Titre : Ô Père, après les jours
Auteur : Jean-Claude Renard
Ô
Père, après les jours de la grande colère, les jours déjà levés dans la chair et le sang et que vous fixerez dans leurs grappes amères pour des saisons dont
nul ne peut sonder le temps,
après les jours promis à la terrible mort dont vous connaissez seul quel sera le silence et où pour s'être ici exclus de voire corps tout sera consumé au feu de votre
absence.
où chaque être lié par son propre péché devra porter la mort de sa semence morte et se condamnera à être condamné pour que votre justice elle aussi soit
parfaite.
où tous les corps seront comme un corps de néant, un corps obscur, un corps sans signes et sans nom.
un corps extérieur et pareil au non-sens et dont même le sang restera infécond.
un corps dont les moissons cesseront de germer et qui vous connaîtra sans pouvoir vous connaître comme un atroce amour qui ne peut plus aimer et ne peut pas se taire et ne peut plus
renaître,
après et au-delà de ces jours de malheur dont l'abîme et les temps sont vraiment infinis, sont vraiment éternels par leur poids de douleur et par la profondeur où
descendra leur nuit.
après eux, malgré eux, et gardé pour eux-mêmes quand ils auront vraiment consommé toutes peines cl connu jusqu'au fond la souffrance suprême d'être
assoiffé de vous et hors de vos fontaines,
ô
Père, quel amour plus fort dans votre amour
que la justice même et que l'éternité
et plus lourd dans l'amour que les corps les plus lourds
et plus profond encor que l'amour révélé,
quelle grâce en vous seul aux sources de la grâce et cachée dans la gloire à la gloire des jours garderez-vous peut-être, ô
Père, pour que passe cette mort elle-même envahie par l'amour,
par un amour si plein de son propre désir que tout, sans s'y dissoudre, en serait possédé et que même la mort finirait de mourir pour être aussi par lui rendue à
votre été,
au don du
Dieu qui esl au-delà de chaque être l'inaccessible
Dieu, et cependant en lui ce centre essenliel, cet arbre au cœur du centre qui donne toujours plus qu'il n'attend de ses fruits.
cet amour absolu où en vous se répondent la seule
Vérité, la seule
Liberté qui fondent dans l'Esprit la liberté du monde et fondent chaque amour et chaque vérité.
convient chaque homme à croître et à s'unir en
Elles pour qu'en étant promus et mûris tous ensemble et l'un par l'autre ouverts aux sources paternelles que nul ne connaît seul, — l'Eau de
Dieu les rassemble.
et que tout dans vos mains soit vraiment accompli comme la grappe et l'or, et la
Création tout entière l'Épouse épousée dans l'Esprit, tout entière l'Épouse appelée par son nom,
le grand pays de
Dieu, le
Corps parfait du
Christ où chaque être en cherchant et en
sondanl vos signes ayant su vous aimer, même d'un autre cri, recevra par amour le vin de votre vigne,
et où l'ultime mort à jamais abolie pour qu'il ne reste rien qui ne vous soit offert vous rendra tous les corps dont elle était nourrie même si à jamais elle a
marqué leur chair,
afin qu'en reprenant l'unique nom vivant que vous aviez pour eux scellé dans votre paix il n'y ait plus partout qu'un amour et qu'un chant à louer la splendeur de votre
éternité?