimais les grands combats, Les Chevaliers et leur pesante armure, Et tous les preux qui tombèrent là-bas Pour racheter la Sainte Sépulture. L’Anglais Richard faisait battre mon coeur Et je l’aimais, quand après ses conquêtes Il revenait, et que son bras vainqueur Avait coupé tout un collier de têtes. D’une Beauté je prenais les couleurs, Une baguette était mon cimeterre ; Puis je partais à la guerre des fleurs Et des bourgeons dont je jonchais la terre. Je possédais au vent libre des cieux Un banc de mousse où s’élevait mon trône ; Je méprisais les rois ambitieux, Des rameaux verts j’avais fait ma couronne. J’étais heureux et ravi. Mais un jour Je vis venir une jeune compagne. J’offris mon coeur, mon royaume et ma cour, Et les châteaux que j’avais en Espagne. Elle s’assit sous les marronniers verts ; Or je crus voir, tant je la trouvais belle, Dans ses yeux bleus comme un autre univers, Et je restai tout songeur auprès d’elle. Pourquoi laisser mon rêve et ma gaieté En regardant cette fillette blonde ? Pourquoi Colomb fut-il si tourmenté Quand, dans la brume, il entrevit un monde.

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    Guy de Maupassant

    Guy de Maupassant

    @guyDeMaupassant

    Le sommeil du mandarin Sur sa table de nacre au reflet argenté, La lune souriait aux tours de porcelaine, Et trois dames causant au milieu de la plaine Jetaient comme cet astre une étrange clarté. Et tandis que le vent soufflait au loin sa plainte, Mollement étendu sur des tapis soyeux, Sous les rayons fleuris de sa lanterne peinte Le mandarin Von-Thang avait fermé les yeux. Pendant qu’il regardait tranquillement la flamme Qui versait du plafond ses filets de couleur, Un songe était venu voltiger sur son âme, Comme un oiseau de pourpre au-dessus d’une fleur. Paris, 1872

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    Guy de Maupassant

    Guy de Maupassant

    @guyDeMaupassant

    L’aïeul L’aïeul mourait froid et rigide. Il avait quatre-vingt-dix ans. La blancheur de son front livide Semblait blanche sur ses draps blancs. Il entr’ouvrit son grand oeil pâle, Et puis il parla d’une voix Lointaine et vague comme un râle, Ou comme un souffle au fond des bois. Est-ce un souvenir, est-ce un rêve ? Aux clairs matins de grand soleil L’arbre fermentait sous la sève, Mon coeur battait d’un sang vermeil. Est-ce un souvenir, est-ce un rêve ? Comme la vie est douce et brève ! Je me souviens, je me souviens Des jours passés, des jours anciens ! J’étais jeune ! je me souviens ! Est-ce un souvenir, est-ce un rêve ? L’onde sent un frisson courir A toute brise qui s’élève ; Mon sein tremblait à tout désir. Est-ce un souvenir, est-ce un rêve. Ce souffle ardent qui nous soulève ? Je me souviens, je me souviens ! Force et jeunesse ! ô joyeux biens ! L’amour ! l’amour ! je me souviens ! Est-ce un souvenir, est-ce un rêve ? Ma poitrine est pleine du bruit Que font les vagues sur la grève, Ma pensée hésite et me fuit. Est-ce un souvenir, est-ce un rêve Que je commence ou que j’achève ? Je me souviens, je me souviens ! On va m’étendre près des miens ; La mort ! la mort ! je me souviens !

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    Guy de Maupassant

    Guy de Maupassant

    @guyDeMaupassant

    Terreur Ce soir-là j’avais lu fort longtemps quelque auteur. Il était bien minuit, et tout à coup j’eus peur. Peur de quoi ? je ne sais, mais une peur horrible. Je compris, haletant et frissonnant d’effroi, Qu’il allait se passer une chose terrible… Alors il me sembla sentir derrière moi Quelqu’un qui se tenait debout, dont la figure Riait d’un rire atroce, immobile et nerveux : Et je n’entendais rien, cependant. O torture ! Sentir qu’il se baissait à toucher mes cheveux, Et qu’il allait poser sa main sur mon épaule, Et que j’allais mourir au bruit de sa parole !… Il se penchait toujours vers moi, toujours plus près ; Et moi, pour mon salut éternel, je n’aurais Ni fait un mouvement ni détourné la tête… Ainsi que des oiseaux battus par la tempête, Mes pensers tournoyaient comme affolés d’horreur. Une sueur de mort me glaçait chaque membre, Et je n’entendais pas d’autre bruit dans ma chambre Que celui de mes dents qui claquaient de terreur. Un craquement se fit soudain ; fou d’épouvante, Ayant poussé le plus terrible hurlement Qui soit jamais sorti de poitrine vivante, Je tombai sur le dos, roide et sans mouvement.

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    Guy de Maupassant

    Guy de Maupassant

    @guyDeMaupassant

    Un coup de soleil C’était au mois de juin. Tout paraissait en fête. La foule circulait bruyante et sans souci. Je ne sais trop pourquoi j’étais heureux aussi ; Ce bruit, comme une ivresse, avait troublé ma tête. Le soleil excitait les puissances du corps, Il entrait tout entier jusqu’au fond de mon être, Et je sentais en moi bouillonner ces transports Que le premier soleil au coeur d’Adam fit naître. Une femme passait ; elle me regarda. Je ne sais pas quel feu son oeil sur moi darda, De quel emportement mon âme fut saisie, Mais il me vint soudain comme une frénésie De me jeter sur elle, un désir furieux De l’étreindre en mes bras et de baiser sa bouche ! Un nuage de sang, rouge, couvrit mes yeux, Et je crus la presser dans un baiser farouche. Je la serrais, je la ployais, la renversant. Puis, l’enlevant soudain par un effort puissant, Je rejetais du pied la terre, et dans l’espace Ruisselant de soleil, d’un bond, je l’emportais. Nous allions par le ciel, corps à corps, face à face. Et moi, toujours, vers l’astre embrasé je montais, La pressant sur mon sein d’une étreinte si forte Que dans mes bras crispés je vis qu’elle était morte…

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    Gérard de Nerval

    Gérard de Nerval

    @gerardDeNerval

    El desdichado Je suis le Ténébreux, – le Veuf, – l'Inconsolé, Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie : Ma seule Etoile est morte, – et mon luth constellé Porte le Soleil noir de la Mélancolie. Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m'as consolé, Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie, La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé, Et la treille où le Pampre à la Rose s'allie. Suis-je Amour ou Phébus ? … Lusignan ou Biron ? Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ; J'ai rêvé dans la Grotte où nage la sirène… Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron : Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.

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