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Père

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Père

Poésies de la collection père

    Abdellatif Laâbi

    Abdellatif Laâbi

    @abdellatifLaabi

    L'adieu au Père Le cheval hennit au fond de la vieille ruelle Son cri monte par les escaliers pousse la porte de la terrasse et fuse dans le ciel moutonneux Les voix décalées des muezzins lui répondent Les premiers beignets chauds embaument et l'aube retient son souffle Je suis là, ô mon alezan malgré la distance et le poids des ans Je n'ai pas oublié de puiser l'eau pour toi et de remplir ta mangeoire Je t'écoute Mon père referme la porte de la maison Ses pas résonnent dans la vieille ruelle et peu à peu s'éloignent

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    Comme un père en ses bras Comme un père en ses bras tient une enfant bercée Et doucement la serre, et, loin des curieux, S'arrête au coin d'un mur pour lui baiser les yeux, Je te porte couvée au secret de mon âme, Ô toi que j'élus douce entre toutes les femmes, Et qui marches, suave, en tes parfums flottants. Les soirs fuyants et fins aux ciels inconsistants Où défaille et s'en va la lumière vaincue, Je n'en sens la douceur tout entière vécue Que si ton nom chanté sur un rite obsesseur Coule en tièdes frissons de ma bouche à mon cœur !... Ô longs doigts vaporeux qui font rêver la lyre !... C'est ta robe évoquée avec un long sourire Qui monte, qui s'étend dans la chute du jour Et, flottante, remplit le ciel entier d'amour... Ô femme, lac profond qui garde qui s'y plonge, Leurre ou piège, qu'importe ? ... ô chair tissée en songe, Qui jamais, qui jamais connaîtra sous les cieux D'où vient cet éternel sanglot délicieux Qui roule du profond de l'homme vers Tes Yeux !

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    C

    Charles Marie René Leconte de Lisle

    @charlesMarieReneLeconteDeLisle

    La vipère Si les chastes amours avec respect louées Éblouissent encor ta pensée et tes yeux, N’effleure point les plis de leurs robes nouées, Garde la pureté de ton rêve pieux. Ces blanches visions, ces vierges que tu crées Sont ta jeunesse en fleur épanouie au ciel ! Verse à leurs pieds le flot de tes larmes sacrées, Brûle tous tes parfums sur leur mystique autel. Mais si l’amer venin est entré dans tes veines, Pâle de volupté pleurée et de langueur, Tu chercheras en vain un remède à tes peines : L’angoisse du néant te remplira le coeur. Ployé sous ton fardeau de honte et de misère, D’un exécrable mal ne vis pas consumé : Arrache de ton sein la mortelle vipère, Ou tais-toi, lâche, et meurs, meurs d’avoir trop aimé !

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    C

    Charles Marie René Leconte de Lisle

    @charlesMarieReneLeconteDeLisle

    Les raisons du Saint-Père La nuit enveloppait les sept Monts et la Plaine. Dans l'oratoire clos, le Pape Innocent trois. Mains jointes, méditait, vêtu de blanche laine Ou se détachait l'or pectoral de la Croix. Du dôme surbaissé, seule, une lampe antique, Argile suspendue au grêle pendentif, Éclairait çà et là le retrait ascétique Et le visage osseux du Saint-Père pensif. Or, tandis qu'il songeait, paupières mi-fermées Sous les rudes sourcils froncés sévèrement De splendides lueurs et de myrrhe embaumées Emplirent l'oratoire en un même moment. Laissant pendre à plis droits sa robe orientale, Un spectre douloureux, blâme, aux longs cheveux roux En face du grand Moine immobile en sa stalle Se dressa, mains et pieds nus et percés de trous. Comme un bandeau royal, l'épais réseau d'épines, D'où les gouttes d'un sang noir ruisselaient encor. Se tordait tout autour de ses tempes divines Sous les reflets épars de l'auréole d'or. Et ce Spectre debout dans sa majesté grave, Hôte surnaturel, toujours silencieux, Sur l'Élu des Romains et du sacré Conclave Epanchait la tristesse auguste de ses yeux. Mais le Pape, devant ce fantôme sublime Baigné d'un air subtil fait d'aurore et d'azur, Sans terreur ni respect de la sainte Victime, Lui dit, la contemplant d'un regard froid et dur : — Est-ce toi, Rédempteur de la Chute première ? Que nous veux-tu ? Pourquoi redescendre ici-bas, Hors de ton Paradis de paix et de lumière, Dans l'Occident troublé que tu ne connais pas ? N'aurais-tu délaissé l'éternelle Demeure Que pour blâmer notre œuvre et barrer nos chemins, Et pour nous arracher brusquement, avant l'heure, Le pardon de la bouche et le glaive des mains ? Ne noua as-tu pas dit, Martyr expiatoire : Allez, dispersez-vous parmi les nations Liez et déliez, et forcez-les de croire, Et paissez le troupeau des génération ? Les âmes, te sachant trop haut et trop loin d'elles, Erraient à tous les vents, sans guide et sans vertu. La faute n'en est pas à nous, tes seuls fidèles. Ce qui dut arriver, Maître, l'ignorais-tu ? La Barque du Pêcheur, sous le fouet des tempêtes, Et près de s'engloutir, n'espérant plus en toi ; Et l'aveugle Hérésie, hydre au millier de têtes, Déchirant l'Unité naissante de la Foi ; Et sans cesse, pendant plus de trois cents années. Le torrent débordé des peuples furieux Se ruant, s'écroulant par masses forcenées Du noir Septentrion d'où les chassaient leurs Dieux. Fallait-il donc, soumis aux promesses dernières D'un retour triomphal toujours inaccompli, Tendre le col au joug et le dos aux lanières, Ramper dans notre fange et finir dans l'oubli ? Souviens-toi de Celui qui, de son aile sombre, T'emporta sur le Mont de l'Épreuve, et parla, Disant : — Nazaréen ! Vois ces races sans nombre ! Si tu veux m'adorer, je te donne cela. Je suis l'Esprit vengeur qui rompt les vieilles chaînes, Le Lutteur immortel, vainement foudroyé, Qui sous la lourd fardeau des douleurs et des haines Ne s'arrête jamais et n'a jamais ployé. Fils de l'homme ! Je fais libre et puissant qui m'aime. Réponds. Veux-tu l'Empire et régner en mon nom, Sachant tout, invincible et grand comme moi-même ? — Ô Rédempteur, et Toi, tu lui répondis : Non ! Pourquoi refusais-tu, dans ton orgueil austère, De soustraire le monde aux sinistres hasards ? Pour fonder la Justice éternelle sur terre, Que ne revêtais-tu la pourpre des Césars ? Non, tu voulus tarir le fiel de ton calice ; Et voici que, cloué sous le ciel vide et noir, Trahi, sanglant, du haut de l'infâme supplice. Ton dernier soupir fut un cri de désespoir ! Car tu doutas, Jésus, de ton œuvre sacrée, Et l'homme périssable et son martyre vain Gémirent à la fois dans ta chair déchirée Quand la mort balaya le mirage divin. Mais nous, tes héritiers tenaces, sans Relâche, De siècle en siècle, par la parole et le feu, Rusant avec le fort, terrifiant le lâche, Du fils du Charpentier nous avons fait un Dieu ! Au pied de ton gibet le stupide Barbare À prosterné par nous son front humilié ; Le denier du plus pauvre et l'or du plus avare Ont dressé ton autel partout multiplié. Comme un vent orageux chasse au loin la poussière, Pour délivrer la tombe où tu n'as laissé rien, Nous avons déchaîné la horde carnassière Des peuples et des rois sur l'Orient païen. Vois ! La nuit se dissipe à nos bûchers en flammes, La mauvaise moisson gît au tranchant du fer ; Et, mêlant l'espérance à la terreur des âmes, Nous leur montrons le Ciel en allumant l'Enfer. Et tu nous appartiens, Jésus ! Et, d'âge en âge, Sur la terre conquise élargissant nos bras, Dans l'anathème et dans les clameurs du carnage, Quand nos voix s'entendront, c'est Toi qui parleras ! Ô Christ ! Et c'est ainsi que, réformant ton rêve, Connaissant mieux que toi la vile humanité, Nous avons pris la pourpre et les Clefs et le Glaive, Et nous t'avons donné le monde épouvanté. Mais, arrivés d'hier à ce glorieux faite. Il reste à supprimer l'hérétique pervers ! Ne viens donc pas troubler l'œuvre bientôt parfaite Et rompre le filet jeté sur l'univers. Dans le sang de l'impie, au bruit des saints cantiques, Laisse agir notre Foi, ne nous interromps plus ; Retourne et règne en paix dans les hauts cieux mystiques, Jusqu'à l'épuisement des siècles révolus. Car, aussi bien, un jour, dussions-nous disparaître, Submergés par les flots d'un monde soulevé, Grâce à nous, pour jamais, tu resteras, ô Maître, Un Dieu, le dernier Dieu que l'homme aura rêvé. — Le Saint-Père se tut, prit sa croix pectorale Qu'il baisa par trois fois avec recueillement, Et se signa du pouce. Et l'Image spectrale De ce qui fut le Christ s'effaça lentement.

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    Mon Père Tenez, lecteur ! – souvent, tout seul, je me promène Au lieu qui fut jadis la barrière du Maine. C’est laid, surtout depuis le siège de Paris. On a planté d’affreux arbustes rabougris Sur ces longs boulevards où naguère des ormes De deux cents ans croisaient leurs ramures énormes. Le mur d’octroi n’est plus ; le quartier se bâtit. Mais c’est là que jadis, quand j’étais tout petit, Mon père me menait, enfant faible et malade, Par les couchants d’été faire une promenade. C’est sur ces boulevards déserts, c’est dans ce lieu Que cet homme de bien, pur, simple et craignant Dieu, Qui fut bon comme un saint, naïf comme un poète, Et qui, bien que très pauvre, eut toujours l’âme en fête, Au fond d’un bureau sombre après avoir passé Tout le jour, se croyant assez récompensé Par la douce chaleur qu’au coeur nous communique La main d’un dernier-né, la main d’un fils unique, C’est là qu’il me menait. Tous deux nous allions voir Les longs troupeaux de boeufs marchant vers l’abattoir, Et quand mes petits pieds étaient assez solides, Nous poussions quelquefois jusques aux Invalides, Où, mêlés aux badauds descendus des faubourgs, Nous suivions la retraite et les petits tambours. Et puis enfin, à l’heure où la lune se lève, Nous prenions pour rentrer la route la plus brève ; On montait au cinquième étage, lentement ; Et j’embrassais alors mes trois soeurs et maman, Assises et cousant auprès d’une bougie. – Eh bien, quand m’abandonne un instant l’énergie, Quand m’accable par trop le spleen décourageant, Je retourne, tout seul, à l’heure du couchant, Dans ce quartier paisible où me menait mon père ; Et du cher souvenir toujours le charme opère. Je songe à ce qu’il fit, cet homme de devoir, Ce pauvre fier et pur, à ce qu’il dut avoir De résignation patiente et chrétienne Pour gagner notre pain, tâche quotidienne, Et se priver de tout, sans se plaindre jamais. – Au chagrin qui me frappe alors je me soumets, Et je sens remonter à mes lèvres surprises Les prières qu’il m’a dans mon enfance apprises.

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    F

    François Fabié

    @francoisFabie

    A mon Père C'est à toi que je veux offrir mes premiers vers, Père ! J'en ai cueilli les strophes un peu rudes, Là haut, dans ton Rouergue aux âpres solitudes, Parmi les bois touffus et les genêts amers. Tu ne les liras point, je le sais, ô mon père ; Car tu ne sais pas lire, hélas ! et toi qui fis Tant d'efforts pour donner des maîtres à ton fils, On ne te mit jamais à l'école primaire... Eh bien ! avant le jour - lointain encor, j'espère, - Où, jetant ta cognée et te croisant les bras, Les yeux clos à jamais, tu te reposeras Sous l'herbe haute et drue où repose ton père, J'ai voulu de mes vers réunir les meilleurs, Ceux qui gardent l'odeur de tes bruyères roses, De tes genêts dorés et des tes houx moroses, Et t'offrir ce bouquet de rimes et de fleurs. Puis un soir, je viendrai peut-être, à la veillée, Te lire ce recueil ; et, si mes vers sont bons, Tu songeras, les yeux fixés sur les charbons, A ta fière jeunesse en mon livre effeuillée...

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    G

    Georges Haldas

    @georgesHaldas

    Père et Fils A chaque fois l'image apparaissait d'abord en un léger brouillard et se faisait précise Et chaque fois le père était semblable au fils et leurs mains solitaires dans la nuit se tendaient Alors le temps passait les siècles les années Mais c'était comme rien Et mille ans de misère en un jour s'effaçaient A l'aube il ne restait que le débarcadère Et l'homme en noir au bout attentif et poli La mer autour de lui avec le phare en ruines et comme évanoui Jamais la maison n'est sereine Et jamais notre-voix ne s'ajuste à la voix En se touchant les mains se perdent Le silence lui-même laisse le vent mortel pénétrer dans les veines

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    G

    Géo Norge

    @geoNorge

    Le Père nourricier La mère s'exaltant à pondre Avait toujours des œufs qui lui pendaient au flanc. Le mâle aigu qu'on voyait fondre Allaitait, allaitait ses torrides enfants. Nourrissait, abreuvait dix fidèles suçoirs Qui pompaient de ses pâles hanches Minuit, matin, midi et soir Le lait de tous les jours et le sang du dimanche. Dix fidèles suçoirs qui lui trouaient la peau. Pour traire aux sèves paternelles. Dix ventouses de feu qui lui suçaient les os. Trésor des moelles éternelles.

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    Honoré de Balzac

    Honoré de Balzac

    @honoreDeBalzac

    La déchéance du Père Goriot Vers la fin de la troisième année, le père Goriot réduisit encore ses dépenses, en montant au troisième étage et en se mettant à quarante-cinq francs de pension par mois. Il se passa de tabac, congédia son perruquier et ne mit plus de poudre. Quand le père Goriot parut pour la première fois sans être poudré, son hôtesse laissa échapper une exclamation de surprise en apercevant la couleur de ses cheveux : ils étaient d'un gris sale et ver-dâtre. Sa physionomie, que des chagrins secrets avaient insensiblement rendue plus triste de jour en jour, semblait la plus désolée de toutes celles qui garnissaient la table. Quand son trousseau fut usé, il acheta du calicot à quatorze sous l'aune pour remplacer son beau linge. Ses diamants, sa tabatière d'or, sa chaîne, ses bijoux disparurent un à un. Il avait quitté l'habit bleu barbeau, tout son costume cossu, pour porter, été comme hiver, une redingote de drap marron grossier, un gilet en poil de chèvre et un pantalon gris en cuir de laine. Il devint progressivement maigre ; ses mollets tombèrent ; sa figure, bouffie par le contentement d'un bonheur bourgeois, se rida démesurément ; son front se plissa, sa mâchoire se dessina. Durant la quatrième année de son établissement rue Neuve-Sainte-Geneviève, il ne se ressemblait plus. Le bon vermicelier de soixante-deux ans qui ne paraissait pas en avoir quarante, le bourgeois gros et gras, frais de bêtise, dont la tenue égrillarde réjouissait les passants, qui avait quelque chose de jeune dans le sourire, semblait être un septuagénaire hébété, vacillant, blafard. Ses yeux bleus si vivaces prirent des teintes ternes et gris-de-fer ; ils avaient pâli, ne larmoyaient plus, et leur bordure rouge semblait pleurer du sang. Aux uns il faisait horreur ; aux autres il faisait pitié. De jeunes étudiants en médecine, ayant remarqué l'abaissement de sa lèvre inférieure et mesuré le sommet de son angle facial, le déclarèrent atteint de crétinisme, après l'avoir longtemps houspillé sans en rien tirer.

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    J

    J.Q. Louison

    @jqLouison

    Un homme s'en est allé Un homme s'en est allé Et personne ne l'a vu partir Un homme s'en est allé Et nul n'en a eu souci Cet homme buvait, jurait, jouait et buvait Debout à la pointe du jour A minuit allait travailler A six heures allait travailler Travaillait tout le temps Il tapait sur l'enclume Battait le cuir, Maniait le marteau Tout au long du jour. Il n'a jamais parlé Il n'a pas parlé à sa femme, Il n'a pas parlé à ses enfants, Il n'a pas parlé à ses amis. Sa femme n'était pas sa femme, Ses enfants n'étaient pas ses enfants, Ses amis n'étaient pas ses amis. Cet homme est mort et nul n'a parlé De ses souffrances, de sa solitude, Des choses qu'il ne comprenait pas Et que personne ne lui expliqua, Car il n'a jamais parlé. Si. Il a dit quelque chose Avant de mourir, Quand il a entendu un nom, Il a dit "Hier, j'étais avec Jésus, Pendant ma promenade..." Je le sais! Comment je le sais? Je l'ai écouté Et puis parce que Cet homme dont je parle, Cet homme, c'est mon père.

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    J

    Jacques Chessex

    @jacquesChessex

    Élégie de mon Père Ce matin je regarde monter la brume dans la couleur jaune des vallons Je songe avec l'oiseau dans l'air comme dans la mort Je songe à la musique enveloppée de brume dans les pentes J'écoute la voix de mon père dans mon corps Ce matin je regarde le visage de mon père dans la brume dorée et jaune des collines J'écoute l'appel d'un unique oiseau à la cime de l'arbre encore emperlé de pluie Je vois le visage de mon père aux yeux de ciel de juillet et d'éclair métallique avant l'orage Son regard aigu et bon sur mes songes Ce matin je descends dans l'écorce de l'arbre et dans la pierre Je ploie à la fraîcheur du vent dans la souple herbe Je marche dans cette herbe à côté de mon père Puis il s'arrête il approche un visage au front ridé et lisse Peut-être je touche ses yeux de prairie dans le ciel entre les nuages Peut-être j'entre dans le lac de verre de ces yeux Avec les arbres les nuages la cime des monts Peut-être je descends sous la terre du rocher avec ces yeux Ce matin je ne sais plus si c'est toi qui parles ou si c'est moi Tellement fort et précise parle ta voix dans ma voix Je regarde un paysage d'ombre et d'air J'écoute en toi le passage de la rivière ô mon père Et le vent qui fait bouger tes cheveux pas encore blancs Ce matin je marche dans l'herbe de jadis avec mon père Je rêve que je ne verrai jamais ses cheveux blancs Ni que j'entendrai la rivière dans le temps qui lui reste à vivre Ni cet automne qui vient de vallon en vallon avec le givre Avec le chant de l'oiseau dans cet air jaune Ni l'appel au fond de son corps plus triste appel Que les voix de la forêt, des pentes, des vallons Plus triste et mélodieux appel que celui de mon cœur mortel 0 si tu dois être mort en moi si longtemps Jusqu'à ma mort peut-être si tu dois attendre la vraie mort

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    J

    Jean-Claude Renard

    @jeanClaudeRenard

    Père d'or et de sel Père d'or et de sel, ô Père intérieur, Père d'eau. Père pur par l'arbre et par le feu. ô source du Soleil, Père mystérieux. Père continuel et pur par la douleur, Ô Père fabuleux, ô Père par la nuit, Père par le sommeil, la mémoire et la mort. Père tombé en terre et passé dans mon corps, ô Père foudroyé dont mes os sont les fruits. Père, vous m'incantiez, et vous étiez ma tour quand je n'étais en moi que ce qui vous aimait, quand je vivais en vous, vivant du seul amour, je n'étais plus en moi que ce que vous étiez. Père, la neige est là, et je dors sous ma chair, je dors au fond du Père et je m'éveille en lui. Père, la neige fond, la mer brûle et mûrit, Père surnaturel, miracle de la mer. Père, vous me portez, et vous êtes en moi même quand je demeure au-dchors de vous-même, vous êtes là vivant, secret, et ce qui m'aime quand je ne suis plus rien et même plus à moi, Père de ma douleur, père de mon absence vous êtes là vivant même quand je suis mort, même quand je vous tue vous m'animez encor et même dans mon mal restez mon innocence. Père, quand tout est mort, et quand toul est dissous dans le péché du monde et dans l'argile arrière, vous êtes encor là mon sens et mon mystère comme un amour terrible, inépuisable et doux, Père, malgré ma mort, c'est l'esprit qui console qui relie à mon corps votre corps éternel, c'est votre corps ouvert dans le corps maternel qui fait de moi son sang, sa proie et sa parole. Père, je nais ailleurs, je renais dans le pain, je renais dans la vigne et dans le vin de Dieu, Père, tu es ma bouche, et ma bouche est en Dieu, ô Père d'arbre et d'or, ô Père souterrain. Père de l'autre temps. Père du prochain Ciel, je me retrouve en toi pareil à mon amour. Père devant ma vie et derrière mes jours je deviens avec toi le Père Essentiel !

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    J

    Jean-Claude Renard

    @jeanClaudeRenard

    Ô Père, après les jours Ô Père, après les jours de la grande colère, les jours déjà levés dans la chair et le sang et que vous fixerez dans leurs grappes amères pour des saisons dont nul ne peut sonder le temps, après les jours promis à la terrible mort dont vous connaissez seul quel sera le silence et où pour s'être ici exclus de voire corps tout sera consumé au feu de votre absence. où chaque être lié par son propre péché devra porter la mort de sa semence morte et se condamnera à être condamné pour que votre justice elle aussi soit parfaite. où tous les corps seront comme un corps de néant, un corps obscur, un corps sans signes et sans nom. un corps extérieur et pareil au non-sens et dont même le sang restera infécond. un corps dont les moissons cesseront de germer et qui vous connaîtra sans pouvoir vous connaître comme un atroce amour qui ne peut plus aimer et ne peut pas se taire et ne peut plus renaître, après et au-delà de ces jours de malheur dont l'abîme et les temps sont vraiment infinis, sont vraiment éternels par leur poids de douleur et par la profondeur où descendra leur nuit. après eux, malgré eux, et gardé pour eux-mêmes quand ils auront vraiment consommé toutes peines cl connu jusqu'au fond la souffrance suprême d'être assoiffé de vous et hors de vos fontaines, ô Père, quel amour plus fort dans votre amour que la justice même et que l'éternité et plus lourd dans l'amour que les corps les plus lourds et plus profond encor que l'amour révélé, quelle grâce en vous seul aux sources de la grâce et cachée dans la gloire à la gloire des jours garderez-vous peut-être, ô Père, pour que passe cette mort elle-même envahie par l'amour, par un amour si plein de son propre désir que tout, sans s'y dissoudre, en serait possédé et que même la mort finirait de mourir pour être aussi par lui rendue à votre été, au don du Dieu qui esl au-delà de chaque être l'inaccessible Dieu, et cependant en lui ce centre essenliel, cet arbre au cœur du centre qui donne toujours plus qu'il n'attend de ses fruits. cet amour absolu où en vous se répondent la seule Vérité, la seule Liberté qui fondent dans l'Esprit la liberté du monde et fondent chaque amour et chaque vérité. convient chaque homme à croître et à s'unir en Elles pour qu'en étant promus et mûris tous ensemble et l'un par l'autre ouverts aux sources paternelles que nul ne connaît seul, — l'Eau de Dieu les rassemble. et que tout dans vos mains soit vraiment accompli comme la grappe et l'or, et la Création tout entière l'Épouse épousée dans l'Esprit, tout entière l'Épouse appelée par son nom, le grand pays de Dieu, le Corps parfait du Christ où chaque être en cherchant et en sondanl vos signes ayant su vous aimer, même d'un autre cri, recevra par amour le vin de votre vigne, et où l'ultime mort à jamais abolie pour qu'il ne reste rien qui ne vous soit offert vous rendra tous les corps dont elle était nourrie même si à jamais elle a marqué leur chair, afin qu'en reprenant l'unique nom vivant que vous aviez pour eux scellé dans votre paix il n'y ait plus partout qu'un amour et qu'un chant à louer la splendeur de votre éternité?

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    J

    Jean-Paul Labaisse

    @jeanPaulLabaisse

    Brise du soir Je ne toucherai plus ta main aux doigts fragiles, Je ne verrai plus le bleu de tes yeux limpides, Tes beaux cheveux d’argent, ton visage et tes rides, Non, je n’entendrai plus ta voix chaude et tranquille… Désormais, la maison semble bien grande et vide, Et ton bureau est plein d’une pénombre grise ; Près de ton vieux fauteuil, on sent comme une brise Qui passe doucement, soupir faible et timide. Sur le jardin rempli de fleurs à peine écloses Souffle un zéphyr secret, une haleine embaumée Qui berce les buissons, les arbres et les roses. Je marche dans la nuit paisible et parfumée, Et je sens dans mon dos que s’approchent des pas, Et j’entends une voix qui me parle tout bas… à la mémoire de mon père, décédé le 11 août 2010. Jean-Paul Labaisse 2010

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    J

    Joseph Paul Schneider

    @josephPaulSchneider

    A mon Père Je dis terre. Déjà la vie remonte le temps à travers grès et bruyères dans la vérité d'être et dans la tendresse d'un ordre habité Je dis terre Surgi des images jaunies tu te lèves Père sourire aux lèvres derrière ta cigarette Je dis Terre Les yeux creusent cette ligne d'horizon où la mémoire garde intactes les fables et les transparences Je dis Terre. Je retrouve entre les pierres, les racines d'un cadastre balayé par les vents le passage secret de la source à l'éternité.

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    Maurice Carême

    @mauriceCareme

    Pour mon Papa J’écris le mot agneau Et tout devient frisé : La feuille du bouleau, La lumière des prés. J’écris le mot étang Et mes lèvres se mouillent ; J’entends une grenouille Rire au milieu des champs. J’écris le mot forêt Et le vent devient branche. Un écureuil se penche Et me parle en secret. Mais si j’écris papa, Tout me devient caresse, Et le monde me berce En chantant dans ses bras.

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    M

    Maurice Carême

    @mauriceCareme

    Pour mon Père Mon père aimé, mon père à moi, Toi qui me fais bondir Sur tes genoux Comme un chamois, Que pourrais-je te dire Que tu ne sais déjà? Il fait si doux Quand ton sourire Eclaire tout Sous notre toit. Je me sens fort, je me sens roi, Quand je marche à côté de toi.

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    Maurice Rollinat

    @mauriceRollinat

    Le Père Pierre Fantastiques d'aspect sous leur noire capote, Mais, très humaines par leurs caq[...]s superflus, Les commères, barrant la route aux verts talus, À la messe s'en vont d'un gros pas qui sabote. « Tiens ! v'là l'pèr' Pierr' ! fait l'une, un malin, celui-là ! Pour accrocher l' poisson quand personn' peut en prendre ; I' dit q' quand il a faim, d' fumer q'ça l' fait attendre, Et qu'un' bonn' pip' souvent vaut mieux qu'un mauvais plat. » L'homme les joint bientôt. En chœur elles s'écrient : « Il faut croire, à vous voir marcher En tournant l' dos à not' clocher, Q'v'allez pas à la messe ! » et puis, dame ! elles rient... « Moi ? si fait ! leur répond simplement le vieux Pierre, Mais, tout par la nature ! étant ma seul' devise, J'vas à la mess' de la rivière Du bon soleil et d' la fraîcheur, Avec le ravin pour église, Et pour curé l' martin-pêcheur. »

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    M

    Maurice Rollinat

    @mauriceRollinat

    Le Père éloi Une nuit, dans un vieux cimetière pas riche, Ivre, le père Éloi, sacristain-fossoyeur, Parlait ainsi, d'un ton bonhomique et gouailleur, Gesticulant penché sur une tombe en friche : « Après que j'suis sorti d'l'auberge En sonnant l'Angelus, à c'soir, J'm'ai dit comme' ça : Faut q'jaill' la voir Au lieu d'y fair' brûler un cierge ! J'te dérang' ! Sous l'herbe et la ronce T'es là ben tranquille à r'poser ; Bah ! tout seul, un brin, j'vas t'causer : T'as pu d'langu', j'attends pas d'réponse. T'causer ? T'as des oreill' de cend'e... Et t'étais sourde avant l'trépas. Mais, quéq' ça fait q'tu m'entend' pas... Si mon idée est q'tu m'entendes. J'pense à toi souvent, va, pauv' grosse, Beaucoup le jour, surtout la nuit, Dans la noc' comme dans l'ennui, Que j'boiv' chopine ou creuse un' fosse. J'me saoul' pas pu depuis q't'es morte Que quand t'étais du monde. Enfin, C'est pas tout ça ! moi, j'aim' le vin, J'peux l'entonner puisque j'le porte. Fidèl' ? là-d'sus faut laisser faire Le naturel ! on n'est pas d'bois... C'que c'est ! j'y pens' pas quant e' j'bois, Quant' j'ai bu, c'est une aut' affaire !... Si j'en trouve un' qu'est pas trop vieille, Ma foi ! j'vas pas chercher d'témoins ! Pourtant, l'âg' yétant, j'pratiqu' moins La créatur' que la bouteille. Bah ! je l'sais, t'es pas pu jalouse Que cell' qu'a pris ta succession. Es' pas q'j'ai ton absolution ? Dis ? ma premièr' défunte épouse ? Des services ? t'as ma promesse Que j'ten f'rai dir' par mon bourgeois. Quoiq'ça, c'est inutil' : chaqu' fois, J'te r'command' en servant sa messe. J'voudrais t'donner queq'chos' qui t'aille : Qui qui t'plairait ? qu'est-c'que tu veux ? Un' coiff' ? mais, tu n'as pu d'cheveux. Un corset ? mais, tu n'as pu d'taille. Un' rob' ? t'es qu'un bout de squelette. Des mitain' ? T'as des mains d'poussier. Des sabots garnis ? t'as pu d'pieds. Faut pas songer à la toilette ! T'donner à manger ? bon ! ça rentre... Mais, pour tomber où ? dans quel sac ? Puisque tu n'as pu d'estomac, Pu d'gosier, pu d'boyaux, pu d'ventre ! D'l'argent ? mais, dans ton coin d'cimetière Qué q't'ach't'rais donc ? Seigneur de Dieu ! Allons ! tiens ! pour te dire adieu J'vas t'fair' cadeau d'un' bonn' prière. Si ça t'fait pas d'bien, comm' dit l'autre, Au moins, ben sûr, ça t'fra pas d'mal. Mais, tu m'coût' pas cher... c'est égal ! Tu la mérit' long' la pat'nôtre ! » Or, en fait d'oraison longue, le vieux narquois Partit tout simplement, sur un signe de croix, Grognant : « C'est tard ! tant pis, j'ai trop soif, l'diab' m'emporte ! J'vas boire à la santé de l'âme de la morte. »

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    Max Jacob

    Max Jacob

    @maxJacob

    Les yeux du Grand-Père Le serviteur disait, le petit serviteur : « grand-père, grand-père, vos yeux ne sont pas clairs crocbez dur dans mon bras, je ferai le haleur « agrippez-vous au mur crépi où est le lierre — « Ce n'est pas comme il faut : « laisser un enfant nu se rouler dans l'avoine « Si c'est mon petit-fils ce n'est pas un pourceau ! » Moi de rire ! un enfant ? et c'était des pivoines « Pourquoi ne pas les mettre en gerbe à la chapelle plutôt que de les perdre ces lys, au vent du Lof? — Des lys ? et quels lys donc ? les coiffes de dentelles des filles à genou au pardon de Roscoff. » « Par annonce de mort, j'ai vu des sans-baptême des crânes de fœtus ! — Censé, grand-père, censé ! avec vos mains, grand-père, ramassez-les vous-même c'est devant la maison, vos rangées de pensées.

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    Max Jacob

    Max Jacob

    @maxJacob

    Père Yvon, criminel acquitté Qu'est-ce que vous faites, Suisse de l'église à pécher des poissons dans mon coin ? — Ici je suis bien à mon aise installez-vous un peu plus loin. — Votre tête ira dans la rivière plantée, cocu, la jambe en l'air ! — Rentrez chez vous, monsieur Yvon, vous n'êtes pas dans votre raison — Sur la tête et en plein courant ma main droite à votre derrière l'autre à votre cou de feignant — Si vous buvez tant d'eau-de-vie c'est que ma femme vous fait envie — Vous pouvez gueuler pour les sourds vos habits ne pèsent pas lourd. » Vingt années, il porte son ventre genoux cagneux ; et nul ne rentre pour ne pas le bonjourer ; sauf son garçon le militaire « Est-il vrai que j'avais un criminel pour père? » __Ah ! Dieu ! le bagne presqu'à mon âge plutôt que de mon fils entendre ce langage 1 Père et fils pleuraient le soir en prenant un verre au comptoir.

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    Pierre Emmanuel

    Pierre Emmanuel

    @pierreEmmanuel

    Hymne au Père Père Tu es le son Père Tu es le Vide où s'étend où s'éteint le son Père Tu es Silence avant le son dedans le son après le son Père Tu es à tout jamais en deçà au-delà du Vide et du Silence et d'aucun son Père Tu es le Jour Père Tu es le Ciel où s'étend où s'éteint le Jour Père Tu es Lumière avant le Jour dedans le Jour après le Jour Père Tu es à tout jamais en deçà au-delà du Ciel de la Lumière et d'aucun Jour Père Tu es le Temps Père Tu es le Cycle où s'étend où s'éteint le Temps Père Tu es le Rythme avant le Temps dedans le Temps après le Temps Père Tu es à tout jamais en deçà au-delà du Rythme et de tout Cycle et d'aucun Temps Père Tu es le Cœur Père Tu es le Monde où palpite où s'éteint le Cœur Père Tu es l'Amour avant le Cœur dedans le Cœur après le Cœur Père Tu es à tout jamais en deçà au-delà du Monde et de l'Amour et de ton Cœur En deçà, au-delà Avant, après Au fond de tout Néant du Tout. Ce qui aime en nous Est ton abîme. 11 est sans écho. Entre deux souffles Entre deux systoles Il Est. Père Tu es à tout jamais en deçà au-delà de Tout et de Toi-même Qui crées Tout Le gouffre encore clos sur Soi de l'éternel Commencement de l'unique ensemencement Père Tu es à tout jamais l'Un sans écho que notre esprit Ecoute en lui qui monte et tombe comme une pierre dans un puits Dans l'infini vide de bruit vide d'esprit où les yeux clos le Sans Fond luit. 2 Éjaculateur d'étoiles ! Inséminateur ! Père, sois! Qu'à la surface du Non-Encore Un sourire naissant de Toi Te divise en Toi. Avant qu'il ne se connaisse lui-même Avant que Tu ne le sentes en Toi Avant que vous ne soyez Deux l'Un en l'Autre Soyez tentés. Éjaculateur ! Géniteur céleste ! Père, jouis! Que ta semence fixe en giclant A l'espace sa borne. Avant que rien n'ait encore commencé En aucun des mondes possibles (En cet Avant qui est l'avers ténébreux De tout instant de n'importe quel monde) Tu rêves sans qu'émerge ton rêve Que l'Indivis S'étreint. Ta jouissance indivise Est un songe scellé. Omnipénétrant ! Inventeur de l'Autre ! Regarde ! L'ovale du sourire est parfait Lisse et plate la lune. Une Origine Te fixe Les yeux bridés. L'odeur de sa chevelure pâmée T'enseigne ta nature. Si la Femme en Toi Te sature C'est pour T'éveiller. Cambre ton Cri Parmi les nébuleuses! L'éclair de ton spasme Te montre Nu ton Néant. La Ruisselante, la Complaisante Fleure la cannelle et le sel Son sein gauche transparent à l'aurore La mer entre ses genoux. Réjouis-Toi d'être Deux sans retour Réjouis-Toi que de jamais à toujours Elle soit Belle. Contempler. Copuler. Acte mâle. Unique. Incessant. Tu vois et se dessine la hanche La hanche se dessinant Tu la vois. Tu nais des flancs où prend forme Leur donnant sa forme Ta conscience qui naît à la fois Hors de Toi en Toi. Immense, ta Créature. Plus immense ton Désir qui jamais N'en finit de créer. De partout tes yeux grands ouverts Sont l'horizon de l'être. La matière immensément aveugle de l'être Est pourtant ton Désir Mâle et femelle à n'en pas finir De se pétrir. T'adorer c'est savoir lire ensemble Ton lent regard sur la femme couchée Et l'orage du rapt qu'il annonce. Dans les yeux révulsés de l'instant Savoir lire ta sérénité sans rivage Éther immuable des temps. 3 A l'Origine où tout s'éveille non séparé de ton regard Une Bonté s'approfondit de ce qu'en elle Tu contemples L'œuvre qui de tes propres yeux semble elle aussi Te contempler En ce même émerveillement tout est comme accompli d'avance Pourquoi tant de perfection aurait-elle un commencement Pourtant tout vient de commencer la fusion est l'impossible Dont sans cesse l'Amour tenté doit en soi-même se garder Lui qui ne veut qu'elle vraiment et d'autant plus qu'il la rejette Créant par ondes l'univers qui n'en est que l'éloignement Ou se prenant à ce qu'il crée en même temps qu'il s'en détache L'Amour n'a-t-il jamais assez d'aimer ce qu'il fait naître ainsi L'infini se propage-t-il de grain de sable à grain de sable Comme il semble se dilater de galaxie en galaxie Pour se poser la question qui l'interroge sur lui-même L'Amour se crée de son essence un Autre vis-à-vis de lui Ni eau, ni vent, ni feu, ni terre mais ce premier germe de vie Un infini dans l'infini s'ouvre ainsi de la chose à l'être Et désormais c'est au vivant que pour être l'Amour se fie Que le vivant se crée des sens une peau des yeux une ouïe Des membres pour que l'étendue se module à ses mouvements Pour qu'au poisson la profondeur la hauteur à l'oiseau répondent Un cœur distinct pour battre seul et pour centrer en lui le monde Deux sexes pour qu'en étant un d'autant plus il se multiplie Ainsi l'Amour espère-t-il d'une gésine universelle Qu'elle contente en la creusant son insatiable faim d'aimer Mais cette faim qu'ils ont de lui fait des êtres un tel carnage père ! que Toi premier Vivant premier souffrant Tu prends pitié. 4 Non pas une passive douleur mais l'acharnement à la porter plus avant Une démesure de haut en bas de l'échelle, le Tout dans le rien, l'énergie sans borne formidablement entêtée A créer cette fourmi que j'écrase, et mon pied c'est encore cette même énergie Qui de la naissance de ce rien à sa mort aura parcouru des billions d'années Sans perdre jamais la logique immense des âges pendant tous les éons que contient en un jour La durée de la fourmi ou la mienne. Oui l'acharnement à se tirer du chaos en frayant sa voie de part en part du chaos Où la profondeur chavire en hauteur, toutes directions engouffrées à mesure Qu'invinciblement les attire le centre dont la densité ne se laisse pas pénétrer L'enchevêtrement cannibale de l'Être, l'œuvre des mâchoires, une seule Vie entre-dévorée Un massacre unique ininterrompu qui se multiplie d'espèce en espèce Pour durer en somme pour durer jusqu'à quand Question que seul pourrait éveiller L'esprit s'il soulevait les paupières. Cette frairie cosmique par quoi tout être est de proie et lui-même il est proie Ce qu'elle contente est bien plus que la faim, ce qui s'y contente de s'y éveiller davantage C'est le désir d'une unique saveur en tout ce qui s'odore et se mange et se boit. Une unique saveur fait saliver toute vie et cette salive sans cesse l'exalte. Peut-être est-ce l'Ame qui sous l'espèce du sang se laisse deviner justement par ce goût L'Ame vivrait-elle sans le sang qui l'irrigue bu d'un être à l'autre par toutes les plaies Qui ne font qu'une seule jaillissante Origine à travers tous les temps et tous les univers Et de chaque vivant saigne toute la Vie et en chaque vivant tout son sang se digère Consommation et commencement l'un de l'autre enfin ne seront rassasiés Que lorsqu'elle saura du dedans d'elle-même qu'elle ne se consomme que pour atteindre son Cœur. Sang et soleil sont indivis en ta semence universelle La prodiguant Tu n'en perds rien et pour ta Gloire ô Géniteur aucun vivant n'est jamais vain Aucun être saigné à blanc qui ne le soit pour ton grand Œuvre Ce qui coule de lui est ta propre Lumière et à bout de douleur une douceur lui vient De s'être tout entier vidé pour que de lui Toi seul subsistes Et ton Esprit qui S'ignorait infus en lui Le voici qui sous l'œil vitreux lui rend visible par tes yeux Dans le triangle de son cœur le Tétragramme de ton Œuvre Car le cœur du moindre vivant est le Tien avant que Tu aies créé rien qui vive Le Tien battant depuis toujours dans l'attente qu'un être soit Capable de ce battement géant dont les ondes s'élargissant reculent l'infini des mondes Capable aussi de ton Esprit cette étincelle de ta Nuit Ce point unique et séminal de l'Origine à travers tout commencement se greffant éternellement Au sein formé avant les temps pour que Toi-même T'y conçoives 5 En ton honneur les cèdres poussent droit A l'abrupt des montagnes. Leurs gorges qui Te louent sont des orgues Les marées d'équinoxe vers Toi En vagues de basalte se figent. C'est d'en bas que le plus ardemment S'exerce la poussée. Irrésistible tout monte Bien que tout freine tout. La verticale fléchée vers le haut Inverse en un Cœur tous les cœurs Pour en faire sa pointe. Rien ne Te connaîtrait dans les mondes N'était ce mouvement. Mais rien n'est qui par lui Ne Te connaisse. Tout ce qui vit est écartelé Entre l'horizon et l'étoile L'existence et le Sens. C'est pourquoi des Tables se dressent Des croix tendent le ciel. Dans les pierres levées on T'adore Et l'homme Te voit en symbole Dans sa virilité. Il y a gloire en effet quand la femme Est pénétrée par lui. Gloire à s'enraciner dans l'abîme Pourvu qu'en monte le cri. Père des cieux Qui surpasses les mondes Tout ce qui vit n'a qu'un appétit T'atteindre. L'être de part en part S'élève en quête. De cette érection inlassable Toi le Puissant Tu es l'ardeur. 6 Père des créatures ! Tu T'engendres un Fils Au sein de ta Sagesse éternelle Elle est ton immuable jeunesse Ta Pensée de toujours à toujours. Avant que ne soient formées les étoiles Après qu'elles ont cessé d'exister Ton Épouse à l'iris constellé Est l'idée la mémoire des mondes Elle plus jeune que les montagnes Plus que la Nuit dont procèdent les deux Plus que le Vide d'où la ténèbre s'élève Plus que tout ce qui commence et finit Elle la Mère enfantant les éons Où les éons retournent Ses mamelles sont le firmament et la mer D'où coulent les voies lactées. Elle la Vierge dont le ventre est le Rien Ta Présence sans miroir à Toi-même Ton Être que nulle buée n'atténue Ta rondeur scellée sans limites Si belle que Tu t'engendres en elle Et qu'éternellement Tu conçois L'Acte unique incessant inlassable Que s'ouvre et remplit sans fond ton repos En ce Fils Tu prends sur Lui toute vie Que ses membres sur les mondes en croix Étirant aux quatre vents ton Abîme Distendent ramènent vers Toi. 7 En chaque rien Tu es le Tout omniprésent donc invisible Tu es l'essence de la Vie étant son manque essentiel Tout vit sous la protection de ce gouffre de plénitude En laquelle Tu l'accomplis du simple fait qu'il vit en Toi Es-Tu connu de l'écureuil de l'aster ou de la mésange Au lit des gaves les galets font-ils mémoire que Tu es Et d'un instant à l'autre instant scintilles-Tu de même sorte Dans l'eau qui est sa propre mue et le miroitement du vent Ce reflet aboli en Toi en même temps qu'il est sans nombre Est l'incessante invention que se joue ta simplicité Elle en éprouve même joie que d'être seule en transparence Que d'être seule par-delà ce Tout dont elle transparaît N'est-il donc rien qui soit jamais assez conscient pour être opaque Assez dense pour absorber ton regard et le faire sien A peine en formes-Tu l'idée qu'elle devient en Toi cet être Qui Te fait face et T'intercepte et joue son jeu contre le tien L'homme. Non pas en une fois mais proféré de chaque souffle Tiré de rien à chaque instant et retourné de même à rien C'est là son jeu où Tu es pris à chaque fois que Tu respires Le voici naître en cet instant dont il tire une éternité Ni lui ni toi vous ne savez lequel est le poumon de l'autre Si vous créez le monde ensemble ou si vous vous le disputez S'il est le fils qui fait de Toi le Père qui lui donne l'être Ou si Tu fais de lui le fils du Père qu'il s'est inventé Comment se dresse-t-il de Toi cet homme antagoniste en Toi Qui met au centre pour jamais sa distance entre Toi et Toi Sa forme T'aurait-elle fui tel un songe éveillé d'un songe Tel un éclair né de la nuit qui se referme en vain sans lui L'arborescent dont la blancheur à l'horizon fulgure encore C'est le soleil écorché vif sur l'En Deçà noir et massif C'est l'homme qui la foudre aux nerfs brûle à l'orée de ta Nuit noire Tu voudrais de ton Ombre et lui faire deux rêves contigus Mais son regard n'est plus le tien où lui ne veut rien que se voir Lui seul sans Toi bien que Tu sois l'unique objet du face à face Seul face à Toi pour que Tu sois le point de fuite de l'espace L'homme immobile Te sent fuir au fond de soi par-devant soi Seul et cerné d'immensités qui ne lui laissent que la place De faire un pas mais qui suffit pour ne plus revenir à soi De passer outre l'univers mais rien dès lors ni même l'homme N'est! O mutisme auquel fait front sans s'y rompre ce Rien têtu Lequel T'endure T'indurant mais Te refuse comme un kyste Toi son gouffre de pesanteur et le poids qui le constitue Horrible cri de la matière en chute libre dans sa nuit L'homme aussi est ce même cri qu'il inverse vers ta Ténèbre Etre et souffrir ne lui suffit II invente de Te nommer Il invente de sommer l'être et d'en tirer une hymne unique A Toi qui feins de T'éloigner pour qu'elle entonne l'infini Ou peut-être T'éloignes-Tu pour mieux répondre au nom de Père Nom de l'ouie illimitée dont l'étendue est le tympan Du plus haut ciel jusqu'aux enfers la même oreille souveraine Entend des mondes s'engouffrer et s'élever d'un même chant Ta Bonté Père est de donner à l'homme de Te nommer Père Plus en tout sens Tu es lointain plus Te recueille son amour Où que se tienne ta vigie c'est toujours à la proue de l'être Serait-elle un paysan lourd poussant l'araire en plein labour L'homme qui sait le centre en lui et le sent battre à ta mesure De lui-même dilate à fond ton Vide pour T'y respirer Puisque les cieux les océans l'ordre étemel des créatures Et l'ordre que le verbe humain ajoute encore à leur splendeur Ne sont que pour que s'ouvre en lui vertigineux ton propre Cœur 9 Pourquoi la Vie? Pourquoi, Père, as-Tu donné la vie? Toi qui es éternellement Toi le Vivant Te suffisant As-Tu voulu (l'as-Tu voulu?) Te concevoir comme Principe Et que de Toi le temps jaillisse avec et sans commencement Jaillisse parce que la Vie inexhaustiblement sort d'elle-même Rythmiquement inexhaustiblement vague innombrable issue de l'océan Marée sans bords montant mourant par ondes de croissante urgence sur l'immuable fond latent Mourant inéluctablement pour que la Vie retourne à elle-même Lame identique à l'océan comme le temps à son néant Qu'elle s'épuise s'abolisse en son propre commencement Que s'y efface le Principe en son vide éblouissement En cet océan de soleil cet œil insoutenable et blanc Qui est, Père, ta réponse à ce cri Pourquoi la Vie? Pourquoi la Vie? Nul vivant. Père, ne le demande avant l'homme Aucun n'entre en contestation en devenant la question L'homme a voulu (l'a-t-il voulu?) être vivant hors de ton Être Que les mondes partent de lui sans jamais revenir à Toi Qu'il soit pour eux la seconde origine la brèche de la forme humaine dans l'Un Que toute chose irrésistiblement s'y engouffre étirant devant soi comme sa trajectoire Le temps qui cessant d'être un ressort dans un rond devienne la tangente d'un effort absolu D'un arrachement divisant ta substance d'un affrontement contre soi la dressant D'identique ainsi la rendant sa Tout Autre impensablement En son centre Se retirant tandis que tangentiellement S'éloigne l'homme à l'infini toujours plus avant vers son être Pas à pas s'ouvrant le néant où sans fin poursuivre sa quête Qui est, Père, sa question sans réponse Pourquoi la Vie? 10 Pourquoi, Pourquoi? Te crie celui qui Te loue oui de n'être pas Sans qu'il sache lequel n'est pas ou si tous deux vous n'êtes pas Que sait-il d'autre que ceci Quelque chose a failli en lui Quelque chose qui s'effondra sous ses talons un pont peut-être Mais autre chose dont il n'ose penser que c'est peut-être lui Demeure telle une araignée en suspens au-dessus du centre De son centre qui continue de s'effondrer et qui l'aspire Lui — sécrétant son propre fil — affleure presque le vortex Cette succion du tréfonds serait-ce Toi ou bien son âme Ou avant tout en toute chose vous ensemble. Parole et boue ? Vous ensemble nombril du monde spirale anté-originelle Se digérant se restituant son perpétuel commencement Lui csl-il — lui rien c'est-à-dire un cillcment de l'océan Ou cet œil même exorbité le tien au bout du nerf optique Horriblement il se balance au ras d'un gouffre qui est vous Où par ton œil pendant il voit Ton néant le fixer d'en bas C'est cette horreur vous unissant qui lui inspire ta louange Dont l'écho soit à travers Toi votre commun Pourquoi, Pourquoi ? 11 Une Nuit mangée d'yeux étincelants de nuit S'ouvre par nappes dans un grand déploiement d'ailes Du fond de l'homme jusqu'au ciel issu de lui. Toute la hiérarchie des anges reproduit Par degrés son esprit s'exhalant vers le Père Tel qu'en Lui-même II Se conçoit à travers lui. Homme avant l'homme : ainsi de proche en proche l'âme Grandira-t-elle de s'attendre sans cesser D'être en germe du Dieu non né qu'elle n'atteigne Qu'à la manière dont la femme voit monter (Comme s'étale au loin la mer) ce ventre lisse Qu'elle porte par-devant elle, sacrement. Les cieux des cieux soient donc à l'homme une matrice Tapissée d'un pennage immense de pensées Que la femme sur l'eau éblouie sans limites Brusquement par le rayon ras des yeux mi-clos Réverbère en un seul soleil, sa propre peau. Telle est l'ostension des mondes, l'homme en face Et la femme le ventre rond à son côté. L'origine bombée à peine rêve en elle Tandis que lui les yeux lointains fixe la fin. Tout leur semble depuis toujours à fleur d'haleine Mais celle-ci hésite entre eux comme si rien Encore n'allait commencer. Leurs mains levées Ruissellent d'or pour l'oblation de l'aurore Le temps qu'ils sachent émerger de la nuit bleue. A l'orée de la nuit, l'abîme : tel est l'être. Ils l'éprouvent, debout sur ce rebord. Leur dos Ignore tout de la Puissance qui le plaque En avant. Leur orbite est vide, emplie de vent. Et l'homme chante. Lui, l'à-pic et le surplomb Sa voix le sauve à chaque souffle de la chute. Les mondes tombent avec lui dès qu'il se tait Tombent sans fin mais chaque fois cet autre souffle Faiseur de rides sur l'eau ronde le relaie : C'est Elle dont le ventre est en forme de gouffre Pour enfanter de chute en chute les éons. Et certes si l'enfer qu'elle met bas se creuse Pour mettre bas d'autres enfers, d'autant plus haut S'étage l'hymne qui compense par avance L'horreur dont la béance augmente avec la Vie. Car l'hymne c'est l'abîme inversé dans la gloire C'est un aveu d'inanité propitiatoire Au Père saint afin qu'il nourrisse de Lui. Tel est le don que Te fait l'homme : sa misère. Et la femme est plus pauvre encore : rien qu'un trou D'humeurs précaires qui tarissent comme un puits. Or c'est elle que Tu inondes de lumière Or c'est d'elle que Tu Te veux l'ultime fruit. 12 Moi l'homme si je me détourne de Toi peut-être puis-je De Toi qui n'es ni devant moi ni au-dessus ni au-dessous de moi De Toi qui es où que je sois cette force derrière moi Qui me pousse en avant de moi pour que le Vide troue ma face Moi l'homme si je me détourne de Toi n'est-ce pas Toi Qui me détournes et comment puis-je donc échapper à Toi Me faire accroire que je peux m'éloigner toujours plus de Toi Faire le Vide où jamais plus ne rencontrer ni Toi ni moi Moi l'homme si je me tourne vers Toi peut-être puis-je Comme le puits où sans écho depuis toujours s'effondre l'âme Comme le trou empli de boue qui marque mon arrachement Comme la bête s'arrachant les poumons pour trouver son souffle Te crier Père sans comprendre d'un cri de gorge du néant D'un tel effort accompli seul contre la mort qui me possède Que fibre à fibre il me faut vaincre au prix de ma destruction Te crier Père sans avoir l'ombre d'une âme à Te remettre Sans savoir ni comment mourir ni s'il y a quelqu'un qui meurt Te crier Père en ce moment où se défait tout ce moi-même Dont rien n'empêche désormais l'absolue résurrection 13 A force de crier Père T'ai-je créé A force de me forcer à crier Père Par ce cri traversant tout m'as-Tu créé? Ce cri que bien avant d'être j'ai poussé Dès les premières douleurs de la matière Était l'homme : tout par lui a commencé. Je sens ton souffle se frayer une trachée Dans l'épaisseur que je T'oppose et qui respire Par ce souffle contre lui pour l'étouffer. Je suis le souffle et son refus la gorge rêche Et les lèvres sur l'origine modelées. Et je dis Je et Tu comme s'il y avait Un Autre pour chacun qui ne serait Sans être lui pas tout à fait autre que lui Et comme si nous n'arrivions ni l'un ni l'autre A quitter cette mue que nous sommes pour nous. Il faudrait un suprême effort pour que le cri Passât la gorge ! Expulser, être chassé De l'Autre en soi, de soi dans l'Autre, double mue Sans personne qui expulsât ou fût chassé Bien que le cri fût l'être enfin, l'irréversible. Plus misérable que l'enfant à peine issu Est l'homme que Tu as mis bas dans la conscience Mais il est l'être, le Criant! Tu l'as forcé A grand labeur hors de ton rêve invétéré Et revêtu de ta souffrance, chair cosmique. Muette fut ta substance jusqu'à lui Désormais il Te crie en face que Tu souffres Et pour Te faire écho devient ton propre gouffre Pour lutter contre Toi prend ta douleur sur lui. Ou peut-être, en ce jour confus où l'homme émerge De Toi comme l'enfant de la poche des eaux Demeures-Tu béant de son vide, l'écho De ton Néant par-devant Toi portant les sphères Par degrés d'ombre à l'infini comme un appel. Car Tu appelles! Tu projettes ton abîme Qui est l'homme, le transgresseur dont les confins Seront la borne indépassable d'où revient Vers l'ombilic l'illimité quand il expire : Ce monde fait de pensée d'homme n'est allé Si loin et n'est si beau que pour la joie plus grande Encore du retour intime qui le rende (Comme une paume se referme) à ta Bonté. Oui, Tu es bon. Mais l'homme ne le sait de science Qu'au bout de sa distension d'avec ton Cœur. A force de crier il s'épuise : l'absence L'effraie d'être. Il se voit sans fin dans une errance Qui le souffle au-delà de tout et de sa peur. Alors lui vient comme au duvet dont joue la brise Une douceur de n'être seul. Il ne crie plus Mais il ne prie pas davantage. Il croit entendre Un enfant appeler son père tout au loin. 14 Peut-être, dès le frisson primordial Qui Te parcourt sans affleurer à ta surface Ni même Te moirer d'une pensée Tout ton Néant désire-t-il que tout ton être Vienne de rien avant que rien ne soit-Néant ! intimité sans borne que ne trouble Nul battement du centre qui n'est pas Nul battement? Voici très sourdement Que le Dedans à peine mais distinctement Freinant à fond son lent ébranlement s'entend qui bat Ou bien décides-Tu : Je veux Cela, Je le conçois le parle l'illumine J'en suis le Commencement le Souffle et l'Œil tout-englobant Cela qui est en Moi hors de Moi Me fait face Et Je lui donne l'être sans retour Formant les mondes Je les nomme les sépare Pour qu'aussitôt libre de moi puisse m'aimer Qui? rien : Je mets sur l'a de l'univers Un point perdu mais millionnaire en galaxies Et la prunelle de mon Œil ! pour qu'il Me fixe. L'homme ! Le premier-né avant les mondes L'ultime fruit de la genèse inscrite en lui L'unique traversant tout ce qui vit du cri Même qui depuis l'origine le fait vivre. Ce cri sortant de Toi et s'élevant vers Toi T'éclaire du tréfonds muet où rien encore Ne distingue le non-vivant du vibrion Ni ton repos de l'inertie de la matière : Mais qui le pousse, sinon Toi? L'homme, serait-ce Ton souffle, et l'univers la forme qu'il emplit? Qu'importe ! hors l'Amour rien n'est qui puisse entendre Ce cri de part en part qui se perce de soi A se rompre dans l'espérance qu'il s'entende D'autant plus inaudible et d'autant plus criant Plus affamé de soi qu'il se fait plus béant Et que tout crie en lui vers sa Fin qui s'éloigne Dans l'infini d'un éternel Commencement : Seul l'Amour peut instruire l'homme quand il crie D'un silence qui le rassasie du dedans Et qu'il crie pour en demeurer insatiable. Ainsi par délégation de ton Amour L'homme est-il libre de former de ton haleine L'expansion munificente et le retour Contemplatif de l'Être immense vers son centre Oui l'homme est libre d'être l'Acte universel De ta Pensée rejoignant l'Être à sa naissance La courbure de la Beauté s'involutant En spirale qui mène à Toi dans les deux sens Par anneaux de perfection toujours plus dense Ou plus vaste vers le Dedans tourbillonnant Libre aussi — ayant pressenti en lui ta Gloire — D'en convoiter l'éclat jusqu'à le croire sien Jusqu'à se prendre pour la source et non l'image Pour le modèle et non la ressemblance au tien. Mais qu'il prétende Te fonder ou qu'il T'efface Avant que l'Être soit Tu le marques du sceau D'une Face qui a ses traits, irréfragable Et tendre sous l'orgueil d'emprunt qui le durcit, Celle du Fils dont la lumière est ce sourire Immuable qui lentement dissout la nuit. 15 Comme il voudrait le soir venu retrouver la maison du Père Depuis ce tout premier matin qu'elle fut longue sa journée Bien qu'il ait cru ne s'éloigner que de l'instant d'une foulée Un monde est né s'est abîmé le temps d'y reposer le pied Le seuil est large d'un seul pas mais qui suffit pour passer outre Cet horizon si rapproché que le souffle peut l'effleurer Derrière soi l'homme pressent quel aveuglant désert salé Entre le seuil et lui s'étend si sur son ombre il se retourne Mais à quoi bon se retourner vers la maison qu'il a quittée Voilà déjà toute une vie bien que ce soit ce matin même L'homme sans toit ouvre les yeux comme il fit la première fois Vers un ciel tout rayé d'oiseaux qui n'en distraient jamais le Vide Face à ce Vide il s'étendra et son regard boira la nuit Jusqu'à se perdre dans l'idée que son âme est ce champ d'étoiles Faisant retour sans le savoir au lieu pourtant jamais quitté Son cœur par lui tôt déserté où se tait par bonté le Père 16 Par la grâce du Vide Tout tient Il rend le monde sain Comme une pomme Pas une motte de terre Ne l'oublie Pas un oiseau ne trille Qui ne l'en remercie Seul l'homme croit que le Vide N'est pas Que le creux de sa main Est le rond de la pomme Il est le seul au monde A n'y voir que soi Plein de son propre rien Sans interstice Mais quel courage est le sien D'être là, sans recul Pris dans la même loi Qu'il fixe aux choses 17 De plus en plus solipsiste Sa raison y étend Avec les bornes de l'être Son confinement Ainsi ne peut-il s'en prendre Qu'à lui Du néant féroce Qu'il règle et subit Telle est sa liberté Tel est le silence du Père Qu'aux confins de soi et de rien L'homme rejoint Ici, au centre Où le mal et le bien Disent ensemble Le mot de la fin.

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    P

    Pontus de Tyard

    @pontusDeTyard

    Père du doux repos, sommeil Père du songe Père du doux repos, Sommeil père du songe, Maintenant que la nuit, d'une grande ombre obscure, Faict à cet air serain humide couverture, Vien, Sommeil désiré et dans mes yeux te plonge. Ton absence, Sommeil, languissamment allonge, Et me fait plus sentir la peine que j'endure, Vien, Sommeil, l'assoupir, et la rendre moins dure, Vien abuser mon mal de quelque doux mensonge. Ja le muet Silence un esquadron conduit, De fantosmes ballans dessous l'aveugle nuict, Tu me dédaignes seul qui te suis tant dévot ! Vien, Sommeil désiré m'environner la teste, Car, d'un vœu non menteur, un bouquet je t'appreste De ta chère morelle, et de ton cher pavot.

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    S

    Souleymane Yacouba Sidibé

    @souleymaneYacoubaSidibe

    A mon Père Tu as guidé mes premiers pas chancelants Tendu, à l’affut du moindre trébuchement. Par la magie de ton sourire étincelant Tu as éclos mes précoces balbutiements. Puisant ma force dans tes encouragements Je repoussais les frontières de la peur. Ma joie s’auréolait de ton soulagement Quand des épreuves franchies je sortais vainqueur. Puis l'arrivée de la tendre adolescence Dévoila de l’école tant redoutée Les joies et peines des années d'innocence Qui demeurent en chacun pour l’éternité. Au cours de cette période exaltante Le père enfila le manteau de l’enseignant Et avec une pédagogie éclatante Tu m'ouvris les portes de mondes empoignants. De toi m'est venu l'attrait des belles lettres. Je fus vite familier de la grammaire De ces fautes qu'il ne fallait pas commettre Des mots pour enrichir mon vocabulaire. Mon univers était peuplé de poètes classiques D'écrivains humanistes et romantiques. J’étais friand de poésie lyrique et satirique Je dévorais les œuvres philosophiques. Adulte, lorsque j'étais en proie au doute Confronté à l'écho pesant du silence Et au sentiment d'impuissance qu'on redoute Tu demeuras le conseiller de référence. Pendant cinquante sept magnifiques printemps Sans jamais pâlir, tu incarnas à la fois La bonne muse qui m’inspira tout le temps L’étoile du berger qui éclaira ma voie. Enseignant émérite tu as formé Avec une conviction inégalée De la nation tant de cadres diplômés Et porté sans faiblir la croix des recalés. Car tu étais du nombre restreint des magistri Qui ne se pardonnaient pas l'échec des autres. Dans le cercle de tes élèves, point de tri, Pour tous, tu enfilas l'habit de l’apôtre. Homme vertueux aux mille et un talents Ta vie fut un grand livre où chaque page Dévoile une facette de l'homme polyvalent Qui n'hésitait pas à se mettre à l’ouvrage. Père admirable, professeur d'école Leader politique, animateur de jeunesse Légion sont ceux à qui tu servis de boussole Et qui crûrent dans l’ombre de ta sagesse. Dans ton ascension vers l’immensité du ciel Le chariot des adieux lourdement attelé Traça dans le firmament un long carrousel Fait d'honneur, de dignité et d'honnêteté. Tous nous sommes enchaînés à notre Parque. Comme toi, nous partirons à la date échue. Ton œuvre, elle, porte l'empreinte de ta marque. Belle comme l'hommage que la Nation t'a rendu. Souleymane Sidibé

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    T

    Théophile de Viau

    @theophileDeViau

    Ministre du repos, sommeil Père des songes Ministre du repos, sommeil père des songes, Pourquoy t'a t'on nommé l'Image de la mort ? Que ces faiseurs de vers t'ont jadis fait de tort, De le persuader avecques leurs mensonges ! Faut-il pas confesser qu'en l'aise où tu nous plonges, Nos esprits sont ravis par un si doux transport Qu'au lieu de l'accourcir, à la faveur du sort, Les plaisirs de nos jours, sommeil, tu les alonges. Dans ce petit moment, ô songes ravissans, Qu'amour vous a permis d'entretenir mes sens, J'ay tenu dans mon lict Elise toute nuë. Sommeil, ceux qui t'ont fait l'Image du trespas, Quand ils ont peint la mort ils ne l'ont point cogneuë Car vrayment son portraict ne luy ressemble pas.

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    E

    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Le voyageur Las d'avoir visité mondes, continents, villes, Et vu de tout pays, ciel, palais, monuments, Le voyageur enfin revient vers les charmilles Et les vallons rieurs qu'aimaient ses premiers ans. Alors sur les vieux bancs au sein des soirs tranquilles, Sous les chênes vieillis, quelques bons paysans, Graves, fumant la pipe, auprès de leurs familles Ecoutaient les récits du docte aux cheveux blancs. Le printemps refleurit. Le rossignol volage Dans son palais rustique a de nouveau chanté, Mais les bancs sont déserts car l'homme est en voyage. On ne le revoit plus dans ses plaines natales. Fantôme, il disparut dans la nuit, emporté Par le souffle mortel des brises hivernales.

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