Titre : Confession amoureuse et regret d'avoir
Auteur : Jacques Davy du Perron
J'imite un bel esprit qui dedans le tableau
Ne pouvant exprimer des traits de son pinceau
Le deuil de ce grand
Roi, lui voila le visage,
En me taisant aussi je voile tes forfaits,
Au lieu de mes discours il faut voir tes effets,
Ce qu'on peut essayer n'a besoin de langage.
Je m'en confesse donc, et me repens d'avoir
Au giron de ce sexe endormi mon devoir,
J'en demande pardon, et m'en voulant résoudre,
Pour avoir en horreur les changements soudains,
Écoutez ma simplesse, ô généreux dédains,
Qui bravez les beautés, et m'en veuillez absoudre.
Arrière donc,
Amour d'un sexe si maudit,
J'estime médisant celui qui n'en médit,
J'estime trop cruel celui qui ne l'offense.
Les humains offensés d'un sexe si pervers
Devraient contre sa rage armer tout l'univers,
Car contre un mal commun, commune est la défense.
Or je courus fortune où ce sexe voulut,
Mais maintenant entré dans ce port de salut,
Je laisse ces trois vers au front de ce rivage :
Un pénitent d'Amour, et de simplicité,
Ayant été longtemps sur ce flot agité,
Et par sa repentance échappé du naufrage.
Au bord tristement doux des eaux je me retire,
Et vois couler ensemble, et les eaux, et mes jours,
Je m'y vois sec et pâle, et si j'aime toujours
Leur rêveuse mollesse où ma peine se mire.
Au plus secret des bois je conte mon martyre,
Je pleure mon martyre en chantant mes amours,
Et si j'aime les bois et les bois les plus sourds,
Quand j'ai jeté mes cris, me les viennent redire.
Dame dont les beautés me possèdent si fort,
Qu'étant absent de vous, je n'aime que la mort,
Les eaux en votre absence, et les bois me consolent.
Je vois dedans les eaux, j'entends dedans les bois,
L'image de mon teint, et celle de ma voix,
Toutes peintes de morts qui nagent, et qui volent.