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Titre : De la vie champêtre

Auteur : Pierre le Moyne

Lettre Tantôt il ' aime à voir la pourpre de la rose, Sous le jour renaissant, pompeusement éclose, Disputer de la force et de l'éclat du teint Avecque le rayon du soleil qui la peint. Et tantôt son plaisir est de voir la nuance Que cent diverses fleurs font de leur alliance Sur le vivant émail d'une planche à fond vert, Où chacun à l'envi se produit et se perd. Étendu quelquefois à l'ombre d'une treille, Où le silence dort, où le zéphyre veille, Il aime à comparer le murmure des eaux Au concert inégal d'une troupe d'oiseaux. Près de là cependant quelque innocent Tityre Par la voix des roseaux, que son haleine inspire, D'Amarille se plaint, qui rit en l'écoutant Et laisse à décider leurs querelles au vent; Le vent, plus humain qu'elle, à sa plainte s'arrête; Son troupeau pour l'ouïr semble lever la tête, Et le tronc des peupliers, quand sa voix se tairait, Confident de sa peine, en chiffre en parlerait. Reposant d'autres fois au bord d'une rivière, Qui se fait de son lit une longue carrière Et sert comme d'un bain, où le soleil de jour, Où la lune de nuit se baignent tour à tour, Il aime à voir nager les coulantes images Des arbres, des troupeaux, des oiseaux, des nuages. Il se plaît à compter du regard en rêvant Les cercles et les plis qui se font sous le vent; Et voyant comme l'eau roule sans retenue Vers l'immense bassin d'où sa source est venue, Que ni l'abri des bois, ni le vert de ses bords, Ni des guérets voisins les jaunissants trésors, Ni même les palais qui couronnent sa rive Ne peuvent un moment la retenir captive, Qu'elle coule toujours et va sans s'arrêter, Tant que son poids la peut par sa pente porter : Ainsi, dit-il, nos jours, ainsi nos ans s'écoulent, Et la mort est le terme où leurs cercles nous roulent. Tous les temps, tous les lieux mènent à cette fin. Comme on y va le soir, on y va le matin; Les monts les plus hautains, les plus basses vallées Vers ce gîte fatal ont d'égales allées. Et puis, voyant nager sur la face des eaux Les images du ciel, des arbres, des oiseaux, Il est ainsi, dit-il, des plaisirs de ce monde, Ce ne sont que portraits représentés sur l'onde; Tout en est inconstant, tout en est imposteur; Tout n'est que faux-semblant et que trompeuse fleur; Le fond en est liquide et l'image changeante; Elle coule et se perd dès qu'elle se présente; Sans que le vent la trouble et qu'il souffle dessus, Elle passe avec l'onde et ne retourne plus, Et les hommes trompés de ces ombres mobiles, De ces charmes tissus d'images volatiles, Délaissant le vrai Bien, le vrai Beau, le vrai Grand, Abandonnent leurs cœurs et leurs esprits au vent, Et, comme papillons errant à l'aventure, Courent à la couleur, se paissent de figure.