Veillée d'avril Il doit être minuit. Minuit moins cinq. On dort.
Chacun cueille sa fleur au vert jardin des rêves,
Et moi, las de subir mes vieux remords sans trêves,
Je tords mon cœur pour qu'il s'égoutte en rimes d'or.
Et voilà qu'à songer me revient un accord,
Un air bête d'antan, et sans bruit tu te lèves
Ô menuet, toujours plus gai, des heures brèves
Où j'étais simple et pur, et doux, croyant encor.
Et j'ai posé ma plume. Et je fouille ma vie
D'innocence et d'amour pour jamais défleurie,
Et je reste longtemps, sur ma page accoudé,
Perdu dans le pourquoi des choses de la terre,
Ecoutant vaguement dans la nuit solitaire
Le roulement impur d'un vieux fiacre attardé.
il y a 9 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Cybèle Gourmandise du bleu
ton corps rongé
Ne demeure que peu
de ta stabilité
Peau de chagrin
tu es pour les uns
écrin
de pluies nourricières
pour les autres
incandescent
refrain
Selon les humeurs
du vent
sereine
ou violents soubresauts
de ta chevelure répandue
sous le ciel indifférent
il y a 9 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Osmose L’eau m’a prêté
sa transparence
et le ciel son illusion bleue
Les arbres m’ont appris
le silence
la pluie le vert des prairies
le soleil la tyrannie du feu
Les bêtes sages d’inconscience
dévisagent l’homme
monstre de science
Je suis l’une d’elle
Au printemps
l’herbe grasse de la vie
a un goût d’éternité
pour le ruminant d’un présent
perpétuel
il y a 9 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Printanière Elle coiffe avec le peigne radieux
du soleil
sa chevelure verte
et fleurie
d’où nait le chant
des oiseaux
Elle rit aux derniers frimas
et fait couler de nouveaux ruisseaux
pour nous dire
que rien ne dure
Elle dévoile les couleurs
et répand par poignées
l’essaim de leurs parfums
Malgré la ritournelle des saisons
notre Terre
aux robes légères
passante qui régénère
il y a 9 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Printemps Enfouie dans sa solitude
comme un cri de détresse
dans le noir sidéral
une chambre
dans une maison de retraite
Derrière les vitres
des yeux regardent
la nature renaissante
Bourgeon
la vieillesse éclôt
il y a 9 mois
Louis Aragon
@louisAragon
L'inconnue du printemps Les yeux rencontrés au coin d'un bazar
A quoi rêvaiem-ils ces grands yeux bizarres
Ah
Paris palpite après qu'il a plu
Plaira-t-il encore autant qu'il a plu
Dans l'eau du ruisseau des bouquets de fleurs
S'en vont effeuillant toutes les couleurs
Je verrai toujours la
Chaussée d'Antin
Ses trottoirs de
Parme au pied des putains
Les indifférents le soir et les voitures
Les voilettes d'ombre et les aventures
On faisait trois pas vers la
Trinité
Le temps d'hésiter on s'était quitté
Dans le brouhaha gare
Saint-Lazare
Pourquoi pleurent-il ces yeux de hasard
Ah
Paris
Paris tu ne chantes pas
Tu tournes la tête et traînes le pas
C'est l'heure du gaz et des imprudences
Les squares sont faits pour les confidences
C'est l'heure du gaz que n'allumes-tu
Que n'allumes-tu
Mais
Paris s'est tu
il y a 9 mois
Louis Aragon
@louisAragon
La naissance du Printemps Voici ses rubans et ses flammes
Ses mille petits cris ses gentils pépiements
Ses bigoudis ses fleurs ses hommes et ses femmes
Je lui fais de ses couleurs tous mes compliments
Dieu que de baisers fous sur l'appui des fenêtres
Nous n'avons pas fini de compter les baisers
Il y a des semaines entières sous les hêtres
Où chantent les pinsons au plumage frisé
Avril n'a pas toujours vécu sous les lambris
Il fut petit pâtissier puis compte-goutte
Il gagna son pain à la sueur de son front
De fil en aiguille il devint contrôleur des finances
Enfin par un soleil de tous les diables
Il tomba tout à coup amoureux
il y a 9 mois
L
Louis Bouilhet
@louisBouilhet
Mars Le printemps s’est hâté, mars en mai se déguise ;
Comme un hérisson fauve, il traîne le soleil
Qui lutte et fait trembler, au froid qui les aiguise,
Sur son dos frissonnant ses pointes de vermeil.
La brise a des chansons qui grelottent encore ;
Sous son capuchon rose enfermée à demi,
La fleur du marronnier regarde et veut éclore,
Puisque des pieds d’oiseaux sur sa branche ont frémi.
L’eau court, les liserons montent à l’escalade,
Et, de son blanc linceul secouant les lambeaux,
La nature sourit comme une enfant malade
Dont le front a gardé la pâleur des tombeaux.
Ô germes inquiets ! j’ai connu vos audaces,
J’ai voulu, comme vous, forcer le temps vainqueur,
Et, rêvant les blés mûrs dans la saison des glaces,
Sous le premier soleil épanouir mon cœur.
Alors, comme aujourd’hui, le vent chantait, les nues
Versaient un rayon d’or à mes éclosions ;
Tandis que tout gonflé de sèves inconnues
Bourgeonnait, dans mon sein, l’arbre des passions.
L’hiver est revenu, les feuilles sont brûlées,
Le sol glacé résonne à chacun de mes pas,
Et j’ai vu se flétrir, sous d’après giboulées,
Les saintes floraisons qui ne repoussent pas !
il y a 9 mois
Louis-Honoré Fréchette
@louisHonoreFrechette
Avril La neige fond partout ; plus de lourde avalanche.
Le soleil se prodigue en traits plus éclatants ;
La sève perce l'arbre en bourgeons palpitants
Qui feront sous les fruits, plus tard, plier la branche.
Un vent tiède succède aux farouches autans ;
L'hirondelle est absente encor ; mais en revanche
Des milliers d'oiseaux blancs couvrent la plaine blanche,
Et de leurs cris aigus rappellent le printemps.
Sous l'effluve fécond il faut que tout renaisse...
Avril c'est le réveil, avril c'est la jeunesse.
Mais quand la Poésie ajoute : mois des fleurs -
Il faut bien avouer - nous que trempe l'averse,
Qu'entraîne la débâcle, ou qu'un glaçon renverse -
Que les poètes sont d'aimables persifleurs.
il y a 9 mois
Léopold Sédar Senghor
@leopoldSedarSenghor
Chant de printemps III Je t’ai dit :
— Écoute le silence sous les colères flamboyantes
La voix de l’Afrique planant au-dessus de la rage des canons
longs
La voix de ton cœur de ton sang, écoute-la sous le délire
de ta tête de tes cris.
Est-ce sa faute si Dieu lui a demandé les prémices de ses
moissons
Les plus beaux épis et les plus beaux corps élus patiemment
parmi mille peuples ?
Est-ce sa faute si Dieu fait de ses fils les verges à châtier
la superbe des nations ?
Écoute sa voix bleue dans l’air lavé de haine, vois le sacri-
ficateur verser les libations au pied du tumulus.
Elle proclame le grand émoi qui fait trembler les corps aux
souffles chauds d’Avril
Elle proclame l’attente amoureuse du renouveau dans la
fièvre de ce printemps
La vie qui fait vagir deux enfants nouveau-nés au bord
d’un tombeau cave.
Elle dit ton baiser plus fort que la haine et la mort.
Je vois au fond de tes yeux troubles la lumière étale de l’Été
Je respire entre tes collines l’ivresse douce des moissons.
Ah ! cette rosée de lumière aux ailes frémissantes de tes
narines !
Et ta bouche est comme un bourgeon qui se gonfle au soleil
Et comme une rose couleur de vin vieux qui va s’épanouir
au chant de tes lèvres.
Écoute le message, mon amie sombre au talon rose.
J’entends ton cœur d’ambre qui germe dans le silence et
le Printemps.
il y a 9 mois
M
Marie Krysinska
@marieKrysinska
Ronde de printemps À Charles de Sivry
Dans le Parc, dans le Parc les glycines frissonnent,
Etirant leurs frêles bras –
Ainsi que de jeunes filles
Qui se réveillent d’un court sommeil
Après la nuit dansée au bal,
Les boucles de leurs cheveux
Tout en papillotes
Pour de prochaines fêtes –
Dans le Parc.
Dans les Prés, dans les Prés les marguerites blanches
S’endimanchent, et les coquelicots
Se pavanent dans leurs jupes
Savamment fripées,
Mais les oiseaux, un peu outrés,
Rient et se moquent des coquettes
Dans les Prés.
Dans les Bois, dans les Bois les ramures s’enlacent:
Voûte de Cathédrale aux Silences
Où le pas des Visions se fait pieux et furtif,
Parmi les poses adorantes des Hêtres
Et les blancs surplis des Bouleaux –
Sous les vitraux d’émeraude qui font
Cette lumière extatique –
Dans les Bois.
Dans l’Eau, dans l’Eau près de joncs somnolents
Tremblent les étoiles plues du soleil
Dans l’Eau,
Et la Belle tout en pleurs
Tombe parmi les joncs somnolents,
Et la Belle
Meurt parmi la torpeur lumineuse des flots:
La Belle Espérance
S’est noyée, et cela fait des ronds
Dans l’Eau.
18 mai 1889.
il y a 9 mois
M
Maurice Rollinat
@mauriceRollinat
Journée de printemps Ici, le rocher, l'arbre et l'eau
Font pour mon œil ce qu'il convoite.
Tout ce qui luit, tremble ou miroite,
Forme un miraculeux tableau.
Sur le murmure qui se ouate
Le rossignol file un solo :
L'écorce blanche du bouleau
Met du mystique dans l'air moite.
À la fois légère et touffue
La lumière danse à ma vue
Derrière l'écran du zéphyr ;
Je m'attarde, et le soir achève
Avec de l'ombre et du soupir
La félicité de mon rêve.
il y a 9 mois
M
Max Elskamp
@maxElskamp
Le matin Et la première est d’un matin
Dit tout en bleu, dit tout en blanc,
Et la première est d’un matin
Ici pour le commencement,
De paix d’abord, cloches sonnant,
Et Flandre étant – Vive la Rose –
Douce à chacun à sa façon,
Suivant son bien, suivant ses choses.
Or Mai mettant les fleurs en cause,
Et la première est d’un matin,
Or Mai mettant les fleurs en cause,
Et la première est d’un jardin,
Voici qu’il sent le romarin,
Et qu’on dirait – Vive la Vie –
Voici qu’il sent le romarin,
Et qu’on dirait qu’on se marie,
Et la première est d’un matin
Ainsi de paix et d’ornement,
Avec du pain, avec du vin,
Ici pour le commencement.
il y a 9 mois
N
Nérée Beauchemin
@nereeBeauchemin
Fleurs d'aurore Comme au printemps de l'autre année,
Au mois des fleurs, après les froids,
Par quelque belle matinée,
Nous irons encore sous bois.
Nous y verrons les mêmes choses,
Le même glorieux réveil,
Et les mêmes métamorphoses
De tout ce qui vit au soleil.
Nous y verrons les grands squelettes
Des arbres gris, ressusciter,
Et les yeux clos des violettes
À la lumière palpiter.
Sous le clair feuillage vert tendre,
Les tourterelles des buissons,
Ce jour-là, nous feront entendre
Leurs lentes et molles chansons.
Ensemble nous irons encore
Cueillir dans les prés, au matin,
De ces bouquets couleur d'aurore
Qui fleurent la rose et le thym.
Nous y boirons l'odeur subtile,
Les capiteux aromes blonds
Que, dans l'air tiède et pur, distille
La flore chaude des vallons.
Radieux, secouant le givre
Et les frimas de l'an dernier,
Nos chers espoirs pourront revivre
Au bon vieux soleil printanier.
En attendant que tout renaisse,
Que tout aime et revive un jour,
Laisse nos rêves, ô jeunesse,
S'envoler vers tes bois d'amour !
Chère idylle, tes primevères
Éclosent en toute saison ;
Elles narguent les froids sévères
Et percent la neige à foison.
Éternel renouveau, tes sèves
Montent même aux coeurs refroidis,
Et tes capiteuses fleurs brèves
Nous grisent comme au temps jadis.
Oh ! oui, nous cueillerons encore,
Aussi frais qu'à l'autre matin,
Ces beaux bouquets couleur d'aurore
Qui fleurent la rose et le thym.
il y a 9 mois
N
Nérée Beauchemin
@nereeBeauchemin
L’Avril boréal Est-ce l’avril ? Sur la colline
Rossignole une voix câline,
De l’aube au soir.
Est-ce le chant de la linotte ?
Est-ce une flûte ? est-ce la note
Du merle noir ?
Malgré la bruine et la grêle,
Le virtuose à la voix frêle
Chante toujours ;
Sur mille tons il recommence
La mélancolique romance
De ses amours.
Le chanteur, retour des Florides,
Du clair azur des ciels torrides
Se souvenant,
Dans les bras des hêtres en larmes
Dis ses regrets et ses alarmes
À tout venant.
Surpris dans son vol par la neige,
Il redoute encor le cortège
Des noirs autans ;
Et sa vocalise touchante
Soupire et jase, pleure et chante
En même temps.
Fuyez, nuages, giboulées,
Grêle, brouillards, âpres gelées,
Vent boréal !
Fuyez ! La nature t’implore,
Tardive et languissante aurore
De floréal.
Avec un ciel bleu d’améthyste,
Avec le charme vague et triste
Des bois déserts,
Un rythme nouveau s’harmonise.
Doux rossignol, ta plainte exquise
Charme les airs !
Parfois, de sa voix la plus claire,
L’oiseau, dont le chant s’accélère,
Égrène un tril :
Dans ce vif éclat d’allégresse,
C’est vous qu’il rappelle et qu’il presse,
Beaux jours d’avril.
Déjà collines et vallées
Ont vu se fondre aux soleillées
Neige et glaçons ;
Et, quand midi flambe, il s’élève
Des senteurs de gomme et de sève
Dans les buissons.
Quel souffle a mis ces teintes douces
Aux pointes des frileuses pousses ?
Quel sylphe peint
De ce charmant vert véronèse
Les jeunes bourgeons du mélèze
Et du sapin ?
Sous les haleines réchauffées
Qui nous apportent ces bouffées
D’air moite et doux,
Il nous semble que tout renaisse.
On sent comme un flot de jeunesse
Couler en nous.
Tout était mort dans les futaies ;
Voici, tout à coup, plein les haies,
Plein les sillons,
Du soleil, des oiseaux, des brises,
Plein le ciel, plein les forêts grises,
Plein les vallons.
Ce n’est plus une voix timide
Qui prélude dans l’air humide,
Sous les taillis ;
C’est une aubade universelle ;
On dirait que l’azur ruisselle
De gazouillis.
Devant ce renouveau des choses,
Je rêve des idylles roses ;
Je vous revois,
Prime saison, belles années,
De fleurs de rêve couronnées,
Comme autrefois.
Et, tandis que dans les clairières
Chuchotent les voix printanières,
Et moi j’entends
Rossignoler l’âme meurtrie,
La tant douce voix attendrie
De mes printemps.
il y a 9 mois
N
Nérée Beauchemin
@nereeBeauchemin
Perce-neige Radieuses apothéoses
Du soleil d’or et du ciel bleu,
Fraîche gloire des printemps roses,
Pourquoi donc durez-vous si peu ?
Pourquoi donc êtes-vous si brèves,
Aubes de l’enfance ? Beaux jours,
Si pleins d’aromes et de sèves,
Pourquoi donc êtes-vous si courts ?
Jeunesse, où sont-elles allées
Les hirondelles de jadis ?
Où sont les ailes envolées
De tes merveilleux paradis ?
Et vous, poétiques chimères,
Que dore un rayon d’idéal,
Blondes idylles éphémères,
N’auriez-vous qu’un seul floréal ?
Ô fleurs, vous n’êtes pas finies !
Les plus tristes de nos saisons
Auront encor des harmonies
Et des regains de floraisons.
La mortelle saison du givre
N’a pas tué toutes nos fleurs :
Nous pourrons encore revivre
Le passé, dans des jours meilleurs.
il y a 9 mois
Paul-Jean Toulet
@paulJeanToulet
Avril, dont l'odeur nous augure Avril, dont l'odeur nous augure
Le renaissant plaisir,
Tu découvres de mon désir
La secrète figure.
il y a 9 mois
Paul Verlaine
@paulVerlaine
Impression de printemps Il est des jours - avez-vous remarqué ? -
Où l'on se sent plus léger qu'un oiseau,
Plus jeune qu'un enfant, et, vrai ! plus gai
Que la même gaieté d'un damoiseau.
L'on se souvient sans bien se rappeler...
Évidemment l'on rêve, et non, pourtant.
L'on semble nager et l'on croirait voler.
L'on aime ardemment sans amour cependant
Tant est léger le coeur sous le ciel clair
Et tant l'on va, sûr de soi, plein de foi
Dans les autres, que l'on trompe avec l'air
D'être plutôt trompé gentiment, soi.
La vie est bonne et l'on voudrait mourir,
Bien que n'ayant pas peur du lendemain,
Un désir indécis s'en vient fleurir,
Dirait-on, au coeur plus et moins qu'humain.
Hélas ! faut-il que meure ce bonheur ?
Meurent plutôt la vie et son tourment !
Ô dieux cléments, gardez-moi du malheur
D'à jamais perdre un moment si charmant.
il y a 9 mois
Pierre de Ronsard
@pierreDeRonsard
Élégie du printemps À la sœur d'Astrée.
Printemps, fils du Soleil, que la terre arrosée
De la fertile humeur d'une douce rosée,
Au milieu des œillets et des roses conçut,
Quand Flore entre ses bras nourrice vous reçut,
Naissez, croissez, Printemps, laissez-vous apparaître :
En voyant Isabeau vous pourrez vous connaître,
Elle est votre miroir, et deux lis assemblés
Ne se ressemblent tant que vous entresemblez :
Tous les deux n'êtes qu'un, c'est une même chose.
La rose que voici ressemble à cette rose,
Le diamant à l'autre, et la fleur à la fleur :
Le Printemps est le frère, Isabeau est la sœur.
On dit que le Printemps, pompeux de sa richesse,
Orgueilleux de ses fleurs, enflé de sa jeunesse,
Logé comme un grand prince en ses vertes maisons,
Se vantait le plus beau de toutes les saisons,
Et se glorifiant le contait à Zéphyre ;
Le Ciel en fut marri, qui soudain le vint dire
À la mère Nature. Elle, pour rabaisser
L'orgueil de cet enfant, va partout ramasser
Les biens qu'elle serrait de maint et mainte année.
il y a 9 mois
Sully Prudhomme
@sullyPrudhomme
Jaloux du printemps Des saisons la plus désirée
Et la plus rapide, ô printemps,
Qu'elle m'est longue, ta durée !
Tu possèdes mon adorée,
Et je l'attends !
Ton azur ne me sourit guère,
C'est en hiver que je la vois ;
Et cette douceur éphémère,
Je ne l'ai dans l'année entière
Rien qu'une fois.
Mon bonheur n'est qu'une étincelle
Volée au bal dans un coup d'œil :
L'hiver passe, et je vis sans elle ;
C'est pourquoi, fête universelle,
Tu m'es un deuil.
J'ai peur de toi quand je la quitte :
Je crains qu'une fleur d'oranger,
Tombant sur son cœur, ne l'invite
À consulter la marguerite,
Et quel danger !
Ce cœur qui ne sait rien encore,
Couvé par tes tendres chaleurs,
Devine et pressent son aurore ;
Il s'ouvre à toi qui fais éclore
Toutes les fleurs.
Ton souffle l'étonne, elle écoute
Les conseils embaumés de l'air ;
C'est l'air de mai que je redoute,
Je sens que je la perdrai toute
Avant l'hiver.
il y a 9 mois
Sully Prudhomme
@sullyPrudhomme
Mars En mars, quand s’achève l’hiver,
Que la campagne renaissante
Ressemble à la convalescente
Dont le premier sourire est cher ;
Quand l’azur, tout frileux encore,
Est de neige éparse mêlé,
Et que midi, frais et voilé,
Revêt une blancheur d’aurore ;
Quand l’air doux dissout la torpeur
Des eaux qui se changeaient en marbres ;
Quand la feuille aux pointes des arbres
Suspend une verte vapeur ;
Et quand la femme est deux fois belle,
Belle de la candeur du jour,
Et du réveil de notre amour
Où sa pudeur se renouvelle,
Oh ! Ne devrais-je pas saisir
Dans leur vol ces rares journées
Qui sont les matins des années
Et la jeunesse du désir ?
Mais je les goûte avec tristesse ;
Tel un hibou, quand l’aube luit,
Roulant ses grands yeux pleins de nuit,
Craint la lumière qui les blesse,
Tel, sortant du deuil hivernal,
J’ouvre de grands yeux encore ivres
Du songe obscur et vain des livres,
Et la nature me fait mal.
il y a 9 mois
Sully Prudhomme
@sullyPrudhomme
Printemps oublié Ce beau printemps qui vient de naître
À peine goûté va finir ;
Nul de nous n'en fera connaître
La grâce aux peuples à venir.
Nous n'osons plus parler des roses :
Quand nous les chantons, on en rit ;
Car des plus adorables choses
Le culte est si vieux qu'il périt.
Les premiers amants de la terre
Ont célébré Mai sans retour,
Et les derniers doivent se taire,
Plus nouveaux que leur propre amour.
Rien de cette saison fragile
Ne sera sauvé dans nos vers,
Et les cytises de Virgile
Ont embaumé tout l'univers.
Ah ! frustrés par les anciens hommes,
Nous sentons le regret jaloux
Qu'ils aient été ce que nous sommes,
Qu'ils aient eu nos cœurs avant nous.
il y a 9 mois
Sully Prudhomme
@sullyPrudhomme
Prière au printemps Toi qui fleuris ce que tu touches,
Qui, dans les bois, aux vieilles souches
Rends la vigueur,
Le sourire à toutes les bouches,
La vie au cœur ;
Qui changes la boue en prairies,
Sèmes d'or et de pierreries
Tous les haillons,
Et jusqu'au seuil des boucheries
Mets des rayons !
Ô printemps, alors que tout aime,
Que s'embellit la tombe même,
Verte au dehors,
Fais naître un renouveau suprême
Au cœur des morts !
Qu'ils ne soient pas les seuls au monde
Pour qui tu restes inféconde,
Saison d'amour !
Mais fais germer dans leur poussière
L'espoir divin de la lumière
Et du retour !
il y a 9 mois
Robert Desnos
@robertDesnos
En descendant des collines au Printemps En descendant des collines au printemps
A l'heure où la rosée brille dans les toiles d'araignées
Au bruit lointain du fer battu dans les forges,
Au miroitement du jour dans l'eau des rivières.
En descendant des collines au printemps
J'ai laissé, dis-je, avec l'hiver les chagrins et les rancunes
Un amour profond me transporte de joie
Et ma haine elle-même me transporte et m'exalte.
En descendant des collines au printemps
Abandonnant des tombes vermoulues et des souvenirs,
Ivre des parfums de la terre et de l'air
Et me dilatant jusqu'à contenir le monde.
En descendant des collines au printemps,
J'ai brisé les balances où je pesais la vie et la mort,
Enfin prêt à accueillir l'été et les vendanges,
Prêt à accepter que le chemin, mon chemin s'interrompe.
En descendant des collines au printemps
Vivant de plus de joie qu'aux jours de ma jeunesse
Mais attentif aux parfums de la terre et de l'air,
Attentif à l'écho d'une petite chanson lointaine
Chantée, d'une voix mal assurée, par une petite fille
Que jamais je ne connaîtrai.
il y a 9 mois
S
Sabine Sicaud
@sabineSicaud
La glycine Ô beau pied de glycine
Qui rampes sur le toit !
Glycine en fleurs, tendre glycine – bleu pavois
Des grilles, des balcons, des murs trop neufs, des toits
Trop vieux – souple glycine !
Ce matin, sous le ciel frémissant comme toi,
C’est dans tes grappes et tes feuilles,
Tout le miracle bleu du printemps qui m’accueille !
En papillons, du bleu s’effeuille…
Du bleu… du bleu nuancé de lilas,
De violet si doux qu’on ne sait pas
Si l’on voit des touffes d’iris ou de lilas.
Par terre est un champ de pétales.
Jacinthes, violettes pâles ?
Non, mais, en l’air, une guirlande qui s’étale,
Qui s’effrange, qui glisse en gouttes de satin…
Il pleut mauve. Il a plu cette nuit, ce matin.
La terre est mauve ; l’herbe mauve. Le jardin
Est un jardin pareil à ceux que j’imagine
Autour d’un petit pont sur des lotus, en Chine.
Jardins d’Asie… Ombre au pied des collines,
Toits retroussés, bassins fleuris et murmurants…
C’est comme un frais bonheur inconnu qui me prend,
Un bonheur du matin, fait d’air si transparent,
De couleurs et d’odeurs si fines,
Qu’on y sent toute l’âme en fête des glycines !
Ô glycine, collier des gouttières chagrines,
Manteau léger du parc aux grands escaliers blancs
Et de la pierre des vieux bancs
Devant les chaumes en ruines ;
– Treille aux raisins d’azur, festons d’argent,
Vitrail d’évêque où chaque palme dessine
Entre des pendentifs d’améthystes, en rangs ;
Flocons d’encens, clairs sachets odorants,
Qui tombent sur mon front, sur ma poitrine,
Comme un présent de mai !
– Glycine,
Dont le nom grec veut dire : doux, douceur,
Vin sucré… dont le nom est comme une liqueur,
Comme un parfum dans la brise câline,
Dont le nom, doucement, glisse comme tes fleurs,
Je te salue au seuil du Bel Été, Glycine…
il y a 9 mois
S
Sabine Sicaud
@sabineSicaud
Premières feuilles Vous vous tendez vers moi, vertes petites mains des arbres,
Vertes petites mains des arbres du chemin.
Pendant que les vieux murs un peu plus se délabrent,
Que les vieilles maisons montrent leurs plaies,
Vous vous tendez vers moi, bourgeons des haies,
Verts petits doigts.
Petits doigts en coquilles,
Petits doigts jeunes, lumineux, pressés de vivre,
Par-dessus les vieux murs vous vous tendez vers nous.
Le vieux mur dit : « Gare au vent fou,
Gare au soleil trop vif, gare aux nuits qui scintillent,
Gare à la chèvre, à la chenille,
Gare à la vie, ô petits doigts ! »
Verts petits doigts griffus, bourrus et tendres,
Vous sentez bien pourquoi
Les vieux murs, ce matin, ont la voix de Cassandre.
Petits doigts en papier de soie,
Petits doigts de velours ou d’émail qui chatoie,
Vous savez bien pourquoi
Vous n’écouterez pas les murs couleur de cendre…
Frêles éventails verts, mains du prochain été,
Nous sentons bien pourquoi vous n’écoutez
Ni les vieux murs, ni les toits qui s’affaissent ;
Nous savons bien pourquoi
Par-dessus les vieux murs, de tous vos petits doigts,
Vous faites signe à la jeunesse !
il y a 9 mois
S
Sabine Sicaud
@sabineSicaud
Printemps Et puis, c’est oublié.
Ai-je pensé, vraiment, ces choses-là ?
Bon soleil, te voilà
Sur les bourgeons poisseux qui vont se déplier.
Le miracle est partout.
Le miracle est en moi qui ne me souviens plus.
Il fait clair, il fait gai sur les bourgeons velus ;
Il fait beau – voilà tout.
Je m’étire, j’étends mes bras au bon soleil
Pour qu’il les dore comme avant, qu’ils soient pareils
Aux premiers abricots dans les feuilles de juin.
L’herbe ondule au fil du chemin
Sous le galop du vent qui rit.
Les pâquerettes ont fleuri.
Je viens, je viens ! Mes pieds dansent tout seuls
Comme les pieds du vent rieur,
Comme ceux des moineaux sur les doigts du tilleul.
(Tant de gris au-dehors, de gris intérieur,
De pluie et de brouillard, était-ce donc hier ?)
Ne me rappelez rien. Le ciel est si léger !
Vous ne saurez jamais tout le bonheur que j’ai
À sentir la fraîcheur légère de cet air.
Un rameau vert aux dents comme le « Passeur d’eau »,
J’ai sans doute ramé bien des nuits, bien des jours…
Ne me rappelez rien. C’est oublié. Je cours
Sur le rivage neuf où pointent les roseaux.
Rameau vert du Passeur ou branche qu’apporta
La colombe de l’Arche, ah ! la verte saveur
Du buisson que tondra la chèvre aux yeux rêveurs !
Être chèvre sans corde, éblouie à ce tas
De bourgeons lumineux qui mettent un halo
Sur la campagne verte – aller droit devant soi
Dans le bruit de grelots
Du ruisseau vagabond – suivre n’importe quoi,
Sauter absurdement, pour sauter – rire au vent
Pour l’unique raison de rire… Comme Avant !
C’est l’oubli, je vous dis, l’oubli miraculeux.
Votre visage même à qui j’en ai voulu
De trop guetter le mien, je ne m’en souviens plus,
C’est un autre visage – et mes deux chats frileux,
Mon grand Dikette-chien sont d’autres compagnons
Faits pour gens bien portant, nouveaux, ressuscités.
Bon soleil, bon soleil, voici que nous baignons
Dans cette clarté chaude où va blondir l’été.
Hier n’existe plus. Qui donc parlait d’hier ?
Il fait doux, il fait gai sur les bourgeons ouverts…
il y a 9 mois
S
Salim Zouhaier
@salimZouhaier
Je sens le printemps Apres la pluie, vient le beau temps, chantent les tourtereaux attendant les sauterelles, les hirondelles
Le chant des moineaux fait le moine, mais leur habit fait le printemps
Les fleurs ouvrent leur petales accueillant les belles coccinelles
Don juan se prépare à faire la parade et la course aux jupons
Le soleil étend ses ailes,
heureux que s'en rechauffent les pigeons
il y a 9 mois
S
Salim Zouhaier
@salimZouhaier
L'hirondelle du matin Une hirondelle vole, coupe le ciel en lamelles éparses
Le printemps se dégage et les fleurs ne font plus la farce
douceur de l'herbe moite telle une chatte de garce
chantonnant l'entrée de son poète en mars
De douces mélodies coquines tout en harmonie
fondant dans la fine brume d'une symphonie
Non pastorales , mais fractales sont les ondulations
de la sève serpentant la voie menant de l'abîme, montant
vers l'espace, l'air et la lumière; le chemin est respiration...
il y a 9 mois
Stéphane Mallarmé
@stephaneMallarme
Renouveau Le printemps maladif a chassé tristement
L'hiver, saison de l'art serein, l'hiver lucide,
Et, dans mon être à qui le sang morne préside
L'impuissance s'étire en un long bâillement.
Des crépuscules blancs tiédissent sous mon crâne
Qu'un cercle de fer serre ainsi qu'un vieux tombeau
Et triste, j'erre après un rêve vague et beau,
Par les champs où la sève immense se pavane