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Jeunesse

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Jeunesse

Poésies de la collection jeunesse

    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    Ressemblance Vous désirez savoir de moi D'où me vient pour vous ma tendresse ; Je vous aime, voici pourquoi : Vous ressemblez à ma jeunesse. Vos yeux noirs sont mouillés souvent Par l'espérance et la tristesse, Et vous allez toujours rêvant : Vous ressemblez à ma jeunesse. Votre tête est de marbre pur, Faite pour le ciel de la Grèce Où la blancheur luit dans l'azur : Vous ressemblez a ma jeunesse. Je vous tends chaque jour la main, Vous offrant l'amour qui m'oppresse ; Mais vous passez votre chemin... Vous ressemblez à ma jeunesse.

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    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    À vingt ans À vingt ans on a l'œil difficile et très fier : On ne regarde pas la première venue, Mais la plus belle ! Et, plein d'une extase ingénue, On prend pour de l'amour le désir né d'hier. Plus tard, quand on a fait l'apprentissage amer, Le prestige insolent des grands yeux diminue, Et d'autres, d'une grâce autrefois méconnue, Révèlent un trésor plus intime et plus cher. Mais on ne fait jamais que changer d'infortune : À l'âge où l'on croyait n'en pouvoir aimer qu'une, C'est par elle déjà qu'on apprit à souffrir ; Puis, quand on reconnaît que plus d'une est charmante, On sent qu'il est trop tard pour choisir une amante Et que le cœur n'a plus la force de s'ouvrir.

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    Rhita Benjelloun

    @rhitaBenjelloun

    Fleur bleue Jeune rêveuse ainsi je te nomme Rebelle, or ton charme attire les hommes Tes yeux et tes cheveux au couleur de miel On t’a souvent baptisée souveraine tel une abeille Tu donnes sans rien attendre d’autrui Tu t’investis dans ce que tu fais et cela l’inouï On remarque la différence dès le premier regard Et on ne peut cacher qu’on te porte de l’égard Mais on n’ose pas t’approcher par peur Qu’on te fasse du mal, fragile fleur Et on s’éloigne aussi vite que le vent Pour te souffler, hélas, un nouveau tourment Toutes tes rêveries ne durent pas Et malchanceuse souvent tu te vois Et tes yeux ne brillent plus de joie Et tu n’oses plus faire aucun pas Petite fleure bleue, ne baisse pas tes pétales Ne fais pas ressortir tes épines, sinon tu râles Demain c’est un nouveau jour bien fleuri Alors reprend tes forces et souris Tu es appréciée, et tu le seras pour toujours Aux yeux de celui qui te réserve le plus grand amour N’oublie pas que le soleil apparait après les lueurs Et après tout ces chagrins tu trouveras certainement ton bonheur

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    Robert Tirvaudey

    @robertTirvaudey

    Dès la naissance Les poèmes des riens tout juste quelques cœurs Dès la naissance Dispersés dans le souffle du temps Nos menteurs mots Qu’est-ce qu’on écrit à passer sa jeunesse Mais Des yeux à pleins d’ardeurs Place une marque sur la page Lue devant l’auditoire frivole La satisfaction grande possession et heureuse passion Pour cette page comme une lune jour de grand vent N’attendons-nous pas vainement

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    Rémi Belleau

    Rémi Belleau

    @remiBelleau

    Douce et belle bouchelette Ainsi, ma douce guerrière Mon cœur, mon tout, ma lumière, Vivons ensemble, vivons Et suivons Les doux sentiers de la jeunesse : Aussi bien une vieillesse Nous menace sur le port, Qui, toute courbe et tremblante, Nous entraîne chancelante La maladie et la mort.

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Premières feuilles Vous vous tendez vers moi, vertes petites mains des arbres, Vertes petites mains des arbres du chemin. Pendant que les vieux murs un peu plus se délabrent, Que les vieilles maisons montrent leurs plaies, Vous vous tendez vers moi, bourgeons des haies, Verts petits doigts. Petits doigts en coquilles, Petits doigts jeunes, lumineux, pressés de vivre, Par-dessus les vieux murs vous vous tendez vers nous. Le vieux mur dit : « Gare au vent fou, Gare au soleil trop vif, gare aux nuits qui scintillent, Gare à la chèvre, à la chenille, Gare à la vie, ô petits doigts ! » Verts petits doigts griffus, bourrus et tendres, Vous sentez bien pourquoi Les vieux murs, ce matin, ont la voix de Cassandre. Petits doigts en papier de soie, Petits doigts de velours ou d’émail qui chatoie, Vous savez bien pourquoi Vous n’écouterez pas les murs couleur de cendre… Frêles éventails verts, mains du prochain été, Nous sentons bien pourquoi vous n’écoutez Ni les vieux murs, ni les toits qui s’affaissent ; Nous savons bien pourquoi Par-dessus les vieux murs, de tous vos petits doigts, Vous faites signe à la jeunesse !

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    Sandrine Davin

    @sandrineDavin

    De l’enfant que j’étais, au vieillard devenu… Il était beau le temps Où mes pommettes roses S’érigeaient au vent. Les genoux écorchés Par les ronces Au bord des sentiers oubliés, Je m’en souviens encore. … Les feuilles mortes Se sont envolées, Ont tout emporté Avec elles, Souvenirs et passé. … De l’enfant que j’étais Il ne me reste plus que Des rides, Des sourires, Des cheveux blancs. Au vieillard devenu, J’ai oublié le temps…

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    Sandrine Davin

    @sandrineDavin

    Jardin de grand-père C’était il y a longtemps – Ta main Dans la mienne L’horizon A perte de vue Le grillage De rouille Et les herbes mortes Ta main Ridée Qui crevasse la terre La mienne Si rose Effleurant les ronces Tes yeux Dans les miens Le bleu du ciel En morsure de lèvres Et quelques grains de terre Entre nos doigts C’était il y a longtemps Et aujourd’hui encore Ces quelques grains de terre Rident ma chair

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    Sophie d'Arbouville

    @sophieDarbouville

    Amour de jeune fille Ma mère, quel beau jour ! tout brille, tout rayonne. Dans les airs, l'oiseau chante et l'insecte bourdonne ; Les ruisseaux argentés roulent sur les cailloux, Les fleurs donnent au ciel leur parfum le plus doux. Le lis s'est entr'ouvert ; la goutte de rosée, Sur les feuilles des bois par la nuit déposée, S'enfuyant à l'aspect du soleil et du jour, Chancelle et tombe enfin comme des pleurs d'amour. Les fils blancs et légers de la vierge Marie, Comme un voile d'argent, volent sur la prairie : Frêle tissu, pour qui mon souffle est l'aquilon, Et que brise en passant l'aile d'un papillon. Sous le poids de ses fruits le grenadier se penche, Dans l'air, un chant d'oiseau nous vient de chaque branche ; Jusqu'au soir, dans les cieux, le soleil brillera : Ce jour est un beau jour !... Oh ! bien sûr, il viendra ! Il viendra... mais pourquoi ?... Sait-il donc que je l'aime ? Sait-il que je l'attends, que chaque jour de même, — Que ce jour soit celui d'hier ou d'aujourd'hui — J'espère sa présence et ne songe qu'à lui ? Oh ! non ! il ne sait rien. Qu'aurait-il pu comprendre !... Les battements du cœur se laissent-ils entendre ? Les yeux qu'on tient baissés, ont-ils donc un regard ? Un sourire, dit-il qu'on doit pleurer plus tard ? Que sait-on des pensers cachés au fond de l'âme ! La douleur qu'on chérit, le bonneur que l'on blâme , Au bal, qui les trahit ?... Des fleurs sont sur mon front, À tout regard joyeux mon sourire répond ; Je passe auprès de lui sans détourner la tête, Sans ralentir mes pas.... et mon cœur seul s'arrête. Mais qui peut voir le cœur ? qu'il soit amour ou fiel, C'est un livre fermé, qui ne s'ouvre qu'au ciel ! Une fleur est perdue, au loin, dans la prairie, Mais son parfum trahit sa présence et sa vie ; L'herbe cache une source, et le chêne un roseau, Mais la fraîcheur des bois révèle le ruisseau ; Le long balancement d'un flexible feuillage Nous dit bien s'il reçoit ou la brise ou l'orage ; Le feu qu'ont étouffé des cendres sans couleur, Se cachant à nos yeux, se sent par la chaleur ; Pour revoir le soleil quand s'enfuit l'hirondelle, Le pays qu'elle ignore est deviné par elle : Tout se laisse trahir par l'odeur ou le son, Tout se laisse entrevoir par l'ombre ou le rayon, Et moi seule, ici-bas, dans la foule perdue, J'ai passé près de lui sans qu'il m'ait entendue... Mon amour est sans voix, sans parfum, sans couleur, Et nul pressentiment n'a fait battre son cœur ! Ma mère, c'en est fait ! Le jour devient plus sombre ; Aucun bruit, aucun pas, du soir ne trouble l'ombre. Adieux à vous ! — à vous, ingrat sans le savoir ! Vous, coupable des pleurs que vous ne pouvez voir ! Pour la dernière fois, mon Ame déchirée Rêva votre présence, hélas! tant désirée... Plus jamais je n'attends. L'amour et l'abandon, Du cœur que vous brisez les pleurs et le pardon, Vous ignorerez tout !... Ainsi pour nous, un ange. Invisible gardien, dans ce monde où tout change. S'attache à notre vie et vole à nos côtés ; Sous son voile divin nous sommes abrités, Et jamais, cependant, on ne voit l'aile blanche Qui, sur nos fronts baissés, ou s'entrouvre ou se penche. Dans les salons, au bal, sans cesse, chaque soir, En dansant près de vous, il me faudra vous voir ; Et cependant, adieu... comme à mon premier rêve ! Tous deux, à votre insu, dans ce jour qui s'achève, Nous nous serons quittés ! — Adieu, soyez heureux !... Ma prière, pour vous, montera vers les Cieux : Je leur demanderai qu'éloignant les orages, Ils dirigent vos pas vers de riants rivages, Que la brise jamais, devenant aquilon, D'un nuage pour vous ne voile l'horizon ; Que l'heure à votre gré semble rapide ou lente ; Lorsque vous écoutez, que toujours l'oiseau chante ; Lorsque vous regardez, que tout charme vos yeux, Que le buisson soit vert, le soleil radieux ; Que celle qui sera de votre cœur aimée, Pour vous, d'un saint amour soit toujours animée !... — Si parfois, étonné d'un aussi long bonheur, Vous demandez à Dieu : « Mais pourquoi donc, Seigneur ? » Il répondra peut-être : « Un cœur pour toi me prie... Et sa part de bonheur, il la donne à ta vie ! »

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    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    Don du poème Je t’apporte l’enfant d’une nuit d’Idumée ! Noire, à l’aile saignante et pâle, déplumée, Par le verre brûlé d’aromates et d’or, Par les carreaux glacés, hélas ! mornes encor L’aurore se jeta sur la lampe angélique, Palmes ! et quand elle a montré cette relique À ce père essayant un sourire ennemi, La solitude bleue et stérile a frémi. Ô la berceuse avec ta fille et l’innocence De vos pieds froids, accueille une horrible naissance Et, ta voix rappelant viole et clavecin, Avec le doigt fané presseras-tu le sein Par qui coule en blancheur sybilline la femme Pour des lèvres que l’air du vierge azur affame ?

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    Susy Desrosiers

    @susyDesrosiers

    Indicible Colombes et papillons se sont envolés paysages plaines et rivières que tu égares au fond de ta poche comme seuls bagages tes origines une peluche des comptines d’enfant derrière toi ta mère ton père sang et cendres te hantent le cri des sirènes les flammes l’éphémère tes petits pas pèsent lourd déjà trop de corbeaux sur tes jeunes épaules au bout de ton horizon une terre une langue inconnues tu te perds dans de nouveaux visages des mains se tendent vers toi de nouvelles racines poussent sous tes pieds

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    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Aube rétrécie Je ne voulais pas fragmenter ton soupir Je l’ai fait Je fais tout ce que je veux Insouciante dans ma jeunesse Etourdie par une déferlante de pensées divinatoires jubilatoires rafraîchissantes Conquête d’un absolu ricanant derrière le soleil de cette aurore de l’esprit Les palmiers sont encore là aujourd’hui Tu n’es que passé dans ma vie Tu es le passé Moi je suis le présent Je suis l’aube rétrécie

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    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Nativité Recroquevillé au fond de l’utérus Il appréhendait le monde Le petit cœur tambourinait au rythme endiablé des printemps qui l’attendaient Il n’a pas eu peur, petit bébé, l’amour le désirait Il a laissé la musique construire son âme Il a laissé les bruits les pas les voix le façonner Il est sorti en guerrier Sourire aux lèvres

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    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    À maman Je suis là, maman cachée au fond de tes entrailles mes cellules vibrent ton cœur bat fort je sens la chaleur de ta voix elle me caresse déjà Tu es la magie du monde Je ne suis pas encore pourtant je t’aime déjà Je suis un cerf volant emmailloté dans tes bras Le cerf volant du Paradis sans âge Les cloches sonnent Je suis là, maman j’arrive un bouquet parfumé dans mes pensées Sybille Rembard, Beauté fractionnée, 2002

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    T

    Thibault Desbordes

    @thibaultDesbordes

    Les pierres saillantes (IV) « Et souviens-toi ; le monde est à toi, le monde est à nous ! » — Seb, un alcoolique de Charleville-Mézières, 2 juillet 2016   J’étais parti libre et sauvage, vers un pays Qui me semble être un mirage, aujourd’hui Mais non non Je n’avais pas peur Sous le ciel entre les routes J’y avais fait ma pénitence D’adolescent bourgeois Encore lycéen Je m’étais trouvé, là En n’étant rien Mais non non Je n’avais pas peur Et je sentais glisser les heures Rouler les pierres des sentiers Qui n’existent pas que sur les poèmes Vous saviez ? J’étais tout seul J’étais là-bas J’étais parti sans fil À dix-sept ans Loin de chez moi Mais non non Je n’avais pas peur Parce que j’avais au cœur De n’être né de rien Dans l’ouest embourgeoisé Hypocrite et chrétien J’avais au cœur d’avoir Tout renversé : Ma pépite, ma faillite et mon blé J’avais au cœur Rimbaud Entre Charleville et Givet Sans retour ni papiers Et criais dans le mois de juillet Que c’était saoul Que d’être libre Oui je criais Dans l’air qui vibre Si différent de cette fille Jeune fille de mon âge Ou plutôt à côté Qui promenait son chien sur la Meuse Qui m’a regardé Encore à côté Obtuse, effrayée Mais non non Je n’avais pas peur

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    Thomas Chaline

    @thomasChaline

    Tes rêves et ton berceau Tu grandis si vite Et t’éloignes en silence Autour de toi gravite Cette liberté immense Tu abandonnes tes repères Tes rêves et ton berceau Et tout ce que tu digères Devient de longs sanglots Tu grandis si vite Et pleures en silence Autour de toi s’évite La prison « insolence » Tu abandonnes les cimes De ton berceau de lumière Et tout ce que tu dessines A une coloration délétère

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

    Théodore Agrippa d'Aubigné

    @theodoreAgrippaDaubigne

    Prière du matin Le Soleil couronné de rayons et de flammes Redore nostre aube à son tour : Ô sainct Soleil des Saincts, Soleil du sainct amour, Perce de flesches d’or les tenebres des ames En y rallumant le beau jour. Le Soleil radieux jamais ne se courrouce, Quelque fois il cache ses yeux : C’est quand la terre exhalle en amas odieux Un voile de vapeurs qu’au devant elle pousse, En se troublant, et non les Cieux. Jesus est toujours clair, mais lors son beau visage Nous cache ses rayons si doux, Quand nos pechez fumans entre le Ciel et nous, De vices redoublez enlevent un nuage Qui noircit le Ciel de courroux. Enfin ce noir rempart se dissout et s’esgare Par la force du grand flambeau. Fuyez, pechez, fuyez : le Soleil clair et beau Vostre amas vicieux et dissipe et separe, Pour nous oster nostre bandeau. Nous ressusciterons des sepulchres funebres, Comme le jour de la nuict sort Si la premiere mort de la vie est le port, Le beau jour est la fin des espaisses tenebres, Et la vie est fin de la mort.

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    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    La fontaine de jouvence Il est une fontaine heureuse, dont l’eau tombe Dans un bassin plus blanc qu’une aile de colombe ; Cette eau limpide, avec de clairs rayonnements, Sur les dauphins de marbre éclate en diamants. Elle rend aux vieillards la jeunesse et la force. Mille jeunes Cypris, fières de leur beau torse, Sur l’azur de ses flots qui ne sont point amers Lèvent un pied plus blanc que la perle des mers. Celles qui n’aimaient plus les tourterelles blanches, Et ne tressaillaient pas dans le mois des pervenches, Ceux que laissaient glacés la Lyre et le bon vin, Sortent joyeux et beaux de ce Léthé divin ; Non beaux comme autrefois d’une beauté sévère, Mais semblables aux Dieux qui boivent à plein verre Le feu que le Titan pour nous a dérobé, Et qui puisent le vin dans la coupe d’Hébé. La Naïde aux yeux bleus, qui pleure goutte à goutte, Noie au fond de leur cœur la tristesse et le doute, Et, tournant leur esprit vers les biens éternels, Leur montre l’Idéal dans les plaisirs charnels. Voyez-les, souriants, fiers de leur belle taille, Dans ces riches habits de fête et de bataille Qui relèvent la mine, et qu’aux siècles anciens Peignaient avec amour les grands Vénitiens. Les couples sont épars : de jeunes femmes rousses Dont les yeux rallumés sont pleins de clartés douces, Avec leurs amoureux assis sur le gazon Effeuillent les bouquets de leur jeune saison. L’une parle à mi-voix, et, comme en un méandre, Erre par les sentiers de la carte du Tendre ; Celle-là, fière enfin de vivre et de se voir, Tantôt joue, et ternit l’acier de son miroir. Tandis qu’à ses genoux son compagnon étale, Jeune et fort comme un dieu, la grâce orientale, Une verse du vin dans le verre incrusté D’un jeune cavalier debout à son côté. Plus loin, deux rajeunis, sur la mousse des plaines, Mêlent dans un baiser les fleurs de leurs haleines ; Et, seins nus, une vierge en fleur, sans embarras, Tord ses cheveux luisants qui pleurent sur ses bras. Dans l’humide vapeur de sa métamorphose, Blanche encore à demi comme une jeune rose, Une autre naît au monde, et ses beaux yeux voilés Argentent l’eau d’azur de rayons étoilés. Dans les vagues lointains l’une l’autre s’enchantent, Agitant leurs tambours dont les clochettes chantent, De galantes beautés, honneur de ces pourpris, Qui teignent l’air limpide à leur rose souris. Et tous ces nouveau-nés de qui l’âme ravie Connaît le prix des biens qui font aimer la vie, Sans trouble et sans froideur cèdent à leurs désirs, Et vident lentement la coupe des plaisirs. O doux cygnes chanteurs, vous que la Poésie Retrempe incessamment dans son onde choisie, Amis, soyons pareils à ces beaux jeunes gens : Créons autour de nous des cieux intelligents. Cherchons au fond du vin les sciences rebelles, Et l’amour idéal sur les lèvres des belles, Et dans leurs bras, qu’anime une calme fierté, Rêvons la Jouissance et l’Immortalité. Mai 1844.

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    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    Lorsque ma soeur et moi Lorsque ma soeur et moi, dans les forêts profondes, Nous avions déchiré nos pieds sur les cailloux, En nous baisant au front tu nous appelais fous, Après avoir maudit nos courses vagabondes. Puis, comme un vent d’été confond les fraîches ondes De deux petits ruisseaux sur un lit calme et doux, Lorsque tu nous tenais tous deux sur tes genoux, Tu mêlais en riant nos chevelures blondes. Et pendant bien longtemps nous restions là blottis, Heureux, et tu disais parfois : Ô chers petits. Un jour vous serez grands, et moi je serai vieille ! Les jours se sont enfuis, d’un vol mystérieux, Mais toujours la jeunesse éclatante et vermeille Fleurit dans ton sourire et brille dans tes yeux.

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    Théophile Gautier

    Théophile Gautier

    @theophileGautier

    Les joujoux de la morte La petite Marie est morte, Et son cercueil est si peu long Qu’il tient sous le bras qui l’emporte Comme un étui de violon. Sur le tapis et sur la table Traîne l’héritage enfantin. Les bras ballants, l’air lamentable, Tout affaissé, gît le pantin. Et si la poupée est plus ferme, C’est la faute de son bâton ; Dans son oeil une larme germe, Un soupir gonfle son carton. Une dînette abandonnée Mêle ses plats de bois verni A la troupe désarçonnée Des écuyers de Franconi. La boîte à musique est muette ; Mais, quand on pousse le ressort Où se posait sa main fluette, Un murmure plaintif en sort. L’émotion chevrote et tremble Dans : Ah ! vous dirai-je maman ! Le Quadrille des Lanciers semble Triste comme un enterrement, Et des pleurs vous mouillent la joue Quand la Donna è mobile, Sur le rouleau qui tourne et joue, Expire avec un son filé. Le coeur se navre à ce mélange Puérilement douloureux, Joujoux d’enfant laissés par l’ange, Berceau que la tombe a fait creux !

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Après l’hiver N’attendez pas de moi que je vais vous donner Des raisons contre Dieu que je vois rayonner ; La nuit meurt, l’hiver fuit ; maintenant la lumière, Dans les champs, dans les bois, est partout la première. Je suis par le printemps vaguement attendri. Avril est un enfant, frêle, charmant, fleuri ; Je sens devant l’enfance et devant le zéphyre Je ne sais quel besoin de pleurer et de rire ; Mai complète ma joie et s’ajoute à mes pleurs. Jeanne, George, accourez, puisque voilà des fleurs. Accourez, la forêt chante, l’azur se dore, Vous n’avez pas le droit d’être absents de l’aurore. Je suis un vieux songeur et j’ai besoin de vous, Venez, je veux aimer, être juste, être doux, Croire, remercier confusément les choses, Vivre sans reprocher les épines aux roses, Être enfin un bonhomme acceptant le bon Dieu. Ô printemps ! bois sacrés ! ciel profondément bleu ! On sent un souffle d’air vivant qui vous pénètre, Et l’ouverture au loin d’une blanche fenêtre ; On mêle sa pensée au clair-obscur des eaux ; On a le doux bonheur d’être avec les oiseaux Et de voir, sous l’abri des branches printanières, Ces messieurs faire avec ces dames des manières. 26 juin 1878

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Elle avait pris ce pli Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin De venir dans ma chambre un peu chaque matin ; Je l'attendais ainsi qu'un rayon qu'on espère ; Elle entrait, et disait : Bonjour, mon petit père ; Prenait ma plume, ouvrait mes livres, s'asseyait Sur mon lit, dérangeait mes papiers, et riait, Puis soudain s'en allait comme un oiseau qui passe. Alors, je reprenais, la tête un peu moins lasse, Mon oeuvre interrompue, et, tout en écrivant, Parmi mes manuscrits je rencontrais souvent Quelque arabesque folle et qu'elle avait tracée, Et mainte page blanche entre ses mains froissée Où, je ne sais comment, venaient mes plus doux vers. Elle aimait Dieu, les fleurs, les astres, les prés verts, Et c'était un esprit avant d'être une femme. Son regard reflétait la clarté de son âme. Elle me consultait sur tout à tous moments. Oh ! que de soirs d'hiver radieux et charmants Passés à raisonner langue, histoire et grammaire, Mes quatre enfants groupés sur mes genoux, leur mère Tout près, quelques amis causant au coin du feu ! J'appelais cette vie être content de peu ! Et dire qu'elle est morte ! Hélas ! que Dieu m'assiste ! Je n'étais jamais gai quand je la sentais triste ; J'étais morne au milieu du bal le plus joyeux Si j'avais, en partant, vu quelque ombre en ses yeux.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Jeanne était au pain sec Jeanne était au pain sec dans le cabinet noir, Pour un crime quelconque, et, manquant au devoir, J'allai voir la proscrite en pleine forfaiture, Et lui glissai dans l'ombre un pot de confiture Contraire aux lois. Tous ceux sur qui, dans ma cité, Repose le salut de la société, S'indignèrent, et Jeanne a dit d'une voix douce : – Je ne toucherai plus mon nez avec mon pouce ; Je ne me ferai plus griffer par le minet. Mais on s'est récrié : – Cette enfant vous connaît ; Elle sait à quel point vous êtes faible et lâche. Elle vous voit toujours rire quand on se fâche. Pas de gouvernement possible. À chaque instant L'ordre est troublé par vous ; le pouvoir se détend ; Plus de règle. L'enfant n'a plus rien qui l'arrête. Vous démolissez tout. – Et j'ai baissé la tête, Et j'ai dit : – Je n'ai rien à répondre à cela, J'ai tort. Oui, c'est avec ces indulgences-là Qu'on a toujours conduit les peuples à leur perte. Qu'on me mette au pain sec. – Vous le méritez, certe, On vous y mettra. – Jeanne alors, dans son coin noir, M'a dit tout bas, levant ses yeux si beaux à voir, Pleins de l'autorité des douces créatures : – Eh bien, moi, je t'irai porter des confitures.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    L'enfance L'enfant chantait ; la mère au lit exténuée, Agonisait, beau front dans l'ombre se penchant ; La mort au-dessus d'elle errait dans la nuée ; Et j'écoutais ce râle, et j'entendais ce chant. L'enfant avait cinq ans, et, près de la fenêtre, Ses rires et ses jeux faisaient un charmant bruit ; Et la mère, à côté de ce pauvre doux être Qui chantait tout le jour, toussait toute la nuit. La mère alla dormir sous les dalles du cloître ; Et le petit enfant se remit à chanter... — La douleur est un fruit : Dieu ne le fait pas croître Sur la branche trop faible encor pour le porter. Paris, janvier 1835.

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    Victor Hugo

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    @victorHugo

    L'enfant Quand l'enfant nous regarde, on sent Dieu nous sonder ; Quand il pleure, j'entends le tonnerre gronder, Car penser c'est entendre, et le visionnaire Est souvent averti par un vague tonnerre. Quand ce petit être, humble et pliant les genoux, Attache doucement sa prunelle sur nous, Je ne sais pas pourquoi je tremble ; quand cette âme, Qui n'est pas homme encore et n'est pas encor femme, En qui rien ne s'admire et rien ne se repent, Sans sexe, sans passé derrière elle rampant, Verse, à travers les cils de sa rose paupière, Sa clarté, dans laquelle on sent de la prière, Sur nous les combattants, les vaincus, les vainqueurs ; Quand cet arrivant semble interroger nos coeurs, Quand cet ignorant, plein d'un jour que rien n'efface, A l'air de regarder notre science en face, Et jette, dans cette ombre où passe Adam banni, On ne sait quel rayon de rêve et d'infini, Ses blonds cheveux lui font au front une auréole. Comme on sent qu'il était hier l'esprit qui vole ! Comme on sent manquer l'aile à ce petit pied blanc ! Oh ! comme c'est débile et frêle et chancelant Comme on devine, aux cris de cette bouche, un songe De paradis qui jusqu'en enfer se prolonge Et que le doux enfant ne veut pas voir finir ! L'homme, ayant un passé, craint pour cet avenir. Que la vie apparaît fatale ! Comme on pense A tant de peine avec si peu de récompense ! Oh ! comme on s'attendrit sur ce nouveau venu ! Lui cependant, qu'est-il, ô vivants ? l'inconnu. Qu'a-t-il en lui ? l'énigme. Et que porte-t-il ? l'âme. Il vit à peine ; il est si chétif qu'il réclame Du brin d'herbe ondoyant aux vents un point d'appui. Parfois, lorsqu'il se tait, on le croit presque enfui, Car on a peur que tout ici-bas ne le blesse. Lui, que fait-il ? Il rit. Fait d'ombre et de faiblesse Et de tout ce qui tremble, il ne craint rien. Il est Parmi nous le seul être encor vierge et complet ; L'ange devient enfant lorsqu'il se rapetisse. Si toute pureté contient toute justice, On ne rencontre plus l'enfant sans quelque effroi ; On sent qu'on est devant un plus juste que soi ; C'est l'atome, le nain souriant, le pygmée ; Et, quand il passe, honneur, gloire, éclat, renommée, Méditent ; on se dit tout bas : Si je priais ? On rêve ; et les plus grands sont les plus inquiets ; Sa haute exception dans notre obscure sphère, C'est que, n'ayant rien fait, lui seul n'a pu mal faire ; Le monde est un mystère inondé de clarté, L'enfant est sous l'énigme adorable abrité ; Toutes les vérités couronnent condensées Ce doux front qui n'a pas encore de pensées ; On comprend que l'enfant, ange de nos douleurs, Si petit ici-bas, doit être grand ailleurs. Il se traîne, il trébuche ; il n'a dans l'attitude, Dans la voix, dans le geste aucune certitude ; Un souffle à qui la fleur résiste fait ployer Cet être à qui fait peur le grillon du foyer ; L'oeil hésite pendant que la lèvre bégaie ; Dans ce naïf regard que l'ignorance égaie, L'étonnement avec la grâce se confond, Et l'immense lueur étoilée est au fond.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    L'enfant, voyant l'aïeule L'enfant, voyant l'aïeule à filer occupée, Veut faire une quenouille à sa grande poupée. L'aïeule s'assoupit un peu ; c'est le moment. L'enfant vient par derrière et tire doucement Un brin de la quenouille où le fuseau tournoie, Puis s'enfuit triomphante, emportant avec joie La belle laine d'or que le safran jaunit, Autant qu'en pourrait prendre un oiseau pour son nid. Cauteretz, août 1843.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

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    La cicatrice Une croûte assez laide est sur la cicatrice. Jeanne l’arrache, et saigne, et c’est là son caprice ; Elle arrive, montrant son doigt presque en lambeau. — J’ai, me dit-elle, ôté la peau de mon bobo. — Je la gronde, elle pleure, et, la voyant en larmes, Je deviens plat. — Faisons la paix, je rends les armes, Jeanne, à condition que tu me souriras. — Alors la douce enfant s’est jetée en mes bras, Et m’a dit, de son air indulgent et suprême : — Je ne me ferai plus de mal, puisque je t’aime. — Et nous voilà contents, en ce tendre abandon, Elle de ma clémence et moi de son pardon. 7 juillet 1875.

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    Les griffonnages de l’écolier Charle a fait des dessins sur son livre de classe. Le thème est fatigant au point, qu’étant très lasse, La plume de l’enfant n’a pu se reposer Qu’en faisant ce travail énorme : improviser Dans un livre, partout, en haut, en bas, des fresques, Comme on en voit aux murs des alhambras moresques, Des taches d’encre, ayant des aspects d’animaux, Qui dévorent la phrase et qui rongent les mots, Et, le texte mangé, viennent mordre les marges. Le nez du maître flotte au milieu de ces charges. Troublant le clair-obscur du vieux latin toscan, Dans la grande satire où Rome est au carcan, Sur César, sur Brutus, sur les hautes mémoires, Charle a tranquillement dispersé ses grimoires. Ce chevreau, le caprice, a grimpé sur les vers. Le livre, c’est l’endroit ; l’écolier, c’est l’envers. Sa gaîté s’est mêlée, espiègle, aux stigmates Du vengeur qui voulait s’enfuir chez les Sarmates. Les barbouillages sont étranges, profonds, drus. Les monstres ! Les voilà perchés, l’un sur Codrus, L’autre sur Néron. L’autre égratigne un dactyle. Un pâté fait son nid dans les branches du style. Un âne, qui ressemble à monsieur Nisard, brait, Et s’achève en hibou, dans l’obscure forêt ; L’encrier sur lui coule, et, la tête inondée De cette pluie, il tient dans sa patte un spondée. Partout la main du rêve a tracé le dessin ; Et c’est ainsi qu’au gré de l’écolier, l’essaim Des griffonnages, horde hostile aux belles-lettres, S’est envolé parmi les sombres hexamètres. Jeu ! songe ! on ne sait quoi d’enfantin, s’enlaçant Au poème, lui donne un ineffable accent, Commente le chef-d’œuvre, et l’on sent l’harmonie D’une naïveté complétant un génie. C’est un géant ayant sur l’épaule un marmot. Charle invente une fleur qu’il fait sortir d’un mot, Ou lâche un farfadet ailé dans la broussaille Du rythme effarouché qui s’écarte et tressaille. Un rond couvre une page. Est-ce un dôme ? est-ce un œuf ? Une belette en sort qui peut-être est un bœuf. Le gribouillage règne, et sur chaque vers, pose Les végétations de la métamorphose. Charle a sur ce latin fait pousser un hallier. Grâce à lui, ce vieux texte est un lieu singulier Où le hasard, l’ennui, le lazzi, la rature, Dressent au second plan leur vague architecture. Son encre a fait la nuit sur le livre étoilé. Et pourtant, par instants, ce noir réseau brouillé, À travers ses rameaux, ses porches, ses pilastres, Laisse passer l’idée et laisse voir les astres. C’est de cette façon que Charle a travaillé Au dur chef-d’œuvre antique, et qu’au bronze rouillé Il a plaqué le lierre, et dérangé la masse Du masque énorme avec une folle grimace. Il s’est bien amusé. Quel bonheur d’écolier ! Traiter un fier génie en monstre familier ! Être avec ce lion comme avec un caniche ! Aux pédants, groupe triste et laid, faire une niche ! Rendre agréable aux yeux, réjouissant, malin, Un livre estampillé par monsieur Delalain ! Gai, bondir à pieds joints par-dessus un poème ! Charle est très satisfait de son œuvre, et lui-même, — L’oiseau voit le miroir et ne voit pas la glu — Il s’admire. Un guetteur survient, homme absolu. Dans son œil terne luit le pensum insalubre ; Sa lèvre aux coins baissés porte en son pli lugubre Le rudiment, la loi, le refus des congés, Et l’auguste fureur des textes outragés. L’enfance veut des fleurs ; on lui donne la roche. Hélas ! c’est le censeur du collège. Il approche, Jette au livre un regard funeste, et dit, hautain : — Fort bien. Vous copierez mille vers ce matin Pour manque de respect à vos livres d’étude. — Et ce geôlier s’en va, laissant là ce Latude. Or c’est précisément la récréation. Être à neuf ans Tantale, Encelade, Ixion ! Voir autrui jouer ! Être un banni, qu’on excepte ! Tourner du châtiment la manivelle inepte ! Soupirer sous l’ennui, devant les cieux ouverts, Et sous cette montagne affreuse, mille vers ! Charles sanglote, et dit : — Ne pas jouer aux barres ! Copier du latin ! Je suis chez les barbares. — C’est midi ; le moment où sur l’herbe on s’assied, L’heure sainte où l’on doit sauter à cloche-pied ; L’air est chaud, les taillis sont verts, et la fauvette S’y débarbouille, ayant la source pour cuvette ; La cigale est là-bas qui chante dans le blé. L’enfant a droit aux champs. Charles songe accablé Devant le livre, hélas, tout noirci par ses crimes. Il croit confusément ouïr gronder les rimes D’un Boileau, qui s’entrouvre et bâille à ses côtés ; Tous ces bouquins lui font l’effet d’être irrités. Aucun remords pourtant. Il a la tête haute. Ne sentant pas de honte, il ne voit pas de faute. — Suis-je donc en prison ? Suis-je donc le vassal De Noël, lâchement aggravé par Chapsal ? Qu’est-ce donc que j’ai fait ? — Triste, il voit passer l’heure De la joie. Il est seul. Tout l’abandonne. Il pleure. Il regarde, éperdu, sa feuille de papier. Mille vers ! Copier ! Copier ! Copier ! Copier ! Ô pédant, c’est là ce que tu tires Du bois où l’on entend la flûte des satyres, Tyran dont le sourcil, sitôt qu’on te répond, Se fronce comme l’onde aux arches d’un vieux pont ! L’enfance a dès longtemps inventé dans sa rage La charrue à trois socs pour ce dur labourage. — Allons ! dit-il, trichons les pions déloyaux ! — Et, farouche, il saisit sa plume à trois tuyaux. Soudain du livre immense une ombre, une âme, un homme Sort, et dit : — Ne crains rien, mon enfant. Je me nomme Juvénal. Je suis bon. Je ne fais peur qu’aux grands. — Charles lève ses yeux pleins de pleurs transparents, Et dit : — Je n’ai pas peur. — L’homme, pareil aux marbres, Reprend, tandis qu’au loin on entend sous les arbres Jouer les écoliers, gais et de bonne foi : — Enfant, je fus jadis exilé comme toi, Pour avoir comme toi barbouillé des figures. Comme toi les pédants, j’ai fâché les augures. Élève de Jauffret que jalouse Massin, Voyons ton livre. — Il dit, et regarde un dessin Qui n’a pas trop de queue et pas beaucoup de tête. — Qu’est-ce que c’est que ça ? — Monsieur, c’est une bête. — Ah ! tu mets dans mes vers des bêtes ! Après tout Pourquoi pas ? puisque Dieu, qui dans l’ombre est debout, En met dans les grands bois et dans les mers sacrées. Il tourne une autre page, et se penche : — Tu crées. Qu’est ceci ? Ca m’a l’air fort beau, quoique tortu. — Monsieur, c’est un bonhomme. — Un bonhomme, dis-tu ? Eh bien, il en manquait justement un. Mon livre Est rempli de méchants. Voir un bonhomme vivre Parmi tous ces gens-là me plaît. Césars bouffis, Rangez-vous ! ce bonhomme est dieu. Merci, mon fils. — Et, d’un doigt souverain, le voilà qui feuillette Nisard, l’âne, le nez du maître, la belette Qui peut-être est un bœuf, les dragons, les griffons, Les pâtés d’encre ailés, mêlés aux vers profonds, Toute cette gaîté sur son courroux éparse, Et Juvénal s’écrie ébloui : — C’est très farce ! Ainsi, la grande sœur et la petite sœur, Ces deux âmes, sont là, jasant ; et le censeur, Obscur comme minuit et froid comme décembre, Serait bien étonné, s’il entrait dans la chambre, De voir sous le plafond du collège étouffant, Le vieux poète rire avec le doux enfant. 12 septembre.

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    Victor Hugo

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    Lise J’avais douze ans ; elle en avait bien seize. Elle était grande, et, moi, j’étais petit. Pour lui parler le soir plus à mon aise, Moi, j’attendais que sa mère sortît ; Puis je venais m’asseoir près de sa chaise Pour lui parler le soir plus à mon aise. Que de printemps passés avec leurs fleurs ! Que de feux morts, et que de tombes closes ! Se souvient-on qu’il fut jadis des coeurs ? Se souvient-on qu’il fut jadis des roses ? Elle m’aimait. Je l’aimais. Nous étions Deux purs enfants, deux parfums, deux rayons. Dieu l’avait faite ange, fée et princesse. Comme elle était bien plus grande que moi, Je lui faisais des questions sans cesse Pour le plaisir de lui dire : Pourquoi ? Et par moments elle évitait, craintive, Mon oeil rêveur qui la rendait pensive. Puis j’étalais mon savoir enfantin, Mes jeux, la balle et la toupie agile ; J’étais tout fier d’apprendre le latin ; Je lui montrais mon Phèdre et mon Virgile ; Je bravais tout; rien ne me faisait mal ; Je lui disais : Mon père est général. Quoiqu’on soit femme, il faut parfois qu’on lise Dans le latin, qu’on épelle en rêvant ; Pour lui traduire un verset, à l’église, Je me penchais sur son livre souvent. Un ange ouvrait sur nous son aile blanche, Quand nous étions à vêpres le dimanche. Elle disait de moi : C’est un enfant ! Je l’appelais mademoiselle Lise. Pour lui traduire un psaume, bien souvent, Je me penchais sur son livre à l’église ; Si bien qu’un jour, vous le vîtes, mon Dieu ! Sa joue en fleur toucha ma lèvre en feu. Jeunes amours, si vite épanouies, Vous êtes l’aube et le matin du coeur. Charmez l’enfant, extases inouïes ! Et quand le soir vient avec la douleur, Charmez encor nos âmes éblouies, Jeunes amours, si vite épanouies ! Mai 1843

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    Victor Hugo

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    Lorsque l'enfant paraît Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille Applaudit à grands cris. Son doux regard qui brille Fait briller tous les yeux, Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être, Se dérident soudain à voir l'enfant paraître, Innocent et joyeux. Soit que juin ait verdi mon seuil, ou que novembre Fasse autour d'un grand feu vacillant dans la chambre Les chaises se toucher, Quand l'enfant vient, la joie arrive et nous éclaire. On rit, on se récrie, on l'appelle, et sa mère Tremble à le voir marcher. Quelquefois nous parlons, en remuant la flamme, De patrie et de Dieu, des poètes, de l'âme Qui s'élève en priant ; L'enfant paraît, adieu le ciel et la patrie Et les poètes saints ! la grave causerie S'arrête en souriant. La nuit, quand l'homme dort, quand l'esprit rêve, à l'heure Où l'on entend gémir, comme une voix qui pleure, L'onde entre les roseaux, Si l'aube tout à coup là-bas luit comme un phare, Sa clarté dans les champs éveille une fanfare De cloches et d'oiseaux. Enfant, vous êtes l'aube et mon âme est la plaine Qui des plus douces fleurs embaume son haleine Quand vous la respirez ; Mon âme est la forêt dont les sombres ramures S'emplissent pour vous seul de suaves murmures Et de rayons dorés ! Car vos beaux yeux sont pleins de douceurs infinies, Car vos petites mains, joyeuses et bénies, N'ont point mal fait encor ; Jamais vos jeunes pas n'ont touché notre fange, Tête sacrée ! enfant aux cheveux blonds ! bel ange À l'auréole d'or ! Vous êtes parmi nous la colombe de l'arche. Vos pieds tendres et purs n'ont point l'âge où l'on marche. Vos ailes sont d'azur. Sans le comprendre encor vous regardez le monde. Double virginité ! corps où rien n'est immonde, Âme où rien n'est impur ! Il est si beau, l'enfant, avec son doux sourire, Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire, Ses pleurs vite apaisés, Laissant errer sa vue étonnée et ravie, Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie Et sa bouche aux baisers ! Seigneur ! préservez-moi, préservez ceux que j'aime, Frères, parents, amis, et mes ennemis même Dans le mal triomphants, De jamais voir, Seigneur ! l'été sans fleurs vermeilles, La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles, La maison sans enfants ! Mai 1830

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