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Printemps

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Printemps

Poésies de la collection printemps

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    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Après-midi de printemps Cris d’enfants transperçant le silence des cerisiers en fleur De loin une berceuse rythme chaque pas Promenade solitaire au cœur de la cité anesthésiée Dans le labyrinthe du présent malade l’oxygène flotte entre les branches parfumées de mort

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    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Dépression Eclatement de la tête Aujourd’hui la chaleur ne peut plus s’y engouffrer Torpeur, turpitude, esprit engourdi et englouti dans l’impasse de la vie. Je me sens coincée dans le malaise du silence, Posture suprême indigne sublime essentielle Retour de poussière dans ce vide ensoleillé. Les cerisiers en fleur, l’âme meurtrie par le flétrissement prématuré Sans espérance ma motivation s’est évaporée avec les rêves d’une grandeur immaculée. Toi printemps tu ne crois plus à rien Tu navigues dans les ordures Tu raffoles des maladies Autodestruction à l’état pur Puissance zéro

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    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Lilas La pluie larmoyante caresse ton parfum aime le déséquilibre éphémère des gouttelettes assoiffées de sève À chaque pétale elle découvre ta beauté symphonie d’unités réfractées Les fleurs minuscules bleutées par la lumière avancent comme un cortège joyeux dansent comme une valse d’amour Forsythias et pivoines couronnent cet instant courtisent l’allégorie Sous le sublime chapiteau de la nature un voile parfumé fleurit notre chimère

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    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Primevère de printemps Veillés par une primevère solitaire nous nous sommes retrouvés à la lisière du monde. Les pétales nous regardaient surpris la terre encore blanche de neige les rayons du soleil embrumés. L’hiver est parti, tu l’as senti. Nous avons osé le désir éphémère ensemble nous nous sommes laissés éblouir. La chaleur de tes mains m’a caressée sans me toucher pétale primitif Ton regard m’a modelée neige de printemps Ton souffle a enluminé mon âme rayon de certitudes Tes mots ont su, pour un instant, orner notre futur Eternellement embrumé.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

    Théodore Agrippa d'Aubigné

    @theodoreAgrippaDaubigne

    Prière du matin Le Soleil couronné de rayons et de flammes Redore nostre aube à son tour : Ô sainct Soleil des Saincts, Soleil du sainct amour, Perce de flesches d’or les tenebres des ames En y rallumant le beau jour. Le Soleil radieux jamais ne se courrouce, Quelque fois il cache ses yeux : C’est quand la terre exhalle en amas odieux Un voile de vapeurs qu’au devant elle pousse, En se troublant, et non les Cieux. Jesus est toujours clair, mais lors son beau visage Nous cache ses rayons si doux, Quand nos pechez fumans entre le Ciel et nous, De vices redoublez enlevent un nuage Qui noircit le Ciel de courroux. Enfin ce noir rempart se dissout et s’esgare Par la force du grand flambeau. Fuyez, pechez, fuyez : le Soleil clair et beau Vostre amas vicieux et dissipe et separe, Pour nous oster nostre bandeau. Nous ressusciterons des sepulchres funebres, Comme le jour de la nuict sort Si la premiere mort de la vie est le port, Le beau jour est la fin des espaisses tenebres, Et la vie est fin de la mort.

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    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    Avril Oh ! sois le bien venu, Printemps, Ami joyeux qui nous accueilles ! Fais voler tes cheveux flottants Sous ton riant chapeau de feuilles.

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    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    Chère, voici le mois de mai Chère, voici le mois de mai, Le mois du printemps parfumé Qui, sous les branches, Fait vibrer des sons inconnus, Et couvre les seins demi-nus De robes blanches. Voici la saison des doux nids, Le temps où les cieux rajeunis Sont tout en flamme, Où déjà, tout le long du jour, Le doux rossignol de l’amour Chante dans l’âme. Ah ! de quels suaves rayons Se dorent nos illusions Les plus chéries, Et combien de charmants espoirs Nous jettent dans l’ombre des soirs Leurs rêveries ! Parmi nos rêves à tous deux, Beaux projets souvent hasardeux Qui sont les mêmes, Songes pleins d’amour et de foi Que tu dois avoir comme moi, Puisque tu m’aimes ; Il en est un seul plus aimé. Tel meurt un zéphyr embaumé Sur votre bouche, Telle, par une ardente nuit, De quelque Séraphin, sans bruit, L’aile vous touche. Camille, as-tu rêvé parfois Qu’à l’heure où s’éveillent les bois Et l’alouette, Où Roméo, vingt fois baisé, Enjambe le balcon brisé De Juliette, Nous partons tous les deux, tout seuls ? Hors Paris, dans les grands tilleuls Un rayon joue ; L’air sent les lilas et le thym, La fraîche brise du matin Baise ta joue. Après avoir passé tout près De vastes ombrages, plus frais Qu’une glacière Et tout pleins de charmants abords, Nous allons nous asseoir aux bords De la rivière. L’eau frémit, le poisson changeant Émaille la vague d’argent D’écailles blondes ; Le saule, arbre des tristes vœux, Pleure, et baigne ses longs cheveux Parmi les ondes. Tout est calme et silencieux. Étoiles que la terre aux cieux A dérobées, On voit briller d’un éclat pur Les corsages d’or et d’azur Des scarabées. Nos yeux s’enivrent, assouplis, A voir l’eau dérouler les plis De sa ceinture. Je baise en pleurant tes genoux, Et nous sommes seuls, rien que nous Et la nature ! Tout alors, les flots enchanteurs, L’arbre ému, les oiseaux chanteurs Et les feuillées, Et les voix aux accords touchants Que le silence dans les champs Tient éveillées, La brise aux parfums caressants, Les horizons éblouissants De fantaisie, Les serments dans nos cœurs écrits, Tout en nous demande à grands cris La Poésie. Nous sommes heureux sans froideur. Plus de bouderie ou d’humeur Triste ou chagrine ; Tu poses d’un air triomphant Ta petite tête d’enfant Sur ma poitrine ; Tu m’écoutes, et je te lis, Quoique ta bouche aux coins pâlis S’ouvre et soupire, Quelques stances d’Alighieri, Ronsard, le poëte chéri, Ou bien Shakspere. Mais je jette le livre ouvert, Tandis que ton regard se perd Parmi les mousses, Et je préfère, en vrai jaloux, A nos poëtes les plus doux Tes lèvres douces ! Tiens, voici qu’un couple charmant, Comme nous jeune et bien aimant, Vient et regarde. Que de bonheur rien qu’à leurs pas ! Ils passent et ne nous voient pas : Que Dieu les garde ! Ce sont des frères, mon cher cœur, Que, comme nous, l’amour vainqueur Fit l’un pour l’autre. Ah ! qu’ils soient heureux à leur tour ! Embrassons-nous pour leur amour Et pour le nôtre ! Chère, quel ineffable émoi, Sur ce rivage où près de moi Tu te recueilles, De mêler d’amoureux sanglots Aux douces plaintes que les flots Disent aux feuilles ! Dis, quel bonheur d’être enlacés Par des bras forts, jamais lassés ! Avec quels charmes, Après tous nos mortels exils, Je savoure au bout de tes cils De fraîches larmes ! Avril 1844.

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    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    Le printemps Te voilà, rire du Printemps ! Les thyrses des lilas fleurissent. Les amantes qui te chérissent Délivrent leurs cheveux flottants. Sous les rayons d’or éclatants Les anciens lierres se flétrissent. Te voilà, rire du Printemps ! Les thyrses de lilas fleurissent. Couchons-nous au bord des étangs, Que nos maux amers se guérissent ! Mille espoirs fabuleux nourrissent Nos coeurs gonflés et palpitants. Te voilà, rire du Printemps !

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    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    Les roses Le Printemps rayonnant, qui fait rire le jour En montrant son beau front, vermeil comme l’aurore, Naît, tressaille, fleurit, chante, et dans l’air sonore Éveille les divins murmures de l’amour. O Sylphes ingénus, vous voilà de retour! De mille joyaux d’or la forêt se décore, Et blanche, regardant les corolles éclore, Titania folâtre au milieu de sa cour, A travers l’éther pur dont elle fait sa proie, Tandis que la lumière, éclatante de joie, Frissonne dans la bleue immensité des cieux. Beauté qui nous ravis avec tes molles poses, Dis, n’est-ce pas qu’il est doux et délicieux De plonger follement ta bouche dans les roses? Novembre 1888

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    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    Premier soleil Italie, Italie, ô terre où toutes choses Frissonnent de soleil, hormis tes méchants vins ! Paradis où l’on trouve avec des lauriers-roses Des sorbets à la neige et des ballets divins ! Terre où le doux langage est rempli de diphthongues ! Voici qu’on pense à toi, car voici venir mai, Et nous ne verrons plus les redingotes longues Où tout parfait dandy se tenait enfermé. Sourire du printemps, je t’offre en holocauste Les manchons, les albums et le pesant castor. Hurrah ! gais postillons, que les chaises de poste Volent, en agitant une poussière d’or ! Les lilas vont fleurir, et Ninon me querelle, Et ce matin j’ai vu mademoiselle Ozy Près des Panoramas déployer son ombrelle : C’est que le triste hiver est bien mort, songez-y ! Voici dans le gazon les corolles ouvertes, Le parfum de la sève embaumera les soirs, Et devant les cafés, des rangs de tables vertes Ont par enchantement poussé sur les trottoirs. Adieu donc, nuits en flamme où le bal s’extasie ! Adieu, concerts, scotishs, glaces à l’ananas ; Fleurissez maintenant, fleurs de la fantaisie, Sur la toile imprimée et sur le jaconas ! Et vous, pour qui naîtra la saison des pervenches, Rendez à ces zéphyrs que voilà revenus, Les légers mantelets avec les robes blanches, Et dans un mois d’ici vous sortirez bras nus ! Bientôt, sous les forêts qu’argentera la lune, S’envolera gaîment la nouvelle chanson ; Nous y verrons courir la rousse avec la brune, Et Musette et Nichette avec Mimi Pinson ! Bientôt tu t’enfuiras, ange Mélancolie, Et dans le Bas-Meudon les bosquets seront verts. Débouchez de ce vin que j’aime à la folie, Et donnez-moi Ronsard, je veux lire des vers. Par ces premiers beaux jours la campagne est en fête Ainsi qu’une épousée, et Paris est charmant. Chantez, petits oiseaux du ciel, et toi, poëte, Parle ! nous t’écoutons avec ravissement. C’est le temps où l’on mène une jeune maîtresse Cueillir la violette avec ses petits doigts, Et toute créature a le coeur plein d’ivresse, Excepté les pervers et les marchands de bois !

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    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    Printemps d’Avril Ma mie, à son toit fidèle, La frétillante hirondelle Revient du lointain exil. Déjà le long des rivages S’égaie un sylphe subtil, Qui baise les fleurs sauvages : Voici le printemps d’Avril ! C’est le moment où les fées, De volubilis coiffées, Viennent, au matin changeant, Sur le bord vert des fontaines, Où court le flot diligent, Charmer les biches hautaines De leurs baguettes d’argent.

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    Théophile Gautier

    Théophile Gautier

    @theophileGautier

    La fleur qui fait le printemps Les marronniers de la terrasse Vont bientôt fleurir, à Saint-Jean, La villa d'où la vue embrasse Tant de monts bleus coiffés d'argent. La feuille, hier encor pliée Dans son étroit corset d'hiver, Met sur la branche déliée Les premières touches de vert. Mais en vain le soleil excite La sève des rameaux trop lents ; La fleur retardataire hésite A faire voir ses thyrses blancs. Pourtant le pêcher est tout rose, Comme un désir de la pudeur, Et le pommier, que l'aube arrose, S'épanouit dans sa candeur. La véronique s'aventure Près des boutons d'or dans les prés, Les caresses de la nature Hâtent les germes rassurés. Il me faut retourner encore Au cercle d'enfer où je vis ; Marronniers, pressez-vous d'éclore Et d'éblouir mes yeux ravis. Vous pouvez sortir pour la fête Vos girandoles sans péril, Un ciel bleu luit sur votre faîte Et déjà mai talonne avril. Par pitié, donnez cette joie Au poète dans ses douleurs, Qu'avant de s'en aller, il voie Vos feux d'artifice de fleurs. Grands marronniers de la terrasse, Si fiers de vos splendeurs d'été, Montrez-vous à moi dans la grâce Qui précède votre beauté. Je connais vos riches livrées, Quand octobre, ouvrant son essor, Vous met des tuniques pourprées, Vous pose des couronnes d'or. Je vous ai vus, blanches ramées, Pareils aux dessins que le froid Aux vitres d'argent étamées Trace, la nuit, avec son doigt. Je sais tous vos aspects superbes, Arbres géants, vieux marronniers, Mais j'ignore vos fraîches gerbes Et vos arômes printaniers. Adieu, je pars lassé d'attendre ; Gardez vos bouquets éclatants ! Une autre fleur suave et tendre, Seule à mes yeux fait le printemps. Que mai remporte sa corbeille ! Il me suffit de cette fleur ; Toujours pour l'âme et pour l'abeille Elle a du miel pur dans le coeur. Par le ciel d'azur ou de brume Par la chaude ou froide saison, Elle sourit, charme et parfume, Violette de la maison !

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    Théophile Gautier

    Théophile Gautier

    @theophileGautier

    Premier sourire du printemps Tandis qu'à leurs oeuvres perverses Les hommes courent haletants, Mars qui rit, malgré les averses, Prépare en secret le printemps. Pour les petites pâquerettes, Sournoisement lorsque tout dort, Il repasse des collerettes Et cisèle des boutons d'or. Dans le verger et dans la vigne, Il s'en va, furtif perruquier, Avec une houppe de cygne, Poudrer à frimas l'amandier. La nature au lit se repose ; Lui descend au jardin désert, Et lace les boutons de rose Dans leur corset de velours vert. Tout en composant des solfèges, Qu'aux merles il siffle à mi-voix, Il sème aux prés les perce-neiges Et les violettes aux bois. Sur le cresson de la fontaine Où le cerf boit, l'oreille au guet, De sa main cachée il égrène Les grelots d'argent du muguet. Sous l'herbe, pour que tu la cueilles, Il met la fraise au teint vermeil, Et te tresse un chapeau de feuilles Pour te garantir du soleil. Puis, lorsque sa besogne est faite, Et que son règne va finir, Au seuil d'avril tournant la tête, Il dit : " Printemps, tu peux venir ! "

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Après l’hiver N’attendez pas de moi que je vais vous donner Des raisons contre Dieu que je vois rayonner ; La nuit meurt, l’hiver fuit ; maintenant la lumière, Dans les champs, dans les bois, est partout la première. Je suis par le printemps vaguement attendri. Avril est un enfant, frêle, charmant, fleuri ; Je sens devant l’enfance et devant le zéphyre Je ne sais quel besoin de pleurer et de rire ; Mai complète ma joie et s’ajoute à mes pleurs. Jeanne, George, accourez, puisque voilà des fleurs. Accourez, la forêt chante, l’azur se dore, Vous n’avez pas le droit d’être absents de l’aurore. Je suis un vieux songeur et j’ai besoin de vous, Venez, je veux aimer, être juste, être doux, Croire, remercier confusément les choses, Vivre sans reprocher les épines aux roses, Être enfin un bonhomme acceptant le bon Dieu. Ô printemps ! bois sacrés ! ciel profondément bleu ! On sent un souffle d’air vivant qui vous pénètre, Et l’ouverture au loin d’une blanche fenêtre ; On mêle sa pensée au clair-obscur des eaux ; On a le doux bonheur d’être avec les oiseaux Et de voir, sous l’abri des branches printanières, Ces messieurs faire avec ces dames des manières. 26 juin 1878

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Chose vue un jour de printemps Entendant des sanglots, je poussai cette porte. Les quatre enfants pleuraient et la mère était morte. Tout dans ce lieu lugubre effrayait le regard. Sur le grabat gisait le cadavre hagard ; C'était déjà la tombe et déjà le fantôme. Pas de feu ; le plafond laissait passer le chaume. Les quatre enfants songeaient comme quatre vieillards. On voyait, comme une aube à travers des brouillards, Aux lèvres de la morte un sinistre sourire ; Et l'aîné, qui n'avait que six ans, semblait dire : « Regardez donc cette ombre où le sort nous a mis ! » Un crime en cette chambre avait été commis. Ce crime, le voici : — Sous le ciel qui rayonne, Une femme est candide, intelligente, bonne ; Dieu, qui la suit d'en haut d'un regard attendri, La fit pour être heureuse. Humble, elle a pour mari Un ouvrier ; tous deux, sans aigreur, sans envie, Tirent d'un pas égal le licou de la vie. Le choléra lui prend son mari ; la voilà Veuve avec la misère et quatre enfants qu'elle a. Alors, elle se met au labeur comme un homme. Elle est active, propre, attentive, économe ; Pas de drap à son lit, pas d'âtre à son foyer ; Elle ne se plaint pas, sert qui veut l'employer, Ravaude de vieux bas, fait des nattes de paille, Tricote, file, coud, passe les nuits, travaille Pour nourrir ses enfants ; elle est honnête enfin. Un jour, on va chez elle, elle est morte de faim. Oui, les buissons étaient remplis de rouges-gorges, Les lourds marteaux sonnaient dans la lueur des forges, Les masques abondaient dans les bals, et partout Les baisers soulevaient la dentelle du loup ; Tout vivait ; les marchands comptaient de grosses sommes ; On entendait rouler les chars, rire les hommes ; Les wagons ébranlaient les plaines, le steamer Secouait son panache au-dessus de la mer ; Et, dans cette rumeur de joie et de lumière, Cette femme étant seule au fond de sa chaumière, La faim, goule effarée aux hurlements plaintifs, Maigre et féroce, était entrée à pas furtifs, Sans bruits, et l'avait prise à la gorge, et tuée. La faim, c'est le regard de la prostituée, C'est le bâton ferré du bandit, c'est la main Du pâle enfant volant un pain sur le chemin, C'est la fièvre du pauvre oublié, c'est le râle Du grabat naufragé dans l'ombre sépulcrale. ÔDieu ! la sève abonde, et, dans ses flancs troublés, La terre est pleine d'herbe et de fruits et de blés, Dès que l'arbre a fini, le sillon recommence ; Et, pendant que tout vit, ô Dieu, dans ta clémence, Que la mouche connaît la feuille du sureau, Pendant que l'étang donne à boire au passereau, Pendant que le tombeau nourrit les vautours chauves, Pendant que la nature, en ses profondeurs fauves, Fait manger le chacal, l'once et le basilic, L'homme expire ! — Oh ! la faim, c'est le crime public ; C'est l'immense assassin qui sort de nos ténèbres. Dieu ! pourquoi l'orphelin, dans ses langes funèbres, Dit-il : « J'ai faim ! » L'enfant, n'est-ce pas un oiseau ? Pourquoi le nid a-t-il ce qui manque au berceau ? Avril 1840.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    En mai Une sorte de verve étrange, point muette, Point sourde, éclate et fait du printemps un poëte ; Tout parle et tout écoute et tout aime à la fois ; Et l'antre est une bouche et la source une voix ; L'oiseau regarde ému l'oiselle intimidée, Et dit : Si je faisais un nid ? c'est une idée ! Comme rêve un songeur le front sur l'oreiller, La nature se sent en train de travailler, Bégaie un idéal dans ses noirs dialogues, Fait des strophes qui sont les chênes, des églogues Qui sont les amandiers et les lilas en fleur, Et se laisse railler par le merle siffleur ; Il lui vient à l'esprit des nouveautés superbes ; Elle mêle la folle avoine aux grandes herbes ; Son poëme est la plaine où paissent les troupeaux ; Savante, elle n'a pas de trêve et de repos Jusqu'à ce qu'elle accouple et combine et confonde L'encens et le poison dans la sève profonde ; De la nuit monstrueuse elle tire le jour ; Souvent avec la haine elle fait de l'amour ; Elle a la fièvre et crée, ainsi qu'un sombre artiste ; Tout ce que la broussaille a d'hostile et de triste, Le buisson hérissé, le steppe, le maquis, Se condense, ô mystère, en un chef-d'œuvre exquis Que l'épine complète et que le ciel arrose ; Et l'inspiration des ronces, c'est la rose.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    L'hirondelle au Printemps L'hirondelle au printemps cherche les vieilles tours, Débris où n'est plus l'homme, où la vie est toujours ; La fauvette en avril cherche, ô ma bien-aimée, La forêt sombre et fraîche et l'épaisse ramée, La mousse, et, dans les noeuds des branches, les doux toits Qu'en se superposant font les feuilles des bois. Ainsi fait l'oiseau. Nous, nous cherchons, dans la ville, Le coin désert, l'abri solitaire et tranquille. Le seuil qui n'a pas d'yeux obliques et méchants, La rue où les volets sont fermés ; dans les champs, Nous cherchons le sentier du pâtre et du poète ; Dans les bois, la clairière inconnue et muette Où le silence éteint les bruits lointains et sourds. L'oiseau cache son nid, nous cachons nos amours. Fontainebleau, juin 18...

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Premier Mai Tout conjugue le verbe aimer. Voici les roses. Je ne suis pas en train de parler d’autres choses. Premier mai ! l’amour gai, triste, brûlant, jaloux, Fait soupirer les bois, les nids, les fleurs, les loups ; L’arbre où j’ai, l’autre automne, écrit une devise, La redit pour son compte et croit qu’il l’improvise ; Les vieux antres pensifs, dont rit le geai moqueur, Clignent leurs gros sourcils et font la bouche en coeur ; L’atmosphère, embaumée et tendre, semble pleine Des déclarations qu’au Printemps fait la plaine, Et que l’herbe amoureuse adresse au ciel charmant. A chaque pas du jour dans le bleu firmament, La campagne éperdue, et toujours plus éprise, Prodigue les senteurs, et dans la tiède brise Envoie au renouveau ses baisers odorants ; Tous ses bouquets, azurs, carmins, pourpres, safrans, Dont l’haleine s’envole en murmurant : Je t’aime ! Sur le ravin, l’étang, le pré, le sillon même, Font des taches partout de toutes les couleurs ; Et, donnant les parfums, elle a gardé les fleurs ; Comme si ses soupirs et ses tendres missives Au mois de mai, qui rit dans les branches lascives, Et tous les billets doux de son amour bavard, Avaient laissé leur trace aux pages du buvard ! Les oiseaux dans les bois, molles voix étouffées, Chantent des triolets et des rondeaux aux fées ; Tout semble confier à l’ombre un doux secret ; Tout aime, et tout l’avoue à voix basse ; on dirait Qu’au nord, au sud brûlant, au couchant, à l’aurore, La haie en fleur, le lierre et la source sonore, Les monts, les champs, les lacs et les chênes mouvants, Répètent un quatrain fait par les quatre vents.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Printemps Voici donc les longs jours, lumière, amour, délire ! Voici le printemps ! mars, avril au doux sourire, Mai fleuri, juin brûlant, tous les beaux mois amis ! Les peupliers, au bord des fleuves endormis, Se courbent mollement comme de grandes palmes ; L’oiseau palpite au fond des bois tièdes et calmes ; Il semble que tout rit, et que les arbres verts Sont joyeux d’être ensemble et se disent des vers. Le jour naît couronné d’une aube fraîche et tendre ; Le soir est plein d’amour ; la nuit, on croit entendre, A travers l’ombre immense et sous le ciel béni, Quelque chose d’heureux chanter dans l’infini.

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    William Chapman

    @williamChapman

    Avril Aux rayons rutilants d’Avril la neige fond, Chaque route s’effondre et tout sentier s’efface, Les vastes flots grondants du Fleuve écumeux font Voler en lourds éclats ses entraves de glace. Pas un nuage au ciel ! pas un souffle dans l’air ! Les baisers du soleil argentent les ramures, Et des pins, dont les vents tordaient la cime hier, Vers l’éther lumineux montent de gais murmures. Dans les bois le dégel vernal clôt les chantiers. Le sol n’y tremble plus des chocs de l’abattage. Les voyageurs d’en haut, aussi joyeux qu’altiers, Sac au dos, en chantant, reviennent au village. De retour avec eux, ivres de liberté, Autour de nos logis s’ébattent les corneilles. Des aspects et des bruits nouveaux de tout côté Émerveillent nos yeux, enivrent nos oreilles. Les frais ruisseaux d’argent, où le ciel transparaît, Roucoulent dans le creux des combes embaumées. En spirales d’azur, à travers la forêt, De mille feux ardents s’élèvent des fumées. Sous les éclats couvrant leurs huttes en bois ronds, ― Comme perdus au sein du désert insondable, ― Les vaillants sucriers, penchés sur leurs chaudrons, Surveillent la cuisson du blond sucre d’érable. Déjà sous l’outremer des grands cieux éclatants La terre sent frémir en elle les pervenches, Déjà vaguement flotte une odeur de printemps, Et les premiers bourgeons éclatent sur les branches.

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