Avoir encore de l'amour Avoir encore de l'amour
Dans un coeur ému
Par la trace des maux,
Lui qui a tant reçu,
Aujourd'hui fait le sourd
Aux coups de la faux!
Prier dans son coeur
Plus que de raison
Car les maudits moments,
Abandonnés ailleurs,
Rendent au visage enfoui
Le sourire puis l'oubli!
Alors des sources bénies
L'eau sans cesse jaillit
En redonnant aux fruits
Le vrai goût si chéri:
Avoir encore de l'amour
Un peu plus chaque jour!
il y a 9 mois
A
Alain Lortie
@alainLortie
Non-violence Comme la course du temps, comme le germe
transforme l’ovule, ton combat doit être
de non-violence et constamment ferme.
Pour le salut de ton âme à transparaître.
Il ne suffit d’un rien pour que récidive
les forces violentes que cache un coeur
anxieux, régime d’âme maladive.
L’effort de non-violence, la saveur et la douceur.
Car la colère amplifie les malaises
encourus par des causes souvent ignorées
du mental. Tourne l’actif bien à son aise
la doctrine de non-violence assurée.
Autres jours, autres moeurs, le travail maîtrisé
fera place dans ta vie, le respect d’autrui.
Sans colère les obstacles journaliers
tu affronteras comme un soleil dans la nuit.
il y a 9 mois
Albert Samain
@albertSamain
Musique Puisqu’il n’est point de mots qui puissent contenir,
Ce soir, mon âme triste en vouloir de se taire,
Qu’un archet pur s’élève et chante, solitaire,
Pour mon rêve jaloux de ne se définir.
O coupe de cristal pleine de souvenir ;
Musique, c’est ton eau seule qui désaltère ;
Et l’âme va d’instinct se fondre en ton mystère,
Comme la lèvre vient à la lèvre s’unir.
Sanglot d’or !… Oh ! voici le divin sortilège !
Un vent d’aile a couru sur la chair qui s’allège ;
Des mains d’anges sur nous promènent leur douceur.
Harmonie, et c’est toi, la Vierge secourable,
Qui, comme un pauvre enfant, berces contre ton coeur
Notre coeur infini, notre coeur misérable.
il y a 9 mois
Alfred Jarry
@alfredJarry
La chanson du décervelage Je fus pendant longtemps ouvrier ébéniste
Dans la ru’ du Champs d’ Mars, d’ la paroiss’ de Toussaints ;
Mon épouse exerçait la profession d’ modiste
Et nous n’avions jamais manqué de rien.
Quand le dimanch’ s’annonçait sans nuage,
Nous exhibions nos beaux accoutrements
Et nous allions voir le décervelage
Ru’ d’ l’Echaudé, passer un bon moment.
Voyez, voyez la machin’ tourner,
Voyez, voyez la cervell’ sauter,
Voyez, voyez les Rentiers trembler;
(Choeur): Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu !
Nos deux marmots chéris, barbouillés d’ confitures,
Brandissant avec joi’ des poupins en papier
Avec nous s’installaient sur le haut d’ la voiture
Et nous roulions gaîment vers l’Echaudé.
On s’ précipite en foule à la barrière,
On s’ flanque des coups pour être au premier rang ;
Moi j’me mettais toujours sur un tas d’pierres
Pour pas salir mes godillots dans l’sang.
Voyez, voyez la machin’ tourner,
Voyez, voyez la cervell’ sauter,
Voyez, voyez les Rentiers trembler;
(Choeur): Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu !
Bientôt ma femme et moi nous somm’s tout blancs d’ cervelle,
Les marmots en boulott’nt et tous nous trépignons
En voyant l’Palotin qui brandit sa lumelle,
Et les blessur’s et les numéros d’ plomb.
Soudain j’ perçois dans l’ coin, près d’ la machine,
La gueul’ d’un bonz’ qui n’ m’ revient qu’à moitié.
Mon vieux, que j’ dis, je r’connais ta bobine :
Tu m’as volé, c’est pas moi qui t’ plaindrai.
Voyez, voyez la machin’ tourner,
Voyez, voyez la cervell’ sauter,
Voyez, voyez les Rentiers trembler;
(Choeur) : Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu !
Soudain j’ me sens tirer la manche’par mon épouse ;
Espèc’ d’andouill’, qu’elle m’ dit, v’là l’ moment d’te montrer :
Flanque-lui par la gueule un bon gros paquet d’ bouse.
V’là l’ Palotin qu’a juste’ le dos tourné.
En entendant ce raisonn’ment superbe,
J’attrap’ sus l’ coup mon courage à deux mains :
J’ flanque au Rentier une gigantesque merdre
Qui s’aplatit sur l’ nez du Palotin.
Voyez, voyez la machin’ tourner,
Voyez, voyez la cervell’ sauter,
Voyez, voyez les Rentiers trembler;
(Choeur): Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu !
Aussitôt j’ suis lancé par dessus la barrière,
Par la foule en fureur je me vois bousculé
Et j’ suis précipité la tête la première
Dans l’ grand trou noir d’ousse qu’on n’ revient jamais.
Voila c’ que c’est qu’d’aller s’ prome’ner l’ dimanche
Ru’ d’ l’Echaudé pour voir décerveler,
Marcher l’ Pinc’-Porc ou bien l’Démanch’- Comanche :
On part vivant et l’on revient tudé !
Voyez, voyez la machin’ tourner,
Voyez, voyez la cervell’ sauter,
Voyez, voyez les Rentiers trembler;
(Choeur): Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu!
il y a 9 mois
A
Alix Lerman Enriquez
@alixLermanEnriquez
Insomnie Je ne parviens pas à dormir.
Dehors, une poudre d’étoiles illumine le ciel mat.
Ma tasse de thé a refroidi,
les volutes de fumée se sont rétrécies.
Les lucioles restent à la surface des ténèbres.
Je les aperçois par la fenêtre de ma chambre.
Parfois, j’ai l’impression qu’elles traversent la vitre,
qu’elles me parlent, fendant la toile trouée du ciel,
la parsemant de milliers d’étoiles blondes.
Tandis que s’éloigne l’ombre de la lune,
les lucioles me chuchotent
des comptines oubliées
dans le silence écroué du soir.
Dans cette nuit fauve, je compte les moutons
qui défilent dans ma tête : un, deux, trois
jusqu’à ce que mon esprit s’embrouille,
ne sachant plus faire la différence
entre le passé, le présent, le futur,
entre le jour bleu ou bien la nuit infinie
entre la tessiture du chant de l’oiseau
et celle d’une fourmi.
Je compte les moutons
jusqu’à ce que le marchand de sable
vienne alourdir mes yeux, jeter des grains de sable
sur mes paupières de chair perméables à la nuit,
jusqu’à ce qu’enfin, dans la nuit froide,
je tombe dans les bras infinis de Morphée.
il y a 9 mois
André Chénier
@andreChenier
Les colombes Deux belles s’étaient baisées… Le poëte-berger, témoin jaloux de leurs caresses, chante ainsi :
« Que les deux beaux oiseaux, les colombes fidèles,
Se baisent. Pour s’aimer les dieux les firent belles.
Sous leur tête mobile, un cou blanc, délicat,
Se plie, et de la neige effacerait l’éclat.
Leur voix est pure et tendre, et leur âme innocente.
Leurs yeux doux et sereins, leur bouche caressante.
L’une a dit à sa sœur : « Ma sœur, . . . . . . . .
En un tel lieu croissent l’orge et le millet…
L’autour et l’oiseleur, ennemis de nos jours,
De ce réduit, peut-être, ignorent les détours ;
Viens…
Je te choisirai moi-même les graines que tu aimes, et mon bec s’entrelacera dans le tien. »
………………..
L’autre a dit à sa sœur : « Ma sœur, une fontaine
Coule dans ce bosquet……….
L’oie ni le canard n’en ont jamais souillé les eaux, ni leurs cris… Viens, nous y trouverons une boisson pure, et nous y baignerons notre tête et nos ailes, et mon bec ira polir ton plumage. » — Elles vont, elles se promènent en roucoulant au bord de l’eau ; elles boivent, se baignent, mangent ; puis, sur un rameau, leurs becs s’entrelacent ; elles se polissent leur plumage l’une à l’autre.
Le voyageur, passant en ces fraîches campagnes,
Dit : « Oh ! les beaux oiseaux ! oh ! les belles compagnes ! »
Il s’arrêta longtemps à contempler leurs jeux ;
Puis, reprenant sa route et les suivant des yeux,
Dit : « Baisez-vous, baisez-vous, colombes innocentes !
Vos cœurs sont doux et purs, et vos voix caressantes ;
Sous votre aimable tête, un cou blanc, délicat,
Se plie, et de la neige effacerait l’éclat. »
il y a 9 mois
A
André Lemoyne
@andreLemoyne
Paix aux morts Vous qui dormiez en paix dans le sein de la terre,
Au vaste champ des morts, heureux d'être oubliés,
On fouille vos cercueils dans leur profond mystère :
Les secrets de vos cœurs vont être publiés.
Aux siècles finissants grouille une race impie
D'ignorants vaniteux, de plats écrivailleurs
Dont le cerveau débile est à court de copie
Et formant un concert de funèbres railleurs.
Il ne leur suffit pas, même à bris de clôtures,
En pénétrant chez eux, d'insulter aux vivants ;
Ils opèrent de nuit le viol des sépultures,
Pour en jeter la cendre éparse à tous les vents.
Un commerce honteux, c'est de battre monnaie
En remuant au jour de poudreux ossements,
Pauvres débris humains qu'on traîne sur la claie,
Suivis par de hideux et froids ricanements.
Laissons les morts en paix dans la terre profonde :
Ils ont eu comme nous de bons et mauvais jours ;
Et ne réveillons pas tous les échos du monde
Au navrant souvenir de leurs tristes amours.
il y a 9 mois
Arthur Rimbaud
@arthurRimbaud
Entends comme brame Entends comme brame
près des acacias
en avril la rame
viride du pois !
Dans sa vapeur nette,
vers Phoebé ! tu vois
s’agiter la tête
de saints d’autrefois…
Loin des claires meules
des caps, des beaux toits,
ces chers Anciens veulent
ce philtre sournois…
Or ni fériale
ni astrale ! n’est
la brume qu’exhale
ce nocturne effet.
Néanmoins ils restent,
– Sicile, Allemagne,
dans ce brouillard triste
et blêmi, justement !
il y a 9 mois
Arthur Rimbaud
@arthurRimbaud
L’éclatante victoire de Sarrebrück Remportée aux cris de Vive l’Empereur !
(Gravure belge brillamment coloriée, se vend à Charleroi, 35 centimes.)
Au milieu, l’Empereur, dans une apothéose
Bleue et jaune, s’en va, raide, sur son dada
Flamboyant ; très heureux, ? car il voit tout en rose,
Féroce comme Zeus et doux comme un papa ;
En bas, les bons Pioupious qui faisaient la sieste
Près des tambours dorés et des rouges canons,
Se lèvent gentiment. Pitou remet sa veste,
Et, tourné vers le Chef, s’étourdit de grands noms
À droite, Dumanet, appuyé sur la crosse
De son chassepot sent frémir sa nuque en brosse,
Et : « Vive l’Empereur !! » – Son voisin reste coi…
Un schako surgit, comme un soleil noir… – Au centre,
Boquillon, rouge et bleu, très naïf, sur son ventre
Se dresse, et, – présentant ses derrières « De quoi ?… »
Octobre 1870.
il y a 9 mois
A
Auguste Angellier
@augusteAngellier
La paix de l'hiver Dans l'horizon d'hiver, vaste, uniforme et vide,
Le ciel était d'azur, l'air paisible et limpide ;
La neige étincelait sur le sol et les arbres,
En cristaux infinis, plus blancs que ceux des marbres
Qui viennent d'être ouverts par le choc du marteau ;
Nul cri, nul bruit de vent, de ramure, ni d'eau.
Un immense silence avait rempli l'espace ;
Tout était suspendu ; tout ce qui vit et passe,
Bouge, chante, frémit, s'inquiète, désire,
Comme les mouvements aux veines du porphyre,
Semblait être fixé pour le repos final,
Dans un indestructible et lucide cristal,
Mais que tout était beau ! les forfaits de la vie,
Les douleurs dont jamais elle n'est assouvie,
Son exécrable jeu de poursuite et de crainte,
La rumeur de combat dont la terre est étreinte,
Tout le mauvais effort semblait être arrêté,
Sous ce ciel pur et froid comme l'éternité.
Dans ce puissant sommeil de neiges et de givre,
Mon cœur, lourd de chagrin, était surpris de vivre ;
Cette impassible paix, semblable à la sagesse
Du Monde, lui faisait sentir plus sa détresse,
Car seul il palpitait et pensait souffrir seul
Dans cet universel et glorieux linceul.
Et mon cœur, en songeant que crime et que souffrance
Sont les couleurs du fleuve obscur de l'existence,
Se dit : « La blanche Mort seule est pure et sereine !
Sera-t-elle jamais la pitoyable reine
D'un univers soustrait aux jours et aux instants ?
Quand se terminera l'angoisse des printemps ? »
Mais, par dessus le front blême d'une colline,
Dans la clarté de l'air, si froide et cristalline
Que des pleurs n'auraient pu naître en sa sécheresse,
Montant comme un présage et comme une promesse,
Et s'emparant du ciel par son éclat accru,
Le grand globe gelé de la lune apparut !
il y a 9 mois
S
Sadek Belhamissi
@sadekBelhamissi
Belle colombe D’un fol amour passionné, la vie entière, assuré
Soudain surpris par ma dulcinée et la réalité amère,
Bonheur, tendresse, amour sublime, effacés.
Larmes et sombres jours, adieu blanche lumière.
.
Majestueuse, je ne peux ta beauté sublime oublier,
Ni tes yeux bleus, de fraîches vagues, le souvenir
Combien de fois nous ont vus amoureux enlacés
L’eau joyeusement submergée par nos fous-rires.
.
A vie fusionnés, nos âmes nos cœurs amants pourtant,
Tu étais jolie fleur toute ma fortune mon si doux trésor,
Sans toi bien malheureux, blessé pour très longtemps,
Qu’ai-je fait ma douceur, dis-le moi pour mériter ce sort ?
.
Un jour, ton gracieux envol tu as décidé prendre
Seule, belle colombe pure qui me faisait rêver.
Que d’amour ! N’arrêtant pas de me surprendre,
Quel cauchemar, lors sans raison, tu m’as quitté.
.
Belhamissi Sadek 18.08.2017
.
Ce poème traite de la paix qui a abandonné l’humanité à son sort .
L a colombe étant le symbole de la paix.
D’apparence romantique il traite de tous les malheurs qui frappent
et endeuillent partout l’humanité à un rythmé effréné .
il y a 9 mois
Charles Baudelaire
@charlesBaudelaire
Le calumet de paix Imité de
Longjellow
Or
Gitche
Manito, le
Maître de la
Vie,
Le
Puissant, descendit dans la verte prairie,
Dans l'immense prairie aux coteaux montueux;
Et là, sur les rochers de la
Rouge
Carrière,
Dominant tout l'espace et baigné de lumière,
Il se tenait debout, vaste et majestueux.
Alors il convoqua les peuples innombrables,
Plus nombreux que ne sont les herbes et les sables.
Avec sa main terrible il rompit un morceau
Du rocher, dont il fit une pipe superbe,
Puis, au bord du ruisseau, dans une énorme gerbe,
Pour s'en faire un tuyau, choisit un long roseau.
Pour la bourrer il prit au saule son écorce;
Et lui, le
Tout-Puissant,
Créateur de la
Force,
Debout, il alluma, connue un divin fanal,
La
Pipe de la
Paix.
Debout sur la
Carrière
Il fumait, droit, superbe et baigné de lumière.
Or pour les nations c'était le grand signal.
Et lentement montait la divine fumée
Dans l'air doux du matin, onduleuse, embaumée.
Et d'abord ce ne fut qu'un sillon ténébreux;
Puis la vapeur se fit plus bleue et plus épaisse,
Puis blanchit; et montant, et grossissant sans cesse,
Elle alla se briser au dur plafond des cieux.
Des plus lointains sommets des
Montagnes
Rocheuses,
Depuis les lacs du
Nord aux ondes tapageuses,
Depuis
Tawasentha, le vallon «ans pareil,
Jusqu'à
Tuscaloosa, la forêt parfumée,
Tous virent le signal et l'immense fumée
Montant paisiblement dans le matin vermeil.
Les
Prophètes disaient : «
Voyez-vous cette bande
De vapeur, qui, semblable à la main qui commande,
Oscille et se détache en noir sur le soleil?
C'est
Gitche
Manito, le
Maître de la
Vie,
Qui dit aux quatre coins de l'immense prairie :
Je vous convoque tous, guerriers, à mon conseil ! »
Par le chemin des eaux, par la route des plaines,
Par les quatre côtés d'où soufflent les haleines
Du vent, tous les guerriers de chaque tribu, tous,
Comprenant le signal du nuage qui bouge,
Vinrent docilement à la
Carrière
Rouge
Où
Gitche
Manito leur donnait rendez-vous.
Les guerriers se tenaient sur la verte prairie,
Tous équipés en guerre, et la mine aguerrie,
Bariolés ainsi qu'un feuillage automnal;
Et la haine qui fait combattre tous les êtres,
La haine qui brûlait les yeux de leurs ancêtres
Incendiait encor leurs yeux d'un feu fatal.
Et leurs yeux étaient pleins de haine héréditaire.
Or
Gitche
Manito, le
Maître de la
Terre,
Les considérait tous avec compassion,
Comme un père très-bon, ennemi du désordre,
Qui voit ses chers petits batailler et se mordre.
Tel
Gitche
Manito pour toute nation.
Il étendit sur eux sa puissante main droite
Pour subjuguer leur cœur et leur nature étroite,
Pour rafraîchir leur fièvre à l'ombre de sa main;
Puis il leur dit avec sa voix majestueuse,
Comparable à la voix d'une eau tumultueuse
Oui tombe et rend un son monstrueux, surhumain :
II
«
O ma postérité, déplorable et chérie! 0 mes fils! écoutez la divine raison
C'est
Gitche
Manito, le
Maître de la
Vie,
Qui vous parle ! celui qui dans votre patrie
A mis l'ours, le castor, le renne et le bison.
Je vous ai fait la chasse et la pêche faciles;
Pourquoi donc le chasseur devient-il assassin?
Le marais fut par moi peuplé de volatiles;
Pourquoi n'êtes-vous pas contents, fils indociles?
Pourquoi l'homme fait-il la chasse à son voisin?
Je suis vraiment bien las de vos horribles guerres.
Vos prières, vos vœux mêmes sont des forfaits !
Le péril est pour vous dans vos humeurs contraires
Et c'est dans l'union qu'est votre force.
En frères
Vivez donc, et sachez vous maintenir en paix.
Bientôt vous recevrez de ma main un
Prophète
Qui viendra vous instruire et souffrir avec vous.
Sa parole fera de la vie une fête;
Mais si vous méprisez sa sagesse parfaite,
Pauvres enfants maudits, vous disparaîtrez tous !
Effacez dans les flots vos couleurs meurtrières.
Les roseaux sont nombreux et le roc est épais;
Chacun en peut tirer sa pipe.
Plus de guerres,
Plus de sang!
Désormais vivez comme des frères,
Et tous, unis, fumez le
Calumet de
Paix ! »
III
Et soudain tous, jetant leurs armes sur la terre,
Lavent dans le ruisseau les couleurs de la guerre
Qui luisaient sur leurs fronts cruels et triomphants.
Chacun creuse une pipe et cueille sur la rive
Un long roseau qu'avec adresse il enjolive.
Et l'Esprit souriait à ses pauvres enfants!
Chacun s'en retourna l'âme calme et ravie,
Et
Gitche
Manito, le
Maître de la
Vie,
Remonta par la porte entr'ouverte de» cieux. —
A travers la vapeur splendide du nuage
Le
Tout-Puissant montait, content de son ouvra
Immense, parfumé, sublime, radieux!
il y a 9 mois
C
Chloe Douglas
@chloeDouglas
Autour du feu invisible Ce jour là,
Il faisait froid,
Un froid glacial,
Un froid à mourir,
Le soldat
ne sentait rien.
Un cri silencieux
au ralenti.
Son arme lourde,
un lourd engourdi.
Une bouche crevassée
et un goût trop sec.
Le blanc de la terre
jusqu’à l’horizon.
Une douleur sans fin
et sans raison.
Partout déchets de corps,
et du sang mélangé.
Parmi ce ravage,
En duo chantent
une cornemuse et une voix,
illuminées,
par un feu invisible.
Silhouettes d’homme
s’approchent de la musique
Comme des étincelles de feu
dans une neige gelée,
Cet instant unique
dans l’histoire du monde.
Hommes réchauffés
pour survivre une journée.
Courageuse et inspirée,
Cette harmonie des ennemis.
il y a 9 mois
C
Chloe Douglas
@chloeDouglas
Travail bienheureux Je choisis
la marche en arrière
pour arriver au sommet
de mes pensées.
Pour ce moment de liberté,
Je grimperais trois fois,
et chaque fois
d’un différent coté.
Je n’ai besoin
de luxes
pour me sentir
satisfaite.
Seulement
le travail
que je dois faire dans ma tête
me donne des espoirs.
Et qu’importe la sueur
pour comprendre
que j’existe
dans ce monde éphémère.
je n’ai pas besoin de gloire,
aucune jalousie,
tout est possible
dans mon esprit libre.
L’union humaine
est une merveille,
avec du travail devient
le miel de l’abeille.
il y a 9 mois
Clément Marot
@clementMarot
De la paix traitée a Cambrai par trois princesses Dessus la terre on voit les trois
Déesses,
Non pas les trois qui après grands liesses
Mirent au monde âpre guerre et discord :
Ces trois ici avec paix et accord
Rompent de
Mars les cruelles rudesses.
Par ces trois-là, entre tourbes et presses,
La pomme d'or causa grandes oppresses :
Par ces trois-ci l'olive croît et sort
Dessus la terre.
S'elle fleurit, sont divines largesses ;
S'elle flétrit, sont humaines sagesses :
Et en viendra (si l'arbre est bon et fort)
Gloire à
Dieu seul, aux humains réconfort,
Amour de peuple aux trois grandes
Princesses
Dessus la terre.
il y a 9 mois
Clément Marot
@clementMarot
De paix et de victoire Quel haut souhait, quel bienheuré désir
Ferai-je, las, pour mon deuil qui empire ?
Souhaiterai-je avoir
Dame à plaisir ?
Désirerai-je un règne ou un empire ?
Nenni (pour vrai) car celui qui n'aspire
Qu'à son seul bien, trop se peut dévoyer.
Pour chacun donc à soûlas convoyer,
Souhaiter veux chose plus méritoire :
C'est que
Dieu veuille en bref nous envoyer
Heureuse
Paix ou triomphant
Victoire.
Famine vient
Labeur aux champs saisir.
Le bras au chef soudaine
Mort désire.
Sous terre vois gentilshommes gésir,
Dont mainte dame en regrettant soupire.
Clameurs en fait ma bouche qui respire,
Mon triste cœur l'œil en fait larmoyer,
Mon faible sens ne peut plus rimoyer
Fors en dolente et pitoyable histoire.
Mais
Bon
Espoir me promet pour loyer
Heureuse
Paix ou triomphant
Victoire.
Ma plume lors aura cause et loisir
Pour du loyer quelque beau lai écrire.
Bon
Temps adonc viendra
France choisir,
Labeur alors changera pleurs en rire.
O que ces mots sont faciles à dire !
Ne sais si
Dieu les voudra employer.
Cœurs endurcis (las) il vous faut ployer.
Amende-toi, ô règne transitoire,
Car tes péchés pourraient bien fourvoyer
Heureuse
Paix ou triomphant
Victoire.
ENVOI
Prince
Français, fais
Discorde noyer.
Prince
Espagnol, cesse de guerroyer.
Prince aux
Anglais, garde ton territoire.
Prince du
Ciel, veuille à
France octroyer
Heureuse
Paix ou triomphant
Victoire.
il y a 9 mois
C
Cécile Sauvage
@cecileSauvage
Quelle molle inexistence Quelle molle inexistence
Descend en pâle lueur
De ce bouleau qui balance
Sa ramure de fraîcheur.
Cette fraîcheur endormie
De lumière verte et calme
A la rêveuse harmonie
Et le silence de l’âme.
il y a 9 mois
D
David Bunel
@davidBunel
Je répète Un soleil noir règne sur l'Occident, son sang figé étend son ombre sans foi
je répète : cent fois les oliviers se sont couchés et la colombe est pétrifiée .
Sombre incandescence règne sur l'Orient, les fleuves sont de sang, trop de foi
je répète : trop de fois les oliviers ont brûlé et la colombe est mortifiée .
il y a 9 mois
D
Dominique Bernier
@dominiqueBernier
Espoir de tendresse Depuis sa tendre jeunesse,
Le cœur noyé dans l’écume
Blanche, suave et épaisse
Elle avance dans sa brume.
Ses yeux rivés sur la mer,
Le regard sombre et enfoui,
Aux passés durs et amers
Elle ressasse jour et nuit
Son histoire lointaine,
L’histoire de sa jeunesse
Qui décuple ses peines
Et ignore toute tendresse.
il y a 9 mois
E
Eleni Cay
@eleniCay
Les temples des pensées intactes Fatiguée, je suis fatiguée.
Blasée de textes, de sons, de mots.
Comme pour me droguer je vais me connecter sur internet.
M’emmêler un instant dans mes filets, c’est tout ce que je souhaite…
Alors permets-moi de raccrocher un instant,
permets-moi de me perdre sur l’écran.
C’est dans une ville où l’air est suffoquant
que je voudrais laisser se reposer un souvenir vivant.
Autrefois, j’allais en chercher dans le vide des églises.
Dans le silence, sans sonneries, sans écrans.
Aux yeux rafraîchis, mon âme résista à l’appel
d’autres slogans.
Aujourd’hui, je cherche en vain une cachette pour y déposer mes expériences fânées.
De la pression, on me met, de tous les côtés – il te faut enregistrer, écrire, filmer…
Tu navigues à bord de petits bâteaux ronds dans des eaux claires
en prenant le cap de tes pensées cachées au fond d’un palais royal.
Quand tu entres dans un temple pour être originale,
il faut encore que tu sois accompagnée de quelqu’un.
L’inspiration ondule avec innocence
en allant de toi en moi.
J’ai trouvé la paix, je me suis trouvée moi-même
comme sur une surface, celle de la mer.
Eleni Cay, Frémissements d’un papillon en ère numérique, 2015
il y a 9 mois
F
Francis Etienne Sicard
@francisEtienneSicard
Crépusculaire songe Saupoudré de safran, le soleil de la baie
Croque sous l’horizon la mer comme un biscuit,
Et sème à coup de dé de la pulpe de fruit
Dont la saveur sablée ourle l’oliveraie.
Les topazes du soir que dévore l’ivraie
Lancent leurs premiers feux sur l’ombre de la nuit
D’où s’envole un oiseau, sans visage et sans bruit,
Entre les murs du parc et de la palmeraie.
Une odalisque nue attachée au sultan
Cueille dans le jardin des roses et des lys
Dont le musc enivrant charme un vieux chambellan.
Sur un coussin de soie alors s’évanouit,
Au précieux souvenir d’un bel oaristys,
Le soupir d’un pacha que la paix éblouit.
il y a 9 mois
F
Francis Etienne Sicard
@francisEtienneSicard
Onguent d’organdi A la rouille du soir une plume de sang
Retouche l’horizon d’une ride de soie,
Qu’une ombre de sépia saupoudre de sa joie,
Près d’un port dilué dans le fard d’un étang.
Des nuages gantés d’une peau de mustang,
Piaffent le long des rocs où la lumière aboie
D’un dernier cri badin qu’une lune d’or noie
Dans un bassin d’argent, sous la dent d’un écang.
D’une bulle de menthe à la saveur d’orange,
Naît l’ivresse des nuits que la pulpe d’un ange
Distille dans la mer comme un philtre envoutant.
Le paradis déploie une ombrelle en dentelle
Et la moire du ciel s’ourle d’un diamant
Dont l’éclat brille alors d’une paix éternelle.
il y a 9 mois
Francis Jammes
@francisJammes
La paix est dans le bois... La paix est dans le bois silencieux et sur les feuilles en sabre qui coupent l'eau qui coule, l'eau reflète, comme en un sommeil, l'azur pur qui se pose à la pointe dorée des
mousses.
Je me suis assis au pied d'un chêne noir
et j'ai laissé tomber ma pensée.
Une grive
se posait haut.
C'était tout.
Et la vie,
dans ce silence, était magnifique, tendre et grave.
Pendant que ma chienne et mon chien fixaient une mouche qui volait et qu'ils auraient voulu happer, je faisais moins de cas de ma douleur et laissais la résignation calmer tristement mon
âme.
il y a 9 mois
François Villon
@francoisVillon
Ballade de bon conseil Hommes faillis, bertaudés de raison,
Dénaturés et hors de connoissance,
Démis du sens, comblés de déraison,
Fous abusés, pleins de déconnoissance,
Qui procurez contre votre naissance,
Vous soumettant à détestable mort
Par lâcheté, las ! que ne vous remord
L’horribleté qui à honte vous mène ?
Voyez comment maint jeunes homs est mort
Par offenser et prendre autrui demaine.
Chacun en soi voie sa méprison,
Ne nous vengeons, prenons en patience ;
Nous connoissons que ce monde est prison
Aux vertueux franchis d’impatience ;
Battre, rouiller pour ce n’est pas science,
Tollir, ravir, piller, meurtrir à tort.
De Dieu ne chaut, trop de verté se tort
Qui en tels faits sa jeunesse démène,
Dont à la fin ses poings doloreux tord
Par offenser et prendre autrui demaine.
Que vaut piper, flatter, rire en traison,
Quêter, mentir, affirmer sans fiance,
Farcer, tromper, artifier poison,
Vivre en péché, dormir en défiance
De son prouchain sans avoir confiance ?
Pour ce conclus : de bien faisons effort,
Reprenons coeur, ayons en Dieu confort,
Nous n’avons jour certain en la semaine ;
De nos maux ont nos parents le ressort
Par offenser et prendre autrui demaine.
Vivons en paix, exterminons discord ;
Ieunes et vieux, soyons tous d’un accord :
La loi le veut, l’apôtre le ramène
Licitement en l’épître romaine ;
Ordre nous faut, état ou aucun port.
Notons ces points ; ne laissons le vrai port
Par offenser et prendre autrui demaine.
il y a 9 mois
G
Gaston Couté
@gastonCoute
La paix Des gâteux qu’on dit immortels,
Des louftingues en redingote
L’adorent au pied des autels
De leur ligue de patriotes :
Des écrivassiers de mon cul
En touchants mélos d’ambigu
Ou romances pour maisons closes
Nous chantent cette horrible chose :
La Guerre !
Oui mais, si nous avions la guerre,
Devant le feu, qui donc filerait comme un pet ?
Voyons les cabots de la guerre,
Foutez-nous la Paix ! .
Notre faux n’abat plus moisson
Sous nos marteaux plus rien ne vibre
Et nos coeurs gardent la chanson
Que lance au vent tout homme libre
Car nos mains dociles ont pris
Les divers outils de carnage
Pour au même plus bas prix
Même sale et stupide ouvrage
Un sou par jour !
Ohé ! Sur tout le chantier de la guerre
C’est pour un sou que l’on tuerait son frère
Un sou par jour ! …
En grève, en grève !… en grève et pour toujours.
il y a 9 mois
Germain Nouveau
@germainNouveau
Aux saints Si, tous les matins de nos fêtes,
Nous chantions tous avec amour
Sur les harpes des saints prophètes
Nos prières qui sont parfaites,
Je ne serais pas dans la cour.
Si nous récitions nos prières
Dans le crépuscule du soir
Avec des lèvres régulières,
Avant d’allumer les lumières,
Je ne serais pas au chauffoir.
Si les yeux remplis de beaux songes,
Nous demandions, quand vient le jour,
Au ciel qui voit tous nos mensonges
L’humble foi du pêcheur d’éponges,
Je ne serais pas dans la cour.
Et quand la lampe s’est éteinte,
Si nous sentions sur nos lits noirs
La caresse d’une aile sainte,
Attendant que l’Angelus tinte,
Je ne serais pas au dortoir.
Si l’homme s’oubliait lui-même
Pour ses frères, comme un retour
Des bienfaits du Seigneur qui l’aime,
Qui le marque de son Saint-Chrême,
Je ne serais pas dans la cour ;
Et si nous, les fous de Bicêtre,
Nous avions fait notre devoir,
Le devoir dicté par son prêtre,
Nous serions au parloir peut-être,
Ce ne serait pas ce parloir.
Sans le diable qui nous malmène,
Nul, avec les yeux de son corps,
N’aurait vu ma figure humaine
Dans la cour où je me promène
Et dans le dortoir où je dors.
(Poème écrit à Bicêtre)
il y a 9 mois
Guillaume Apollinaire
@guillaumeApollinaire
C’est l’hiver C’est l’hiver et déjà j’ai revu des bourgeons
Aux figuiers dans les clos Mon amour nous bougeons
Vers la paix ce printemps de la guerre où nous sommes
Nous sommes bien Là-bas entends le cri des hommes
Un marin japonais se gratte l’œil gauche avec l’orteil droit
Sur le chemin de l’exil voici des fils de rois
Mon cœur tourne autour de toi comme un kolo où dansent quelques jeunes soldats serbes auprès d’une pucelle endormie
Le fantassin blond fait la chasse aux morpions sous la pluie
Un belge interné dans les Pays-Bas lit un journal où il est question de moi
Sur la digue une reine regarde le champ de bataille avec effroi
L’ambulancier ferme les yeux devant l’horrible blessure
Le sonneur voit le beffroi tomber comme une poire trop mûre
Le capitaine anglais dont le vaisseau coule tire une dernière pipe d’opium
Ils crient Cri vers le printemps de paix qui va venir Entends le cri des hommes
Mais mon cri va vers toi mon Lou tu es ma paix et mon printemps
Tu es ma Lou chérie le bonheur que j’attends
C’est pour notre bonheur que je me prépare à la mort
C’est pour notre bonheur que dans la vie j’espère encore
C’est pour notre bonheur que luttent les armées
Que l’on pointe au miroir sur l’infanterie décimée
Que passent les obus comme des étoiles filantes
Que vont les prisonniers en troupes dolentes
Et que mon cœur ne bat que pour toi ma chérie
Mon amour ô mon Loup mon art et mon artillerie
Nîmes, le 17 janvier 1915
il y a 9 mois
Guillaume Apollinaire
@guillaumeApollinaire
Le musicien de Saint-Merry J’ai enfin le droit de saluer des êtres que je ne connais pas
Ils passent devant moi et s’accumulent au loin
Tandis que tout ce que j’en vois m’est inconnu
Et leur espoir n’est pas moins fort que le mien
Je ne chante pas ce monde ni les autres astres
Je chante toutes les possibilités de moi-même hors de ce monde et des astres
Je chante le joie d’errer et le plaisir d’en mourir
Le 21 du mois de mai 1913
Passeur des morts et les mordonnantes mériennes
Des millions de mouches éventaient une splendeur
Quand un homme sans yeux sans nez et sans oreilles
Quittant le Sébasto entra dans la rue Aubry-le-Boucher
Jeune l’homme était brun et de couleur de fraise sur les joues
Homme Ah! Ariane
Il jouait de la flûte et la musique dirigeait ses pas
Il s’arrêta au coin de la rue Saint-Martin
Jouant l’air que je chante et que j’ai inventé
Les femmes qui passaient s’arrêtaient près de lui
Il en venait de toutes parts
Lorsque tout à coup les cloches de Saint-Merry se mirent à sonner
Le musicien cessa de jouer et but à la fontaine
Qui se trouve au coin de la rue Simon-Le-Franc
Puis saint-Merry se tut
L’inconnu reprit son air de flûte
Et revenant sur ses pas marcha jusqu’à la rue de la Verrerie
Où il entra suivi par la troupe des femmes
Qui sortaient des maisons
Qui venaient par les rues traversières les yeux fous
Les mains tendues vers le mélodieux ravisseur
Il s’en allait indifférent jouant son air
Il s’en allait terriblement
Puis ailleurs
À quelle heure un train partira-t-il pour Paris
À ce moment
Les pigeons des Moluques fientaient des noix muscades
En même temps
Mission catholique de Bôma qu’as-tu fait du sculpteur
Ailleurs
Elle traverse un pont qui relie Bonn à Beuel et disparait à travers Pützchen
Au même instant
Une jeune fille amoureuse du maire
Dans un autre quartier
Rivalise donc poète avec les étiquettes des parfumeurs
En somme ô rieurs vous n’avez pas tiré grand-chose des hommes
Et à peine avez-vous extrait un peu de graisse de leur misère
Mais nous qui mourons de vivre loin l’un de l’autre
Tendons nos bras et sur ces rails roule un long train de marchandises
Tu pleurais assise près de moi au fond d’un fiacre
Et maintenant
Tu me ressembles tu me ressembles malheureusement
Nous nous ressemblons comme dans l’architecture du siècle dernier
Ces hautes cheminées pareilles à des tours
Nous allons plus haut maintenant et ne touchons plus le sol
Et tandis que le monde vivait et variait
Le cortège des femmes long comme un jour sans pain
Suivait dans la rue de la Verrerie l’heureux musicien
Cortèges ô cortèges
C’est quand jadis le roi s’en allait à Vincennes
Quand les ambassadeurs arrivaient à Paris
Quand le maigre Suger se hâtait vers la Seine
Quand l’émeute mourait autour de Saint-Merry
Cortèges ô cortèges
Les femmes débordaient tant leur nombres était grand
Dans toutes les rues avoisinantes
Et se hâtaient raides comme balle
Afin de suivre le musicien
Ah! Ariane et toi Pâquette et toi Amine
Et toi Mia et toi Simone et toi Mavise
Et toi Colette et toi la belle Geneviève
Elles ont passé tremblantes et vaines
Et leurs pas légers et prestes se mouvaient selon la cadence
De la musique pastorale qui guidait
Leurs oreilles avides
L’inconnu s’arrêta un moment devant une maison à vendre
Maison abandonnée
Aux vitres brisées
C’est un logis du seizième siècle
La cour sert de remise à des voitures de livraisons
C’est là qu’entra le musicien
Sa musique qui s’éloignait devint langoureuse
Les femmes le suivirent dans la maison abandonnée
Et toutes y entrèrent confondues en bande
Toutes toutes y entrèrent sans regarder derrière elles
Sans regretter ce qu’elles ont laissé
Ce qu’elles ont abandonné
Sans regretter le jour la vie et la mémoire
Il ne resta bientôt plus personne dans la rue de la Verrerie
Sinon moi-même et un prêtre de saint-Merry
Nous entrâmes dans la vieille maison
Mais nous n’y trouvâmes personne
Voici le soir
À Saint-Merry c’est l’Angélus qui sonne
Cortèges ô cortèges
C’est quand jadis le roi revenait de Vincennes
Il vint une troupe de casquettiers
Il vint des marchands de bananes
Il vint des soldats de la garde républicaine
O nuit
Troupeau de regards langoureux des femmes
O nuit
Toi ma douleur et mon attente vaine
J’entends mourir le son d’une flûte lointaine
il y a 9 mois
Guillaume Apollinaire
@guillaumeApollinaire
Le vigneron champenois Le régiment arrive
Le village est presque endormi dans la lumière parfumée
Un prêtre a le casque en tête
La bouteille champenoise est-elle ou non une artillerie
Les ceps de vigne comme l’hermine sur un écu
Bonjour soldats
Je les ai vus passer et repasser en courant
Bonjour soldats bouteilles champenoises où le sang fermente
Vous resterez quelques jours et puis remonterez en ligne
Échelonnés ainsi que sont les ceps de vigne
J’envoie mes bouteilles partout comme les obus d’une
charmante artillerie
La nuit est blonde ô vin blond
Un vigneron chantait courbé dans sa vigne
Un vigneron sans bouche au fond de l’horizon
Un vigneron qui était lui-même la bouteille vivante
Un vigneron qui sait ce qu’est la guerre
Un vigneron champenois qui est un artilleur
C’est maintenant le soir et l’on joue à la mouche
Puis les soldats s’en iront là-haut
Où l’Artillerie débouche ses bouteilles crémantes
Allons Adieu messieurs tâchez de revenir
Mais nul ne sait ce qui peut advenir
il y a 9 mois
H
Henri Michaux
@henriMichaux
La paix des sabres Sur le trajet d'une interminable vie de cahots et de coups, je rencontrai une grande paix.
Après des traverses et des revers, et encore en pleine défaite, je la rencontrai et plutôt elle était trop grande que pas assez.
Même une feuille dans une atmosphère parfaitement calme de fin d'après-midi bougeait à l'excès pour moi.
Le roc lui-même n'était pas solide à suffisance.
Par les passages sur lui de la lumière et de l'ombre, fâcheusement il se relâchait de la dureté intransigeante dont je caparaçonnais la nature entière.
Immobilité!
Immobilité!
Immobilité!
Tel était mon seul commandement.
Les vivants ne trouvaient pas grâce.
Loin de là.
C'étaient eux que je me sentais le plus impérieux besoin de fixer à jamais imperturbés.
Les lardant de sabres, de cimeterres, de rapières, je ne m'arrêtais pas avant que,
inflexibles, tout en lames, ils ne s'arrêtassent eux-mêmes.
Toute faiblesse résorbée, farouches, indici-blement farouches, ils entraient enfin dans une éternité qui ne pouvait plus rien contre eux.