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Regrets

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Regrets

Poésies de la collection regrets

    Alain Bosquet

    Alain Bosquet

    @alainBosquet

    Regrets Je n'ai rien fait de cène vie : ça me dispense de croire en moi, sauf aux moments où je rédige quelque poème reptilien. Alors, poussière sous la poussière, je me grise ; à chaque mot je me découvre des vertus : je ris, je chante jusqu'à saigner. Bientôt, comme une main de singe, l'angoisse est de retour sur ma poitrine. Où vont tant de malentendus ? J'ai l'étoffe d'un homme touché par le bonheur ; pourtant je m'interroge et rêve d'être un arbre étranglé par l'azur ou l'oiseau qui se cache en buvant la tempête. Luxe, velléité ! J'aligne un bout de phrase et me crois à l'abri de ce monde glacé qui passe à travers moi comme un banc de sardines.

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    A

    Albert Babinot

    @albertBabinot

    Ne regreter point les mors Quand le Soleil, la torche coutumiere De l'Univers, s'est dans la mer rendu, Et pensons voir un voile noir tendu, Nous engendrant la nuit familiere Nul ne se plaint de se voir sans lumiere, Parcequ'il est plus qu'assés entendu, Que le Soleil nous est aptes rendu, Pour parcourir sa carriere ordinaire. Sans cris, sans dueil, tu te dois montrer tel, Voiant d'un corps souffreteux et mortel, Triste prison, sortir l'Ame immortelle. Ce corps que Mort nous fait abandonner Sera tout neuf au jour qui renouvelle, Et l'Ame y doit encores retourner.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    À Madame M. N. (II) Vous les regrettiez presque en me les envoyant, Ces vers, beaux comme un rêve et purs comme l'aurore. Ce malheureux garçon, disiez-vous en riant, Va se croire obligé de me répondre encore. Bonjour, ami sonnet, si doux, si bienveillant, Poésie, amitié que le vulgaire ignore, Gentil bouquet de fleurs, de larmes tout brillant, Que dans un noble coeur un soupir fait éclore. Oui, nous avons ensemble, à peu près, commencé À songer ce grand songe où le monde est bercé. J'ai perdu des procès très chers, et j'en appelle. Mais en vous écoutant tout regret a cessé. Meure mon triste coeur, quand ma pauvre cervelle Ne saura plus sentir le charme du passé.

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Le premier regret Sur la plage sonore où la mer de Sorrente Déroule ses flots bleus aux pieds de l'oranger Il est, près du sentier, sous la haie odorante, Une pierre petite, étroite, indifférente Aux pas distraits de l'étranger ! La giroflée y cache un seul nom sous ses gerbes. Un nom que nul écho n'a jamais répété ! Quelquefois seulement le passant arrêté, Lisant l'âge et la date en écartant les herbes Et sentant dans ses yeux quelques larmes courir, Dit : Elle avait seize ans ! c'est bien tôt pour mourir ! Mais pourquoi m'entraîner vers ces scènes passées ? Laissons le vent gémir et le flot murmurer ; Revenez, revenez, ô mes tristes pensées ! Je veux rêver et non pleurer ! Dit : Elle avait seize ans ! — Oui, seize ans ! et cet âge N'avait jamais brillé sur un front plus charmant ! Et jamais tout l'éclat de ce brûlant rivage Ne s'était réfléchi dans un œil plus aimant ! Moi seul, je la revois, telle que la pensée Dans l'âme où rien ne meurt, vivante l'a laissée ; Vivante ! comme à l'heure où les yeux sur les miens, Prolongeant sur la mer nos premiers entretiens, Ses cheveux noirs livrés au vent qui les dénoue, Et l'ombre de la voile errante sur sa joue, Elle écoutait le chant du nocturne pêcheur, De la brise embaumée aspirait la fraîcheur, Me montrait dans le ciel la lune épanouie Comme une fleur des nuits dont l'aube est réjouie, Et l'écume argentée ; et me disait : Pourquoi Tout brille-t-il ainsi dans les airs et dans moi ? Jamais ces champs d'azur semés de tant de flammes, Jamais ces sables d'or où vont mourir les lames, Ces monts dont les sommets tremblent au fond des cieux, Ces golfes couronnés de bois silencieux, Ces lueurs sur la côte, et ces champs sur les vagues. N'avaient ému mes sens de voluptés si vagues ! Pourquoi comme ce soir n'ai-je jamais rêvé ? Un astre dans mon cœur s'est-il aussi levé ? Et toi, fils du matin ! dis, à ces nuits si belles Les nuits de ton pays, sans moi, ressemblaient-elles ? Puis regardant sa mère assise auprès de nous Posait pour s'endormir son front sur ses genoux. Mais pourquoi m'entraîner vers ces scènes passées ? Laissons le vent gémir et le flot murmurer ; Revenez, revenez, ô mes tristes pensées ! Je veux rêver et non pleurer ! Que son œil était pur, et sa lèvre candide ! Que son ciel inondait son âme de clarté ! Le beau lac de Némi qu'aucun souffle ne ride À moins de transparence et de limpidité ! Dans cette âme, avant elle, on voyait ses pensées, Ses paupières, jamais sur ses beaux yeux baissées, Ne voilaient son regard d'innocence rempli, Nul souci sur son front n'avait laissé son pli ; Tout folâtrait en elle ; et ce jeune sourire, Qui plus tard sur la bouche avec tristesse expire. Sur sa lèvre entr'ouverte était toujours flottant. Comme un pur arc-en-ciel sur un jour éclatant ! Nulle ombre ne voilait ce ravissant visage, Ce rayon n'avait pas traversé de nuage ! Son pas insouciant, indécis, balancé, Flottait comme un flot libre où le jour est bercé, Ou courait pour courir ; et sa voix argentine, Écho limpide et pur de son âme enfantine, Musique de cette âme où tout semblait chanter, Égayait jusqu'à l'air qui l'entendait monter ! Mais pourquoi m'entraîner vers ces scènes passées ? Laissez le vent gémir et le flot murmurer ; Revenez, revenez, ô mes tristes pensées ! Je veux rêver et non pleurer ! Mon image en son cœur se grava la première, Comme dans l'œil qui s'ouvre, au matin, la lumière ; Elle ne regarda plus rien après ce jour ; De l'heure qu'elle aima, l'univers fut amour ! Elle me confondait avec sa propre vie. Voyait tout dans mon âme ; et je faisais partie De ce monde enchanté qui flottait sous ses yeux, Du bonheur de la terre et de l'espoir des cieux, Elle ne pensait plus au temps, à la distance, L'heure seule absorbait toute son existence ; Avant moi cette vie était sans souvenir, Un soir de ces beaux jours était tout l'avenir ! Elle se confiait à la douce nature Qui souriait sur nous ; à la prière pure Qu'elle allait, le cœur plein de joie, et non de pleurs, À l'autel qu'elle aimait répandre avec ses fleurs ; Et sa main m'entraînait aux marches de son temple, Et, comme un humble enfant, je suivais son exemple, Et sa voix me disait tout bas : Prie avec moi ! Car je ne comprends pas le ciel même sans toi ! Mais pourquoi m'entraîner vers ces scènes passées ? Laissez le vent gémir et le flot murmurer ; Revenez, revenez, ô mes tristes pensées ! Je veux rêver et non pleurer ! Voyez, dans son bassin, l'eau d'une source vive S'arrondir comme un lac sous son étroite rive, Bleue et claire, à l'abri du vent qui va courir Et du rayon brûlant qui pourrait la tarir ! Un cygne blanc nageant sur la nappe limpide, En y plongeant son cou qu'enveloppe la ride, Orne sans le ternir le liquide miroir, Et s'y berce au milieu des étoiles du soir ; Mais si, prenant son vol vers des sources nouvelles, Il bat le flot tremblant de ses humides ailes, Le ciel s'efface au sein de l'onde qui brunit, La plume à grands flocons y tombe, et la ternit, Comme si le vautour, ennemi de sa race, De sa mort sur les flots avait semé la trace ; Et l'azur éclatant de ce lac enchanté N'est plus qu'une onde obscure où le sable a monté ! Ainsi, quand je partis, tout trembla dans cette âme ; Le rayon s'éteignit ; et sa mourante flamme Remonta dans le ciel pour n'en plus revenir ; Elle n'attendit pas un second avenir, Elle ne languit pas de doute en espérance, Et ne disputa pas sa vie à la souffrance ! Elle but d'un seul trait le vase de douleur, Dans sa première larme elle noya son cœur ! Et, semblable à l'oiseau, moins pur et moins beau qu'elle, Qui le soir pour dormir met son cou sous son aile, Elle s'enveloppa d'un muet désespoir, Et s'endormit aussi ; mais, hélas ! loin du soir ! Mais pourquoi m'entraîner vers ces scènes passées ? Laissons le vent gémir et le flot murmurer ; Revenez, revenez, ô mes tristes pensées ! Je veux rêver et non pleurer ! Elle a dormi quinze ans dans sa couche d'argile, Et rien ne pleure plus sur son dernier asile ; Et le rapide oubli, second linceul des morts, A couvert le sentier qui menait vers ces bords ; Nul ne visite plus cette pierre effacée, Nul n'y songe et n'y prie !... excepté ma pensée, Quand, remontant le flot de mes jours révolus, Je demande à mon cœur tous ceux qui n'y sont plus ! Et que, les yeux flottants sur de chères empreintes, Je pleure dans mon ciel tant d'étoiles éteintes ! Elle fut la première, et sa douce lueur D'un jour pieux et tendre éclaire encor mon cœur ! Mais pourquoi m'entraîner vers ces scènes passées ? Laissez le vent gémir et le flot murmurer ; Revenez, revenez, ô mes tristes pensées ! Je veux rêver et non pleurer ! Un arbuste épineux, à la pâle verdure, Est le seul monument que lui fit la nature ; Battu des vents de mer, du soleil calciné, Comme un regret funèbre au cœur enraciné, Il vit dans le rocher sans lui donner d'ombrage ; La poudre du chemin y blanchit son feuillage, Il rampe près de terre, où ses rameaux penchés Par la dent des chevreaux sont toujours retranchés ; Une fleur, au printemps, comme un flocon de neige, Y flotte un jour ou deux ; mais le vent qui l'assiège L'effeuille avant qu'elle ait répandu son odeur, Comme la vie, avant qu'elle ait charmé le cœur ! Un oiseau de tendresse et de mélancolie S'y pose pour chanter sur le rameau qui plie ! Oh ! dis, fleur que la vie a fait sitôt flétrir, N'est-il pas une terre où tout doit refleurir ?... Remontez, remontez à ces heures passées ! Vos tristes souvenirs m'aident à soupirer ! Allez où va mon âme ! Allez, ô mes pensées, Mon cœur est plein, je veux pleurer !

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    A

    André Lemoyne

    @andreLemoyne

    Vains regrets À Adolphe Brisson. Je mourrai sans avoir la petite maison Qui voit sa claire image aux bords d'une eau courante Sous l'abri de la haute et large feuillaison D'un vieux saule trempant son pied dans la Charente. Et voici que j'arrive à l'arrière-saison, Assez pauvre d'argent sans misère apparente ; Mettant parfois d'accord la rime et la raison, Sans jamais acquérir un seul titre de rente. Le soleil des heureux pour moi n'aura pas lui. Dans un ciel morne et froid l'automne s'est enfui. — Quand sur le drap funèbre on éteindra mon cierge, On dira : « L'homme errant qu'on enterre aujourd'hui, S'endormait chaque soir dans la maison d' autrui. — De notre monde il part comme on sort d'une auberge.

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    A

    Antoine de Latour

    @antoineDeLatour

    Dernier effort Encore quelques efforts, encore un seul peut-être, Et vous serez, amis, contents de ma vertu ; J'ai, depuis bien des jours, vaillamment combattu, Encore un jour de lutte, et je serai le maître. Que l'aube seulement éclaire ma fenêtre, Et de ce fol amour rien n'aura survécu, Que l'orgueilleuse joie, après qu'on a vaincu, Dans un air libre et pur de se sentir renaître. Et j'aurai triomphé de tous ces vains regrets, De ces tendres ennuis, de ces retours secrets Dont le cœur, par moment, se laisse encore surprendre, Et qui font que d'abord, au moindre souvenir, On se trouble, on écoute, et qu'on a l'air d'attendre Quelqu'un que l'on sait bien ne devoir pas venir.

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    A

    Antoine de Latour

    @antoineDeLatour

    Regret Quand la flamme au foyer pâlissait vers le soir, C'était jadis pour moi votre heure de clémence ; Nous nous taisions tous deux, mais un rêve d'espoir Arrivait à mon âme à travers ce silence ; Sur mon front, où l'amour n'était plus une offense, Passait ce grand œil bleu dont je sais le pouvoir, Je ne le voyais pas, mais ma longue souffrance En devenait plus douce, et je croyais le voir. Mais aujourd'hui qu'il faut n'aimer plus ce que j'aime, Quand la flamme au foyer tombe et meurt d'elle-même, Dans mon cœur désolé quelque chose se plaint ; Ma main ne cherche plus une autre main dans l'ombre, Et je sens, dans ce cœur où tout devient plus sombre, Une autre flamme encore qui pâlit et s'éteint.

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    A

    Aristide Bruant

    @aristideBruant

    À Saint-Lazare C’est d’la prison que j’t’écris, Mon pauv’ Polyte, Hier je n’sais pas c’qui m’a pris, À la visite C’est des maladies qui s’voient pas Quand ça s’déclare, N’empêche qu’aujourd’hui j’suis dans l’tas... À Saint-Lazare ! Mais pendant c’temps-là, toi, vieux chien, Qué qu’tu vas faire ? Je n’peux t’envoyer rien de rien, C’est la misère Ici tout l’monde est décavé, La braise est rare Faut trois mois pour faire un linvé, À Saint-Lazare ! Vrai, d’te savoir comm’ça, sans l’sou, Je m’fais un’ bile ! T’es capab’ de faire un sal’coup, J’suis pas tranquille. T’as trop d’fierté pour ramasser Des bouts d’cigare, Pendant tout l’temps que j’vas passer, À Saint-Lazare ! Va-t-en trouver la grand’ Nana, Dis que j’la prie D’casquer pour moi, j’y rendrai ça À ma sortie. Surtout n’y fais pas d’boniments, Pendant qu’je m’marre Et que j’bois des médicaments, À Saint-Lazare ! Et pis, mon p’tit loup, bois pas trop, Tu sais qu’t’es teigne, Et qu’quand t’as un p’tit coup d’sirop Tu fous la beigne ; Si tu t’faisais coffrer, un soir, Dans une bagarre, Y a pus personne qui viendrait m’voir À Saint-Lazare ! J’finis ma lettre en t’embrassant, Adieu, mon homme Malgré qu’tu soy’ pas caressant, Ah ! J’t’adore comme J’adorais l’bon Dieu comme papa, Quand j’étais p’tite, Et qu’j’allais communier à Saint’-Marguerite.

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    Arsène Houssaye

    Arsène Houssaye

    @arseneHoussaye

    Saules pleureurs Elle passe comme le vent, Ma jeunesse douce et sauvage ! Ma joie est d'y penser souvent : Elle passe comme le vent, Mon cœur la poursuit en rêvant, Quand je suis seul sur le rivage. Elle passe comme le vent Avec l'amour qui la ravage. Elle fuit, la belle saison, Avec la coupe de l'ivresse. Adieu, printemps ! adieu, chanson ! Elle fuit, la belle saison. Je n'irai plus vers l'horizon Chercher la muse ou la maîtresse ! Elle fuit, la belle saison : Adieu donc, adieu, charmeresse. Que de larmes ! que de regrets ! Toi dont mon âme fut ravie Déjà si loin, — encor si près ! Que de larmes ! que de regrets ! Mes mains ont planté le cyprès Sur les chimères de ma vie : Que de larmes ! que de regrets ! Adieu, mon cœur ! adieu, ma mie !

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    A

    Auguste Angellier

    @augusteAngellier

    Les calmes regrets Dans quels calmes regrets ton esprit résigné Erre-t-il, y portant une tristesse auguste ; Ou, frémissant de haine envers le sort injuste, De quels âpres regrets ressort-il indigné ? De quels secrets efforts, sans cesse triomphants Et sans cesse repris, nourris-tu ton supplice ? Et dans quels longs baisers aux fronts de tes enfants Crois-tu pouvoir trouver le prix du sacrifice ? Ah ! peut-être au moment où ta lèvre les touche, Exécrable penser dont mon cœur s'effarouche Plus que de tes sanglots les plus désespérés, Peut-être le baiser s'arrête sur ta bouche, Et trouve une amertume à ces fronts adorés, À ces fronts innocents qui nous ont séparés !

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    Adieu à la Madeleine Adieu Madeleine Chérie, Qui te réfléchis dans les eaux, Comme une fleur de la prairie Se mire au cristal du ruisseau. Ta colline, où j’ai vu paraître Un beau jour qui s’est éclipsé, J’ai rêvé que j’en étais maître ; Adieu ! Ce doux rêve est passé. Assis sur la rive opposée, Je te vois, lorsque le soleil Sur tes gazons boit la rosée, Sourire encore à ton réveil, Et d’un brouillard pâle entourée Quand le jour meurt avec le bruit, Blanchir comme une ombre adorée Qui nous apparaît dans la nuit. Doux trésors de ma moisson mûre, De vos épis un autre est roi ; Tilleuls dont j’aimais le murmure, Vous n’aurez plus d’ombre pour moi. Ton coq peut tourner à sa guise, Clocher, que je fuis sans retour : Ce n’est plus à moi que la brise Lui dit d’annoncer un beau jour. Cette fenêtre était la tienne, Hirondelle, qui vint loger Bien des printemps dans ma persienne, Où je n’osais te déranger ; Dés que la feuille était fanée, Tu partais la première, et moi, Avant toi je pars cette année ; Mais reviendrais-je comme toi ? Qu’ils soient l’amour d’un autre maître, Ces pêchers dont j’ouvris les bras ! Leurs fruits verts, je les ai vu naître ; Rougir je ne les verrai pas. J’ai vu des bosquets que je quitte Sous l’été les roses mourir ; J’y vois planter la marguerite : Je ne l’y verrai pas fleurir. Ainsi tout passe, et l’on délaisse Les lieux où l’on s’est répété : « Ici luira sur ma vieillesse L’azur de son dernier été. » Heureux, quand on les abandonne, Si l’on part en se comptant tous, Si l’on part sans laisser personne Sous l’herbe qui n’est plus à vous. Adieu, prairie où sur la brune, Lorsque tout dort, jusqu’aux roseaux, J’entendais rire au clair de lune Les lutins des bois et des eaux, Qui, sous ces clartés taciturnes, Du trône disputant l’honneur, Se livraient des assauts nocturnes Autour des meules du faneur. Adieu, mystérieux ombrages, Sombre fraîcheur, calme inspirant ; Mère de Dieu, de qui l’image Consacre ce vieux tronc mourant, Où, quand son heure est arrivée, Le passereau loin des larcins Vient cacher sa jeune couvée Dans les plis de tes voiles saints. Adieu, chapelle qui protège Le pauvre contre ses douleurs ; Avenue où, foulant la neige De mes acacias en fleurs, Lorsque le vent l’avait semée Du haut de ses rameaux tremblants, Je suivais quelque trace aimée, Empreinte sur ses flocons blancs. Adieu, flots, dont le cours tranquille, Couvert de berceaux verdoyants, A ma nacelle, d’île en île, Ouvrait mille sentiers fuyants, Quand rêveuse, elle allait sans guide Me perdre en suivant vos détours Dans l’ombre d’un dédale humide Ou je me retrouvais toujours. Adieu, chers témoins de ma peine, Forêt, jardin, flots que j’aimais ! Adieu, ma fraîche Madeleine ! Madeleine, adieu pour jamais ! Je pars, il le faut, et je cède ; Mais le cœur me saigne en partant, Qu’un plus riche qui te possède Soit heureux où nous l’étions tant ! Automne 1839

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    J'aime le souvenir de ces époques nues J'aime le souvenir de ces époques nues, Dont Phoebus se plaisait à dorer les statues. Alors l'homme et la femme en leur agilité Jouissaient sans mensonge et sans anxiété, Et, le ciel amoureux leur caressant l'échine, Exerçaient la santé de leur noble machine. Cybèle alors, fertile en produits généreux, Ne trouvait point ses fils un poids trop onéreux, Mais, louve au coeur gonflé de tendresses communes, Abreuvait l'univers à ses tétines brunes. L'homme, élégant, robuste et fort, avait le droit D'être fier des beautés qui le nommaient leur roi ; Fruits purs de tout outrage et vierges de gerçures, Dont la chair lisse et ferme appelait les morsures ! Le Poète aujourd'hui, quand il veut concevoir Ces natives grandeurs, aux lieux où se font voir La nudité de l'homme et celle de la femme, Sent un froid ténébreux envelopper son âme Devant ce noir tableau plein d'épouvantement. Ô monstruosités pleurant leur vêtement ! Ô ridicules troncs ! torses dignes des masques ! Ô pauvres corps tordus, maigres, ventrus ou flasques, Que le dieu de l'Utile, implacable et serein, Enfants, emmaillota dans ses langes d'airain ! Et vous, femmes, hélas ! pâles comme des cierges, Que ronge et que nourrit la débauche, et vous, vierges, Du vice maternel traînant l'hérédité Et toutes les hideurs de la fécondité ! Nous avons, il est vrai, nations corrompues, Aux peuples anciens des beautés inconnues : Des visages rongés par les chancres du coeur, Et comme qui dirait des beautés de langueur ; Mais ces inventions de nos muses tardives N'empêcheront jamais les races maladives De rendre à la jeunesse un hommage profonde, - A la sainte jeunesse, à l'air simple, au doux front, A l'oeil limpide et clair ainsi qu'une eau courante, Et qui va répandant sur tout, insouciante Comme l'azur du ciel, les oiseaux et les fleurs, Ses parfums, ses chansons et ses douces chaleurs !

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    C

    Claude Roy

    @claudeRoy

    A regret La mort en tablier qui rentre ses moissons, repliant les messieurs, les dames, les oiseaux, la mort n'écoute pas nos discours de poissons, les mots que nous disons restent au fond des eaux. Vous dites qu'il fait beau, qu'il fait chaud, le soleil, un cœur qui bat tout doux et le chant de l'eau vive, vous parlez de l'amour, des monts et des merveilles, mais pour vous écouter il n'est âme qui vive. Vous pouvez parler fort ou feindre d'être ailleurs, détourner le regard ou jouer à saute-songe, descendre sous la mer comme un pêcheur d'épongés : elle est là qui vous guette et vous prend à revers, tricotant sans répit ses filets à vivants, elle est là installée en travers de mes vers, poursuivant son idée, têtue comme le vent. Océan qui redonnes et reprends la mémoire je m'intéresse au sel de tes franges savantes, j'aime bien la façon qu'a la pluie sur l'eau noire de poser ses pieds nus et sa fraîcheur bougeante. Je me tresse un bonheur comme un panier de jonc, et j'y mets un grillon, une nuit de septembre, le ciel bien lessivé par un matin tout blond, une fille endormie qui se mélange à l'ombre. Mais l'autre est toujours là avec sa bouche ouverte et cet air très patient de qui sait son affaire, mais l'autre est toujours là, vivre est en pure perte, la fausse, la butée, la sourde, la sorcière. Une dernière fois nos mains nouées et déprises, et moi qui ne veux rien que d'être près de toi, puis l'autre sera là et nos pensées surprises, la dame au temps compté et sa caisse de bois. Viendra peut-être un jour pour d'autres plus habiles la ruse qui saura détourner son chemin, mais pour nous c'est trop tard, il faut être dociles, poliment dire adieu aux plaisirs de demain. La tête ailleurs déjà et le cœur barbouillé nous dirons à la mort ce que nous pensons d'elle. Mais qui donc entendra les mots embrouillés perdus pour tout le monde et que la vie est belle ?

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    Clément Marot

    Clément Marot

    @clementMarot

    À Anne qu'il regrette Incontinent que je te vis venue Tu me semblas le clair soleil des cieux Qui sa lumière a longtemps retenue, Puis la fait voir luisant et gracieux. Mais ton départ me semble une grand'nue, Qui se vient mettre au devant de mes yeux ; Pas n'eusse cru que de joie advenue Fut advenu regret si envieux".

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    E

    Esther Granek

    @estherGranek

    Regrets Tu vois, Un jour est passé. Quel beau jour c’était ! Mais tu l’ignorais. Tu vois, Bien qu’à ta portée, Tu l’as laissé là Car tu ne savais. Tu vois, Ce jour-là s’offrait. Fallait lui parler. Et qu’en as-tu fait ? Tu vois, Il resta muet et terne d’aspect comme tant de journées. Tu vois, Fallait l’inviter. Fallait le bercer Et t’y réchauffer. Tu vois, Fallait t’y lover Et t’en imprégner. Il t’appartenait. Tu vois, Il s’en est allé Et trop tard tu sais Qu’il ensoleillait. Tu vois, Un jour est passé. Et tu regrettas. Quel beau jour c’était !…

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    Eugène Guillevic

    Eugène Guillevic

    @eugeneGuillevic

    Pénible d’éprouver Pénible d’éprouver Qu’on n’a presque rien révélé De ce qu’on porte Et qui vient de ce monde Inentamé, si lourd Toujours plein de ces choses Qui serinent Qu’on les délivre.

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    François Mauriac

    François Mauriac

    @francoisMauriac

    Le regret du péché Un reflux de désirs, du plus profond des terres. Remonte en moi, flot trouble et de boue épaissi. Il recouvre cette âme asservie au mystère. Asservie à la chair, et qui n'a pas choisi. Orgueilleux front qui ne fut pas taché de cendre. Poitrine que jamais haire ne déchira. Corps heureux, corps tremblant qui n'osa pas descendre Dans l'abîme qu'ouvrait l'enserrement des bras... A cette sage chair qui ne fut jamais folle, Rien ne reste — rien ! rien ! que l'instant infini Où, me brûlant au feu de ton corps endormi. Je regardais contre ma bouche ton épaule.

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    F

    François Sauvageot

    @francoisSauvageot

    Regrets Oui je t’aimais plus que tout, je le reconnais ; Rassure-toi, je ne t’aimerai plus jamais. Mais je n’oublie pas tout ce que tu fus pour moi, Tu représentes tout ce que je ne suis pas. Je t’ai aimée, haïe mais je t’ai pardonnée ; Mon affection pour toi n’était pas contrastée, L’aurais-tu oublié ? Reviens à la raison, Je t’implore à genoux, accepte mon pardon. Je tiens encore à toi plus qu’à ma propre vie, Tu es toujours ma seule et mon unique amie ; Restons unis et soyons amis, je t’en prie, Oui reviens Constance, reviens, je t’en supplie.

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    François Villon

    François Villon

    @francoisVillon

    Les regrets de la belle heaulmière Jà parvenue à vieillesse. Advis m’est que j’oy regretter La belle qui fut heaulmière, Soy jeune fille souhaitter Et parler en ceste manière : « Ha ! vieillesse felonne et fière, Pourquoy m’as si tost abatue ? Qui me tient que je ne me fière, Et qu’à ce coup je ne me tue ? « Tollu m’as ma haulte franchise Que beauté m’avoit ordonné Sur clercz, marchans et gens d’Eglise : Car alors n’estoit homme né Qui tout le sien ne m’eust donné, Quoy qu’il en fust des repentailles, Mais que luy eusse abandonné Ce que reffusent truandailles. « A maint homme l’ay reffusé, Qui n’estoit à moy grand saigesse, Pour l’amour d’ung garson rusé, Auquel j’en feiz grande largesse. A qui que je feisse finesse, Par m’ame, je l’amoye bien ! Or ne me faisoit que rudesse, Et ne m’amoyt que pour le mien. « Jà ne me sceut tant detrayner, Fouller au piedz, que ne l’aymasse, Et m’eust-il faict les rains trayner, S’il m’eust dit que je le baisasse Et que tous mes maux oubliasse ; Le glouton, de mal entaché, M’embrassoit… J’en suis bien plus grasse ! Que m’en reste-il ? Honte et peché. « Or il est mort, passé trente ans, Et je remains vieille et chenue. Quand je pense, lasse ! au bon temps, Quelle fus, quelle devenue ; Quand me regarde toute nue, Et je me voy si très-changée, Pauvre, seiche, maigre, menue, Je suis presque toute enragée. « Qu’est devenu ce front poly, Ces cheveulx blonds, sourcilz voultyz, Grand entr’œil, le regard joly, Dont prenoye les plus subtilz ; Ce beau nez droit, grand ne petiz ; Ces petites joinctes oreilles, Menton fourchu, cler vis traictis, Et ces belles lèvres vermeilles ? « Ces gentes espaules menues, Ces bras longs et ces mains tretisses ; Petitz tetins, hanches charnues, Eslevées, propres, faictisses A tenir amoureuses lysses ; Ces larges reins, ce sadinet, Assis sur grosses fermes cuysses, Dedans son joly jardinet ? « Le front ridé, les cheveulx gris, Les sourcilz cheuz, les yeulx estainctz, Qui faisoient regars et ris, Dont maintz marchans furent attaincts ; Nez courbé, de beaulté loingtains ; Oreilles pendans et moussues ; Le vis pally, mort et destaincts ; Menton foncé, lèvres peaussues : « C’est d’humaine beauté l’yssues ! Les bras courts et les mains contraictes, Les espaulles toutes bossues ; Mammelles, quoy ! toutes retraictes ; Telles les hanches que les tettes. Du sadinet, fy ! Quant des cuysses, Cuysses ne sont plus, mais cuyssettes Grivelées comme saulcisses. « Ainsi le bon temps regretons Entre nous, pauvres vieilles sottes, Assises bas, à croppetons, Tout en ung tas comme pelottes, A petit feu de chenevottes, Tost allumées, tost estainctes ; Et jadis fusmes si mignottes !… Ainsi en prend à maintz et maintes. »

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    G

    Georges Bleuhay

    @georgesBleuhay

    Langueur Mon âme nage dans le néant D’une vie sans aucun attrait Témoin je sens l’ennui qui naît Plus rien à mes yeux n’est charmant Je vois d’un regard fatigué L’agitation autour de moi Et ce monde en plein désarroi Ne me met plus en anxiété Car tout m’indiffère aujourd’hui Je ne suis plus de ce monde J’ai vu tant de choses immondes Que toute réaction m’a fui À quoi sert mon existence Je me retrouve désarmé Face à toutes les cruautés Faites dans l’indifférence Mes désirs fous d’adolescent Où je criais fraternité Où je rêvais de liberté Ont disparu avec le temps

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    H

    Henri Warnery

    @henriWarnery

    Regret J’ai vécu plus d’un an près d’elle, La voyant presque tous les jours, Et mon cœur est resté rebelle Au doux aiguillon des amours.   Je n’ai pas su la reconnaître Pour mon amie et pour ma sœur. Quand il frappait à ma fenêtre, Je n’ai pas ouvert au bonheur.   Mais, sitôt que je l’eus quittée, Quelque chose en moi s’est brisé ; J’ai compris les pleurs de l’athée En face du ciel méprisé.   Trois mois, avant de te redire Que ma vie et mon Dieu c’est toi, Et qu’il n’est de bonheur pour moi Qui sans toi ne soit un martyre !   Car ton souvenir me poursuit, Le désir de toi me dévore... Et l’on ose prétendre encore Que le temps fuit !

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    J

    Jacques Chessex

    @jacquesChessex

    Le regret de ses réseaux L'air et l'eau clans ton nuage Si nuage est ce regard Cette pensée qui disperse Le regret de ses réseaux L'air nocturne sur ta bouche L'animal pur de ton souffle Et l'hôte impur de ta couche Où mourir dans ta dépouille Quand la hanche et las ton ventre Soudainement s'alourdissent L'air est noir sur ta bouche lisse L'eau de la nuit vient dans tes jambes Langue soumise et volontaire Dans la fraîcheur et le feu Muscle frais dans la caverne Où ne règne aucune parole Je n'ai pas de raison plus juste De clairière plus résolue A m'instruire en impatience À l'exemple de la mort Pressé de vivre en ce lieu Dans la maison de l'abîme De chair et de peau sublime À la trace enfin de Dieu

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    J

    Jacques Davy du Perron

    @jacquesDavyDuPerron

    Confession amoureuse et regret d'avoir J'imite un bel esprit qui dedans le tableau Ne pouvant exprimer des traits de son pinceau Le deuil de ce grand Roi, lui voila le visage, En me taisant aussi je voile tes forfaits, Au lieu de mes discours il faut voir tes effets, Ce qu'on peut essayer n'a besoin de langage. Je m'en confesse donc, et me repens d'avoir Au giron de ce sexe endormi mon devoir, J'en demande pardon, et m'en voulant résoudre, Pour avoir en horreur les changements soudains, Écoutez ma simplesse, ô généreux dédains, Qui bravez les beautés, et m'en veuillez absoudre. Arrière donc, Amour d'un sexe si maudit, J'estime médisant celui qui n'en médit, J'estime trop cruel celui qui ne l'offense. Les humains offensés d'un sexe si pervers Devraient contre sa rage armer tout l'univers, Car contre un mal commun, commune est la défense. Or je courus fortune où ce sexe voulut, Mais maintenant entré dans ce port de salut, Je laisse ces trois vers au front de ce rivage : Un pénitent d'Amour, et de simplicité, Ayant été longtemps sur ce flot agité, Et par sa repentance échappé du naufrage. Au bord tristement doux des eaux je me retire, Et vois couler ensemble, et les eaux, et mes jours, Je m'y vois sec et pâle, et si j'aime toujours Leur rêveuse mollesse où ma peine se mire. Au plus secret des bois je conte mon martyre, Je pleure mon martyre en chantant mes amours, Et si j'aime les bois et les bois les plus sourds, Quand j'ai jeté mes cris, me les viennent redire. Dame dont les beautés me possèdent si fort, Qu'étant absent de vous, je n'aime que la mort, Les eaux en votre absence, et les bois me consolent. Je vois dedans les eaux, j'entends dedans les bois, L'image de mon teint, et celle de ma voix, Toutes peintes de morts qui nagent, et qui volent.

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    Jean Moréas

    Jean Moréas

    @jeanMoreas

    Je ne regrette rien... Je ne regrette rien, ni des lauriers superbes L'honneur qui m'était dû, Ni cet heureux plaisir, fait de fruits et de gerbes, Comme un vin répandu : Je vois dans tout ce deuil, dans la Parque sinistre De mes plus chers amis, Que le ciel a bien su tenir à son ministre Ce qu'il avait promis.

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    Joachim du Bellay

    Joachim du Bellay

    @joachimDuBellay

    Les regrets Las, où est maintenant ce mépris de Fortune? Où est ce cœur vainqueur de toute adversité, Cet honnête désir de l'immortalité, Et cette honnête flamme au peuple non commune? Où sont ces doux plaisirs qu'au soir sous la nuit brune Les Muses me donnaient, alors qu'en liberté Dessus le vert tapis d'un rivage écarté Je les menais danser aux rayons de la Lune? Maintenant la Fortune est maîtresse de moi, Et mon cœur, qui soûlait être maître de soi, Est serf de mille maux et regrets qui m'ennuient. De la postérité je n'ai plus de souci, Cette divine ardeur, je ne l'ai plus aussi, Et les Muses de moi, comme étranges, s'enfuient. &&& France, mère des arts, des armes et des lois, Tu m'as nourri longtemps du lait de ta mamelle : Ores, comme un agneau qui sa nourrice appelle, Je remplis de ton nom les antres et les bois. Si tu m'as pour enfant avoué quelquefois, Que ne me réponds-tu maintenant, ô cruelle? France, France, réponds à ma triste querelle. Mais nul, sinon Echo, ne répond à ma voix. Entre les loups cruels j'erre parmi la plaine, Je sens venir l'hiver, de qui la froide haleine D'une tremblante horreur fait hérisser ma peau. Las, tes autres agneaux n'ont faute de pâture, Ils ne craignent le loup, le vent, ni la froidure : Si ne suis-je pourtant le pire du troupeau. &&& Maintenant je pardonne à la douce fureur Qui m'a fait consumer le meilleur de mon âge, Sans tirer autre fruit de mon ingrat ouvrage, Que le vain passetemps d'une si longue erreur. Maintenant je pardonne à ce plaisant labeur, Puisque seul il endort le souci qui m'outrage, Et puisque seul il fait qu'au milieu de l'orage, Ainsi qu'auparavant, je ne tremble de peur. Si les vers ont été l'abus de ma jeunesse, Les vers seront aussi l'appui de ma vieillesse : S'ils furent ma folie, ils seront ma raison, S'ils furent ma blessure, ils seront mon Achille, S'ils furent mon venin, le scorpion utile Qui sera de mon mal la seule guérison. &&& Heureux, de qui la mort de sa gloire est suivie, Et plus heureux celui dont l'immortalité Ne prend commencement de la postérité, Mais devant que la mort ait son âme ravie. Tu jouis (mon Ronsard), même durant ta vie, De l'immortel honneur que tu as mérité : Et devant que mourir (rare félicité) Ton heureuse vertu triomphe de l'envie. Courage donc, Ronsard, la victoire est à toi, Puisque de ton côté est la faveur du Roi : Jà du laurier vainqueur tes tempes se couronnent, Et jà la tourbe épaisse à l'entour de ton flanc Ressemble ces esprits, qui là-bas environnent Le grand prêtre de Thrace au long sourpely blanc. Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, Ou comme cestuy-là qui conquit la toison, Et puis est retourné, plein d'usage et raison, Vivre entre ses parents le reste de son âge ! Quand reverrai-je, hélas! de mon petit village Fumer la cheminée, et en quelle saison Reverrai-je le clos de ma pauvre maison, Qui m'est une province et beaucoup davantage? Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux, Que des palais Romains le front audacieux : Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine, Plus mon Loire Gaulois que le Tibre Latin, Plus mon petit Lire que le mont Palatin, Et plus que l'air marin la douceur Angevine.

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    Jules Supervielle

    Jules Supervielle

    @julesSupervielle

    Regret de l'Asie en Amérique Sous un azur très ancien Cachant de célestes patries Les roses ceignant des palmiers Tendent vers la Rose infinie. Entre des statues brahmaniques Aux sourires envahisseurs La haute terrasse d'honneur Cède à sa grande nostalgie. Et d'obsédantes pyramides Lèvent un doigt bleui de ciel Vers quelque but essentiel Par delà l'aérien vide. Dans l'heure mille et millénaire Qui trempe au fond des temps secrets Pour qui ces roses et ces pierres Qui n'ont jamais désespéré?

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    Jules Supervielle

    Jules Supervielle

    @julesSupervielle

    Regrets de France La lune dans l'étang Se souvient d'elle-même, Veut se donner pour thème A son enchantement, Mais sa candeur précise, Au frais toucher de l'eau, De délices se brise, Et flotte la surprise Des lunaires morceaux. Le vent couleur de ciel, puérilement pur, Frotte le feuillage d'azur Et, comme gorgé d'ambroisie, Le vert palpitant s'extasie. Le vent s'éloigne et fait le mort. Puis, à pas d'ombre, approche et velouté une gamme Sur le clavier des platanes Où soudain, violent, il écrase un accord, Étourdi, Comme s'il tombait d'un coup du Paradis Et n'avait, encore céleste, Sa petite cervelle terrestre. Troussant et brouillonnant l'ombre avec la lumière Il enveloppe et subtilise presque La frondaison entière Comme un jongleur, avec des gestes d'arabesques, Puis alangui, s'interrogeant, il se fait brise ît le feuillage tend vers l'émeraude fixe.

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    L

    Louise Ackermann

    @louiseAckermann

    In memoriam (I) J'aime à changer de cieux, de climat, de lumière. Oiseau d'une saison, je fuis avec l'été, Et mon vol inconstant va du rivage austère Au rivage enchanté. Mais qu'à jamais le vent bien loin du bord m'emporte Où j'ai dans d'autres temps suivi des pas chéris, Et qu'aujourd'hui déjà ma félicité morte Jonche de ses débris ! Combien ce lieu m'a plu ! non pas que j'eusse encore Vu le ciel y briller sous un soleil pâli ; L'amour qui dans mon âme enfin venait d'éclore L'avait seul embelli. Hélas ! avec l'amour ont disparu ses charmes ; Et sous ces grands sapins, au bord des lacs brumeux, Je verrais se lever comme un fantôme en larmes L'ombre des jours heureux. Oui, pour moi tout est plein sur cette froide plage De la présence chère et du regard aimé, Plein de la voix connue et de la douce image Dont j'eus le cœur charmé. Comment pourrais-je encor, désolée et pieuse, Par les mêmes sentiers traîner ce cœur meurtri, Seule où nous étions deux, triste où j'étais joyeuse, Pleurante où j'ai souri ? Painswick, Glocestershire, août 1850.

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    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    Regret Des roses de Lormont la rose la plus belle, Georgina, près des flots nous souriait un soir : L'orage, dans la nuit, la toucha de son aile, Et l'Aurore passa triste, sans la revoir ! Pure comme une fleur, de sa fragile vie Elle n'a respiré que les plus beaux printemps. On la pleure, on lui porte envie : Elle aurait vu l'hiver ; c'est vivre trop de temps !

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    M

    Maurice Oreste

    @mauriceOreste

    Regrets Avec des larmes aux yeux nous t'avons vu partir. Partir pour l'au-delà sans espoir de retour Pour une cause certaine tu t'es fait martyr Sans même réaliser tes rêves de l'humour. Perdu corps et biens dans les eaux profondes N'excluant personne, ni grands capitaines Ils ont tous disparu et tu es du nombre Laissant derrière toi des âmes en peine. Tes efforts inutiles de combattre la mort Ont donné le flanc à ta triste destinée, Auteur de nos malheurs mêlés de remords Dissipant notre joie pour toute l'éternité. Le temps n'a pu calmer nos douleurs atroces Mettre fin également à nos jours de souffrance, Causant nos déboires, diminuant nos forces Faisant de nous des êtres sans défense. Nos pensées élégiaques dégénèrent en stance Ta perte augmente nos tristes journées Les plaisirs de la vie ont perdu tout leur sens Rien ne peut panser nos cœurs ensanglantés. Pas de "Requies scat in pace" Ou de libera mêlé de pleurs Pas de cercueil monté sur catafalque doré Ni d'oraisons funèbres qui attristent les cœurs. Pas un "alleluia" ni de marches funèbres Pas de gerbe de fleurs avec profonds regrets Ta dépouille mortelle sombre dans les ténèbres Ton âme et ton esprit reposent dans la paix.

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