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Bonheur

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Bonheur

Poésies de la collection bonheur

    Joachim du Bellay

    Joachim du Bellay

    @joachimDuBellay

    Heureux qui comme Ulysse Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, Ou comme cestuy-là qui conquit la toison, Et puis est retourné, plein d'usage et raison, Vivre entre ses parents le reste de son âge! Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village Fumer la cheminée, et en quelle saison Reverrai-je le clos de ma pauvre maison, Qui m'est une province, et beaucoup davantage? Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux, Que des palais Romains le front audacieux, Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine: Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin, Plus mon petit Liré, que le mont Palatin, Et plus que l'air marin la doulceur angevine.

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    Joachim du Bellay

    Joachim du Bellay

    @joachimDuBellay

    Heureux, de qui la mort de sa gloire est suivie Heureux, de qui la mort de sa gloire est suivie, Et plus heureux celui dont l'immortalité Ne prend commencement de la postérité, Mais devant que la mort ait son âme ravie. Tu jouis (mon Ronsard), même durant ta vie, De l'immortel honneur que tu as mérité : Et devant que mourir (rare félicité) Ton heureuse vertu triomphe de l'envie. Courage donc, Ronsard, la victoire est à toi, Puisque de ton côté est la faveur du Roi : Là du laurier vainqueur tes tempes se couronnent, Et là la tourbe épaisse à l'entour de ton flanc Ressemble ces esprits, qui là-bas environnent Le grand prêtre de Thrace au long sourpelis blanc.

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    Jules Delavigne

    @julesDelavigne

    Equilibre fuyant J’avance lentement Sous un soleil écrasant Mes pieds, plus lourds à chaque pas, S’enfoncent inlassablement Dans le sable liquide. Et je ne vois que des champs couverts de neige Que des dimanches matins heureux Dans mes montagnes fraiches et splendides. La vielle dame m’avait dit un jour Que le bonheur est dans le mouvement Dans la fluidité entre deux étapes, deux états Et nulle part ailleurs. Devant moi, toujours, mon enfance L’air chargé de sel, porté par le vent Ces milliers d’étincelles dans l’eau Ces milliers de pensées insaisissables Et le son des galets brassés par les vagues Qui me bercera jusqu’à l’infini.

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    Jules Verne

    Jules Verne

    @julesVerne

    Bonheur Domestique Il est des gens pour qui le bonheur est sur terre Ils font notre malheur, vivant gais et contents ! J'aimais, comme l'on aime aux âges innocents, Une charmante fille, à la prunelle altière ! Un noble, un gentleman, par ses écus sonnants, A ravi cette fille à mon amour sincère ! Près d'elle, il vit heureux ! entre sa ménagère, Ses chiens, et ses chevaux, il partage son temps ! Il s'enivre souvent du blanc jus de la treille, Qui, de son bras galant brutalement éveille L'insolente vigueur sur sa chère moitié ! Il caresse des fils dont il se croit le père, Faits de compte à demi par la douce amitié... ! Il est des gens pour qui le bonheur est sur terre.

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    Jérôme Matin

    @jeromeMatin

    Un nouvel élan Il est des couleurs dans le firmament, Aux aurores d’un jour précieux Le dessein des cieux, Aux êtres inspirés La promesse d’un nouvel élan Comment, murée, pourrais-tu en rendre grâce? Noyée dans les méandres d’un pâle quotidien, L’œil figé dans le reflet de la glace, Le destin des tiens dans le creux de ta main. Ce sourire, Ce masque, Cet excès de bienveillance… À se nourrir du bonheur de l’autre on en oublie d’être heureux. Ce regard, Ce mensonge, Quel est ce mal qui te ronge? À trop enfouir ses secrets le réel devient poreux. La rivière n’attend pas que le vent creuse son nid, Elle défie le temps, la roche, l’horizon et le vide. Tu es de celles qui bâtissent, Héritière des candaces, De celles qui se relèvent quand la vie les terrasse. Tant de montagnes à gravir et de larmes à verser… Tant de torrents à franchir et de chaînes à briser… Toi, qui ne savoure que l’instant de solitude, Puisses-tu emprunter le sentier de la plénitude, Sentir la chaleur et la tendresse d’un corps aimant, D’un regard amoureux Le feu ardent. Gardien des messages que porte le vent, L’oiseau, même en cage, ne saurait chanter faux. La nature l’a ainsi fait, nul doute ne l’habite. Puisses-tu un jour trouver la paix, L’amour que tu mérites

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    Kamal Zerdoumi

    @kamalZerdoumi

    Atemporel Les bras emplis de présent il avait lancé un défi au temps Le fleuve immobile n’était plus l’emblème de ce qui meurt L’on fêtait le commencement de ce qui n’a pas de fin la joie inépuisable d’être un hymne permanent à la vie Les bras emplis de présent il avait trouvé une nouvelle patrie

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    K

    Kamal Zerdoumi

    @kamalZerdoumi

    Belmondo Ta mort a chassé la France de l’insouciance et de la joie de vivre ces jardins d’Éden que tu incarnais si bien Jean-Paul acteur protéiforme à l’image de cette vie que tu aimais tant Aujourd’hui le pays porte le poids de ses péchés originels la division et la haine de l’Autre Des millions d’orphelins pleurent leur père cet emblème de l’amour du prochain Les spectateurs l’avaient compris eux qui rêvaient le temps d’un film en pensant le bonheur possible grâce à toi Notre société est un catafalque où les meilleurs parmi nous ne sont que des oiseaux de mauvais augure Là-bas j’en suis sûr Jean-Paul tu grossiras la troupe de ceux qui ont su perpétuer l’optimisme d’une belle nation dont maintenant certains aspirent à se partager la dépouille Mais tes rôles nous demeurent et c’est là ta gloire et notre résurrection

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    Kamal Zerdoumi

    @kamalZerdoumi

    Bonheur Sur le chemin les décombres de la mélancolie Une joie royale rêve d’un palais à la gloire du chant et de la lumière Quelqu’un brille éphémère comme le joyau de la mémoire entre les mains avides de l’instant

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    Kamal Zerdoumi

    @kamalZerdoumi

    Change Pour être la vie et la mort pour rire des coups du sort pour être les quatre saisons pour être sans rime ni raison change Pour ne ressembler à personne pour être le cosmos dans un atome pour être la femme et l’homme change Pour rendre envieuses les statues pour narguer le temps qui te tue pour aimer ce qui s’écoule pour être cette pierre qui sans cesse roule change

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    K

    Kamal Zerdoumi

    @kamalZerdoumi

    Hiver Main dans la main marchent la neige et le silence Du monde lavé de ses souillures s’élève le chant le plus pur Les hommes prennent un étrange bain d’innocence Ils échangent leurs cœurs boules de candeur que leurs rires illuminent Voyez comme ici-bas la fraternité a bonne mine Il suffit de peu que deux amoureux main dans la main regardent en silence tomber la neige de leur enfance

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    L

    Louis Gallaup de Chasteuil

    @louisGallaupDeChasteuil

    A. M. Bernard I. C. pour sa nef de bonheur C'est la parlante Nef que le mont Piéride * Verse de son espaule au giron de la Mer De la Mer qui s'en charge et qui la fait ramer Du Thessalide flot jusques au val Phocide**. C'est la Nef de Bon-heur, que l'accueil Trytonide Estrene d'un glaçon qu'on voit ore escumer Et ore dans les Eaux en Isthme se former Le séjour et le ny de l'aigle Saxonide. De mon Prince vainqueur j'environne l'autel D'olivier immortel de laurier immortel Ainsy Themis Phoebus honorent son trophée La carène le matz, les bancz les avirons De la céleste Argos dardent leurs lamperons Icy la Vierge luicz et la lire d'Orphée.

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    L

    Louise Ackermann

    @louiseAckermann

    La belle au bois dormant Une princesse, au fond des bois, A dormi cent ans autrefois, Oui, cent beaux ans, tout d’une traite. L’enfant, dans sa fraîche retraite, Laissait courir le temps léger. Tout sommeillait à l’entour d’elle : La brise n’eût pas de son aile Fait la moindre feuille bouger ; Le flot dormait sur le rivage ; L’oiseau, perdu dans le feuillage, Était sans voix et sans ébats ; Sur sa tige fragile et verte La rose restait entr’ouverte : Cent printemps ne l’effeuillaient pas ! Le charme eût duré, je m’assure, À jamais, sans le fils du roi. Il pénétra dans cet endroit, Et découvrit par aventure Le trésor que Dieu lui gardait. Un baiser, bien vite, il dépose Sur la bouche qui, demi-close, Depuis un siècle l’attendait. La dame, confuse et vermeille, À cet inconnu qui l’éveille Sourit dans son étonnement. Ô surprise toujours la même ! Sourire ému ! Baiser charmant ! L’amour est l’éveilleur suprême, L’âme, la Belle au bois dormant.

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    Louise Labé

    Louise Labé

    @louiseLabe

    Je vis, je meurs Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ; J'ai chaud extrême en endurant froidure : La vie m'est et trop molle et trop dure. J'ai grands ennuis entremêlés de joie. Tout à un coup je ris et je larmoie, Et en plaisir maint grief tourment j'endure ; Mon bien s'en va, et à jamais il dure ; Tout en un coup je sèche et je verdoie. Ainsi Amour inconstamment me mène ; Et, quand je pense avoir plus de douleur, Sans y penser je me trouve hors de peine.

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    Louise Labé

    Louise Labé

    @louiseLabe

    Oh ! si j'étais en ce beau sein ravie Oh ! si j'étais en ce beau sein ravie De celui-là pour lequel vais mourant ; Si avec lui vive le demeurant De mes courts jours ne m'empêchait envie ; Si m'accolant, me disait : Chère Amie, Contentons-nous l'un l'autre, s'assurant Que jà tempête, Euripe, ni courant Ne nous pourra déjoindre en notre vie ; Si, de mes bras le tenant accolé, Comme du lierre est l'arbre encercelé, La mort venait, de mon aise envieuse, Lors que souef plus il me baiserait, Et mon esprit sur ses lèvres fuirait, Bien je mourrais, plus que vivante, heureuse.

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    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    Quand je pense à ma mère Ma mère est dans les cieux, les pauvres l’ont bénie ; Ma mère était partout la grâce et l’harmonie. Jusque sur ses pieds blancs, sa chevelure d’or Ruisselait comme l’eau, Dieu ! J’en tressaille encor ! Et quand on disait d’elle : « Allons voir la Madone », Un orgueil m’enlevait, que le ciel me pardonne ! Ce tendre orgueil d’enfant, ciel ! pardonnez-le nous : L’enfant était si bien dans ses chastes genoux ! C’est là que j’ai puisé la foi passionnée Dont sa famille errante est toute sillonnée. Mais jamais ma jeune âme en regardant ses yeux, Ses doux yeux même en pleurs, n’a pu croire qu’aux cieux. Et quand je rêve d’elle avec sa voix sonore, C’est au-dessus de nous que je l’entends encore. Oui, vainement ma mère avait peur de l’enfer, Ses doux yeux, ses yeux bleus n’étaient qu’un ciel ouvert Oui, Rubens eût choisi sa beauté savoureuse Pour montrer aux mortels la Vierge bienheureuse. Sa belle ombre qui passe à travers tous mes jours, Lorsque je vais tomber me relève toujours. Toujours entre le monde et ma tristesse amère, Pour m’aider à monter je vois monter ma mère ! Ah ! l’on ne revient pas de quelque horrible lieu. Et si tendre, et si mère, et si semblable à Dieu ! On ne vient que d’en haut si prompte et si charmante Apaiser son enfant dont l’âme se lamente. Et je voudrais lui rendre aussi l’enfant vermeil La suivant au jardin sous l’ombre et le soleil ; Ou, couchée à ses pieds, sage petite fille, La regardant filer pour l’heureuse famille. Je voudrais, tout un jour oubliant nos malheurs, La contempler vivante au milieu de ses fleurs ! Je voudrais, dans sa main qui travaille et qui donne, Pour ce pauvre qui passe aller puiser l’aumône. Non, Seigneur ! sa beauté, si touchante ici-bas, De votre paradis vous ne l’exilez pas ! Ce soutien des petits, cette grâce fervente Pour guider ses enfants si forte, si savante, Vous l’avez rappelée où vos meilleurs enfants Respirent à jamais de nos jours étouffants. Mais moi, je la voulais pour une longue vie Avec nous et par nous honorée et suivie, Comme un astre éternel qui luit sans s’égarer. Que des astres naissants suivent pour s’éclairer. Je voulais jour par jour, adorante et naïve, Vous contempler, Seigneur ! dans cette clarté vive… Elle a passé ! Depuis, mon sort tremble toujours Et je n’ai plus de mère où s’attachent mes jours.

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    M

    Max Elskamp

    @maxElskamp

    De joie Ils sont venus, ils sont venus, Naïvement nus et goulus De raisins de verre et de cierges, Sur les bras longs des saintes vierges. Les dimanches ; sonnez matines, Frère Jacques, en mes doctrines. Or c'en est fini des semaines Où, dans l'eau, mains rouges, l'on peine ; Il fait chaude joie dans le cœur Et les arbres chantent en chœur, Puis se taisent et font silence Avec un faux air d'innocence. Car ils sont venus les dimanches Rêvés tout au long des nuits blanches. Et par la ville, les enfants Chanteurs de paysages blancs Font les oiseaux et s'inquiètent Que si matin il fasse fête, Tandis que, de messes en quête, Les vieilles gens perdent la tête. Or, dans les rues et les ruelles, Où sonnent fraîches les chapelles, Les femmes en robes nouvelles S'éplorent de se trouver belles ; Frère Jacques, sonnez matines A leurs douces villes félines. II Et la ville de mes mille âmes, Dormez-vous, dormez-vous ; Il fait dimanche, mes femmes, Et ma ville, dormez-vous ? Et les juifs, honte à mes ruelles, Dormez-vous, dormez-vous ; — Antiquités et Dentelles — Même les juifs dormez-vous ? Et, vous, mes doux marchands de cierges, Dormez-vous, dormez-vous ; Aux litanies de la Vierge Immaculée dormez-vous ? Clochers, l'on a volé vos heures, Dormez-vous, dormez-vous ; Frère Jacques, aux demeures De quel sommeil dormez-vous ? Bonnes gens, il fait grand dimanche Et de gel, et de verglas, A la ville qu'endimanchent Les drapeaux des consulats. V Or, les autres des bras en gestes Et des baisers et des yeux ronds, Les gens du dimanche qui vont En voyage avec tant de gestes, Bon voyage, les trains vont vite, Aux carrousels des horizons Sautent les arbres, les maisons, Bon voyage, les trains vont vite. Bon voyage, les jours sont longs Aux pays neufs et qui s'indurent De mirages et d'aventures, Bon voyage, les jours sont longs. Bon voyage, et races latines, Au bout de très-chrétiennes mers Des planisphères outre-mer, Bon voyage, et races latines. Bon voyage, faites naufrage ; Bon voyage, pour avoir faim, Au soir, en voyant les moulins A tour de bras faire du pain.

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    M

    Michel Ménaché

    @michelMenache

    Étreinte Ascension radieuse lianes de soie lovées en chrysalide frémissements d’ailes sous la peau la grâce et l’ivresse aux convections ardentes de poussières d’étoiles caresses d’années lumière

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    Nérée Beauchemin

    @nereeBeauchemin

    Le branle du sanctus Dans l’air religieux des dimanches, ondulent Ces accords, graves comme un angélus du soir, Que les cloches de bronze, au rythme d’encensoir, Au sanctus de la messe, en sourdine, modulent. Sanctus! Sanctus! Rosaire aux doigts, priant tout bas, Grand’mère, dans un rêve extatique plongée, D’un seuil à l’autre seuil, par la chambre imagée, Promène le marmot qui fait ses premiers pas. Le pied rose, à demi, sur le plancher se pose, Et le petit genou fléchit à tout moment. La pavanne pieuse est un encensement; Le couple oscille, à chaque escousse, à chaque pause. Sonnerie et lumière animent le tableau, Et, dans un harmonique unisson, font cortège Aux cheveux blancs qu’argente une mousse de neige, Aux blonds cheveux que berce un roulis de berceau. Ils vont, tant que le branle épand ses larges ondes, Très révérencieux, comme en procession. On croit ouïr des voix de bénédiction. Et l’humble vieille songe à des choses profondes. La cloche, semble-t-il, rythme l’envolement Du bonnet de baptême aux blancheurs irréelles, Et le balancement du clocher de dentelles Qui pointe, comme flèche, au chef de grand’maman. Sanctus! Dans l’or léger que la vitre tamise. Dans l’or que dissémine un soleil de juillet, Les deux fronts inégaux se nimbent d’un reflet, Et la chambre éblouit comme une nef d’église. Sanctus! Heureux l’enfant qui commence à marcher En ces murs imagés que le cierge illumine, Et qui, de Chandeleur en Chandeleur, chemine Dans l’orbe de musique et d’encens du clocher.

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    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    Animal rit Le monde rit, Le monde est heureux, content et joyeux La bouche s’ouvre, ouvre ses ailes et retombe. Les bouches jeunes retombent, Les bouches vieilles retombent. Un animal rit aussi, Étendant la joie de ses contorsions. Dans tous les endroits de la terre Le poil remue, la laine danse Et les oiseaux perdent leurs plumes. Un animal rit aussi Et saute loin de lui-même. Le monde rit, Un animal rit aussi, Un animal s’enfuit.

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    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    Avec tes yeux Avec tes yeux je change comme avec les lunes Et je suis tour à tour et de plomb et de plume, Une eau mystérieuse et noire qui t’enserre Ou bien dans tes cheveux ta légère victoire.

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    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    À faire rire la certaine À faire rire la certaine, Était-elle en pierre? Elle s’effondra.

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    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    Lequels ? Pendant qu’il est facile Et pendant qu’elle est gaie Allons nous habiller et nous déshabiller.

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    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    Mascha riait aux anges L’heure qui tremble au front du temps tout embrouillé Un bel oiseau léger plus vif qu’une poussière Traîne sur un miroir un cadavre sans tête Des boules de soleil adoucissent ses ailes Et le vent de son vol affole la lumière Le meilleur a été découvert loin d’ici.

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    Paul-Jean Toulet

    Paul-Jean Toulet

    @paulJeanToulet

    C'était sur un chemin crayeux C'était sur un chemin crayeux Trois châtes de Provence Qui s'en allaient d'un pas qui danse Le soleil dans les yeux. Une enseigne, au bord de la route, - Azur et jaune d'œuf, - Annonçait : Vin de Châteauneuf, Tonnelles, Casse-croûte. Et, tandis que les suit trois fois Leur ombre violette, Noir pastou, sous la gloriette, Toi, tu t'en fous : tu bois...

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    Paul Verlaine

    Paul Verlaine

    @paulVerlaine

    Bonheur I L'incroyable, l'unique horreur de pardonner. Quand l'offense et le tort ont eu cette envergure, Est un royal effort qui peut faire figure Pour le souci de plaire et le soin d'étonner ; L'orgueil qu'il faut se doit prévaloir sans scrupule Et s'endormir pur, fort des péchés expiés. Doux, le front dans les cieux reconquis, et les pieds Sur cette humanité toute honte et crapule. Ou plutôt et surtout gloire à Dieu qui voulut Au cœur que tout émeut, tel sous des doigts un luth ", Donner quelque repos * dans l'entier sacrifice. Et paix au cœur c enfin de bonne volonté Qui ne veut vivre plus d que vers la Charité, Et que votre plaisir, ô Jésus, s'assouvisse. II La vie est bien sévère A cet homme trop gai : Plus le vin dans le verre Pour le sang fatigué. Plus l'huile dans la lampe Pour les yeux et la main. Plus l'envieux qui rampe Pour l'orgueil surhumain. Plus l'épouse choisie Pour vivre et pour mourir, En qui l'on s'extasie Pour s'aider à souffrir, Hélas ! et plus les femmes Pour le cœur et la chair. Plus la Foi, sel des âmes, Pour la peur de l'Enfer, Et ni plus l'Espérance Pour le ciel mérité Par toute la souffrance " ! Rien ! Si ! La Charité : Le pardon des offenses Comme un déchirement, L'abandon des vengeances Comme un délaissement ; Changer au mieux le pire, A la méchanceté Déployant son empire Opposer la bonté ; Peser, se rendre compte. Faire la part de tous, Boire la bonne honte, Être toujours plus doux... Quelque chaleur va luire Pour ce cœur h fatigué, La vie un peu sourire c A cet homme si gai d. Et puisque je pardonne, Mon Dieu, pardonnez-moi, Ornant l'âme enfin bonne D'espérance et de foi. III Après la chose faite, après le coup porté. Après le joug très dur librement accepté Et le fardeau plus lourd que le ciel et la terre Levé d'un dos vraiment et gaîment volontaire. Après la bonne haine et la chère rancœur. Le rêve de tenir, implacable vainqueur, Les ennemis du cœur et de l'âme et les autres, De voir couler des pleurs plus affreux que les nôtres De leurs yeux dont on est le Moïse au rocher. Tout ce train mis en fuite, - et courez le chercher ! - Alors on est content comme au sortir d'un rêve, On se retrouve net, clair, simple, on sent que crève Un abcès de sottise et d'erreur, et voici Que de l'éternité symbole et raccourci. Toute une plénitude afflue, aime ', et s'installe. L'être palpite entier dans la forme totale. Et la chair est moins faible et l'esprit est moins prompt ; Désormais, on le sait, on s'y tient, fleuriront Le lys du faire pur, celui du chaste dire Et, si daigne Jésus, la rose du martyre. Alors on trouve, ô Dieu si lent à vous venger, Combien doux est le joug et le fardeau léger ! Charité ! la plus forte entre toutes les forces, Tu veux dire, saint piège aux célestes amorces, Les mains tendres du fort, de l'heureux et du grand Autour du sort plaintif du faible et du souffrant. Le regard franc du Riche au Pauvre exempt d'envie Ou jaloux, et ton nom encore signifie Quelle douceur choisie et quel droit dévouement, Et ce tact virginal, et l'ange exactement ! Mais l'ange est innocent ; d'essence bienheureuse. Il n'a point à passer par notre vie affreuse. Et toi, Vertu sans pair, presque Une, n'es-tu pas Humaine en même temps que divine ici-bas ? Aussi la conscience a dû pour des fins sûres Surtout sentir en toi le pardon des injures. Par toi nous devenons semblables à Jésus Portant sa croix infâme et qui, cloué dessus. Priait pour ses bourreaux d'Israël et de Rome, A Jésus qui, du moins, homme avec tout d'un homme. N'avait, lui, jamais eu de torts de son côté. Et, par Lui, tu nous fais croire en l'éternité. IV Aussi, cette ignorance " de Vous ! Avoir des yeux et ne pas Vous voir. Une âme et ne vous point concevoir. Un esprit sans nouvelles de Vous ! Ô temps, ô mœurs qu'il en soit ainsi Et que ce vase de belles fleurs. Qu'un tel vase, précieux d'ailleurs, De la plus belle se prive ainsi * ! Religion, unique raison. Et seule règle et loi, Piété, Rien là de vous n'a jamais été. Pas un retour, pas une oraison. Aussi cette ignorance de tout ! Et de soi-même, droits et devoirs. Et des autres, leurs justes pouvoirs, Leur action légitime, et tout ! Jusqu'à méconnaître en moi quel nom. Quel titre augurai et de par Dieu, Et six ans passés à plaire à Dieu, Vertu vécue, effortd bel et bon, Jusqu'à ne pas se douter vraiment Du tour affreux et plus que cruel Qu'un sot grief à peine réel Inflige à ses rancunes vraimente. Éclairez ces ténèbres de mort. C'est votre créature après tout Que l'ignorance invincible absout. Bah ! claire et bonne lui soit la mort ! V L'adultère, celui, du moins, codifié Au mépris de l'Église et de Dieu défié, Tout d'abord doit sembler la faute irrémissible : Tel un trait lancé juste, ayant l'enfer pour cible. Beaucoup de vrais croyants, questionnés ici. Répondraient à coup sûr qu'il en doit être ainsi ". D'autre part le mondain, qui n'y voit point un crime. Pour qui tous mauvais tours sont de bons coups d'escrime, Rit du procédé lourd, préférant, affrontés. Tous risques et périls à ces légalités Abominablement prudentes et transies Entre des droits divers et plusieurs fantaisies, Enfin trouve le cas'' boiteux, piteux, honteux. Le Sage, de qui l'âme et l'esprit vont tous deux, Bien équilibrés, droit au vrai milieu des causes, Pleure sur telle femme en route pour ces choses. Il plaide l'ignorance, elle donc ne sachant Que le côté naïf, c'est-à-dire méchant. Hélas ! de cette douce et misérable vie. Elle plaît et le sait, et ce qu'elle est ravie ! Mais son caprice tue, elle l'ignore tant ! Elle croit que d'aimer c'est de l'argent comptant. Non un fonds travaillant ; qu'on paie et qu'on est quitte. Que d'aimer c'est toujours : « qu'arrivera-t-il ensuite ? » Non un seul vœu qu'on tient jusqu'à la fin de nous c. El certes suscité, néanmoins son courroux Gronde le seul péché, plaignant les pécheresses Coupables tout au plus de certaines paresses Et les trois quarts du temps luxurieuses point. Bête orgueil, intérêt mesquin, voilà le pointd. Avec d'avoir été trop ou trop peu jalouses. Seigneur, ayez pitié des âmes, nos épouses ! VI Puis, déjà très anciens. Des songes de souvenirs. Si doux nécromanciens D'encor pires avenirs ! Une fille presque enfant Quasi zézayante un peu Dont on s'éprit en rêvant Et qu'on aima dans le bleu. Mains qu'on baisa que souvent ! Bouche aussi, cheveux aussi. C'était l'âge triomphant Sans feintise et sans souci. Puis on eut tous les deux tort, Mais l'autre n'en convient pas. Et si c'est pour l'un la mort, Pour l'autre c'est le trépas. Montrez-vous, Dieu de douceur. Fût-ce au suprême moment, Pour qu'aussi l'âme ma sœur Revive éternellement. VII Maintenant, au gouffre du Bonheur ! Mais avant le glorieux naufrage Il faut faire à cette mer en rage Quelque sacrifice et quelque honneur. Jettes-y, dans cette mer terrible. Ouragan de calme, flot de paix, Tes songes creux, tes rêves épais, Et tous les défauts, comme d'un crible. (Car de gros vices tu n'en as plus. Quant aux défauts, foule vénielle Contaminante, ivraie et nielle. Tu les as tous on ne peut pas plus.) Jettes-y tes petites colères, — Garde les grandes pour les cas vrais, — Les scrupules excessifs après, — Les extrêmes, que tu les tolères ! — Jette la moindre velléité De cotlcupiscence, quelle qu'elle Soit, femmes ou vin ou gloire, ah, quelle Qu'elle soit, qu'importe en vérité ! Jette-moi tout ce luxe inutile Sans soupir, au contraire en chantant, Jette sans peur, au contraire ! étant Lors délesté d'un luxe inutile. Jette à l'eau ! que légers nous dansions En route pour l'entonnoir tragique Que nul atlas ne cite ou n'indique, Sur la mer des Résignations. VIII L'homme pauvre d'esprit est-ii " si rare, en somme ? Non. Et je suis cet homme et vous êtes cet homme, Et tous les hommes sont cet homme ou furent lui Ou le seront quand l'heure opportune aura lui. Conçus dans l'agonie épuisée et plaintive De deux désirs que seul un feu brutal avive ; Sans vestige autre nôtre, à travers cet émoi, Qu'une larme de quoi ! que pleure quoi ! dans quoi ! Nés parmi la douleur, le sang et la sanie, Nus. de corps sans instinct et d'âme sans génie Pour grandir et souffrir, par l'âme et par le corps. Vivant au jour le jour, bernés de vœux discords Pour mourir dans l'horreur fatale et la détresse. Quoi de nous dès qu'en nous la question se dresse ? Quoi ? qu'un être capable au plus de moins que peu En dehors du besoin d'aimer et de voir Dieu, Et quelque chose au front du fond du cœur te monte Qui ressemble à la crainte et qui tient de la honte. Quelque chose, on dirait d'encore incomplété Mais dont la Charité ferait l'Humilité. Lors à quelqu'un vraiment de nature ingénue Sa conscience n'a qu'à dire : Continue, Si la chair n'arrivait à son tour en disant : Arrête, et c'est la guerre en ce Juste à présent. Mais tout n'est pas perdu malgré le coup si rude. Car la chair avant tout est chose d'habitude. Elle peut se plier et doit s'acclimater. C'est ton droit, ton devoir, ta loi de la mater Selon les strictes lois de la bonne nature. Or la nature est simple, elle admet la culture. Elle procède avec douceur, calme et lenteur. Ton corps est un lutteur, fais-le vivre en lutteur, Sobre et chaste, abhorrant l'excès de toute sorte. Femme qui le détourne et vin qui le transporte Et la paresse pire encore que l'excès. Enfin pacifié puis apaisé — tu sais Quels sacrements il faut pour cette tâche intense. Et c'est l'Eucharistie après la Pénitence — Ce corps allégé, libre et presque glorieux. Dûment redevenu dûment laborieux, Va se rompre ou plutôt s'assouplir au service De ton esprit d'amour, d'offre et de sacrifice. Subira les saisons et les privations, Enfin sera le temple embaumé d'actions De grâce, d'encens pur et de vertus chrétiennes Et tout retentissant de psaumes et d'antiennes, Qu'habite l'Esprit Saint et que daigne Jésus Visiter, comparable aux bons rois bien reçus. De ce moment, toi. pauvre avec toute assurance *, Après avoir prié pour la persévérance, Car docte charité tout d'abord pense à soi. Puise au gouffre infini de la Foi plus de foi Que jamais, et présente à Dieu ton vœu bien tendre, Bien ardent, bien formel, et de voir et d'entendre Les hommes t'imiter, même te dépasser Dans la course au salut, et pour mieux les pousser A ces fins que le ciel en extase contemple, Bien humble, (souviens-toi !), prêcheur, prêche d'exemple ! IX Bon pauvre, ton vêtement est léger Comme une brume. Oui, mais, aussi, ton cœur, il est léger Comme une plume. Ton libre cœur qui n'a qu'à plaire à Dieu, Ton cœur bien quitte De toute dette humaine, en quelque lieu Que l'homme habite ! Ta part de plaisir et d'aise paraît Peu suffisante. Ta conscience, en revanche, apparaît Satisfaisante, Ta conscience que précisément Tes malheurs mêmes Ont dégagée en ce juste moment Des soins suprêmes ! Ton boire et ton manger sont, je le crains. Tristes et mornes, Seulement ton corps faible a dans ses reins. Sans fin ni bornes Des forces d'abstinence et de refus Très glorieuses Et des ailes vers les deux entrevus Impérieuses ! Ta tête franche de mets et de vin. Toute pensée. Tout intellect conforme au plan divin. Haut redressée, Ta tête est prête à tout enseignement De la Parole Et de l'exemple de Jésus clément Et bénévole Et de Jésus terrible, prête au pleur Qu'il faut qu'on verse, A l'affront vil qui poigne, à la douleur Lente qui perce. Le monde pour toi seul, le monde affreux, Devient possible, T'environnant, toi qu'il croit malheureux. D'oubli paisible. Même l'ayant d'étonnantes douceurs Et ces caresses ! Les femmes qui sont parfois d'âpres sœurs, D'aigres maîtresses. Et de douloureux compagnons toujours Ou toujours presque. Te jaugeant mal fringant, aux gestes lourds. Un peu grotesque, Tout à fait incapable de n'aimer Qu'à les voir belles. Qu'à les trouver bonnes et de n'aimer Qu'elles en elles. Et te pesant si léger que ce n'est Rien de le dire. Te dispenseront, tous comptes au net. De leur sourire. Et te voilà libre à dîner, en roi. Seul à ta table Sans nul flatteur (quel fléau pour un roi Plus détestable !) L'assassin, l'escroc et l'humble voleur Qui n'y voient guère De nuance, t'épargnent comme leur Plus jeune frère. Des vertus surérogatoires, la Prudence humaine, — L'autre, la cardinale, ah ! celle-là, Que Dieu t'y mène ! — L'amabilité, l'affabilité Quasi célestes. Sans rien d'affecté, sans rien d'emprunté", Franches, modestes, Nimbent ce destin que Dieu te voulut Tendre et sévère, Dans l'intérêt surtout de ton salut A bien parfaire. Et pour ange contre le lourd méchant Toujours stupide, La Clairvoyance te guide en marchant, Fine et rapide, La Clairvoyance qui n'est pas du tout La méfiance, Et qui plutôt serait, pour sommer tout, La prévoyance, Élicitant ' les gens de prime-saut Sous les grimaces, Faisant sortir la sottise du sot, Trouvant les traces. Et médusant la curiosité De l'hypocrite Par un regard entre les yeux planté Qui brûle vite... Et s'il ose rester des ennemis A ta misère, Pardonne-leur, ainsi que l'a promis Ton notre-père. Afin que Dieu te pardonne aussi, Lui, Prends cette avance. Car dans le mal fait au prochain, c'est lui Seul qu'on offense. X Le « sort » fantasque qui me gâte à sa manière M'a logé cette fois, peut-être la dernière Et la dernière c'est la bonne — à l'hôpital ' ! De mon rêve à ceci le réveil est brutal Mais explicable par le fait d'une voleuse, (Dont l'histoire posthume est, dit-on, graveleuse) Du fait d'un rhumatisme aussi, moindre détail ; Puis d'un gîte où l'on est qu'importe le portail ? J'y suis, j'y vis. « Non, j'y végète », on rectifie ; On se trompe. J'y vis dans le strict de la vie, Le pain qu'il faut, pas trop de vin, et mieux couché ! Evidemment j'expie un très ancien péché (Très ancien ?) dont mon sang a des fois la secousse, Et la pénitence est relativement douce. Dans le martyrologe et sur l'armoriai Des poètes, peut-être un peu proverbial, C'est un lieu comme un autre, on en prend l'habitude : A prison bonne enfant longanime Latude. Sans compter qu'au rimeur, pour en parler, alors ! Pauvre et fier, il ne reste qu'à mourir dehors Ou tout comme, en ces temps vraiment trop peu propices, Et mourir pour mourir, Muse qui me respices , Autant le faire ici qu'ailleurs, et même mieux. Sinon qu'ici l'on est tout « laïque », les vieux Abus sont réformés, et le « citoyen », libre ! Et fort ! doit, ou l'Etat perdrait son équilibre, — Avec ça qu'il n'est pas à cheval sur un pai ! — Mourir dans les bras du Conseil Municipal, Mal rassurante et pas assez édifiante Conclusion pour tel qu'un vœu mystique hante. Moi par exemple, j'en forme l'aveu sans fard, Me dût-on traiter d'âne ou d'impudent cafard. La conversation, dans ce modeste asile, Ne m'est pas autrement pénible et difficile : Ces braves gens que le Journal rend un peu sots Du moins ont conservé, malgré tous les assauts Que « l'Instruction » livre à leur tête obsédée, Quelque saveur encor de parole et d'idée ; La Révolution, qu'il faut toujours citer Et condamner, n'a pu complètement gâter Leur trivialité non sans grâce et sincère. Même je les préfère aux mufles de ma sphère. Certes ! et je subis leur choc sans trop d'émoi. Leur vice et leur vertu sont juste à point pour moi Les goûter et me plaire en ces lieux salutaires A (comme moi) des espèces de solitaires. Espèce de couvent moins cet espoir chrétien ! Le monde est tel qu'ici je n'ai besoin de rien Et que j'y resterais, ma foi, toute ma vie, Sans grands jaloux, j'espère, et pour sûr. sans envie ! Si, dès guéri, si je guéris, car tout se peut. Je n'avais quelque chose à faire, que Dieu veut. XI Prêtres de Jésus-Christ, la Vérité vous garde. Ah, soyez ce que pense une foule bavarde Ou ce que le penseur lui-même dit de vous, Bassement orgueilleux, haineusement jaloux. Avares, impurs, durs, la vérité vous garde. Et de fait nul de vous ne risque, ne hasarde Un seul pan du prestige, un seul pli du drapeau Tant la doctrine exacte et du Bien et du Beau Vit là, qui vous maintient entre ses hauts dilemmes. Plats comme les bourgeois, vautrés dans des Thélèmes Ou guindés vers l'honneur pharisaïque alors, Qu'importe, si Jésus, plus fort que des cœurs morts, Règne par vos dehors du reste incontestables : Culte respectueux, formules respectables, Un emploi libéral et franc des Sacrements (Car les temps ont du moins, dans leurs relâchements Parmi plus d'une bonne et délicate chose, Laissé tomber l'affreux Jansénisme morose ') Et ce seul mot sur votre enseigne : Charité ! Mal gracieux, sans goût aucun, même affecté. Pour si peu que ce soit d'art et de poésie. Incapables d'un bout de lecture choisie, D'un regard attentif, d'une oreille en arrêt, Pis qu'inconsciemment hostiles, on dirait. A tout ce qui dans l'homme et fleurit et s'allume, Plus lourds que les marteaux et plus sourds qu'une enclume. Sans même l'étincelle et le bruit triomphant. Que fait ? si Jésus a, pour séduire l'enfant Et le sage qu'est l'homme en sa double énergie, Votre théologie et votre liturgie. D'ailleurs maints d'entre vous, troupeau trié déjà. Valent mieux que le monde autour qui vous jugea. Lisent clair, visent droit, entendent net en somme. Vivent et pensent, plus que non pas un autre homme, Que tels, mes chers lecteurs, que moi, cet écrivain, Tant leur science est courte et tant mon art est vain ! C'est vrai qu'il sort de vous comme de votre maître. Quand même, une vertu qui vous fait reconnaître. Elle offusque les sots, ameute les méchants, Remplit les bons d'émois révérents et touchants, Force indéfinissable ayant de tout en elle. Comme surnaturelle et comme naturelle. Mystérieuse et dont vous allez investis. Grands par comparaison chez les peuples petits. Vous avez tous les airs de toutes, sinon toutes Les choses qu'il faut être en l'affre de nos routes. Si vous ne l'êtes pas, du moins vous paraissez Tels qu'il faut, et semblez dans ce zèle empressés, Poussant votre industrie et votre économie Depuis la sainteté jusqu'à la bonhomie. Hypocrisie, émet un tiers, ou nullité ! Bonhomie, on doit dire en chœur, et sainteté, Puisque, ô croyons toujours le bien de préférence. Mais c'est surtout ce siècle et surtout cette France Que charme et que bénit, à quelles fins de Dieu ? Votre ombre lumineuse et réchauffante un peu, Seul bienfait apparent de la Grâce invisible Sur la France insensée et le siècle insensible, Siècle de fer et France, hélas ! toute de nerfs, France d'où détalant partout comme des cerfs. Les principes, respect, l'honneur de sa parole. Famille, probité, filent en bande folle, Siècle d'âpreté juive et d'ennuis protestants Noyant tout, le superbe et l'exquis des instants. Au remous gris de mers de chiffres et de phrases. Vous, phares doux parmi ces brumes et ces gazes, Ah ! luisez-nous encore et toujours jusqu'au jour. Jusqu'à l'heure du cœur expirant vers l'amour Divin, pour refleurir éternel dans la même Charité loin de cette épreuve froide et blême. Et puis, en la minute obscure des adieux. Flambez, torches d'encens, et rallumez nos yeux A l'unique Beauté toute bonne et puissante. Brûlez ce qui n'est plus la prière innocente. L'aspiration sainte et le repentir vrai ! Puisse un prêtre être là. Jésus, quand je mourrai ! XII Guerrière, militaire et virile en tout point, La sainte Chasteté, que Dieu voit la première De toutes les vertus marchant dans sa lumière Après la Charité distante presque point. Va d'un pas assuré mieux qu'aucune amazone A travers l'aventure et l'erreur du Devoir. Ses yeux grands ouverts pleins du dessein de bien voir. Son corps robuste et beau digne d'emplir un trône, Son corps robuste et nu balancé noblement Entre une tête haute et deux jambes sereines, Du port majestueux qui sied aux seules reines. Et sa candeur la vêt du plus beau vêtement. Elle sait ce qu'il faut qu'elle sache des choses. Entre autres, que Jésus a fait l'homme de chair Et mis dans notre sang un charme doux-amer D'où doivent découler nos naissances moroses, Et que l'amour charnel est bénit en des cas. Elle préside alors et sourit à ces fêtes. Dévêt la jeune épouse avec ses mains honnêtes Et la mène à l'époux par des tours délicats. Elle entre dans leur lit, lève le linge ultime, Guide pour le baiser et l'acte et le repos Leurs corps voluptueux aux fins de bon propos. Et désormais va vivre entre eux, leur ange intime. Puis, au-dessus du Couple, ou plutôt à côté, — Bien agir fait s'unir les vœux et les nivelle, — Vers le Vierge et la Vierge isolés dans leur belle Thébaïde à chacun, la sainte Chasteté, Sans quitter les Amants, par un charmant miracle, Vole et vient rafraîchir l'Intacte et l'Impollu De gais parfums de fleurs comme s'il avait plu D'un bon orage sur l'un et l'autre habitacle, Et vêt de chaleur douce au point et de jour clair La cellule du Moine et celle de la Nonne. Car s'il nous faut souffrir pour que Dieu nous pardonne. Du moins Dieu veut punir, non torturer la chair, Elle dit à ces chers enfants de l'Innocence : Dormez, veillez, priez. Priez surtout, afin Que vous n'ayez pas fait tous ces travaux en vain. Humilité, douceur et céleste ignorance ! Enfin elle va chez la Veuve et chez le Veuf. Chez le vieux Débauché, chez l'Amoureuse vieille. Et leur tient des discours qui sont une merveille, Et leur refait à force d'art un corps tout neuf. Et quand alors elle a fini son tour du monde, Tour du monde ubiquiste. invisible et présent, Elle court à son point de départ en faisant Tel grand détour, espoir d'espérance profonde. El ce point de départ est un lieu bien connu, L'Eden même. Là, sous le chêne et vers la rose. Puisqu'il paraît qu'il n'a pas à faire autre chose, Rit et gazouille un beau petit enfant tout nu. XIII Un projet de mon âge mûr Me tint six ans l'âme ravie : C'était d'après un plan bien sûr De réédifier ma vie. Vie encor vivante après tout. Insuffisamment ruinée Avec ses murs toujours debout Que respecte la graminée, Murs de vraie et franche vertu. Fondations intactes, certes. Fronton battu, non abattu. Sans noirs lichens ni mousses vertes. L'orgueil qu'il faut et qu'il fallait, Le repentir quand c'était brave, Douceur parfois comme le lait, Fierté souvent comme la lave. Or durant ces deux fois trois ans L'essai fut bon, grand le courage : L'œuvre en aspects forts et plaisants Montait, tenant tête à l'orage. Un air de grâce et de respect Magnifiait les calmes lignes De l'édifice que drapait L'éclat de la neige et des cygnes... Furieux, mais insidieux. Voici l'essaim des mauvais anges ' Rayant le pur, le radieux Paysage de vols étranges. Salissant d'outrages sans nom, Obscénités basses et fades, De mon renaissant Parthénon Les portiques et les façades, Tandis que quelques-uns d'entre eux. Minant le sol, sapant la base. S'apprêtent par un art affreux A faire du tout table rase. Ce sont, véniels et mortels, Tous les péchés des catéchismes Et bien d'autres encore, tels Qu'ils font les sophismes des schismes : La Luxure aux tours sans merci. L'affreuse Avarice morale, La Paresse morale aussi, L'Envie à la dent sépulcrale, La Colère hors des combats, La Gourmandise, rage, ivresse, L'Orgueil, alors, qu'D ne faut pas, Sans compter la sourde détresse Des vices à peine entrevus. Dans la conscience scrutée, Hideur brouillée et tas confus, Tourbe grouillante et ballottée. — Mais quoi ! n'est Démon femelle, triple peste. Pire flot de tout ce remous. Pire ordure que tout le reste. Vous toujours, vil cri de haro Qui me proclame et me diffame, Gueuse inepte, lâche bourreau. Horrible, horrible, horrible femme. Vous l'insultant mensonge noir, La haine longue, l'affront rance, Vous qui seriez le Désespoir, Si la Foi n'était l'Espérance, Et l'Espérance le pardon. Et ce pardon une vengeance. Mais quel voluptueux pardon. Quelle savoureuse vengeance. Et tous trois. Espérance et Foi Et Pardon, chassant la séquelle Infernale de devant moi, Protégeront de leur tutelle Les nobles travaux qu'a repris Ma bonne volonté calmée, Pour, grâce à des grâces sans prix, Achever l'œuvre bien-aimée Toute de marbres précieux En ordonnance solennelle Bien par-delà les derniers deux Jusque dans la vie éternelle. XIV Sois de bronze et de marbre et surtout sois de chair. Certes, prise l'orgueil nécessaire plus cher. Pour ton combat avec les contingences vaines. Que les poils de ta barbe ou le sang de tes veines. Mais vis, vis pour souffrir, souffre pour expier, Expie et va-t'en vivre et puis reviens prier, Prier pour le courage et la persévérance De vivre dans ce siècle, hélas ! et cette France. Siècle et France ignorants et tristement railleurs. Mais le règne est plus haut et la patrie ailleurs Et la solution tout autre du problème. Sois de chair et même aime cette chair, la même Que celle de Jésus sur terre et dans les cieux Et dans le Très Saint Sacrement si précieux Qu'il n'est de comparable à sa valeur que celle De ta chair vénérable en sa moindre parcelle Et dans le moindre grain de l'Hostie à l'autel. Car ce mystère, l'Incarnation, est tel Par l'exégèse autour comme par sa nature, Qu'il fait égale au Créateur la créature, Cependant que, par un miracle encor plus grand, L'Eucharistie, elle, les confond et les rend Identiques. Or cette chair expiatoire, Fais-t'en une arme douloureuse de victoire Sur l'orgueil que Satan veut d'elle t'inspirer pour l'orgueil qu'à jamais tu peux considérer Comme le prix suprême et le but enviable. Tout le reste n'est rien que malice du diable. Alors, oui, sois de bronze impassible, revêts L'armure inaccessible à braver le Mauvais : Pudeur, Calme, Respect, Silence et Vigilance. Puis sois de marbre, et, pur, sous le heaume qui lance Par ses trous le regard de tes yeux assurés, Marche à pas révérents vers les parvis sacrés. XV Mon ami, ma" plus belle amitié, ma meilleure, Les morts sont morts, douce leur soit l'éternité ! -Laisse-moi te le dire en toute vérité ' Tu vins au temps marqué, tu parus'à ton heure ' ; Tu parus sur ma vie et tu vins dans mon cœur Au jour ciimatérique où. noir vaisseau qui sombre, J'allais noyer ma chair sous la débauche sombre. Ma chair dolente, et mon esprit jadis vainqueur. Et mon âme naguère et jadis toute blanche ! Mais tu vins, tu parus, tu vins comme un voleur, — Tel Christ viendra — voleur * qui m'a pris mon malheur ! Tu parus sur ma mer non pas comme c une planche De salut, mais le Salut même ! Ta vertu Première, la gaieté, c'est elle-même, franche Comme l'or, comme un bel oiseau sur une branche Qui s'envole dans un brillant turlututu, Emportant sur son aile électrique les ires Et les affres et les tentations encor ; Ton bon sens, — tel après du fifre c'est du cor, — Vient paisiblement mettre une fin aux délires. N'étant point, ô que non ! le prudhommisme affreux. Mais l'équilibre, mais la vision artiste. Sûre et sincère et qui persiste et qui résiste A l'argumentateur plat comme au songe-creux ; Et ta bonté conforme à ta jeunesse, est verte, Mais elle va mûrir délicieusement ! Elle met dans tout moi le renouveau charmant D'une sève éveillée et d'une âme entr'ouverte. Elle étend sous mes pieds un gazon souple et frais Où ces marcheurs saignants reprennent du courage. Caressés par des fleurs au gai parfum sauvage, Lavés de la rosée, et s'attardant exprès. Elle met sur ma tête aux tempêtes calmées Un ciel profond et clair où passe le vent pur Et vif, éparpillant les notes dans l'azur D'oiseaux volant ou s'éveillant sous les ramées. Elle verse à mes yeux qui ne pleureront plus Un paisible sommeil dans la nuit transparente Que des rêves légers bénissent, troupe errante De souvenirs futurs et d'espoirs révolus. Avec des tours naïfs et des besoins d'enfance Elle veut être fière et rêve de pouvoir Etre rude un petit sans pouvoir que vouloir, Tant le bon mouvement sur l'autre prend d'avance. J'use d'elle et parfois d'elle j'abuserais Par égoïsme un peu bien surérogatoire. Tort d'ailleurs pardonnable en toute humaine histoire Mais non dans celle-ci, de crainte des regrets. De mon côté c'est vrai qu'à travers mes caprices. Mes nerfs et tout le train de mon tempérament, Je t'estime et je t'aime, ô si fidèlement, Trouvant dans ces devoirs mes plus chères délices. Déployant tout le peu que j'ai de paternel Plus encor que de fraternel malgré l'extrême Fraternité, tu sais, qu'est notre amitié même, Exultant sur ce presque amour presque charnel ! Presque charnel à force de sollicitude Paternelle vraiment et maternelle aussi, Presque un amour à cause, ô toi, de l'insouci De vivre sinon pour cette sollicitude. Vaste, impétueux donc, et de prime-saut, mais Non sans prudence en raison de l'expérience Très douloureuse qui m'apprit toute nuance. Du jour lointain quand la première fois j'aimais. Ce presque amour est saint ; il bénit d'innocence Mon reste d'une vie en somme toute au mal. Et c'est comme les eaux d'un torrent baptismal Sur des péchés qu'en vain l'Enfer déçu recense. Aussi, précieux toi plus cher que tous les moi Que je fus et serai si doit durer ma vie, Soyons tout l'un pour l'autre en dépit de l'envie, Soyons tout l'un à l'autre en toute bonne foi. Allons, d'un bel élan qui demeure exemplaire Et fasse autour le monde étonné chastement. Réjouissons les cieux d'un spectacle charmant Et du siècle et du sort défions la colère. Nous avons le bonheur ainsi qu'il est permis. Toi de qui la pensée est toute dans la mienne. Il n'est, dans la légende actuelle et l'ancienne, Rien de plus noble et de plus beau que deux amis Déployant à l'envi les splendeurs de leurs âmes. Le Sacrifice et l'Indulgence jusqu'au sang, La Charité qui porte un monde dans son flanc. Et toutes les pudeurs comme de douces flammes ! Soyons tout l'un à l'autre, enfin ! et l'un pour l'autre En dépit des jaloux, et de nos vains soupçons A nous, et cette fois, pour de bon, renonçons Au vil respect humain où la foule se vautre, Afin qu'enfin ce Jésus-Christ qui nous créa Nous fasse grâce et fasse grâce au monde immonde D'autour de nous alors unis, — paix sans seconde ! — Définitivement, et dicte : « Alléluia e. « Qu'ils entrent dans Ma joie et goûtent Mes louanges « Car ils ont accompli leur tâche comme dû, « Et leur cri d'espérance, il me fut entendu, « Et voilà pourquoi les anges et les archanges « S'écarteront de devant Moi pour voir admis, « Purifiés de tous péchés inévitables « En des traverses quelquefois épouvantables. « Ce couple infiniment bénissable d'Amis. » XVI Seigneur, vous m'avez laissé vivre Pour m'éprouver jusqu'à la fin. Vous châtiez cette chair ivre. Par la douleur et par la faim " ! Et Vous permîtes que le diable Tentât mon âme misérable Comme l'âme forte de Job, Puis Vous m'avez envoyé l'ange Qui gagea le combat étrange Avec le grand aïeul Jacob. Mon enfance, elle fut joyeuse ' ; Or je naquis choyé, béni Et je crûs, chair insoucieuse. Jusqu'au temps du trouble infini Qui nous prend comme une tempête, Nous poussant comme par la tête Vers l'abîme et prêts à tomber ; Quant à moi, puisqu'il faut le dire, Mes sens affreux et leur délire Allaient me faire succomber, Quand Vous parûtes, Dieu de grâce Qui savez tout bien arranger, Qui Vous mettez bien à la place, L'auteur et l'ôteur du danger. Vous me punîtes par moi-même D'un supplice cru le suprême (Oui, ma pauvre âme le croyait) Mais qui n'était au fond rien qu'une Perche tendue, ô qu'opportune ! A mon salut qui se noyait. Comprises les dures délices, J'ai marché dans le droit sentier, Y cueillant sous des cieux propices Pleine paix et bonheur entier. Paix de remplir enfin ma tâche, Bonheur de n'être plus un lâche Épris des seules voluptés De l'orgueil et de la luxure, Et cette fleur, l'extase pure Des bons projets exécutés. C'est alors que la mort commence Son œuvre — inexpiable ? non. Mais qui me saisit de démence Bien qu'encor criant Votre nom. L'Ami me meurt, aussi la Mère, Une rancune plus qu'arrière Me piétine en ce dur moment Et me cantonne en la misère, Dans la littérale misère Du froid, et du délaissement * ! Tout s'en mêle : la maladie Vient en aide à l'autre fléau. Le guignon, comme un incendie Dans un pays où manque l'eau. Ravage et dévaste ma vie, Traînant à sa suite l'envie, L'orde, l'obscène trahison, La sale pitié dérisoire. Jusqu'à cette rumeur de gloire Comme une insulte à la raison ! Ces mystères, je les pénètre, Tous les motifs, je les connais. Oui, certes, Vous êtes le maître Dont les rigueurs sont des bienfaits. Mais, ô Vous, donnez-moi la force. Donnez, comme à l'arbre Pécorte, Comme l'instinct à l'animal. Donnez à ce cœur, votre ouvrage. Seigneur, la force et le courage Pour le bien et contre le mal. Mais hélas ! je ratiocine Sur mes fautes et mes douleurs. Espèce de mauvais Racine Analysant jusqu'à mes pleurs. Dans ma raison mal assagie Je fais de la psychologie Au lieu d'être un cœur pénitent Tout simple et tout aimable en somme. Sans plus l'astuce du vieil homme Et sans plus l'orgueil protestant... Je crois en l'Église romaine, Catholique, apostolique et La seule humaine qui nous mène Au bout que Jésus indiquait, La seule divine qui porte Notre croix jusques à la porte Des libres deux enfin ouverts. Qui la porte par vos bras même, Ô grand Crucifié suprême Donnant pour nous vos maux soufferts. Je crois en la toute-présence, A la messe, de Jésus-Christ. Je crois à la toute-puissance Du Sang que pour nous il offrit Et qu'il offre au Seul Juge encore Par ce mystère que j'adore Qui fait qu'un homme vain, menteur, Pourvu qu'il porte le vrai signe Qui le consacre entre tous digne. Puisse créer le Créateur. Je confesse la Vierge unique. Reine de la neuve Sion, Portant aux plis de sa tunique La grâce et l'intercession. Elle protège l'innocence, Accueille la résipiscence. Et debout quand tous à genoux, Impètre le pardon du Père Pour le pécheur qui désespère... Mère du Fils, priez pour nous ! XVII Rompons ! Ce que j'ai dit je ne le reprends pas. Puisque je le pensai c'est donc que c'était vrai. Je le garderai, jusqu'au jour où je mourrai. Total, intégral, pur, en dépit des combats De la rancœur très haute et de l'orgueil très bas. Mais comme un fier métal qui sort du minerai De vos nuages à la fin je surgirai, Je surgis, amitiés d'ennuis et de débats... O pour l'affection toute simple et si douce Où l'âme se blottit comme en un nid de mousse ! Et fi donc de la sale « âme parisienne » ! Vive l'esprit fiançais, d'Artois jusqu'en Gascogne, De la Champagne et de l'Argonne à la Bourgogne Et vive un cœur, morbleu ! dont un cœur se souvienne ! XVIII J'ai dit à l'esprit vain, à l'ostentation, L'Ilion de l'orgueil futile, la Sion De la frivolité sans cœur et sans entrailles, La citadelle enfin du Faux : « Croulez, murailles Ridicules et pis, remparts bêtes et pis, Contrescarpes, sautez comme autant de tapis Qu'un valet matinal aux fenêtres secoue, Fossés que l'eau remplit, concrétez-vous en boue, Qu'il ne reste plus rien qu'un souvenir banal De tout votre appareil, et que cet arsenal, Chics fougueux et froids, mots secs, phrase redondante, Et estera, se rende à l'émeute grondante Des sentiments enfin naturels et réels. » Ah, j'en suis revenu, des « dandysmes » « cruels » Vrais ou faux, dans la vie (accident ou coutume) Ou dans l'art ou tout bêtement dans le costume. Le vêtement de son état avec le moins De taches et de trous possible, apte aux besoins, Aux tics, aux chics qu'il faut, le linge, mal terrible D'empois et d'amidon, le plus fréquent possible. Et souple et frais autour du corps dispos aussi, Voilà pour le costume, et quant à l'art, voici : L'art tout d'abord doit être et paraître sincère Et clair, absolument : c'est la loi nécessaire Et dure, n'est-ce pas, les jeunes, mais la loi ; Car le public, non le premier venu, mais moi, Mais mes pairs et moi, par exemple, vieux complices. Nous, promoteurs de vos, de nos pauvres malices, Nous autres qu'au besoin vous sauriez bien chercher, Le vrai, le seul Public qu'il faille raccrocher, Le Public, pour user de ce mot ridicule, Dorénavant il bat en retraite et recule Devant vos trucs un peu trop niais d'aujourd'hui, Tordu par le fou rire ou navré par l'ennui. L'art, mes enfants, c'est d'être absolument soi-même. Et qui m'aime me suive, et qui me suit qu'il m'aime, Et si personne n'aime ou ne suit, allons seul Mais traditionnel et soyons notre aïeul ! Obéissons au sang qui coule dans nos veines Et qui ne peut broncher en conjectures vaines. Flux de verve gauloise et flot d'aplomb romain Avec, puisqu'un peu Franc, de bon limon germain. Moyennant cette allure et par cette assurance Il pourra bien germer des artistes en France. Mais, plus de vos fioritures, bons petits, Ni de ce pessimisme et ni du cliquetis De ce ricanement comme d'armes faussées, Et ni de ce scepticisme en sottes fusées : Autrement c'est la mort et je vous le prédis De ma voix de bonhomme, encore un peu. Jadis. Foin d'un art qui blasphème et fi d'un art qui pose, Et vive un vers bien simple, autrement, c'est la prose. La Simplicité, — c'est d'ailleurs l'avis rara, — Ô la Simplicité, tout-puissant qui l'aura Véritable, au service, en outre, de la Vie. Elle vous rend bon, franc, vous demi-déifie, Que dis-je ? elle vous déifie en Jésus-Christ Par l'opération du même Saint-Esprit Et l'humblesse sans nom de son Eucharistie, Sur les siècles épand l'ordre et la sympathie. Règne avec la candeur et lutte par la foi. Mais la foi tout de go, sans peur et sans émoi Ni de ces grands raffinements des exégètes. Elle trempe les cœurs, rassérène les têtes, Enfante la vertu, met en fuite le mal Et fixerait le monde en son état normal. N'était la Liberté que Dieu dispense aux âmes Et dont, le premier homme et nous, nous abusâmes Jusqu'aux tristes excès où nous nous épuisons Dans des complexités comme autant de prisons. Et puis, c'est l'unité désirable et suprême. On vit simple, comme on naît simple, comme on aime Quand on aime vraiment et fort, et comme on hait Et comme l'on pardonne, au bout, lorsque l'on est Purement, nettement simple et l'on meurt de même, Comme on naît, comme on vit, comme on hait, comme on aime ! Car aimer c'est l'Alpha, fils, et c'est l'Oméga Des simples que le Dieu simple et bon délégua Pour témoigner de lui sur cette sombre terre En attendant leur vol calme dans sa lumière. Oui, d'être absolument soi-même, absolument ! D'être un brave homme épris de vivre, et réclamant Sa place à toi, juste soleil de tout le monde. Sans plus se soucier, naïveté profonde ! De ce tiers, l'apparat, que du fracas, ce quart, Pour le costume, dans la vie et quant à l'art ; Dédaigneux au superlatif de la réclame. Un digne homme amoureux et frère de la Femme, Élevant ses enfants pour ici-bas et pour Leur lot gagné dûment en le meilleur Séjour. Fervent de la patrie et doux aux misérables. Fier pourtant, partant, aux refus inexorables Devant les préjugés et la banalité Assumant à Penvi ce masque dégoûté Qui rompt la patience et provoque la claque Et, pour un peu, ferait défoncer la baraque ! Rude à l'orgueil tout en pitoyant l'orgueilleux. Mais dur au fat et l'écrasant d'un mot joyeux S'il juge toutefois qu'il en vaille la peine Et que sa nullité soit digne de l'aubaine. Oui, d'être et de mourir loin d'un siècle gourmé Dans la franchise, ô vivre et mourir enfermé. Et s'il nous faut, par surcroît, de posthumes socles. Gloire au poète pur en ces jours de monocles ! XIX La neige à travers la brume Tombe et tapisse sans bruit Le chemin creux qui conduit A l'église où l'on allume Pour la messe de minuit. Londres sombre flambe et fume ' Ô la chère qui s'y cuit Et la boisson qui s'ensuit ! C'est Christmas et sa coutume De minuit jusqu'à minuit. Sur la plume et le bitume, Paris bruit et jouit. Ripaille et Plaisant Déduit Sur le bitume et la plume S'exaspèrent dès minuit. Le malade en l'amertume De l'hospice où le poursuit Un espoir toujours détruit S'épouvante et se consume Dans le noir d'un long minuit-La cloche au son clair d'enclume Dans la tour fine qui luit. Loin du péché qui nous nuit, Nous appelle en grand costume A la messe de minuit.

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    Paul Verlaine

    Paul Verlaine

    @paulVerlaine

    Clair de lune Votre âme est un paysage choisi Que vont charmant masques et bergamasques Jouant du luth et dansant et quasi Tristes sous leurs déguisements fantasques. Tout en chantant sur le mode mineur L’amour vainqueur et la vie opportune, Ils n’ont pas l’air de croire à leur bonheur Et leur chanson se mêle au clair de lune, Au calme clair de lune triste et beau, Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres Et sangloter d’extase les jets d’eau, Les grands jets d’eau sveltes parmi les marbres.

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    Paul Verlaine

    Paul Verlaine

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    La lune blanche La lune blanche Luit dans les bois ; De chaque branche Part une voix Sous la ramée... Ô bien-aimée. L'étang reflète, Profond miroir, La silhouette Du saule noir Où le vent pleure... Rêvons, c'est l'heure. Un vaste et tendre Apaisement Semble descendre Du firmament Que l'astre irise... C'est l'heure exquise.

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    Paul Verlaine

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    Les ingénus Les hauts talons luttaient avec les longues jupes, En sorte que, selon le terrain et le vent, Parfois luisaient des bas de jambes, trop souvent Interceptés ! - et nous aimions ce jeu de dupes. Parfois aussi le dard d'un insecte jaloux Inquiétait le col des belles sous les branches, Et c'était des éclairs soudains de nuques blanches, Et ce régal comblait nos jeunes yeux de fous. Le soir tombait, un soir équivoque d'automne : Les belles, se Pendant rêveuses à nos bras, Dirent alors des mots si spécieux, tout bas, Que notre âme depuis ce temps tremble et s'étonne.

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    Paul Verlaine

    Paul Verlaine

    @paulVerlaine

    N'est-ce pas ? en dépit des sots et des méchants N'est-ce pas ? en dépit des sots et des méchants Qui ne manqueront pas d'envier notre joie, Nous serons fiers parfois et toujours indulgents.

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    Pernette du Guillet

    @pernetteDuGuillet

    Heureuse est la peine Heureuse est la peine De qui le plaisir À sur foi certaine Assis son désir. L'on peut assez en servant requérir, Sans toutefois par souffrir acquérir Ce que l'on pourchasse Par trop désirer, Dont en male grâce Se faut retirer. Car un tel service Ne prétend qu'au point, Qui par commun vice L'honneur pique, et point. Et ce travail en fumée devient Toutes les fois, que la raison survient, Qui toujours domine Tout coeur noble, et haut, Et peu à peu mine Le plaisir, qui faut. Mais l'attente mienne Est le désir sien D'être toute sienne, Comme il sera mien. Car quand Amour à Vertu est uni, Le coeur conçoit un désir infini, Qui toujours désire Tout bien haut et saint, Qui de doux martyre L'environne, et ceint.

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