Titre : De joie
Auteur : Max Elskamp
Ils sont venus, ils sont venus,
Naïvement nus et goulus
De raisins de verre et de cierges,
Sur les bras longs des saintes vierges.
Les dimanches ; sonnez matines,
Frère
Jacques, en mes doctrines.
Or c'en est fini des semaines
Où, dans l'eau, mains rouges, l'on peine ;
Il fait chaude joie dans le cœur
Et les arbres chantent en chœur,
Puis se taisent et font silence
Avec un faux air d'innocence.
Car ils sont venus les dimanches
Rêvés tout au long des nuits blanches.
Et par la ville, les enfants
Chanteurs de paysages blancs
Font les oiseaux et s'inquiètent
Que si matin il fasse fête,
Tandis que, de messes en quête,
Les vieilles gens perdent la tête.
Or, dans les rues et les ruelles,
Où sonnent fraîches les chapelles,
Les femmes en robes nouvelles
S'éplorent de se trouver belles ;
Frère
Jacques, sonnez matines
A leurs douces villes félines.
II
Et la ville de mes mille âmes,
Dormez-vous, dormez-vous ;
Il fait dimanche, mes femmes,
Et ma ville, dormez-vous ?
Et les juifs, honte à mes ruelles,
Dormez-vous, dormez-vous ; —
Antiquités et
Dentelles —
Même les juifs dormez-vous ?
Et, vous, mes doux marchands de cierges,
Dormez-vous, dormez-vous ;
Aux litanies de la
Vierge
Immaculée dormez-vous ?
Clochers, l'on a volé vos heures,
Dormez-vous, dormez-vous ;
Frère
Jacques, aux demeures
De quel sommeil dormez-vous ?
Bonnes gens, il fait grand dimanche
Et de gel, et de verglas,
A la ville qu'endimanchent
Les drapeaux des consulats.
V
Or, les autres des bras en gestes
Et des baisers et des yeux ronds,
Les gens du dimanche qui vont
En voyage avec tant de gestes,
Bon voyage, les trains vont vite,
Aux carrousels des horizons
Sautent les arbres, les maisons,
Bon voyage, les trains vont vite.
Bon voyage, les jours sont longs
Aux pays neufs et qui s'indurent
De mirages et d'aventures,
Bon voyage, les jours sont longs.
Bon voyage, et races latines,
Au bout de très-chrétiennes mers
Des planisphères outre-mer,
Bon voyage, et races latines.
Bon voyage, faites naufrage ;
Bon voyage, pour avoir faim,
Au soir, en voyant les moulins
A tour de bras faire du pain.