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Vie

88 poésies en cours de vérification
Vie

Poésies de la collection vie

    M

    Mahmoud Abdelghani

    @mahmoudAbdelghani

    Comme dans une vie antérieure Vient la nuit, et les boutons des robes s'ouvrent tout seuls. Ma main, ma fille dans une vie antérieure, là-bas pleine de nourriture, poisson dans l'eau. Ma main ne cherche pas, elle trouve. Que de bateaux !

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    M

    Marc-Antoine Girard de Saint-Amant

    @marcAntoineGirardDeSaintAmant

    Le paresseux Accablé de paresse et de mélancolie, Je rêve dans un lit où je suis fagoté, Comme un lièvre sans os qui dort dans un pâté, Ou comme un Don Quichotte en sa morne folie.

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    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    La ronce Pour me plaindre ou m’aimer je ne cherche personne ; J’ai planté l’arbre amer dont la sève empoisonne. Je savais, je devais savoir quel fruit affreux Naît d’une ronce aride au piquant douloureux. Je saigne. Je me tais. Je regarde sans larmes Des yeux pour qui mes pleurs auraient de si doux charmes.

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    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    Quand le fil de ma vie Quand le fil de ma vie (hélas ! il tient à peine ) Tombera du fuseau qui le retient encor ; Quand ton nom, mêlé dans mon sort, Ne se nourrira plus de ma mourante haleine ; Quand une main fidèle aura senti ma main Se refroidir sans lui répondre ; Quand mon dernier espoir, qu'un souffle va confondre, Ne trouvera plus ton chemin, Prends mon deuil : un pavot, une feuille d'absinthe, Quelques lilas d'avril, dont j'aimai tant la fleur ; Durant tout un printemps qu'ils sèchent sur ton cœur, Je t'en prie : un printemps ! cette espérance est sainte ! J'ai souffert, et jamais d'importunes clameurs N'ont rappelé vers moi ton amitié distraite ; Va ! j'en veux à la mort qui sera moins discrète, Moi, je ne serai plus quand tu liras : « Je meurs. » Porte en mon souvenir un parfum de tendresse ; Si tout ne meurt en moi, j'irai le respirer. Sur l'arbre, où la colombe a caché son ivresse, Une feuille, au printemps, suffit pour l'attirer. S'ils viennent demander pourquoi ta fantaisie De cette couleur sombre attriste un temps d'amour, Dis que c'est par amour que ton cœur l'a choisie ; Dis-leur que l'amour est triste, ou le devient un jour. Que c'est un vœu d'enfance, une amitié première ; Oh ! dis-le sans froideur, car je t'écouterai ! Invente un doux symbole où je me cacherai : Cette ruse entre nous encor . . . c'est la dernière. Dis qu'un jour, dont l'aurore avait eu bien des pleurs, Tu trouvas sans défense une abeille endormie ; Qu'elle se laissa prendre et devint ton amie ; Qu'elle oublia sa route à te chercher des fleurs. Dis qu'elle oublia tout sur tes pas égarée, Contente de brûler dans l'air choisi par toi. Sous cette ressemblance avec pudeur livrée, Dis-leur, si tu le peux, ton empire sur moi. Dis que l'ayant blessée, innocemment peut-être, Pour te suivre elle fit des efforts superflus ; Et qu'un soir accourant, sûr de la voir paraître, Au milieu des parfums, tu ne la trouvas plus. Que ta voix, tendre alors, ne fut pas entendue ; Que tu sentis sa trame arrachée à tes jours ; Que tu pleuras sans honte une abeille perdue ; Car ce qui nous aima, nous le pleurons toujours. Qu'avant de renouer ta vie à d'autres chaînes, Tu détachas du sol où j'avais dû mourir Ces fleurs, et qu'à travers les plus brillantes scènes, De ton abeille encor le deuil vient t'attendrir. Ils riront : que t'importe ? Ah ! sans mélancolie, Reverras-tu des fleurs retourner la saison ? Leur miel, pour toi si doux, me devint un poison : Quand tu ne l'aimas plus, il fit mal à ma vie. Enfin, l'été s'incline, et tout va pâlissant : Je n'ai plus devant moi qu'un rayon solitaire, Beau comme un soleil pur sur un front innocent Là-bas . . . c'est ton regard : il retient à la terre !

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    Mathurin Régnier

    Mathurin Régnier

    @mathurinRegnier

    Epitaphe J'ai vécu sans nul pensement, Me laissant aller doucement A la bonne loi naturelle, Et si m'étonne fort pourquoi La mort daigna songer à moi, Qui n'ai daigné penser à elle.

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    M

    Maurice Carême

    @mauriceCareme

    La terre est ronde Comment évoquer l’amour ? Sans penser que la terre est ronde. Et, que fatalement, un jour, Comme un enfant pris dans la ronde, Il en fera le tour ! Oh! Comment évoquer l’amour ? Sans penser que la terre est ronde. Et que c’est toujours la bonté Qui dans ses mains ensoleillées Tiens les cartes du monde.

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    M

    Maurice Rollinat

    @mauriceRollinat

    Les oubliettes Dans les oubliettes de l’âme Nous jetons le meilleur de nous Qui languit lentement dissous Par une moisissure infâme.

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    Michel Houellebecq

    Michel Houellebecq

    @michelHouellebecq

    Exister, Percevoir Exister, percevoir, Être une sorte de résidu perceptif (si l’on peut dire) Dans la salle d’embarquement du terminal Roissy 2D, Attendant le vol à destination d’Alicante Où ma vie se poursuivra Pendant quelques années encore En compagnie de mon petit chien Et des joies (de plus en plus brèves) Et de l’augmentation régulière des souffrances En ces années qui précèdent immédiatement la mort.

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    Nicolas Boileau

    Nicolas Boileau

    @nicolasBoileau

    Les embarras de Paris Qui frappe l'air, bon Dieu ! de ces lugubres cris ? Est-ce donc pour veiller qu'on se couche à Paris ? Et quel fâcheux démon, durant les nuits entières, Rassemble ici les chats de toutes les gouttières ? J'ai beau sauter du lit, plein de trouble et d'effroi, Je pense qu'avec eux tout l'enfer est chez moi : L'un miaule en grondant comme un tigre en furie ; L'autre roule sa voix comme un enfant qui crie. Ce n'est pas tout encor : les souris et les rats Semblent, pour m'éveiller, s'entendre avec les chats, Plus importuns pour moi, durant la nuit obscure, Que jamais, en plein jour, ne fut l'abbé de Pure.

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    Nicolas Boileau

    Nicolas Boileau

    @nicolasBoileau

    À mon jardinier Laborieux valet du plus commode maître Qui pour te rendre heureux ici-bas pouvait naître, Antoine, gouverneur de mon jardin d’Auteuil, Qui diriges chez moi l’if et le chèvrefeuil, Et sur mes espaliers, industrieux génie, Sais si bien exercer l’art de La Quintinie ; Ô ! que de mon esprit triste et mal ordonné, Ainsi que de ce champ par toi si bien orné. Ne puis-je faire ôter les ronces, les épines, Et des défauts sans nombre arracher les racines ! Mais parle : raisonnons. Quand, du matin au soir, Chez moi poussant la bêche, ou portant l’arrosoir, Tu fais d’un sable aride une terre fertile, Et rends tout mon jardin à tes lois si docile ; Que dis-tu de m’y voir rêveur, capricieux, Tantôt baissant le front, tantôt levant les yeux, De paroles dans l’air par élans envolées, Effrayer les oiseaux perchés dans mes allées ? Ne soupçonnes-tu point qu’agité du démon, Ainsi que ce cousin des quatre fils Aimon, Dont tu lis quelquefois la merveilleuse histoire, Je rumine en marchant quelque endroit du grimoire ? Mais non : tu te souviens qu’au village on t’a dit Que ton maître est nommé pour coucher par écrit Les faits d’un roi plus grand en sagesse, en vaillance, Que Charlemagne aidé des douze pairs de France. Tu crois qu’il y travaille, et qu’au long de ce mur Peut-être en ce moment il prend Mons et Namur. Que penserais-tu donc, si l’on t’allait apprendre Que ce grand chroniqueur des gestes d’Alexandre, Aujourd’hui méditant un projet tout nouveau, S’agite, se démène, et s’use le cerveau, Pour te faire à toi-même en rimes insensées Un bizarre portrait de ses folles pensées ? Mon maître, dirais-tu, passe pour un docteur, Et parle quelquefois mieux qu’un prédicateur. Sous ces arbres pourtant, de si vaines sornettes Il n’irait point troubler la paix de ces fauvettes, S’il lui fallait toujours, comme moi, s’exercer, Labourer, couper, tondre, aplanir, palisser, Et, dans l’eau de ces puits sans relâche tirée, De ce sable étancher la soif démesurée. Antoine, de nous deux, tu crois donc, je le vois Que le plus occupé dans ce jardin, c’est toi ? O ! que tu changerais d’avis et de langage, Si deux jours seulement, libre du jardinage, Tout à coup devenu poète et bel esprit, Tu t’allais engager à polir un écrit Qui dît, sans s’avilir, les plus petites choses ; Fît des plus secs chardons des oeillets et des roses ; Et sût même au discours de la rusticité Donner de l’élégance et de la dignité ; Lin ouvrage, en un mot, qui, juste en tous ses termes, Sût plaire à d’Aguesseau, sût satisfaire Termes, Sût, dis-je, contenter, en paraissant au jour, Ce qu’ont d’esprits plus fins et la ville et la cour ! Bientôt de ce travail revenu sec et pâle, Et le teint plus jauni que de vingt ans de hâle, Tu dirais, reprenant ta pelle et ton râteau : J’aime mieux mettre encor cent arpents au niveau, Que d’aller follement, égaré dans les nues, Me lasser à chercher des visions cornues ; Et, pour lier des mots si mal s’entr’accordants, Prendre dans ce jardin la lune avec les dents. Approche donc, et viens : qu’un paresseux t’apprenne, Antoine, ce que c’est que fatigue et que peine. L’homme ici-bas, toujours inquiet et gêné, Est, dans le repos même, au travail condamné. La fatigue l’y suit. C’est en vain qu’aux poètes Les neuf trompeuses soeurs dans leurs douces retraites Promettent du repos sous leurs ombrages frais : Dans ces tranquilles bois pour eux plantés exprès, La cadence aussitôt, la rime, la césure, La riche expression, la nombreuse mesure, Sorcières dont l’amour sait d’abord les charmer, De fatigues sans fin viennent les consumer. Sans cesse poursuivant ces fugitives fées, On voit sous les lauriers haleter les Orphées. Leur esprit toutefois se plaît dans son tourment, Et se fait de sa peine un noble amusement. Mais je ne trouve point de fatigue si rude Que l’ennuyeux loisir d’un mortel sans étude, Qui, jamais ne sortant de sa stupidité, Soutient, dans les langueurs de son oisiveté, D’une lâche indolence esclave volontaire, Le pénible fardeau de n’avoir rien à faire. Vainement offusqué de ses pensers épais, Loin du trouble et du bruit il croit trouver la paix : Dans le calme odieux de sa sombre paresse, Tous les honteux plaisirs, enfants de la mollesse, Usurpant sur son âme un absolu pouvoir, De monstrueux désirs le viennent émouvoir, Irritent de ses sens la fureur endormie, Et le font le jouet de leur triste infamie. Puis sur leurs pas soudain arrivent les remords, Et bientôt avec eux tous les fléaux du corps, La pierre, la colique et les gouttes cruelles ; Guénaud, Rainssant, Brayer, presque aussi tristes qu’elles, Chez l’indigne mortel courent tous s’assembler, De travaux douloureux le viennent accabler ; Sur le duvet d’un lit, théâtre de ses gênes, Lui font scier des rocs, lui font fendre des chênes, Et le mettent au point d’envier ton emploi. Reconnais donc, Antoine, et conclus avec moi, Que la pauvreté mâle, active et vigilante, Est, parmi les travaux, moins lasse et plus contente Que la richesse oisive au sein des voluptés. Je te vais sur cela prouver deux vérités : L’une, que le travail, aux hommes nécessaire, Fait leur félicité plutôt que leur misère ; Et l’autre, qu’il n’est point de coupable en repos. C’est ce qu’il faut ici montrer en peu de mots. Suis-moi donc. Mais je vois, sur ce début de prône, Que ta bouche déjà s’ouvre large d’une aune, Et que, les yeux fermés, tu baisses le menton. Ma foi, le plus sûr est de finir ce sermon. Aussi bien j’aperçois ces melons qui t’attendent, Et ces fleurs qui là-bas entre elles se demandent, S’il est fête au village, et pour quel saint nouveau, On les laisse aujourd’hui si longtemps manquer d’eau. (Epître XI)

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    Paul Valéry

    Paul Valéry

    @paulValery

    Le cimetière marin Ce toit tranquille, où marchent des colombes, Entre les pins palpite, entre les tombes ; Midi le juste y compose de feux La mer, la mer, toujours recommencée ! Ô récompense après une pensée Qu’un long regard sur le calme des dieux ! Quel pur travail de fins éclairs consume Maint diamant d’imperceptible écume, Et quelle paix semble se concevoir ! Quand sur l’abîme un soleil se repose, Ouvrages purs d’une éternelle cause, Le Temps scintille et le Songe est savoir. Stable trésor, temple simple à Minerve, Masse de calme, et visible réserve, Eau sourcilleuse, Œil qui gardes en toi Tant de sommeil sous un voile de flamme, Ô mon silence ! … Édifice dans l’âme, Mais comble d’or aux mille tuiles, Toit ! Temple du Temps, qu’un seul soupir résume, À ce point pur je monte et m’accoutume, Tout entouré de mon regard marin ; Et comme aux dieux mon offrande suprême, La scintillation sereine sème Sur l’altitude un dédain souverain.

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    Paul Verlaine

    Paul Verlaine

    @paulVerlaine

    Ballade de la vie en rouge L'un toujours vit la vie en rose ', Jeunesse qui n'en finit plus, Seconde enfance moins morose. Ni vœux, ni regrets superflus. Ignorant tout flux et reflux, Ce sage pour qui rien ne bouge Règne instinctif : tel un phallus. Mais moi je vois la vie en rouge. L'autre ratiocine et glose Sur des modes irrésolus, Soupesant, pesant chaque chose " De mains gourdes aux lourds calus. Lui faudrait du temps tant et plus Pour se risquer hors de son bouge. Le monde est gris à ce reclus. Mais moi je vois la vie en rouge. Lui, cet autre, alentour il ose Jeter des regards * bien voulus. Mais, sur quoi que son œil se pose. Il s'exaspère où tu te plus. Œil des philanthropes joufflus ; Tout lui semble noir, vierger ou gouge, Les hommes, vins bus, livres lus. Mais moi je vois la vie en rouge. ENVOI Prince et princesse, allez, élus, En triomphe par la route où je Trime d'ornières en talus. Mais moi, je vois la vie en rouge.

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    Paul Verlaine

    Paul Verlaine

    @paulVerlaine

    Beauté des femmes Beauté des femmes, leur faiblesse, et ces mains pâles Qui font souvent le bien et peuvent tout le mal, Et ces yeux, où plus rien ne reste d'animal Que juste assez pour dire : " assez " aux fureurs mâles. Et toujours, maternelle endormeuse des râles, Même quand elle ment, cette voix ! Matinal Appel, ou chant bien doux à vêpre, ou frais signal, Ou beau sanglot qui va mourir au pli des châles !... Hommes durs ! Vie atroce et laide d'ici-bas ! Ah ! que du moins, loin des baisers et des combats, Quelque chose demeure un peu sur la montagne, Quelque chose du coeur enfantin et subtil, Bonté, respect ! Car, qu'est-ce qui nous accompagne Et vraiment, quand la mort viendra, que reste-t-il ?

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    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    Liberté Liberté de Paul Éluard est une œuvre marquante de la poésie engagée de la résistance. Écrit en 1942 pour protester contre l'occupation, il est composé de 21 quatrains suivis du mot Liberté. Des milliers de copies furent parachutées en France par des avions britanniques pour encourager les résistants. Sur mes cahiers d'écolier Sur mon pupitre et les arbres Sur le sable sur la neige J'écris ton nom

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    Philippe Desportes

    Philippe Desportes

    @philippeDesportes

    Icare est chu ici, le jeune audacieux Icare est chu ici, le jeune audacieux, Qui pour voler au Ciel eut assez de courage : Ici tomba son corps degarni de plumage, Laissant tous braves cœurs de sa chute envieux. Ô bienheureux travail d'un esprit glorieux, Qui tire un si grand gain d'un si petit dommage ! Ô bienheureux malheur, plein de tant d'avantage Qu'il rende le vaincu des ans victorieux ! Un chemin si nouveau n'étonna sa jeunesse, Le pouvoir lui faillit, mais non la hardiesse ; Il eut, pour le brûler, des astres le plus beau. Il mourut poursuivant une haute aventure, Le ciel fut son désir, la mer sa sépulture : Est-il plus beau dessein, ou plus riche tombeau ?

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    P

    Pierre le Moyne

    @pierreLeMoyne

    De la vie champêtre Lettre Tantôt il ' aime à voir la pourpre de la rose, Sous le jour renaissant, pompeusement éclose, Disputer de la force et de l'éclat du teint Avecque le rayon du soleil qui la peint. Et tantôt son plaisir est de voir la nuance Que cent diverses fleurs font de leur alliance Sur le vivant émail d'une planche à fond vert, Où chacun à l'envi se produit et se perd. Étendu quelquefois à l'ombre d'une treille, Où le silence dort, où le zéphyre veille, Il aime à comparer le murmure des eaux Au concert inégal d'une troupe d'oiseaux. Près de là cependant quelque innocent Tityre Par la voix des roseaux, que son haleine inspire, D'Amarille se plaint, qui rit en l'écoutant Et laisse à décider leurs querelles au vent; Le vent, plus humain qu'elle, à sa plainte s'arrête; Son troupeau pour l'ouïr semble lever la tête, Et le tronc des peupliers, quand sa voix se tairait, Confident de sa peine, en chiffre en parlerait. Reposant d'autres fois au bord d'une rivière, Qui se fait de son lit une longue carrière Et sert comme d'un bain, où le soleil de jour, Où la lune de nuit se baignent tour à tour, Il aime à voir nager les coulantes images Des arbres, des troupeaux, des oiseaux, des nuages. Il se plaît à compter du regard en rêvant Les cercles et les plis qui se font sous le vent; Et voyant comme l'eau roule sans retenue Vers l'immense bassin d'où sa source est venue, Que ni l'abri des bois, ni le vert de ses bords, Ni des guérets voisins les jaunissants trésors, Ni même les palais qui couronnent sa rive Ne peuvent un moment la retenir captive, Qu'elle coule toujours et va sans s'arrêter, Tant que son poids la peut par sa pente porter : Ainsi, dit-il, nos jours, ainsi nos ans s'écoulent, Et la mort est le terme où leurs cercles nous roulent. Tous les temps, tous les lieux mènent à cette fin. Comme on y va le soir, on y va le matin; Les monts les plus hautains, les plus basses vallées Vers ce gîte fatal ont d'égales allées. Et puis, voyant nager sur la face des eaux Les images du ciel, des arbres, des oiseaux, Il est ainsi, dit-il, des plaisirs de ce monde, Ce ne sont que portraits représentés sur l'onde; Tout en est inconstant, tout en est imposteur; Tout n'est que faux-semblant et que trompeuse fleur; Le fond en est liquide et l'image changeante; Elle coule et se perd dès qu'elle se présente; Sans que le vent la trouble et qu'il souffle dessus, Elle passe avec l'onde et ne retourne plus, Et les hommes trompés de ces ombres mobiles, De ces charmes tissus d'images volatiles, Délaissant le vrai Bien, le vrai Beau, le vrai Grand, Abandonnent leurs cœurs et leurs esprits au vent, Et, comme papillons errant à l'aventure, Courent à la couleur, se paissent de figure.

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    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    En voyage Je partais pour un long voyage. En wagon, tapi dans mon coin, J'écoutais fuir l'aigu sillage Du sifflet dans la nuit, au loin ; Je goûtais la vague indolence, L'état obscur et somnolent, Où fait tomber sans qu'on y pense Le train qui bourdonne en roulant ; Et je ne m'apercevais guère, Indifférent de bonne foi, Qu'une jeune fille et sa mère Faisaient route à côté de moi. Elles se parlaient à voix basse : C'était comme un bruit de frisson, Le bruit qu'on entend quand on passe Près d'un nid le long d'un buisson ; Et bientôt elles se blottirent, Leurs fronts l'un vers l'autre penchés, Comme deux gouttes d'eau s'attirent Dès que les bords se sont touchés ; Puis, joue à joue, avec tendresse, Elles se firent toutes deux Un oreiller de leur caresse, Sous la lampe aux rayons laiteux. L'enfant, sur le bras de ma stalle, Avait laissé poser sa main Qui reflétait, comme une opale, La moiteur d'un jour incertain ; Une main de seize ans à peine : La manchette l'ombrait un peu ; L'azur, d'une petite veine, La nuançait comme un fil bleu ; Elle pendait, molle et dormante, Et je ne sais si mon regard Pressentit qu'elle était charmante Ou la rencontra par hasard, Mais je m'étais tourné vers elle, Sollicité sans le savoir : On dirait que la grâce appelle Avant même qu'on l'ait pu voir. « Heureux, me dis-je, le touriste Que cette main-là guiderait ! » Et ce songe me rendait triste : Un vœu n'éclôt que d'un regret. Cependant glissaient les campagnes Sous les fougueux rouleaux de fer, Et le profil noir des montagnes Ondulait ainsi qu'une mer. Force étrange de la rencontre ! Le cœur le moins prime-sautier, D'un lambeau d'azur qui se montre, Improvise un ciel tout entier : Une enfant dort, une étrangère, Dont la main paraît à demi, Et ce peu d'elle me suggère Un vœu d'un bonheur infini ! Je la rêve, inconnue encore, Sur ce peu de réalité, Belle de tout ce que j'ignore Et du possible illimité... Je rêve qu'une main si blanche, D'un si confiant abandon, Ne peut-être que sûre et franche, Et se donnerait tout de bon. Bienheureux l'homme qu'au passage Cette main fine enchaînerait ! Calme à jamais, à jamais sage... — Vitry ! Cinq minutes d'arrêt ! À ces mots criés sur la voie, Le couple d'anges s'éveilla, Battit des ailes avec joie, Et disparut. Je restai là. Cette enfant, qu'un autre eût suivie, Je me la laissais enlever. Un voyage ! Telle est la vie Pour ceux qui n'osent que rêver.

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    S

    Sophie d'Arbouville

    @sophieDarbouville

    La grand-mère Dansez, fillettes du village, Chantez vos doux refrains d'amour : Trop vite, hélas ! un ciel d'orage Vient obscurcir le plus beau jour. En vous voyant, je me rappelle Et mes plaisirs et mes succès ; Comme vous, j'étais jeune et belle, Et, comme vous, je le savais. Soudain ma blonde chevelure Me montra quelques cheveux blancs… J'ai vu, comme dans la nature, L'hiver succéder au printemps. Dansez, fillettes du village, Chantez vos doux refrains d'amour ; Trop vite, hélas ! un ciel d'orage Vient obscurcir le plus beau jour. Naïve et sans expérience, D'amour je crus les doux serments, Et j'aimais avec confiance… On croit au bonheur à quinze ans ! Une fleur, par Julien cueillie, Était le gage de sa foi ; Mais, avant qu'elle fût flétrie, L'ingrat ne pensait plus à moi ! Dansez, fillettes du Village, Chantez vos doux refrains d'amour ; Trop vite, hélas ! un ciel d'orage Vient obscurcir le plus beau jour. À vingt ans, un ami fidèle Adoucit mon premier chagrin ; J'étais triste, mais j'étais belle, Il m'offrit son cœur et sa main. Trop tôt pour nous vint la vieillesse ; Nous nous aimions, nous étions vieux… La mort rompit notre tendresse… Mon ami fut le plus heureux !

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    Théophile Gautier

    Théophile Gautier

    @theophileGautier

    La bonne journée Ce jour, je l'ai passé ployé sur mon pupitre, Sans jeter une fois l'œil à travers la vitre. Par Apollo ! Cent vers ! Je devrais être las ; On le serait à moins ; mais je ne le suis pas. Je ne sais quelle joie intime et souveraine Me fait le regard vif et la face sereine ; Comme après la rosée une petite fleur, Mon front se lève en haut avec moins de pâleur ; Un sourire d'orgueil sur mes lèvres rayonne, Et mon souffle pressé plus fortement résonne. J'ai rempli mon devoir comme un brave ouvrier. Rien ne m'a pu distraire ; en vain mon lévrier, Entre mes deux genoux posant sa longue tête, Semblait me dire : « En chasse ! » en vain d'un air de fête Le ciel tout bleu dardait, par le coin du carreau, Un filet de soleil jusque sur mon bureau ; Près de ma pipe, en vain, ma joyeuse bouteille M'étalait son gros ventre et souriait vermeille ; En vain ma bien-aimée, avec son beau sein nu, Se penchait en riant de son rire ingénu, Sur mon fauteuil gothique, et dans ma chevelure Répandait les parfums de son haleine pure. Sourd comme saint Antoine à la tentation, J'ai poursuivi mon œuvre avec religion, L'œuvre de mon amour qui, mort, me fera vivre ; Et ma journée ajoute un feuillet à mon livre.

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    Théophile Gautier

    Théophile Gautier

    @theophileGautier

    La mort La mort est multiforme, elle change de masque Et d'habit plus souvent qu'une actrice fantasque ; Elle sait se farder, Et ce n'est pas toujours cette maigre carcasse, Qui vous montre les dents et vous fait la grimace Horrible à regarder. Ses sujets ne sont pas tous dans le cimetière, Ils ne dorment pas tous sur des chevets de pierre À l'ombre des arceaux ; Tous ne sont pas vêtus de la pâle livrée, Et la porte sur tous n'est pas encor murée Dans la nuit des caveaux. Il est des trépassés de diverse nature : Aux uns la puanteur avec la pourriture, Le palpable néant, L'horreur et le dégoût, l'ombre profonde et noire Et le cercueil avide entr'ouvrant sa mâchoire Comme un monstre béant ; Aux autres, que l'on voit sans qu'on s'en épouvante Passer et repasser dans la cité vivante Sous leur linceul de chair, L'invisible néant, la mort intérieure Que personne ne sait, que personne ne pleure, Même votre plus cher. Car, lorsque l'on s'en va dans les villes funèbres Visiter les tombeaux inconnus ou célèbres, De marbre ou de gazon ; Qu'on ait ou qu'on n'ait pas quelque paupière amie Sous l'ombrage des ifs à jamais endormie, Qu'on soit en pleurs ou non, On dit : ceux-là sont morts. La mousse étend son voile Sur leurs noms effacés ; le ver file sa toile Dans le trou de leurs yeux ; Leurs cheveux ont percé les planches de la bière ; À côté de leurs os, leur chair tombe en poussière Sur les os des aïeux. Leurs héritiers, le soir, n'ont plus peur qu'ils reviennent ; C'est à peine à présent si leurs chiens s'en souviennent, Enfumés et poudreux, Leurs portraits adorés traînent dans les boutiques ; Leurs jaloux d'autrefois font leurs panégyriques ; Tout est fini pour eux. L'ange de la douleur, sur leur tombe en prière, Est seul à les pleurer dans ses larmes de pierre, Comme le ver leur corps, L'oubli ronge leur nom avec sa lime sourde ; Ils ont pour drap de lit six pieds de terre lourde. Ils sont morts, et bien morts ! Et peut-être une larme, à votre âme échappée, Sur leur cendre, de pluie et de neige trempée, Filtre insensiblement, Qui les va réjouir dans leur triste demeure ; Et leur coeur desséché, comprenant qu'on les pleure, Retrouve un battement. Mais personne ne dit, voyant un mort de l'âme : Paix et repos sur toi ! L'on refuse à la lame Ce qu'on donne au fourreau ; L'on pleure le cadavre et l'on panse la plaie, L'âme se brise et meurt sans que nul s'en effraie Et lui dresse un tombeau. Et cependant il est d'horribles agonies Qu'on ne saura jamais ; des douleurs infinies Que l'on n'aperçoit pas. Il est plus d'une croix au calvaire de l'âme Sans l'auréole d'or, et sans la blanche femme Échevelée au bas. Toute âme est un sépulcre où gisent mille choses ; Des cadavres hideux dans des figures roses Dorment ensevelis. On retrouve toujours les larmes sous le rire, Les morts sous les vivants, et l'homme est à vrai dire Une nécropolis. Les tombeaux déterrés des vieilles cités mortes, Les chambres et les puits de la Thèbe aux cent portes Ne sont pas si peuplés ; On n'y rencontre pas de plus affreux squelettes. Un plus vaste fouillis d'ossements et de têtes Aux ruines mêlés. L'on en voit qui n'ont pas d'épitaphe à leurs tombes, Et de leurs trépassés font comme aux catacombes Un grand entassement ; Dont le coeur est un champ uni, sans croix ni pierres, Et que l'aveugle mort de diverses poussières Remplit confusément. D'autres, moins oublieux, ont des caves funèbres Où sont rangés leurs morts, comme celles des guèbres Ou des égyptiens ; Tout autour de leur coeur sont debout les momies, Et l'on y reconnaît les figures blémies De leurs amours anciens. Dans un pur souvenir chastement embaumée Ils gardent au fond d'eux l'âme qu'ils ont aimée ; Triste et charmant trésor ! La mort habite en eux au milieu de la vie ; Ils s'en vont poursuivant la chère ombre ravie Qui leur sourit encor. Où ne trouve-t-on pas, en fouillant, un squelette ? Quel foyer réunit la famille complète En cercle chaque soir ? Et quel seuil, si riant et si beau qu'il puisse être, Pour ne pas revenir n'a vu sortir le maître Avec un manteau noir ? Cette petite fleur, qui, toute réjouie, Fait baiser au soleil sa bouche épanouie, Est fille de la mort. En plongeant sous le sol, peut-être sa racine Dans quelque cendre chère a pris l'odeur divine Qui vous charme si fort. Ô fiancés d'hier, encore amants, l'alcôve Où nichent vos amours, à quelque vieillard chauve A servi comme à vous ; Avant vos doux soupirs elle a redit son râle, Et son souvenir mêle une odeur sépulcrale À vos parfums d'époux ! Où donc poser le pied qu'on ne foule une tombe ? Ah ! Lorsque l'on prendrait son aile à la colombe, Ses pieds au daim léger ; Qu'on irait demander au poisson sa nageoire, On trouvera partout l'hôtesse blanche et noire Prête à vous héberger. Cessez donc, cessez donc, ô vous, les jeunes mères Berçant vos fils aux bras des riantes chimères, De leur rêver un sort ; Filez-leur un suaire avec le lin des langes. Vos fils, fussent-ils purs et beaux comme les anges, Sont condamnés à mort !

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    La fête chez Thérèse La chose fut exquise et fort bien ordonnée. C'était au mois d'avril, et dans une journée Si douce, qu'on eût dit qu'amour l'eût faite exprès. Thérèse la duchesse à qui je donnerais, Si j'étais roi, Paris, si j'étais Dieu, le monde, Quand elle ne serait que Thérèse la blonde ; Cette belle Thérèse, aux yeux de diamant, Nous avait conviés dans son jardin charmant. On était peu nombreux. Le choix faisait la fête. Nous étions tous ensemble et chacun tête à tête. Des couples pas à pas erraient de tous côtés. C'étaient les fiers seigneurs et les rares beautés, Les Amyntas rêvant auprès des Léonores, Les marquises riant avec les monsignores ; Et l'on voyait rôder dans les grands escaliers Un nain qui dérobait leur bourse aux cavaliers. A midi, le spectacle avec la mélodie. Pourquoi jouer Plautus la nuit ? La comédie Est une belle fille, et rit mieux au grand jour. Or, on avait bâti, comme un temple d'amour, Près d'un bassin dans l'ombre habité par un cygne, Un théâtre en treillage où grimpait une vigne. Un cintre à claire-voie en anse de panier, Cage verte où sifflait un bouvreuil prisonnier, Couvrait toute la scène, et, sur leurs gorges blanches, Les actrices sentaient errer l'ombre des branches. On entendait au loin de magiques accords ; Et, tout en haut, sortant de la frise à mi-corps, Pour attirer la foule aux lazzis qu'il répète, Le blanc Pulcinella sonnait de la trompette. Deux faunes soutenaient le manteau d'Arlequin ; Trivelin leur riait au nez comme un faquin. Parmi les ornements sculptés dans le treillage, Colombine dormait dans un gros coquillage, Et, quand elle montrait son sein et ses bras nus, On eût cru voir la conque, et l'on eût dit Vénus. Le seigneur Pantalon, dans une niche, à droite, Vendait des limons doux sur une table étroite, Et criait par instants : " Seigneurs, l'homme est divin. — Dieu n'avait fait que l'eau, mais l'homme a fait le vin. " Scaramouche en un coin harcelait de sa batte Le tragique Alcantor, suivi du triste Arbate ; Crispin, vêtu de noir, jouait de l'éventail ; Perché, jambe pendante, au sommet du portail, Carlino se penchait, écoutant les aubades, Et son pied ébauchait de rêveuses gambades.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Ô mes lettres d'amour Ô mes lettres d'amour, de vertu, de jeunesse, C'est donc vous ! Je m'enivre encore à votre ivresse ; Je vous lis à genoux. Souffrez que pour un jour je reprenne votre âge ! Laissez-moi me cacher, moi, l'heureux et le sage, Pour pleurer avec vous !

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    Victor Segalen

    Victor Segalen

    @victorSegalen

    Éloge d'une vierge occidentale La raison ne s'offense pas : certainement une vierge occidentale a conçu, voici deux mille années, puisque deux mille ans avant elle, Kiang-yuan, fille sans défaut, devint mère parmi nous : ayant marché sur l'empreinte du Souverain Roi du Ciel. Et enfanta aussi légèrement que la brebis son agneau, sans rupture ni grands efforts. Même le nouveau-né se trouva recueilli par un oiseau qui d'une aile faisait sa couche et de l'autre l'éventait. Ceci est croyable. Le philosophe dit : Tout être extraordinaire naît d'une sorte extraordinaire : la Licorne autrement que chien et boue ; le Dragon non pas comme lézard. — M'étonnerai-je si la naissance des hommes extraordinaires n'est pas celle des autres hommes ? La raison ne s'offense pas. Certainement une vierge occidentale a conçu.

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    Voltaire

    Voltaire

    @voltaire

    L'hymen et ses liens À mon avis, l'hymen et ses liens Sont les plus grands ou des maux ou des biens. Point de milieu ; l'état du mariage Est des humains le plus cher avantage, Quand le rapport des esprits et des cœurs, Des sentiments, des goûts, et des humeurs, Serre ces nœuds tissus par la nature, Que l'amour forme et que l'honneur épure. Dieux ! quel plaisir d'aimer publiquement, Et de porter le nom de son amant ! Votre maison, vos gens, votre livrée, Tout vous retrace une image adorée ; Et vos enfants, ces gages précieux, Nés de l'amour, en sont de nouveaux nœuds. Un tel hymen, une union si chère, Si l'on en voit, c'est le ciel sur la terre. Mais tristement vendre par un contrat Sa liberté, son nom, et son état, Aux volontés d'un maître despotique, Dont on devient le premier domestique ; Se quereller ou s'éviter le jour ; Sans joie à table, et la nuit sans amour ; Trembler toujours d'avoir une faiblesse, Y succomber, ou combattre sans cesse ; Tromper son maître, ou vivre sans espoir Dans les langueurs d'un importun devoir ; Gémir, sécher dans sa douleur profonde ; Un tel hymen est l'enfer de ce monde.

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    Voltaire

    Voltaire

    @voltaire

    A Mademoiselle de guise Vous possédez fort inutilement Esprit, beauté, grâce, vertu, franchise ; Qu’y manque-t-il ? quelqu’un qui vous le dise Et quelque ami dont on en dise autant.

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    Yannis Ritsos

    @yannisRitsos

    Il est des instants étranges, uniques Il est des instants étranges, uniques, presque cocasses. Un homme marche à midi en portant un panier sur sa tête; le panier lui cache entièrement le visage comme s’il était sans tête ou déguisé, portant une tête monstrueuse et sans yeux, aux yeux innombrables. Tel autre,qui flâne rêveusement dans le crépuscule, trébuche quelque part, pousse un juron, revient sur ses pas, cherche; — un caillou minuscule; il le soulève; il l’embrasse; puis il s’inquiète soudain : quelqu’un d’autre a pu le surprendre; il s’éloigne d’un air coupable. Une femme met sa main dans sa poche; elle n’y trouve rien; elle ressort sa main, l’élève, l’observe attentivement : une main imprégnée de la poussière du vide. Un garçon de café a refermé sa paume sur une mouche — il ne la serre pas; un client l’appelle; il a oublié la mouche; il desserre sa paume; la mouche s’envole, se pose sur le verre. Un papier roule dans la rue avec hésitation, en marquant des temps d’arrêt, sans attirer l’attention de qui que ce soit, — cela lui plaît. Pourtant, à chaque instant, il émet un craquement particulier qui est un démenti; comme s’il cherchait maintenant quelque témoin incorruptible de sa marche modeste, mystérieuse. Et toutes ces choses ont une beauté solitaire, inexplicable, une peine très profonde venue de nos propres gestes, étrangers et inconnus — n’est-ce pas?

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    E

    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Je sais la-bas une vierge rose Je sais là-bas une vierge rose Fleur du Danube aux grands yeux doux O si belle qu'un bouton de rose Dans la contrée en est jaloux. Elle a fleuri par quelque soir pur, En une magique harmonie Avec son grand ciel de pâle azur : C'est l'orgueil de la Roumanie.

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    Les usines Se regardant avec les yeux cassés de leurs fenêtres Et se mirant dans l'eau de poix et de salpêtre D'un canal droit, marquant sa barre à l'infini, Face à face, le long des quais d'ombre et de nuit, Par à travers les faubourgs lourds Et la misère en pleurs de ces faubourgs, Ronflent terriblement usine et fabriques.

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