Au Cabaret Vert, cinq heures du soir Depuis huit jours, j’avais déchiré mes bottines
Aux cailloux des chemins. J’entrais à Charleroi.
– Au Cabaret-Vert : je demandai des tartines
De beurre et du jambon qui fût à moitié froid.
Bienheureux, j’allongeai les jambes sous la table
Verte : je contemplai les sujets très naïfs
De la tapisserie. – Et ce fut adorable,
Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs,
– Celle-là, ce n’est pas un baiser qui l’épeure ! –
Rieuse, m’apporta des tartines de beurre,
Du jambon tiède, dans un plat colorié,
Du jambon rose et blanc parfumé d’une gousse
D’ail, – et m’emplit la chope immense, avec sa mousse
Que dorait un rayon de soleil arriéré.
il y a 9 mois
Arthur Rimbaud
@arthurRimbaud
Jeune ménage La chambre est ouverte au ciel bleu turquin ;
Pas de place : des coffrets et des huches !
Dehors le mur est plein d’aristoloches
Où vibrent les gencives des lutins.
Que ce sont bien intrigues de génies
Cette dépense et ces désordres vains !
C’est la fée africaine qui fournit
La mûre, et les résilles dans les coins.
Plusieurs entrent, marraines mécontentes,
En pans de lumière dans les buffets,
Puis y restent ! le ménage s’absente
Peu sérieusement, et rien ne se fait.
Le marié a le vent qui le floue
Pendant son absence, ici, tout le temps.
Même des esprits des eaux, malfaisants
Entrent vaguer aux sphères de l’alcôve.
La nuit, l’amie oh, la lune de miel
Cueillera leur sourire et remplira
De mille bandeaux de cuivre le ciel.
Puis ils auront affaire au malin rat.
– S’il n’arrive pas un feu follet blême,
Comme un coup de fusil, après des vêpres.
– O spectres saints et blancs de Bethléem,
Charmez plutôt le bleu de leur fenêtre !
27 juin 1872.
il y a 9 mois
Arthur Rimbaud
@arthurRimbaud
Ma bohème Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J'allais sous le ciel, Muse ! et j'étais ton féal ;
Oh ! là ! là ! que d'amours splendides j'ai rêvées !
Mon unique culotte avait un large trou.
– Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
– Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur !
il y a 9 mois
Arthur Rimbaud
@arthurRimbaud
Sensation Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, – heureux comme avec une femme.
Mars 1870
il y a 9 mois
Arthur Rimbaud
@arthurRimbaud
Ô saisons, ô châteaux Ô saisons ô châteaux,
Quelle âme est sans défauts ?
Ô saisons, ô châteaux,
J'ai fait la magique étude
Du Bonheur, que nul n'élude.
Ô vive lui, chaque fois
Que chante son coq gaulois.
Mais ! je n'aurai plus d'envie,
Il s'est chargé de ma vie.
Ce Charme ! il prit âme et corps.
Et dispersa tous efforts.
Que comprendre à ma parole ?
Il fait qu'elle fuie et vole !
Ô saisons, ô châteaux !
Et, si le malheur m'entraîne,
Sa disgrâce m'est certaine.
Il faut que son dédain, las !
Me livre au plus prompt trépas !
- Ô Saisons, ô Châteaux !
il y a 9 mois
A
Auguste Lacaussade
@augusteLacaussade
Souvenirs d’enfance O frère, ô jeune ami, dernier fils de ma mère,
O toi qui devanças, dans le val regretté,
Cette enfant, notre sœur, une rose éphémère,
Qui ne vécut qu’un jour d’été ;
Que fais-tu, cher absent, ô mon frère ! à cette heure
Où mon cœur et mes yeux se retournent vers toi ?
Ta pensée, évoquant les beaux jours que je pleure,
Revole-t-elle aussi vers moi ?
Souvent dans mon exil, je rêve à notre enfance,
A nos matins si purs écoulés sous les bois,
Et sur mon front le vent des souvenirs balance
Les molles ombres d’autrefois.
Pour tromper les ennuis d’un présent bien aride
Pour rafraîchir mon pied que la route a lassé,
Je remonte, songeur, à la source limpide
Qui gazouille dans mon passé.
De nos beaux jours c’était le matin et le rêve :
Tout était joie et chants, fleurs et félicités !
O bonheurs des enfants que le temps nous enlève,
Pourquoi nous avez-vous quittés ?
Nous étions trois alors. Éveillés dès l’aurore,
Sortant du nid à l’heure où l’aube sort du ciel,
Nous allions dans les fleurs qu’elle avait fait éclore
Boire la rosée et le miel.
Elle et toi, de concert à ma voix indociles,
Vous braviez du soleil les torrides chaleurs.
Quand ma mère accourait, l’arbre aux ombres mobiles
Voilait nos plaisirs querelleurs.
Elle avait tout vu. Quittant le frais ombrage,
Nous lisions notre faute à son front rembruni.
Moi – j’étais votre aîné – bien qu’étant le plus sage,
Je n’étais pas le moins puni.
Nous la suivions. Bientôt, trompant sa vigilance,
Nous revolions aux champs, au grand air, au soleil,
Et des bois assoupis, tiède abri du silence,
Nous allions troubler le sommeil.
Alors, malheur à l’arbre à la grappe embaumée,
Au fruit d’or rayonnant à travers les rameaux !
Nous brisions branche et fruits, la grappe et la ramée,
Et jusqu’aux nids des tourtereaux.
Et puis nous descendions la pente des ravines,
Où l’onde et les oiseaux confondaient leurs chansons,
Nous heurtant aux cailloux, nous blessant aux épines
Des framboisiers et des buissons.
Un lac était au bas, large, aux eaux peu profondes.
Sur ses bords qu’ombrageait le dais mouvant des bois,
Avec les beaux oiseaux furtifs amis des ondes,
Enfants, nous jouions tous les trois.
Pour suivre sur les flots leur caprice sauvage,
Des troncs du bananier nous faisions un radeau,
Et sur ce frêle esquif, glissant près du rivage,
Nous poursuivions les poules d’eau.
Ma sœur, trempant ses pieds dans l’onde claire et belle,
Comme la fée-enfant de ces bords enchanteurs,
Jetait aux bleus oiseaux qui nageaient devant elle
Des fruits, des baisers et des fleurs.
Et puis nous revenions. Notre mère, inquiète,
Pour nous punir s’armant de sévères froideurs,
Nous attendait au seuil de l’humble maisonnette,
Heureuse, avec des mots grondeurs.
O chagrin des enfants, qu’aisément tu désarmes
Les mères ! Nous donnant et des fruits et du lait,
Elle mêlait aux mots qui nous coûtaient des larmes
Le baiser qui nous consolait.
Ainsi coulaient nos jours. – O radieuse aurore !
O mes doux compagnons, je crois vous voir encore !
Bonheurs évanouis des printemps révolus,
Soleils des gais matins qui ne m’éclairez plus,
A vos jeunes chaleurs rajeunissant mon être,
Je sens mon cœur revivre et mon passé renaître !
Je vous retrouve enfin ! Je vois là, sous mes yeux,
Courir sur les gazons mes souvenirs joyeux.
Je vois, de notre mère oubliant la défense,
Par les grands champs de riz voltiger notre enfance.
Chassons le papillon, l’insecte, les oiseaux,
Glanons un fruit tombé sur le cristal des eaux ;
C’est le ravin, le lac aux vagues argentines,
Le vieil arbre ombrageant nos têtes enfantines ;
C’est toi, c’est notre mère aux yeux pleins de douceur !
C’est moi, c’est… ; ô mon frère ! où donc est notre sœur ?
Un tertre vert, voilà ce qui nous reste d’elle !
Quand une âme est si blanche, à lui Dieu la rappelle.
Tige, orgueil de nos champs et que la brise aimait,
Tout en elle brillait, fleurissait, embaumait.
Lys sans tache, à la vie elle venait d’éclore,
Douce comme un parfum, blonde comme une aurore !
Le soleil à ses jours mesurait les chaleurs ;
Des roses du Bengale elle avait les pâleurs.
Oh ! les fins cheveux d’or ! Les nouvelles épouses
Du bonheur de ma mère, hélas ! étaient jalouses.
Toutes lui faisaient fête et, des mains et des yeux
Caressant de son front l’ovale harmonieux,
Demandaient au Seigneur, d’une lèvre muette,
Un blond enfant semblable à cette blonde tête !
Nos Noirs, comme ils l’aimaient ! Dans leur langue de feu
Ils la disaient l’étoile et la fille de Dieu.
Naïfs, ils comparaient cette fleur des savanes
Aux fraîches visions qui hantent les cabanes :
C’était un bon génie, une âme douce aux Noirs ;
Et, lorsque du labour ils revenaient, les soirs,
Tous, ils lui rapportaient des nids et des jam-roses,
Ou le bleu papillon, amant ailé des roses.
Hélas ! que vous dirais-je encor de notre sœur ?
Elle était tout pour nous, grâce et fée, astre et fleur ;
L’ange de la maison au nimbe d’innocence ;
La tige virginale, et le palmier d’enfance
Qui, croissant avec nous sous les yeux maternels,
Mêlait à nos rameaux ses rameaux fraternels.
C’est ma nourrice aussi qui l’avait élevée :
Nous étions presque enfants d’une même couvée ;
Oiseaux à qui le ciel faisait des jours pareils,
Un même nid le soir berçait nos longs sommeils.
Temps heureux ! Et la mort ! ô deuil ! ma pauvre mère !…
Elle vint après nous et s’en fut la première.
Sous un souffle glacé j’ai vu ployer son corps ;
L’ange froid des tombeaux éteignit sa prunelle,
Et, loin d’un sol en pleurs l’emportant sur son aile,
Ensemble ils sont partis pour le pays des morts.
Sa tombe ?… Elle est au pied de la haute colline
Dont le front large et nu sur l’Océan s’incline ;
Où la vague aux soupirs des mornes filaos
Vient mêler jour et nuit ses lugubres sanglots,
Et semble pour les morts, d’une voix solennelle,
Chanter le Requiem de sa plainte éternelle.
Paris, 1840.
il y a 9 mois
Casimir Delavigne
@casimirDelavigne
Épilogue A vous, puissans du monde, à vous, rois de la terre,
Qui tenez dans vos mains et la paix et la guerre,
À vous de décider si lassés de souffrir,
Les grecs ont pris le fer pour vaincre ou pour mourir :
Si du Tage au Volga, de la Tamise au Tibre,
L’Europe désormais doit être esclave ou libre.
Libre, elle bénira votre auguste équité ;
Non qu’elle offre ses vœux à cette liberté
Qui des plus saintes lois s’affranchit par le glaive,
Marche sans but, sans frein, sur des débris s’élève,
Triomphe dans le trouble, et, vantant ses bienfaits,
Pour un abus détruit enfante cent forfaits.
La sage liberté qu’elle attend, qu’elle implore,
Qui préside à mes chants, que tout grand peuple adore,
Par le bonheur public affermit les états ;
Créant des citoyens, elle fait des soldats,
Enchaîne la licence, abat la tyrannie,
Des pouvoirs balancés entretient l’harmonie,
Réunit les sujets sous le sceptre des rois,
Rapproche tous les rangs, garantit tous les droits,
Et, favorable à tous, de son ombre éternelle
Couvre jusqu’aux ingrats qui conspirent contre elle !
Ainsi le chêne épais reçoit sous ses rameaux,
Défend des feux du jour ces immondes troupeaux
Qui, cherchant à ses pieds leur sauvage pâture,
Des gazons soulevés flétrissent la verdure,
Insultent vainement dans ses profonds appuis
Ce tronc qui leur prodigue et son ombre et ses fruits,
Et les écraserait de ses vastes ruines,
S’ils pouvaient de la terre arracher ses racines.
il y a 9 mois
Charles Baudelaire
@charlesBaudelaire
Bohémiens en Voyage La tribu prophétique aux prunelles ardentes
Hier s'est mise en route, emportant ses petits
Sur son dos, ou livrant à leurs fiers appétits
Le trésor toujours prêt des mamelles pendantes.
Les hommes vont à pied sous leurs armes luisantes
Le long des chariots où les leurs sont blottis,
Promenant sur le ciel des yeux appesantis
Par le morne regret des chimères absentes.
Du fond de son réduit sablonneux le grillon,
Les regardant passer, redouble sa chanson ;
Cybèle, qui les aime, augmente ses verdures,
Fait couler le rocher et fleurir le désert
Devant ces voyageurs, pour lesquels est ouvert
L'empire familier des ténèbres futures.
il y a 9 mois
Charles Baudelaire
@charlesBaudelaire
La chevelure Ô toison, moutonnant jusque sur l’encolure !
Ô boucles ! Ô parfum chargé de nonchaloir !
Extase ! Pour peupler ce soir l’alcôve obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l’air comme un mouchoir !
La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque défunt,
Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique !
Comme d’autres esprits voguent sur la musique,
Le mien, ô mon amour ! nage sur ton parfum.
J’irai là-bas où l’arbre et l’homme, pleins de sève,
Se pâment longuement sous l’ardeur des climats ;
Fortes tresses, soyez la houle qui m’enlève !
Tu contiens, mer d’ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts :
Un port retentissant où mon âme peut boire
A grands flots le parfum, le son et la couleur ;
Où les vaisseaux, glissant dans l’or et dans la moire,
Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire
D’un ciel pur où frémit l’éternelle chaleur.
Je plongerai ma tête amoureuse d’ivresse
Dans ce noir océan où l’autre est enfermé ;
Et mon esprit subtil que le roulis caresse
Saura vous retrouver, ô féconde paresse,
Infinis bercements du loisir embaumé !
Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l’azur du ciel immense et rond ;
Sur les bords duvetés de vos mèches tordues
Je m’enivre ardemment des senteurs confondues
De l’huile de coco, du musc et du goudron.
Longtemps ! toujours ! ma main dans ta crinière lourde
Sèmera le rubis, la perle et le saphir,
Afin qu’à mon désir tu ne sois jamais sourde !
N’es-tu pas l’oasis où je rêve, et la gourde
Où je hume à longs traits le vin du souvenir ?
il y a 9 mois
Charles Baudelaire
@charlesBaudelaire
Le chat (2) I
Dans ma cervelle se promène
Ainsi qu’en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et charmant.
Quand il miaule, on l’entend à peine,
Tant son timbre est tendre et discret ;
Mais que sa voix s’apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C’est là son charme et son secret.
Cette voix, qui perle et qui filtre
Dans mon fonds le plus ténébreux,
Me remplit comme un vers nombreux
Et me réjouit comme un philtre.
Elle endort les plus cruels maux
Et contient toutes les extases ;
Pour dire les plus longues phrases,
Elle n’a pas besoin de mots.
Non, il n’est pas d’archet qui morde
Sur mon coeur, parfait instrument,
Et fasse plus royalement
Chanter sa plus vibrante corde,
Que ta voix, chat mystérieux,
Chat séraphique, chat étrange,
En qui tout est, comme en un ange,
Aussi subtil qu’harmonieux !
II
De sa fourrure blonde et brune
Sort un parfum si doux, qu’un soir
J’en fus embaumé, pour l’avoir
Caressée une fois, rien qu’une.
C’est l’esprit familier du lieu ;
Il juge, il préside, il inspire
Toutes choses dans son empire ;
Peut-être est-il fée, est-il dieu ?
Quand mes yeux, vers ce chat que j’aime
Tirés comme par un aimant
Se retournent docilement
Et que je regarde en moi-même
Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opales,
Qui me contemplent fixement.
il y a 9 mois
Charles Baudelaire
@charlesBaudelaire
Maesta et errabunda Dis-moi, ton cœur parfois s'envole-t-il, Agathe,
Loin du noir océan de l'immonde cité,
Vers un autre océan où la splendeur éclate,
Bleu, clair, profond, ainsi que la virginité ?
Dis-moi, ton cœur parfois s'envole-t-il, Agathe ?
La mer, la vaste mer, console nos labeurs !
Quel démon a doté la mer, rauque chanteuse
Qu'accompagne l'immense orgue des vents grondeurs,
De cette fonction sublime de berceuse ?
La mer, la vaste mer, console nos labeurs !
Emporte-moi, wagon ! enlève-moi, frégate !
Loin ! loin ! ici la boue est faite de nos pleurs !
- Est-il vrai que parfois le triste cœur d'Agathe
Dise : Loin des remords, des crimes, des douleurs,
Emporte-moi, wagon, enlève-moi, frégate ?
il y a 9 mois
Charles Baudelaire
@charlesBaudelaire
Semper eadem D'où vous vient, disiez-vous, cette tristesse étrange,
Montant comme la mer sur le roc noir et nu ?"
- Quand notre cœur a fait une fois sa vendange,
Vivre est un mal. C'est un secret de tous connu,
Une douleur très simple et non mystérieuse,
Et, comme votre joie, éclatante pour tous.
Cessez donc de chercher, ô belle curieuse !
Et, bien que votre voix soit douce, taisez-vous !
Taisez-vous, ignorante ! âme toujours ravie !
Bouche au rire enfantin ! Plus encor que la Vie,
La Mort nous tient souvent par des liens subtils.
Laissez, laissez mon cœur s'enivrer d'un mensonge,
Plonger dans vos beaux yeux comme dans un beau songe,
Et sommeiller longtemps à l'ombre de vos cils !
il y a 9 mois
Charles Baudelaire
@charlesBaudelaire
Un voyage à Cythère Mon coeur, comme un oiseau, voltigeait tout joyeux
Et planait librement à l'entour des cordages ;
Le navire roulait sous un ciel sans nuages,
Comme un ange enivré d'un soleil radieux.
Quelle est cette île triste et noire ? - C'est Cythère,
Nous dit-on, un pays fameux dans les chansons,
Eldorado banal de tous les vieux garçons.
Regardez, après tout, c'est une pauvre terre.
il y a 9 mois
Charles Cros
@charlesCros
Je sais faire des vers perpétuels Je sais faire des vers perpétuels. Les hommes
Sont ravis à ma voix qui dit la vérité.
La suprême raison dont j'ai, fier, hérité
Ne se payerait pas avec toutes les sommes.
J'ai tout touché : le feu, les femmes, et les pommes ;
J'ai tout senti : l'hiver, le printemps et l'été
J'ai tout trouvé, nul mur ne m'ayant arrêté.
Mais Chance, dis-moi donc de quel nom tu te nommes ?
Je me distrais à voir à travers les carreaux
Des boutiques, les gants, les truffes et les chèques
Où le bonheur est un suivi de six zéros.
Je m'étonne, valant bien les rois, les évêques,
Les colonels et les receveurs généraux
De n'avoir pas de l'eau, du soleil, des pastèques.
il y a 9 mois
Charles Cros
@charlesCros
La vie idéale Une salle avec du feu, des bougies,
Des soupers toujours servis, des guitares,
Des fleurets, des fleurs, tous les tabacs rares,
Où l'on causerait pourtant sans orgies.
Au printemps lilas, roses et muguets,
En été jasmins, oeillets et tilleuls
Rempliraient la nuit du grand parc où, seuls
Parfois, les rêveurs fuiraient les bruits gais.
Les hommes seraient tous de bonne race,
Dompteurs familiers des Muses hautaines,
Et les femmes, sans cancans et sans haines,
Illumineraient les soirs de leur grâce.
Et l'on songerait, parmi ces parfums
De bras, d'éventails, de fleurs, de peignoirs,
De fins cheveux blonds, de lourds cheveux noirs,
Aux pays lointains, aux siècles défunts.
il y a 9 mois
C
Charles Van Lerberghe
@charlesVanLerberghe
Au coeur solitaire du bonheur Au coeur solitaire du bonheur,
Devenu mon coeur même,
Quelle paix divine en ce jour,
Et quelle plénitude suprême !
Ô le rire adorable d'amour
De tout ce qui m'environne !
Autour de mon bonheur en fleur
Une abeille éternelle bourdonne...
Elle se clôt doucement et s'apaise,
Mon âme heureuse ;
Elle se tait,
La rose qui chantait.
il y a 9 mois
C
Charles Van Lerberghe
@charlesVanLerberghe
Ce soir, a travers le bonheur Ce soir, à travers le bonheur,
Qui donc soupire, qu'est-ce qui pleure ?
Qu'est-ce qui vient palpiter sur mon coeur,
Comme un oiseau blessé ?
Est-ce une plainte de la terre,
Est-ce une voix future,
Une voix du passé ?
J'écoute, jusqu'à la souffrance,
Ce son dans le silence.
Ile d'oubli, ô Paradis !
Quel cri déchire, cette nuit,
Ta voix qui me berce ?
Quel cri traverse
Ta ceinture de fleurs,
Et ton beau voile d'allégresse ?
il y a 9 mois
C
Chloe Douglas
@chloeDouglas
Travail bienheureux Je choisis
la marche en arrière
pour arriver au sommet
de mes pensées.
Pour ce moment de liberté,
Je grimperais trois fois,
et chaque fois
d’un différent coté.
Je n’ai besoin
de luxes
pour me sentir
satisfaite.
Seulement
le travail
que je dois faire dans ma tête
me donne des espoirs.
Et qu’importe la sueur
pour comprendre
que j’existe
dans ce monde éphémère.
je n’ai pas besoin de gloire,
aucune jalousie,
tout est possible
dans mon esprit libre.
L’union humaine
est une merveille,
avec du travail devient
le miel de l’abeille.
il y a 9 mois
C
Christophe Bregaint
@christopheBregaint
Je m’arrime à coté de toi J’ai laissé dans des flaques de larmes
L’acier de mes armes
Des sombres vents
D’avant
N’en reste que poussières furtives
A jamais captives,
Du passé
Trépassé..
Car tu m’as ouvert la porte du bonheur
Cet unique seigneur
Lumière
Bannière
En Face duquel, les autres dieux ne sont rien
Que dogmes incertains
Que relents
De sang.
Dors mon ange
Le futur nous lange
Les nuits prochaines seront nôtres
La sérénité en sera l’apôtre
Je m’arrime là
A côté de toi….
il y a 9 mois
C
Christophe Bregaint
@christopheBregaint
Regard désarmé J’ai franchi l’autre rive,
Vers d’autres paysages,
Où j’apprends à aimer,
Pas à pas
Dans tes bras.
La vie n’est plus nocive
J’ouvre, sur ton visage
Mon regard désarmé…
il y a 9 mois
C
Cécile Carrara
@cecileCarrara
Exquise souffrance Exquise souffrance, tendre saveur,
celle qu’il m’offre dans son regard,
prisonnière d’un doux labeur,
j’avance à tâtons dans le noir.
Je suis happée par sa douceur,
si vive et franche comme un poignard,
la lame froide et sans candeur,
me réveille d’un rêve hagard.
Exquise bise et beau projet,
que le souffle de son âme vive,
me berçant de ses grandes idées,
tandis que nos cœurs se ravivent.
Ses mains sont là mais en retrait,
prometteuses quand elles s’activent,
et choisissent de se déposer,
sur mon corps comme sur leur rive.
il y a 9 mois
C
Cécile Sauvage
@cecileSauvage
Enfant, pâle embryon Enfant, pâle embryon, toi qui dors dans les eaux
Comme un petit dieu mort dans un cercueil de verre.
Tu goûtes maintenant l’existence légère
Du poisson qui somnole au-dessous des roseaux.
Tu vis comme la plante, et ton inconscience
Est un lis entr’ouvert qui n’a que sa candeur
Et qui ne sait pas même à quelle profondeur
Dans le sein de la terre il puise sa substance.
Douce fleur sans abeille et sans rosée au front,
Ma sève te parcourt et te prête son âme ;
Cependant l’étendue avare te réclame
Et te fait tressaillir dans mon petit giron.
Tu ne sais pas combien ta chair a mis de fibres
Dans le sol maternel et jeune de ma chair
Et jamais ton regard que je pressens si clair
N’apprendra ce mystère innocent dans les livres.
Qui peut dire comment je te serre de près ?
Tu m’appartiens ainsi que l’aurore à la plaine,
Autour de toi ma vie est une chaude laine
Où tes membres frileux poussent dans le secret.
Je suis autour de toi comme l’amande verte
Qui ferme son écrin sur l’amandon laiteux,
Comme la cosse molle aux replis cotonneux
Dont la graine enfantine et soyeuse est couverte.
La larme qui me monte aux yeux, tu la connais,
Elle a le goût profond de mon sang sur tes lèvres,
Tu sais quelles ferveurs, quelles brûlantes fièvres
Déchaînent dans ma veine un torrent acharné.
Je vois tes bras monter jusqu’à ma nuit obscure
Comme pour caresser ce que j’ai d’ignoré,
Ce point si douloureux où l’être resserré
Sent qu’il est étranger à toute la nature.
Écoute, maintenant que tu m’entends encor,
Imprime dans mon sein ta bouche puérile,
Réponds à mon amour avec ta chair docile
Quel autre enlacement me paraîtra plus fort ?
Les jours que je vivrai isolée et sans flamme,
Quand tu seras un homme et moins vivant pour moi,
Je reverrai les temps où j’étais avec toi,
Lorsque nous étions deux à jouer dans mon âme.
Car nous jouons parfois. Je te donne mon coeur
Comme un joyau vibrant qui contient des chimères,
Je te donne mes yeux où des images claires
Rament languissamment sur un lac de fraîcheur.
Ce sont des cygnes d’or qui semblent des navires,
Des nymphes de la nuit qui se posent sur l’eau.
La lune sur leur front incline son chapeau
Et ce n’est que pour toi qu’elles ont des sourires.
Aussi, quand tu feras plus tard tes premiers pas,
La rose, le soleil, l’arbre, la tourterelle,
Auront pour le regard de ta grâce nouvelle
Des gestes familiers que tu reconnaîtras.
Mais tu ne sauras plus sur quelles blondes rives
De gros poissons d’argent t’apportaient des anneaux
Ni sur quelle prairie intime des agneaux
Faisaient bondir l’ardeur de leurs pattes naïves.
Car jamais plus mon coeur qui parle avec le tien
Cette langue muette et chaude des pensées
Ne pourra renouer l’étreinte délacée :
L’aurore ne sait pas de quelle ombre elle vient.
Non, tu ne sauras pas quelle Vénus candide
Déposa dans ton sang la flamme du baiser,
L’angoisse du mystère où l’art va se briser,
Et ce goût de nourrir un désespoir timide.
Tu ne sauras plus rien de moi, le jour fatal
Où tu t’élanceras dans l’existence rude,
Ô mon petit miroir qui vois ma solitude
Se pencher anxieuse au bord de ton cristal.
il y a 9 mois
C
Cécile Sauvage
@cecileSauvage
Le bonheur est mélancolique Le bonheur est mélancolique.
Le cri des plus joyeux oiseaux
Paraît lointain comme de l’eau
Où se noierait une musique.
À l’oeil qui s’en repaît longtemps
La couleur des fleurs est moins fraîche ;
L’herbe a parfois l’air d’être sèche
Sur le sein même du printemps.
L’allégresse comme un mensonge
Hausse sa note d’un degré
Et l’angoisse au coeur se prolonge
Sous un jour trop longtemps doré.
il y a 9 mois
C
Cécile Sauvage
@cecileSauvage
Musique Une lente voix murmure
Dans la verte feuillaison ;
Est-ce un rêve ou la nature
Qui réveille sa chanson ?
Cette voix dolente et pure
Glisse le long des rameaux :
Si fondue est la mesure
Qu’elle se perd dans les mots,
Si douces sont les paroles
Qu’elles meurent dans le son
Et font sous les feuilles molles
Un mystère de chanson.
Ô lente voix réveillée
Qui caresse la feuillée
Comme la brise et le vent ;
Voix profondes de la vie
Et de l’âme réunies
Qui murmurez en rêvant.
Une forme s’effaçant
Dont les gestes nus et blancs
Flottent dans l’ombre légère
Sous un rideau de fougères
Semble exhaler à demi
De ses lèvres entr’ouvertes
Un chant de silence aussi
Berceur que les branches vertes.
À peine si le murmure
De la muette chanson
Poursuit sa note et s’épure
Dans la douce feuillaison ;
Et la main passe en silence
Sur la tige d’un surgeon
Dont le rythme fin balance
Les branches de ce vallon.
Ô musique qui t’envoles
Sur les papillons glissants
Et dans la plainte du saule
Et du ruisseau caressant !
Passe, chant grêle des choses,
Coule, aile fluide qui n’ose
Peser sur l’azur pâli,
Sur les rameaux endormis ;
Efface-toi, chant de l’âme
Où se mêlent des soupirs
Dans la fuite molle et calme
Des voix qu’on ne peut saisir.
il y a 9 mois
C
Cécile Sauvage
@cecileSauvage
Peut-être serai-je plus gaie Peut-être serai-je plus gaie
Quand, dédaigneuse du bonheur,
Je m’en irai vieille et fanée,
La neige au front et sur le coeur :
Quand la joie ou les cris des autres
Seront mon seul étonnement
Et que des pleurs qui furent nôtres
Je n’aurai que le bavement.
Alors, on me verra sourire
Sur un brin d’herbe comme au temps
Où sans souci d’apprendre à lire
Je courais avec le printemps.
il y a 9 mois
C
Cécile Sauvage
@cecileSauvage
Souvent le coeur qu’on croyait mort Souvent le coeur qu’on croyait mort
N’est qu’un animal endormi ;
Un air qui souffle un peu plus fort
Va le réveiller à demi ;
Un rameau tombant de sa branche
Le fait bondir sur ses jarrets
Et, brillante, il voit sur les prés
Lui sourire la lune blanche.
il y a 9 mois
C
Cécile Sauvage
@cecileSauvage
Voeux simples Vivre du vert des prés et du bleu des collines,
Des arbres racineux qui grimpent aux ravines,
Des ruisseaux éblouis de l’argent des poissons ;
Vivre du cliquetis allègre des moissons,
Du clair halètement des sources remuées,
Des matins de printemps qui soufflent leurs buées,
Des octobres semeurs de feuilles et de fruits
Et de l’enchantement lunaire au long des nuits
Que disent les crapauds sonores dans les trèfles.
Vivre naïvement de sorbes et de nèfles,
Gratter de la spatule une écuelle en bois,
Avoir les doigts amers ayant gaulé des noix
Et voir, ronds et crémeux, sur l’émail des assiettes,
Des fromages caillés couverts de sarriettes.
Ne rien savoir du monde où l’amour est cruel,
Prodiguer des baisers sagement sensuels
Ayant le goût du miel et des roses ouvertes
Ou d’une aigre douceur comme les prunes vertes
À l’ami que bien seule on possède en secret.
Ensemble recueillir le nombre des forêts,
Caresser dans son or brumeux l’horizon courbe,
Courir dans l’infini sans entendre la tourbe
Bruire étrangement sous la vie et la mort,
Ignorer le désir qui ronge en vain son mors,
La stérile pudeur et le tourment des gloses ;
Se tenir embrassés sur le néant des choses
Sans souci d’être grands ni de se définir,
Ne prendre de soleil que ce qu’on peut tenir
Et toujours conservant le rythme et la mesure
Vers l’accomplissement marcher d’une âme sûre.
Voir sans l’interroger s’écouler son destin,
Accepter les chardons s’il en pousse en chemin,
Croire que le fatal a décidé la pente
Et faire simplement son devoir d’eau courante.
Ah ! vivre ainsi, donner seulement ce qu’on a,
Repousser le rayon que l’orgueil butina,
N’avoir que robe en lin et chapelet de feuilles,
Mais jouir en son plein de la figue qu’on cueille,
Avoir comme une nonne un sentiment d’oiseau,
Croire que tout est bon parce que tout est beau,
Semer l’hysope franche et n’aimer que sa joie
Parmi l’agneau de laine et la chèvre de soie.
il y a 9 mois
D
Didier Sicchia
@didierSicchia
Appassionato A demi-mot, sans même peut-être le dire,
J’ai su reconnaître l’émotion lancinante
Qui anime mon être comme un long sourire
Fabule l’âme humaine et le visage enchante.
Alors que j’eusse adulé le morne et le pire
– Encore l’âpre saveur des sauvages menthes,
Voici que maintenant je découvre et j’admire
Les délicats parfums – les faveurs envoûtantes.
Tout en moi est devenu beauté et radieuse
Perception des folles natures délicieuses.
Comment donc faudrait-il définir cette obscure
Fièvre du désir et cette concupiscence
Qui chavire mon coeur et couvre mes blessures
D’un baume hydrophile aux vertueuses essences ?
il y a 9 mois
D
Didier Sicchia
@didierSicchia
Le sud de la France Ineffables parfums de rouges fruits confits,
Délicates saveurs âpres de raisins mûrs.
L’ivresse est profonde et la narcose embellit
L’instant si fugace au potron-jacquet azur.
Ah ! Le long des chemins hasardeux de Provence,
Je respire la saponaire et la lavande
Aussi ces infinies bacchanales fragrances
Que le Sombre et le Libeccio austral répandent.
Puis, au crépuscule de la douce journée,
A l’heure tardive quand chantent les grillons,
Il viendra encore à la table s’ajouter
L’intime chaleureux et le vin vermillon.
Parmi les Enfers et les lointains paradis
Se trouve un balcon sublime sur le bonheur,
Un séjour idyllique et presque une utopie
Afin de subir l’insistant carillonneur.
Ineffables parfums de rouges fruits confits,
Délicates saveurs âpres de raisins mûrs.
L’ivresse est profonde et la narcose embellie
L’instant si fugace au potron-minet azur.
il y a 9 mois
D
Didier Venturini
@didierVenturini
Jour de marché Tous ces râclements de voix
Huilent l’air dès les premières lueurs
Les trétaux éventrent le froid
De leurs pieds d’acier sans douceur
Des confins du lourd sommeil
Se déplient les jambes engourdies
Qui s’agitent entre les corbeilles
De légumes replets et de fruits
Des regards soupèsent le temps
Les premiers mots tanguent en surface
La gueule des camions géants
S’étire renifle à même l’espace
De larges mains gomment la nuit
De leurs gestes sûrs et rapides
Les couleurs se multiplient
Sur ce fond gris et insipide
Ah !
Que la vie est belle
Là sur son coin de mousse
Dans son rêve d’eau douce
Sur son bout de pouce
Comme dans un aéroport
Les halles se sont soudain gonflées
De ces balancements de corps
Cadencés au rythme des paniers
Les cris lézardent le soleil
S’habillent de rouge de jaune de vert
Roulent sous ces langues de miel
En notes chaudes libres de l’hiver
Les parfums rallongent les nez
les entraînent dans une course folle
Flirtant du sucré au salé
Comme un principe de farandole
C’en est ainsi juqu’à midi
Cet instant où la place se donne
Au silence des pavés meurtris
Par cette vie qui encore résonne
Ah !
Que la vie est belle
Là sur son coin de mousse
Dans son rêve d’eau douce
Sur son bout de pouce