Face-book A celui en haut, à ceux en bas ainsi qu’à ceux sous nos pieds,
un visage tu prêtes, visage de ce que tu es.
Et puis, tu es étonné que la toile numérique
soit parsemée même de prières.
Depuis toujours, on s’émerveille devant nos propres visages.
Voilà pourquoi tu es attiré à présent par tous ces écrans.
Face-book… Ce livre des visages…
Pour nos sourires, on a inventé de nouveaux cadres photo.
Ces nouveaux visages exposés sur l’écran,
c’est de figurer dans l’album qu’ils sont reconnaissants.
Combien de fois as-tu changé ta photo de profil ?
Là, c’est moi au travail et, là, c’est moi qui cuisine…
Devant cette mode changeante, je me retrouve souriante.
J’attends que le temps habille de vert les statues sur la place,
dans les cultures et sociétés, il ne marque pas de différences.
Son oeil se pose partout, quoi que tu fasses,
impossible de t’abriter sous un mot de passe.
Alors, ne sois pas facile et dévoile-toi seulement au fur et à mesure,
surtout ne casse pas du marbre en petits cailloux tout de suite.
N’avoue pas dans un autoportrait
ce qui avait manqué à ton souvenir.
Eleni Cay, Frémissements d’un papillon en ère numérique, 2015
il y a 9 mois
E
Elodie Santos
@elodieSantos
J’étais ce jour de pluie La paille était bien belle
et jaune comme l’été
au dessus, une pelle
qui n’avait pas creusé
J’étais toute à l’abri
sous ce toit de campagne
et regardais la pluie
tomber du ciel d’Espagne
Allongée sur ce banc
de bois, terre de Sienne
je m’en allais rêvant
j’étais une italienne
Mes cheveux étaient noir
mon corps pur comme l’eau
mes pieds posés sur l’or
et mes yeux un ruisseau
J’étais ce jour de pluie
comme je ne serai jamais plus
il y a 9 mois
E
Elodie Santos
@elodieSantos
Le vent d’automne Comme je l’aime le vent d’automne
quand je l’entends à ma fenêtre
Et qu’il sonne
Comme je l’aime le vent d’automne
quand il caresse ma cheminée
Et qu’il ramone
Comme je l’aime le vent d’automne
quand il s’arrête d’un coup
Et puis résonne
Comme je l’aime le vent d’automne
qui m’amène un peu l’hiver
Mais je lui pardonne
Comme je l’aime le vent d’automne
quand je suis dans mon lit
Et que je m’abandonne
il y a 9 mois
E
Elodie Santos
@elodieSantos
Promenade bleu caillou Les pierres craquent sous les semelles
L’herbe transpire ce matin
Un beau soleil de printemps éclate au firmament
Sous ce ciel bleu, on perçoit la couleur du vent
Au pied de la colline va s’élevant un chemin près d’un étang
Les cyprès dansent à l’horizon au dessus des vignes et des blés
On entend un petit bruit de moteur tout juste près, tout juste doux
Une petite fourgonette passe, c’est le marchand du village d’à côté
On marche sur un mur de pierres, un petit pont est devant nous
Dessous passe une rivière, couleur de pluie, souffle d’antan
Cette promenade bleu caillou, couleur d’amour, je l’aime tant
c’est pour moi tout ce qu’il y a de plus pur et de plus beau dans cette vie
Couleur d’argent
il y a 9 mois
Emile Verhaeren
@emileVerhaeren
La glycine est fanée et morte est l’aubépine La glycine est fanée et morte est l’aubépine ;
Mais voici la saison de la bruyère en fleur
Et par ce soir si calme et doux, le vent frôleur
T’apporte les parfums de la pauvre Campine.
Aime et respire-les, en songeant à son sort
Sa terre est nue et rêche et le vent y guerroie ;
La mare y fait ses trous, le sable en fait sa proie
Et le peu qu’on lui laisse, elle le donne encor.
En automne, jadis, nous avons vécu d’elle,
De sa plaine et ses bois, de sa pluie et son ciel,
Jusqu’en décembre où les anges de la Noël
Traversaient sa légende avec leurs grands coups d’aile.
Ton coeur s’y fit plus sûr, plus simple et plus humain ;
Nous y avons aimé les gens des vieux villages,
Et les femmes qui nous parlaient de leur grand âge
Et de rouets déchus qu’avaient usés leurs mains.
Notre calme maison dans la lande brumeuse
Etait claire aux regards et facile à l’accueil,
Son toit nous était cher et sa porte et son seuil
Et son âtre noirci par la tourbe fumeuse.
Quand la nuit étalait sa totale splendeur
Sur l’innombrable et pâle et vaste somnolence,
Nous y avons reçu des leçons du silence
Dont notre âme jamais n’a oublié l’ardeur.
A nous sentir plus seuls dans la plaine profonde
Les aubes et les soirs pénétraient plus en nous ;
Nos yeux étaient plus francs, nos coeurs étaient plus doux
Et remplis jusqu’aux bords de la ferveur du monde.
Nous trouvions le bonheur en ne l’exigeant pas,
La tristesse des jours même nous était bonne
Et le peu de soleil de cette fin d’automne
Nous charmait d’autant plus qu’il semblait faible et las.
La glycine est fanée, et morte est l’aubépine ;
Mais voici la saison de la bruyère en fleur.
Ressouviens-toi, ce soir, et laisse au vent frôleur
T’apporter les parfums de la pauvre Campine.
il y a 9 mois
Emile Verhaeren
@emileVerhaeren
Voici quinze ans déjà que nous pensons d’accord Voici quinze ans déjà que nous pensons d’accord ;
Que notre ardeur claire et belle vainc l’habitude,
Mégère à lourde voix, dont les lentes mains rudes
Usent l’amour le plus tenace et le plus fort.
Je te regarde, et tous les jours je te découvre,
Tant est intime ou ta douceur ou ta fierté :
Le temps, certe, obscurcit les yeux de ta beauté,
Mais exalte ton coeur dont le fond d’or s’entr’ouvre.
Tu te laisses naïvement approfondir,
Et ton âme, toujours, paraît fraîche et nouvelle ;
Les mâts au clair, comme une ardente caravelle,
Notre bonheur parcourt les mers de nos désirs.
C’est en nous seuls que nous ancrons notre croyance,
A la franchise nue et la simple bonté ;
Nous agissons et nous vivons dans la clarté
D’une joyeuse et translucide confiance.
Ta force est d’être frêle et pure infiniment ;
De traverser, le coeur en feu, tous chemins sombres,
Et d’avoir conservé, malgré la brume ou l’ombre,
Tous les rayons de l’aube en ton âme d’enfant.
Émile Verhaeren, Les Heures d’après-midi
il y a 9 mois
E
Esther Granek
@estherGranek
Attente Cette graine que je tiens
dans le creux de ma main,
qu’en naîtra-t-il demain ?
Un roseau ou un chêne ?
Quelque plante de jardin ?
J’ignore et ne m’en plains.
Mais le coeur me palpite,
sachant qu’en elle habite
une vie qui attend
mon plaisir du moment
et qui dira : présent
pourvu que je lui trouve
bonne terre qui la couve.
Ainsi, bonne graine attend.
Cet amour que tu tiens
dans le creux de ta main,
qu’en naîtra-t-il demain ?
Mon bonheur, ou ma peine ?
Ou mes regrets sans fin ?
Je l’ignore, ô combien.
Mais là, mon coeur se glace
de ne savoir ma place
au destin qui attend
ton plaisir du moment.
Car c’est toi qui choisis,
et c’est moi qui subis.
Bonne chienne qui attend.
Et bon chien s’y entend.
il y a 9 mois
E
Esther Granek
@estherGranek
Bien dans sa peau Paraît que pour être au plus haut
faut se sentir bien dans sa peau.
Si donc nous nous y sentons mal
ça peut nous bouffer le moral
et c’est porte ouverte aux dégâts…
Aussi soyons de notre temps
car qui voudrait tels embarras ?
Solutionnons en nous soignant
Ché pas si j’ai bien expliqué.
P’têt’ qu’un ajout peut y aider…
*
Paraît que pour s’épanouir
avant tout faut se définir.
S’adore-t-on ? Quand ? Et comment ?
Se déteste-t-on mêmement ?
Si c’était les deux à la fois
(car connaît-on ce qu’on engrange ?)
faut en situer les pourquoi
et clarifier un tel mélange.
Ché pas si j’ai bien expliqué.
P’têt’ qu’un ajout peut y aider…
*
Paraît que pour être serein
faut pas jouer au p’tit malin.
N’hésitons pas à exposer
ce qui en nous fut enterré
dans les entrailles du non-dit
depuis peu, ou des décennies,
et qui pourtant respire encore
causant en nous le plus grand tort.
Ché pas si j’ai bien expliqué.
P’têt’ qu’un ajout peut y aider…
*
Paraît que pour tourner le dos
aux dépressions et autres maux,
faut réparer là où ça craque.
Si vous pensez : « J’en ai ma claque.
Je me croyais hier un génie
et moins qu’une merde aujourd’hui »,
pour vous sortir de ce micmac
au plus tôt videz votre sac.
Ché pas si j’ai bien expliqué.
P’têt’ qu’un ajout peut y aider…
*
Paraît que pour s’équilibrer,
en soi autant qu’en société,
les procédés courent les rues.
Y’a qu’à mettre son âme à nu
et décortiquer sa substance.
L’implication de mille traits
s’entremêlant en permanence
ne devrait pas vous affoler…
Ché pas si j’ai bien expliqué.
P’têt’ qu’un ajout… ?
il y a 9 mois
E
Esther Granek
@estherGranek
Incantation Que tes yeux faits d’azur et d’ombre,
d’ombre ne trouvent en ton destin.
Que tes ans jamais ne soient sombres.
Qu’y sombrent les esprits malins.
Que tes pas soient comme une danse
où danseront joyeux matins.
Et que ta vie qui commence,
commence ton bonheur et le mien.
il y a 9 mois
E
Esther Granek
@estherGranek
Le bonheur Dans le château de mon enfance
Fait de nuages et d’espérance
Dans ce taudis où je suis né
Où j’ai eu faim sans murmurer
Où s’engouffraient les vents mauvais
Et s’étirait l’aube glacée
Où les jours étaient des années
Je possédais sans le savoir
Encore l’immense don de croire
Que le bonheur est quelque part
Dans la chambre de ma jeunesse
Remplie d’amour et de promesses
De mes idées de mes projets
De mes vieux disques ébréchés
Et de poèmes inachevés
Et de mes phrases grandiloquentes
Et de mon génie en attente
Dans le printemps de mon ardeur
Je chérissais au fond du cœur
L’espoir d’un immense bonheur
Dans ma maison d’homme de bien
Dans l’acajou et le satin
Qu’on peut caresser de la main
Et se dire tout cela est mien
Dans mes trésors accumulés
Dans ma fonction parachevée
Dans mes revenus bien placés
Et dans le temps qui s’est enfui
Je cherche encore jusqu’aujourd’hui
Un bonheur qui s’est rétréci
Dans la maison de ma vieillesse
Dans ma demeure aux nombreuses pièces
Seul un petit coin me suffit
Alors errant dans mes lambris
Je voudrais jeter aux cochons
Les perles de ma distinction
Les fers forgés les bois taillés
Les peintures sur toile étalées
Et faire fleurir encore une fois
Ce bonheur qui n’est plus déjà
Qu’un blanc fossile comme moi.
il y a 9 mois
E
Esther Granek
@estherGranek
Promenade Un banc, des coteaux,
des fleurs, une treille,
rayons de soleil
me chauffant le dos.
Des troncs noirs et hauts.
Émois du matin…
Que je me sens bien !
Bocages, ramures.
Un toit qui rassure.
Abri où je dure.
Du rêve. Un piano.
Des livres à gogo.
Pour moi un festin !
Que je me sens bien !
Et quittant la rade,
parfois en balade
ou en randonnée,
je prends le sentier,
coeur et pied légers.
Appel quotidien…
Que je me sens bien !
S’allongent les lieues.
Au vent mes cheveux.
Fatigue aux mollets.
Un coin oublié.
Un silence ailé.
Gazouillis soudain…
Que je me sens bien !
Des baies, des épines.
Et l’air qui burine.
Odeurs de résine
et de chèvrefeuille.
Un saut d’écureuil.
Soleil au déclin…
Que je me sens bien !
Chemin du retour.
Rougeoiement du jour.
Et paix alentour.
Au loin en beauté,
mon toit, mon grenier.
En moi un refrain…
Que je me sens bien !…
Que je me sens bien !…
Que je me sens bien !…
Que je me sens bien !…
il y a 9 mois
E
Esther Granek
@estherGranek
Toi Toi c’est un mot
Toi c’est une voix
Toi c’est tes yeux et c’est ma joie
Toi c’est si beau
Toi c’est pour moi
Toi c’est bien là et je n’y crois
Toi c’est soleil
Toi c’est printemps
Toi c’est merveille de chaque instant
Toi c’est présent
Toi c’est bonheur
Toi c’est arc-en-ciel dans mon coeur
Toi c’est distant…
Toi c’est changeant…
Toi c’est rêvant et esquivant…
Toi c’est pensant…
Toi c’est taisant…
Toi c’est tristesse qui me prend…
Toi c’est fini.
Fini ? Pourquoi ?
Toi c’est le vide dans mes bras…
Toi c’est mon soleil qui s’en va…
Et moi, je reste, pleurant tout bas.
il y a 9 mois
E
Esther Granek
@estherGranek
Vacances Tiède est le vent
Chaud est le temps
Fraîche est ta peau
Doux, le moment
Blanc est le pain
Bleu est le ciel
Rouge est le vin
D’or est le miel
Odeurs de mer
Embruns, senteurs
Parfums de terre
D’algues, de fleurs
Gai est ton rire
Plaisant ton teint
Bons, les chemins
Pour nous conduire
Lumière sans voile
Jours à chanter
Millions d’étoiles
Nuits à danser
Légers, nos dires
Claires, nos voix
Lourd, le désir
Pesants, nos bras
Tiède est le vent
Chaud est le temps
Fraîche est ta peau
Doux, le moment
Doux le moment…
Doux le moment…
il y a 9 mois
F
Francis Vielé Griffin
@francisVieleGriffin
Joies J'ai fleuri mon royaume de lys frêles
Comme les vierges et comme les joies ;
Mon palais clair a de grêles tourelles
Et j'ai drapé mes cieux de pâles soies.
J'ai semé mon jardin de flores saintes
Comme les vierges et comme les joies,
Et je me suis grisé de mes jacinthes,
Aurore, à chaque fois que tu rougeoies.
Je chante en mon âme des choses folles
Comme les vierges et comme les joies,
Et j'ai trouvé de si douces paroles,
O si douces, qu'il faut que tu les croies.
Pour parfumer ta vie érubescente.
J'ai fleuri mon royaume de lys frêles,
Et que balance, à toute aube naissante,
La brise qui chante dans mes tourelles.
Pour que tes pas écrasent des arômes,
J ai semé mon jardin de flores saintes,
Que ne connaissent pas les autres hommes,
Et nous nous griserons de mes jacinthes.
Pour que ta lèvre éclose en un sourire,
Je chante en mon âme des choses folles ;
Je sais des choses, et, pour te les dire,
O, j'ai trouvé de si douces paroles.
il y a 9 mois
François Coppée
@francoisCoppee
Innocence Si chétive, une haleine, une âme,
L’orpheline du porte-clés
Promenait dans la cour infâme
L’innocence en cheveux bouclés.
Elle avait cinq ans ; son épaule
Était blanche sous les haillons ;
Et, libre, elle emplissait la geôle
D’éclats de rire et de rayons.
il y a 9 mois
François Coppée
@francoisCoppee
La cueillette des cerises Espiègle ! j’ai bien vu tout ce que vous faisiez,
Ce matin, dans le champ planté de cerisiers
Où seule vous étiez, nu-tête, en robe blanche.
Caché par le taillis, j’observais. Une branche,
Lourde sous les fruits mûrs, vous barrait le chemin
Et se trouvait à la hauteur de votre main.
Or, vous avez cueilli des cerises vermeilles,
Coquette ! et les avez mises à vos oreilles,
Tandis qu’un vent léger dans vos boucles jouait.
Alors, vous asseyant pour cueillir un bleuet
Dans l’herbe, et puis un autre, et puis un autre encore,
Vous les avez piqués dans vos cheveux d’aurore ;
Et, les bras recourbés sur votre front fleuri,
Assise dans le vert gazon, vous avez ri ;
Et vos joyeuses dents jetaient une étincelle.
Mais pendant ce temps-là, ma belle demoiselle,
Un seul témoin, qui vous gardera le secret,
Tout heureux de vous voir heureuse, comparait,
Sur votre frais visage animé par les brises,
Vos regards aux bleuets, vos lèvres aux cerises.
il y a 9 mois
François Coppée
@francoisCoppee
La trêve La fatigue nous désenlace.
Reste ainsi, mignonne. Je veux
Voir reposer ta tête lasse
Sur l’or épais de tes cheveux.
Tais-toi. Ce que tu pourrais dire
Sur le bonheur que tu ressens
Jamais ne vaudrait ce sourire
Chargé d’aveux reconnaissants.
Sous tes paupières abaissées
Cherche plutôt à retenir,
Pour en parfumer tes pensées,
L’extase qui vient de finir.
Et pendant ton doux rêve, amie,
Accoudé parmi les coussins,
Je regarderai l’accalmie
Vaincre l’orage de tes seins.
il y a 9 mois
François Coppée
@francoisCoppee
Le rêve du poète Ce serait sur les bords de la Seine. Je vois
Notre chalet, voilé par un bouquet de bois.
Un hamac au jardin, un bateau sur le fleuve.
Pas d’autre compagnon qu’un chien de Terre-Neuve
Qu’elle aimerait et dont je serais bien jaloux.
Des faïences à fleurs pendraient après des clous ;
Puis beaucoup de chapeaux de paille et des ombrelles.
Sous leurs papiers chinois les murs seraient si frêles
Que même, en travaillant à travers la cloison
Je l’entendrais toujours errer par la maison
Et traîner dans l’étroit escalier sa pantoufle.
Les miroirs de ma chambre auraient senti son souffle
Et souvent réfléchi son visage, charmés.
Elle aurait effleuré tout de ses doigts aimés.
Et ces bruits, ces reflets, ces parfums, venant d’elle,
Ne me permettraient pas d’être une heure infidèle.
Enfin, quand, poursuivant un vers capricieux,
Je serais là, pensif et la main sur les yeux,
Elle viendrait, sachant pourtant que c’est un crime,
Pour lire mon poème et me souffler ma rime,
Derrière moi, sans bruit, sur la pointe des pieds.
Moi, qui ne veux pas voir mes secrets épiés,
Je me retournerais avec un air farouche ;
Mais son gentil baiser me fermerait la bouche.
– Et dans les bois voisins, inondés de rayons,
Précédés du gros chien, nous nous promènerions,
Moi, vêtu de coutil, elle, en toilette blanche,
Et j’envelopperais sa taille, et sous sa manche
Ma main caresserait la rondeur de son bras.
On ferait des bouquets, et, quand nous serions las
On rejoindrait, toujours suivis du chien qui jappe,
La table mise, avec des roses sur la nappe,
Près du bosquet criblé par le soleil couchant ;
Et, tout en s’envoyant des baisers en mangeant,
Tout en s’interrompant pour se dire : Je t’aime !
On assaisonnerait des fraises à la crème,
Et l’on bavarderait comme des étourdis
Jusqu’à ce que la nuit descende…
– O Paradis !
il y a 9 mois
François Coppée
@francoisCoppee
Un rêve de bonheur… Un rêve de bonheur qui souvent m’accompagne,
C’est d’avoir un logis donnant sur la campagne,
Près des toits, tout au bout du faubourg prolongé,
Où je vivrais ainsi qu’un ouvrier rangé.
C’est là, me semble-t-il, qu’on ferait un bon livre.
En hiver, l’horizon des coteaux blancs de givre ;
En été, le grand ciel et l’air qui sent les bois ;
Et les rares amis, qui viendraient quelquefois
Pour me voir, de très loin, pourraient me reconnaître,
Jouant du flageolet, assis à ma fenêtre.
il y a 9 mois
F
François Fabié
@francoisFabie
Notre nid A Madelaine F.
Un jardin tout planté de poiriers en plein vent,
Auxquels depuis trente ans le pinson est fidèle,
Une blanche maison où revient l’hirondelle,
Voilà le nid heureux que je rêve souvent.
Un bouquet de sureaux au parfum énervant,
Par les midis en feu, servirait de tonnelle ;
J’aurais un banc très court pour être plus près d’Elle
Et mieux sentir son doux regard noir me couvant.
Puis des murs tapissés de ronces et de treilles,
Des carrés tout remplis de fèves et de pois,
Dont les fleurs à ta joue, ô chère ! sont pareilles.
Là, nous apporterions un livre quelquefois,
Je te lirais mes vers au bruit de nos abeilles,
Et tu t’endormirais doucement à ma voix.
il y a 9 mois
A
Alexis-Félix Arvers
@alexisFelixArvers
Le retour de la bien-aimée I
Que ces vallons déserts, que ces vastes prairies
Où j’allais promener mes tristes rêveries,
Que ces rivages frais, que ces bois, que ces champs,
Que tout prenne une voix et retrouve des chants
Et porte jusqu’au sein de Ta Toute Puissance
Un hymne de bonheur et de reconnaissance !
Celle, qui dans un chaste et pur embrassement,
A reçu mon amour et mon premier serment,
Celle à qui j’ai juré de consacrer ma vie
Par d’injustes parents m’avait été ravie ;
Ils avaient repoussé mes pleurs, et les ingrats
Avaient osé venir l’arracher de mes bras ;
Et jaloux de m’ôter la dernière espérance
Qui pût me soutenir et calmer ma souffrance,
Un message trompeur nous avait informés
Que sur un bord lointain ses yeux s’étaient fermés.
Celui qui fut aimé, celui qui put connaître
Ce bonheur enivrant de confondre son être,
De vivre dans un autre, et de ne plus avoir
Que son cœur pour sentir, et que ses yeux pour voir,
Celui-là pourra seul deviner et comprendre
Ce qu’une voix humaine est impuissante à rendre ;
Celui-là saura seul tout ce que peut souffrir
Un homme, et supporter de tourments sans mourir.
Mais la main qui sur moi s’était appesantie
Semble de mes malheurs s’être enfin repentie.
Leur cœur s’est attendri, soit qu’un pouvoir caché,
Que sais-je ? Ou que la voix du remords l’ait touché.
Celle que je pleurais, que je croyais perdue,
Elle vit ! elle vient ! et va m’être rendue !
Ne demandez donc plus, amis, pourquoi je veux
Qu’on mêle ces boutons de fleurs dans mes cheveux.
Non ! Je n’ai point souffert et mes douleurs passées
En cet heureux instant sont toutes effacées ;
Que sont tous mes malheurs, que sont tous mes ennuis.
Et ces rêves de deuil qui tourmentaient mes nuits ?
Et moi ! J’osais du ciel accuser la colère !
Je reconnais enfin sa bonté tutélaire.
Et je bénis ces maux d’un jour qui m’ont appris
Que mes yeux ne devaient la revoir qu’à ce prix !
II
Quel bonheur est le mien ! Pourtant — ces deux années
Changent bien des projets et bien des destinées ;
— Je ne puis me celer, à parler franchement,
Que ce retour me gêne un peu, dans ce moment.
Certes, le souvenir de notre amour passé
N’est pas un seul instant sorti de ma pensée ;
Mais enfin je ne sais comment cela s’est fait :
Invité cet hiver aux bals chez le préfet.
J’ai vu sa fille aînée, et par étourderie
Risqué de temps en temps quelque galanterie :
Je convins aux parents, et fus bientôt admis
Dans cette intimité qu’on réserve aux amis.
J’y venais tous les soirs, je faisais la lecture,
Je présentais la main pour monter en voiture ;
Dans nos réunions en petit comité,
Toujours près de la fille, assis à son côté.
Je me rendais utile à tout, j’étais son page.
Et quand elle chantait, je lui tournais la page.
Enfin, accoutumé chaque jour à la voir.
60 Que sais-je ? J’ai rendu, sans m’en apercevoir,
Et bien innocemment, des soins, que je soupçonne
N’être pas dédaignés de la jeune personne :
Si bien que je ne sais trop comment m’arranger :
On jase, et les parents pourront bien exiger
Que j’ôte ce prétexte à la rumeur publique,
Et, quelque beau matin, vouloir que je m’explique.
C’est ma faute, après tout, je me suis trop pressé,
Et, comme un débutant, je me suis avancé.
Mais, d’un autre côté, comment prévoir… ? N’importe,
Mes serments sont sacrés, et mon amour l’emporte,
J’irai demain trouver le père, et s’il vous plaît,-
Je lui raconterai la chose comme elle est.
— C’est bien ! — Mais que va-t-on penser, que va-t-on dire ?
Le monde est si méchant, et si prompt à médire !
— Je le brave ! et s’il faut, je verserai mon sang…
Oui : mais toujours est-il que c’est embarrassant.
III
Comme tout ici-bas se flétrit et s’altère,
Et comme les malheurs changent un caractère !
J’ai cherché vainement, et n’ai point retrouvé
Cette aimable candeur qui m’avait captivé.
Celle que j’avais vue autrefois si craintive.
Dont la voix résonnait si douce et si plaintive,
Hautaine, au parler bref, et parfois emporté,
A rejeté bien loin cette timidité.
A moi, qui n’ai vécu, n’ai souffert que pour elle.
Est-ce qu’elle n’a pas déjà cherché querelle ?
Jetant sur le passé des regards curieux,
Elle m’a demandé d’un air impérieux
Si, pendant tout ce temps que j’ai passé loin d’elle.
Mon cœur à sa mémoire était resté fidèle :
Et de quel droit, bon Dieu ? Nous n’étions point liés.
Et nous aurions très bien pu nous être oubliés !
J’avais juré, promis ! — Qu’est-ce que cela prouve ?
Tous les jours, en amour, on jure ; et lorsqu’on trouve
Quelque distraction, on laisse rarement
Perdre l’occasion de trahir son serment :
Il n’est pas défendu d’avoir un cœur sensible,
Et ce n’est point du « tout un crime irrémissible.
Et puis d’ailleurs, après ce que j’ai découvert.
Entre nous, soyons franc, parlons à cœur ouvert :
J’en avais fait mon deuil, et la pauvre exilée
S’est bien de son côté quelque peu consolée ;
Et si je persistais à demander sa main.
C’était par conscience, et par respect humain ;
Je m’étais étourdi. Mais elle a, la première.
Fait ouvrir, par bonheur, mes yeux à la lumière,
Et certes, j’aime mieux encore, à beaucoup près,
Qu’elle se soit ainsi montrée avant qu’après.
Car enfin, rien n’est fait, au moins, et le notaire
N’a point à nos serments prêté son ministère.
— Mais quels emportements ! quels pleurs ! car elle croit
Exiger une dette et réclamer un droit.
Or il faut en finir : quoi qu’elle dise ou fasse,
J’en ai pris mon parti ; j’irai lui dire en face,
— Quoi ? — Que son caractère est à n’y pas tenir.
— Elle avait bien besoin aussi de revenir !
Nous étions si bien tous, quand son humeur altière
Vint troubler le repos d’une famille entière !
On nous la disait morte ; et je croirais aussi
Qu’il vaudrait beaucoup mieux que cela fût ainsi.
il y a 9 mois
A
Alexis-Félix Arvers
@alexisFelixArvers
Sonnet à mon ami R J'avais toujours rêvé le bonheur en ménage,
Comme un port où le cœur, trop longtemps agité,
Vient trouver, à la fin d'un long pèlerinage,
Un dernier jour de calme et de sérénité.
Une femme modeste, à peu près de mon âge
Et deux petits enfants jouant à son côté ;
Un cercle peu nombreux d'amis du voisinage,
Et de joyeux propos dans les beaux soirs d'été.
J'abandonnais l'amour à la jeunesse ardente
Je voulais une amie, une âme confidente,
Où cacher mes chagrins, qu'elle seule aurait lus ;
Le ciel m'a donné plus que je n'osais prétendre ;
L'amitié, par le temps, a pris un nom plus tendre,
Et l'amour arriva qu'on ne l'attendait plus.
il y a 9 mois
G
Georges Fourest
@georgesFourest
En passant sur le quai… Le long des parapets tout argentés de brumes,
Vraiment je ne sais plus pourquoi je remarquai
Ce banal in-dix-huit parmi tant de volumes
Endormis comme lui dans les boîtes du quai ;
Lamentable bouquin ! voyez : le dos se casse,
Le soleil tord les plats que l’averse a mouillés ;
On a, sans aucun soin, gratté la dédicace
Et le vent de la scène emporte des feuillets.
C’est un livre de vers : jadis par les allées
Du Luxembourg vernal où chantaient les lilas
Comme il vous pourchassait gaiement, strophes ailées,
Ce poète chanteur alerte et jamais las !
Fou d’épithète rare, et de rythme et de rime,
D’allitération, de consonnes d’appui,
Il n’apercevait point (irrémissible crime !)
Putanettes en fleurs, vos yeux fixés sur lui !
Et comme il se dressait en dompteur de chimère
Et comme il agitait son crâne chevelu,
Ce jour, cet heureux jour où l’éditeur Lemerre
Lui dit : « Monsieur Ledrain, jeune homme, vous a lu;
« Vos vers le satisfont. Casquez, et je publie ! »
Oh ! mots harmonieux ! le murmure embaumé
Des forêts où l’aveu d’une lèvre jolie
Peut-être, en ce moment, ne l’eût point tant charmé !
Oh ! tu n’espérais point, je le sais, bon jeune homme,
Non ! tu n’espérais point le foudroyant succès
Qui du soir au matin fait l’auteur qu’on renomme
De l’inconnu d’hier, mais au moins tu pensais
(D’ailleurs peu soucieux de vulgaires tapages)
Qu’une femme, un poète, un couple d’amoureux,
Peut-être… un chroniqueur feuilletteraient ces pages
Et scanderaient ces vers que tu rimais pour eux.
Hélas ! Monsieur Ledrain fut ton lecteur unique ;
Ton bouquin resta vierge au passage Choiseul…
Nulle main n’entrouvrit cette jaune tunique
Dont la brocheuse a fait son lange et son linceul ! —
Est-il mort, aujourd’hui, l’auteur de ces poèmes ?
Aigri, désespéré, faiseur de mots méchants,
A-t-il grossi le flot des sordides bohêmes ?
Non ! laissez-moi penser qu’il regagna ses champs,
Sa maison de province où toute chose est douce,
L’enclos où le glaïeul fleurit auprès du chou ;
Il végète comme eux sans heurt et sans secousse,
Adipeux et béat, tel un poussah mandchou !
Critique au Moniteur de la Sous-Préfecture,
Il préside là-bas de vagues JEUX FLORAUX,
Déplore les excès de la littérature
Et flétrit les auteurs de romans immoraux ;
Le ruban violet orne sa boutonnière
Et lui qui se posait naguère en Charles Moor,
Il couche maintenant avec sa cuisinière
S’avouant satisfait d’un ancillaire amour.
Chaque nuit, dans les draps, couple en rut mais que hante
Incoerciblement la terreur du fœtus,
Avec précaution, le maître et la servante
Échangent des baisers contrôlés par Malthus.
Il grisonne, pourtant ses ruses de satyre
Avivent les langueurs de sa nymphe à l’oignon
Mais, toujours galant homme, à temps, il se retire :
Le jour, il est : « Monsieur » et la nuit : « Gros Mignon ! »
Si tout est bien ainsi que je l’ai voulu croire,
Ami, tombe à genoux et bénis le Seigneur,
Ta pauvre ambition ne rêvait que la gloire ;
Plus clément, le Bon Dieu t’a donné le bonheur !
il y a 9 mois
G
Georges Haldas
@georgesHaldas
Epoque heureuse Logés dans le cristal on buvait la lumière
Chaque jour recousait le travail matinal
Plus douce que la mer une brise attisait comme un feu d'espérance
On renaissait à l'aube toujours neuf à soi-même
On mangeait à midi servis par des mains d'anges qui devinant sans cesse nos secrètes pensées en chassaient la tristesse
On devenait plus jeunes
La solitude même était comme un fil d'or
Chaque silence en nous laissait parler les morts
il y a 9 mois
G
Grégory Rateau
@gregoryRateau
En route ! Géant, il commandait aux ombres
Agitant ses longs bras
Avec cette insouciance des Dieux
Tout en lui repoussait les limites du bon sens
Son sourire planait trop haut
La misère à bonne distance
La voix du monde pour coryphée
Lui seul détenait le secret du bonheur
Je le suivais sans réfléchir
Me reniant si souvent
Jusqu’à perdre sa trace
Au carrefour de villes imaginaires
Son secret irrévélé
Et ce silence pesant
il y a 9 mois
Guillaume Apollinaire
@guillaumeApollinaire
C’est l’hiver C’est l’hiver et déjà j’ai revu des bourgeons
Aux figuiers dans les clos Mon amour nous bougeons
Vers la paix ce printemps de la guerre où nous sommes
Nous sommes bien Là-bas entends le cri des hommes
Un marin japonais se gratte l’œil gauche avec l’orteil droit
Sur le chemin de l’exil voici des fils de rois
Mon cœur tourne autour de toi comme un kolo où dansent quelques jeunes soldats serbes auprès d’une pucelle endormie
Le fantassin blond fait la chasse aux morpions sous la pluie
Un belge interné dans les Pays-Bas lit un journal où il est question de moi
Sur la digue une reine regarde le champ de bataille avec effroi
L’ambulancier ferme les yeux devant l’horrible blessure
Le sonneur voit le beffroi tomber comme une poire trop mûre
Le capitaine anglais dont le vaisseau coule tire une dernière pipe d’opium
Ils crient Cri vers le printemps de paix qui va venir Entends le cri des hommes
Mais mon cri va vers toi mon Lou tu es ma paix et mon printemps
Tu es ma Lou chérie le bonheur que j’attends
C’est pour notre bonheur que je me prépare à la mort
C’est pour notre bonheur que dans la vie j’espère encore
C’est pour notre bonheur que luttent les armées
Que l’on pointe au miroir sur l’infanterie décimée
Que passent les obus comme des étoiles filantes
Que vont les prisonniers en troupes dolentes
Et que mon cœur ne bat que pour toi ma chérie
Mon amour ô mon Loup mon art et mon artillerie
Nîmes, le 17 janvier 1915
il y a 9 mois
Guillaume Apollinaire
@guillaumeApollinaire
Le chat Je souhaite dans ma maison :
Une femme ayant sa raison,
Un chat passant parmi les livres,
Des amis en toute saison
Sans lesquels je ne peux pas vivre.
il y a 9 mois
Guillaume Apollinaire
@guillaumeApollinaire
Le toutou et le gui Un gentil toutou vit un jour un brin de gui
Tombé d’un chêne
Il allait lever la patte dessus, sans gêne,
Quand sa maîtresse qui
L’observe, l’en empêche et d’un air alangui
Ramasse le gui
« Gui, jappe le toutou, pour toi c’est une veine !
Qu’est-ce qui donc te la valut ?»
« Vous êtes, cher toutou, fidèle et résolu
Et c’est pourquoi votre maîtresse
Vous aime avec tendresse,
Lui répond
La plante des Druides,
Pour la tendresse à vous le pompon
Mais moi je suis l’amour à grandes guides
Je suis le bonheur;
La plus rare des fleurs, ô toutou, mon meilleur
Compagnon, puisque, plante, je n’ai pas de fleur !…
Vous êtes l’idéal et je porte bonheur… »
Et leur
Maîtresse
Étendue avec paresse
Effeuillant indifféremment de belles fleurs
Aux mille couleurs
Aux suaves odeurs
Feint de ne pas entendre
Le toutou jaser avec le gui. Leurs
Propos la font sourire, et nos rêveurs
Imaginent de comparer leurs deux bonheurs
Cependant qu’Elle les regarde d’un air tendre,
Puis se levant soudain auprès d’eux vient s’étendre.
Le toutou, pour sa part, eut bien plus (à tout prendre)
De baisers que le gui
Qui tout alangui
Entre deux jolis seins ne peut rien entreprendre
Mais se contente bien, ma foi,
De son trône digne d’un roi
Il jouit des baisers, les voyant prendre
Et les voyant rendre
Sans rien prétendre.
Morale
Il ne faut pas chercher à comprendre.
il y a 9 mois
Guillaume Apollinaire
@guillaumeApollinaire
Lou est un enfant charmant Lou est un enfant charmant
petit Lou au bon cœur
Il y a aussi des libellules bleues
Lou est la huitième merveille du monde
Lierre Herbe de la tendresse
Lierre Herbe de la fidélité
Avions de cristal beaux fruits du ciel qui chante
Simple douceur des nues si blanches et si rondes
Ce fut une heure de départ ! secteur…
Ceci c’est ma prière bleue vers toi
Et c’est aussi mon délice
Que ce soit toi que je veuille
1915
Soldats de faïence et d’escarboucle
Ô AMOUR
Est-il temps de monter plus haut que notre idéal
Les heures sont de belles filles langoureuse
Le printemps défleuri s’éloigne
Là-bas bas et se tourne parfois encore pour me sourire
Et dans les champs les coquelicots se fanent en se violaçant
Et en répendant une odeur opiacé
Je contemple ton absenbce et ton silence
Mais tu tiens à moi par mille liens subtils
Mon imagination royale allume ses millions d’astres
À ta flamboyante divinité des délices
Non ! je ne veux pas fermer pendant la contemplation
Les neufs portes des sens
Et leur ouverture se dirige et se prolonge
Jusqu’à toi et ton délice
Le jour n’est plus. Il est temps que j’aille à la rivière me baigner.
et cette onde est pleine d’herbes
aussi fallaces que ton regard
tandis qu’éclate un artifice meurtrier
et qu’un incendie teint la nuit de couleur cerise
Cueille vite cette fleur
Prends vite le lambeau de nuage que je te donne
Lou
Dans cette nuit profonde de juin adorable
Je suis ici pour te chanter des chansons
En combattant
Je te couvrirai de trophées
J’attends seulement l’amour
Mort, tes servants sont à leurs postes
Mes chants t’ont appelée toute ma vie
Mon chant est nu, il a dépouillé ses parures
Écris-moi vite, Lou, de belle belles choses
Vie de ma vie, je baise votre main
Courmelois, le 21 juin 1915
il y a 9 mois
Guillaume Apollinaire
@guillaumeApollinaire
Mon Lou la nuit descend Mon Lou la nuit descend tu es à moi je t’aime
Les cyprès ont noirci le ciel a fait de même
Les trompettes chantaient ta beauté mon bonheur
De t’aimer pour toujours ton cœur près de mon cœur
Je suis revenu doucement à la caserne
Les écuries sentaient bon la luzerne
Les croupes des chevaux évoquaient ta force et ta grâce
D’alezane dorée ô ma belle jument de race
La tour Magne tournait sur sa colline laurée
Et dansait lentement lentement s’obombrait
Tandis que des amants descendaient de la colline
La tour dansait lentement comme une sarrasine
Le vent souffle pourtant il ne fait pas du tout froid
Je te verrai dans deux jours et suis heureux comme un roi
Et j’aime de t’y aimer cette Nîmes la Romaine
Où les soldats français remplacent l’armée prétorienne
Beaucoup de vieux soldats qu’on n’a pu habiller
Ils vont comme des bœufs tanguent comme des mariniers
Je pense à tes cheveux qui sont mon or et ma gloire
Ils sont toute ma lumière dans la nuit noire
Et tes yeux sont les fenêtres d’où je veux regarder
La vie et ses bonheurs la mort qui vient aider
Les soldats las les femmes tristes et les enfants malades
Des soldats mangent près d’ici de l’ail dans la salade
L’un a une chemise quadrillée de bleu comme une carte
Je t’adore mon Lou et sans te voir je te regarde
Ça sent l’ail et le vin et aussi l’iodoforme
Je t’adore mon Lou embrasse-moi avant que je ne dorme
Le ciel est plein d’étoiles qui sont les soldats
Morts ils bivouaquent là-haut comme ils bivouaquaient là-bas
Et j’irai conducteur un jour lointain t’y conduire
Lou que de jours de bonheur avant que ce jour ne vienne luire
Aime-moi mon Lou je t’adore Bonsoir
Je t’adore je t’aime adieu mon Lou ma gloire
Nîmes, le 29 décembre 1914