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Liberté

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Liberté

Poésies de la collection liberté

    Abdellatif Laâbi

    Abdellatif Laâbi

    @abdellatifLaabi

    L'usage de la liberté Cela fait déjà quelque temps il m'arrive d'être tiré brutalement de mes rêveries et de regarder autour de moi en me demandant Qu'est-ce que je fais là est-il bien vrai que je sois en prison ? Étrange sensation qui fait qu'à l'instant où par une impulsion irrésistible vous éprouvez le besoin de faire usage de votre liberté à l'instant même votre condition réelle vous éblouit vous strangule de son évidence et votre geste tombe la main qui en portait l'offrande votre liberté émigré vers d'autres rêves qui se mettent à prendre un goût sauvage des formes irrédentistes Ils se multiplient tournoient follement autour de votre acte-rêve manqué devenu noyau du tourbillon qui tourne tourne jusqu'à le digérer pour en nourrir tous les possibles tout ce qui ne peut se détruire qu'une fois ayant réveillé et nourri l'exigence des hommes qu'une fois ayant brisé l'étau Maison centrale de Kénitra, 1975-1976

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    Abdellatif Laâbi

    Abdellatif Laâbi

    @abdellatifLaabi

    Liberté Ton nom peu importe Dame-des-Douleurs dans l'absence torride se dénudant à l'aube incorruptible fulgurante comme le sein impétueux de l'aimée Peu importe ton nom terre où vivre après le déluge du sang insomniaque phénix migrateur éparpillant les cendres de la mort lente sur les champs magnétiques du souvenir Ton nom peu importe si tu es dégel d'aurores boréales dans le rêve prémonitoire du prisonnier rebelle si tu es cascade de fraîcheur dans le désert des nuits claquemurées Dame-des-Douleurs Terre Phénix migrateur pour toi relever la tête face à la courbe de l'horizon restitué pour saluer ta résurrection secrète

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    Aimé Césaire

    Aimé Césaire

    @aimeCesaire

    Le temps de la liberté Le whisky avait dénoué ses cheveux sales et flottait sur la force des fusils la carapace des tanks et les jurons du juge O jour non lagunaire plus têtu que le bœuf du pays baoulé qui a dit que l'Afrique dort que notre Afrique se cure la gorge mâche du kola boit de la bière de mil et se rendort la TSF du Gouverneur avait colporté ses mensonges amassé le fiel dans la poche à fiel des journaux c'était l'an 1950 au mois de février qui dans le vocabulaire des gens de par ici s'appellera la saison du soleil rouge Cavally Sassandra Bandama petits fleuves au mauvais nez qui à travers vase et pluie d'un museau incertain cherchez petits fleuves au ventre gros de cadavres qui a dit que l'Afrique se terre frissonne à l'harmattan a peur et se rendort Histoire je conte l'Afrique qui s'éveille les hommes quand sous la mémoire hétéroclite des chicotes ils entassèrent le noir feu noué dont la colère traversa comme un ange l'épaisse nuit verte de la forêt Histoire je conte l'Afrique qui a pour armes ses poings nus son antique sagesse sa raison toute nouvelle Afrique tu n'as pas peur tu combats tu sais mieux que tu n'as jamais su tu regardes les yeux dans les yeux des gouverneurs de proie des banquiers périssables belle sous l'insulte Afrique et grande de ta haute conscience et si certain le jour quand au souffle des hommes les meilleurs aura disparu la tsé-tsé colonialiste

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    Alain Bosquet

    Alain Bosquet

    @alainBosquet

    La liberte des mots Je rends sa liberté à chacun de mes mots. Après quelques vacances, d'autres poètes auront à cœur de prendre à leur service les plus robustes et les plus audacieux. Logés, nourris, payés à la semaine, ils feront un effort pour se doter d'un autre sens et d'un nouveau mystère. Mes mots sont libres. Je les salue car je les sais capables d'affoler mille esprits, fussent-ils incrédules. Je les ai bien dressés et leur demande une seule faveur : ne pas perdre leur temps à regretter ce qu'ils furent chez moi, des princes déguisés en domestiques. Ferais-je mieux de mettre à mort le moindre de mes mots ?

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    A

    Alain Le Roux

    @alainLeRoux

    Fleur Fleur éclatante fleur multicolore fleur de désir fleur d'amour en toi des gerbes d'espoir de fleur tendre sur la route du soleil je crie pour les hommes de la planète bonheur les mots d'espoir les mots forts pour une belle nature ouverte aux hommes frères .

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    A

    Alain Le Roux

    @alainLeRoux

    La liberté Sur les pas de vie La liberté se lève Entre les branches Vivre debout En cherchant le bruit sourd A l’odeur de cri. La main ouverte Sur la porte de glace Chantant les couleurs.

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    A

    Alain Lortie

    @alainLortie

    Délivrance Pour tous ceux qui recherchent la délivrance, je ne vois d’autres chemins que les pratiques. Pour tous ceux qui recherchent la délivrance, je ne vois d’autres chemins que les techniques. Pour tous ceux qui recherchent la délivrance, je ne vois d’autres chemins que la dévotion. Pour tous ceux qui recherchent la délivrance, je ne vois d’autres chemins que la bonne action. Pour tous ceux qui cherchent la délivrance, je ne conçois d’autres chemins que le respect. Pour tous ceux qui recherchent la délivrance, je ne vois d’autres chemins que le grand secret. Pour tous ceux qui atteignent la délivrance, le Seigneur brille dans leur for intérieur. Pour tous ceux qui atteignent la délivrance par force des techniques intérieures.

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    Alfred de Vigny

    Alfred de Vigny

    @alfredDeVigny

    Moïse Le soleil prolongeait sur la cime des tentes Ces obliques rayons, ces flammes éclatantes, Ces larges traces d’or qu’il laisse dans les airs, Lorsqu’en un lit de sable il se couche aux déserts. La pourpre et l’or semblaient revêtir la campagne. Du stérile Nébo gravissant la montagne, Moïse, homme de Dieu, s’arrête, et, sans orgueil, Sur le vaste horizon promène un long coup d’œil. Il voit d’abord Phasga, que des figuiers entourent, Puis, au-delà des monts que ses regards parcourent, S’étend tout Galaad, Éphraïm, Manassé, Dont le pays fertile à sa droite est placé ; Vers le Midi, Juda, grand et stérile, étale Ses sables où s’endort la mer occidentale ; Plus loin, dans un vallon que le soir a pâli, Couronné d’oliviers, se montre Nephtali ; Dans des plaines de fleurs magnifiques et calmes, Jéricho s’aperçoit, c’est la ville des palmes ; Et, prolongeant ses bois, des plaines de Phogor Le lentisque touffu s’étend jusqu’à Ségor. Il voit tout Chanaan, et la terre promise, Où sa tombe, il le sait, ne sera point admise. Il voit ; sur les Hébreux étend sa grande main, Puis vers le haut du mont il reprend son chemin. Or, des champs de Moab couvrant la vaste enceinte, Pressés au large pied de la montagne sainte, Les enfants d’Israël s’agitaient au vallon Comme les blés épais qu’agite l’aquilon. Dès l’heure où la rosée humecte l’or des sables Et balance sa perle au sommet des érables, Prophète centenaire, environné d’honneur, Moïse était parti pour trouver le Seigneur. On le suivait des yeux aux flammes de sa tête, Et, lorsque du grand mont il atteignit le faîte, Lorsque son front perça le nuage de Dieu Qui couronnait d’éclairs la cime du haut lieu, L’encens brûla partout sur les autels de pierre, Et six cent mille Hébreux, courbés dans la poussière, À l’ombre du parfum par le soleil doré, Chantèrent d’une voix le cantique sacré ; Et les fils de Lévi, s’élevant sur la foule, Tels qu’un bois de cyprès sur le sable qui roule, Du peuple avec la harpe accompagnant les voix, Dirigeaient vers le ciel l’hymne du Roi des Rois. Et, debout devant Dieu, Moïse ayant pris place, Dans le nuage obscur lui parlait face à face. Il disait au Seigneur : « Ne finirai-je pas ? Où voulez-vous encor que je porte mes pas ? Je vivrai donc toujours puissant et solitaire ? Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre. — Que vous ai-je donc fait pour être votre élu ? J’ai conduit votre peuple où vous avez voulu. Voilà que son pied touche à la terre promise, De vous à lui qu’un autre accepte l’entremise, Au coursier d’Israël qu’il attache le frein ; Je lui lègue mon livre et la verge d’airain. « Pourquoi vous fallut-il tarir mes espérances, Ne pas me laisser homme avec mes ignorances, Puisque du mont Horeb jusques au mont Nébo Je n’ai pas pu trouver le lieu de mon tombeau ? Hélas ! vous m’avez fait sage parmi les sages ! Mon doigt du peuple errant a guidé les passages. J’ai fait pleuvoir le feu sur la tête des rois ; L’avenir à genoux adorera mes lois ; Des tombes des humains j’ouvre la plus antique, La mort trouve à ma voix une voix prophétique, Je suis très grand, mes pieds sont sur les nations, Ma main fait et défait les générations. — Hélas ! je suis, Seigneur, puissant et solitaire, Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre ! « Hélas ! je sais aussi tous les secrets des cieux, Et vous m’avez prêté la force de vos yeux. Je commande à la nuit de déchirer ses voiles ; Ma bouche par leur nom a compté les étoiles, Et, dès qu’au firmament mon geste l’appela, Chacune s’est hâtée en disant : Me voilà. J’impose mes deux mains sur le front des nuages Pour tarir dans leurs flancs la source des orages ; J’engloutis les cités sous les sables mouvants ; Je renverse les monts sous les ailes des vents ; Mon pied infatigable est plus fort que l’espace ; Le fleuve aux grandes eaux se range quand je passe, Et la voix de la mer se tait devant ma voix. Lorsque mon peuple souffre, ou qu’il lui faut des lois, J’élève mes regards, votre esprit me visite ; La terre alors chancelle et le soleil hésite, Vos anges sont jaloux et m’admirent entre eux. Et cependant, Seigneur, je ne suis pas heureux ; Vous m’avez fait vieillir puissant et solitaire, Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre. « Sitôt que votre souffle a rempli le berger, Les hommes se sont dit : Il nous est étranger ; Et les yeux se baissaient devant mes yeux de flamme, Car ils venaient, hélas ! d’y voir plus que mon âme. J’ai vu l’amour s’éteindre et l’amitié tarir, Les vierges se voilaient et craignaient de mourir. M’enveloppant alors de la colonne noire, J’ai marché devant tous, triste et seul dans ma gloire, Et j’ai dit dans mon cœur : Que vouloir à présent ? Pour dormir sur un sein mon front est trop pesant, Ma main laisse l’effroi sur la main qu’elle touche, L’orage est dans ma voix, l’éclair est sur ma bouche ; Aussi, loin de m’aimer, voilà qu’ils tremblent tous, Et, quand j’ouvre les bras, on tombe à mes genoux. Ô Seigneur ! j’ai vécu puissant et solitaire, Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre ! » Or, le peuple attendait, et, craignant son courroux, Priait sans regarder le mont du Dieu jaloux ; Car s’il levait les yeux, les flancs noirs du nuage Roulaient et redoublaient les foudres de l’orage, Et le feu des éclairs, aveuglant les regards, Enchaînait tous les fronts courbés de toutes parts. Bientôt le haut du mont reparut sans Moïse. — Il fut pleuré. — Marchant vers la terre promise, Josué s’avançait pensif et pâlissant, Car il était déjà l’élu du Tout-Puissant. Écrit en 1822

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    La liberté, ou une nuit à Rome Comme l’astre adouci de l’antique Elysée, Sur les murs dentelés du sacré Colysée, L’astre des nuits, perçant des nuages épars, Laisse dormir en paix ses longs et doux regards, Le rayon qui blanchit ses vastes flancs de pierre, En glissant à travers les pans fIottants du lierre, Dessine dans l’enceinte un lumineux sentier ; On dirait le tombeau d’un peuple tout entier, Où la mémoire, errante après des jours sans nombre, Dans la nuit du passé viendrait chercher une ombre, Ici, de voûte en voûte élevé dans les cieux, Le monument debout défie encor les yeux ; Le regard égaré dans ce dédale oblique, De degrés en degrés, de portique en portique, Parcourt en serpentant ce lugubre désert, Fuit, monte, redescend, se retrouve et se perd. Là, comme un front penché sous le poids des années, La ruine, abaissant ses voûtes inclinées, Tout à coup se déchire en immenses lambeaux, Pend comme un noir rocher sur l’abîme des eaux ; Ou des vastes hauteurs de son faîte superbe Descendant par degrés jusqu’au niveau de l’herbe, Comme un coteau qui meurt sous les fleurs du vallon, Vient mourir à nos pieds sur des lits de gazon. Sur les flancs décharnés de ces sombres collines, Des forêts dans les airs ont jeté leurs racines : Là, le lierre jaloux de l’immortalité, Triomphe en possédant ce que l’homme a quitté ; Et pareil à l’oubli, sur ces murs qu’il enlace, Monte de siècle en siècle aux sommets qu’il efface. Le buis, l’if immobile, et l’arbre des tombeaux, Dressent en frissonnant leurs funèbres rameaux, Et l’humble giroflée, aux lambris suspendue, Attachant ses pieds d’or dans la pierre fendue, Et balançant dans l’air ses longs rameaux flétris, Comme un doux souvenir fleurit sur des débris. Aux sommets escarpés du fronton solitaire, L’aigle à la frise étroite a suspendu son aire : Au bruit sourd de mes pas, qui troublent son repos, Il jette un cri d’effroi, grossi par mille échos, S’élance dans le ciel, en redescend, s’arrête, Et d’un vol menaçant plane autour de ma tête. Du creux des monuments, de l’ombre des arceaux, Sortent en gémissant de sinistres oiseaux : Ouvrant en vain dans l’ombre une ardente prunelle, L’aveugle amant des nuits bat les murs de son aile ; La colombe, inquiète à mes pas indiscrets, Descend, vole et s’abat de cyprès en cyprès, Et sur les bords brisés de quelque urne isolée, Se pose en soupirant comme une âme exilée. Les vents, en s’engouffrant sous ces vastes débris, En tirent des soupirs, des hurlements, des cris : On dirait qu’on entend le torrent des années Rouler sous ces arceaux ses vagues déchaînées, Renversant, emportant, minant de jours en jours Tout ce que les mortels ont bâti sur son cours. Les nuages flottants dans un ciel clair et sombre, En passant sur l’enceinte y font courir leur ombre, Et tantôt, nous cachant le rayon qui nous luit, Couvrent le monument d’une profonde nuit, Tantôt, se déchirant sous un souffle rapide, Laissent sur le gazon tomber un jour livide, Qui, semblable à l’éclair, montre à l’oeil ébloui Ce fantôme debout du siècle évanoui ; Dessine en serpentant ses formes mutilées, Les cintres verdoyants des arches écroulées, Ses larges fondements sous nos pas entrouverts, Et l’éternelle croix qui, surmontant le faîte, Incline comme un mât battu par la tempête. Rome ! te voilà donc ! Ô mère des Césars ! J’aime à fouler aux pieds tes monuments épars ; J’aime à sentir le temps, plus fort que ta mémoire, Effacer pas à pas les traces de ta gloire ! L’homme serait-il donc de ses oeuvres jaloux ? Nos monuments sont-ils plus immortels que nous ? Egaux devant le temps, non, ta ruine immense Nous console du moins de notre décadence. J’aime, j’aime à venir rêver sur ce tombeau, A l’heure où de la nuit le lugubre flambeau Comme l’oeil du passé, flottant sur des ruines, D’un pâle demi-deuil revêt tes sept collines, Et, d’un ciel toujours jeune éclaircissant l’azur, Fait briller les torrents sur les flancs de Tibur. Ma harpe, qu’en passant l’oiseau des nuits effleure, Sur tes propres débris te rappelle et te pleure, Et jette aux flots du Tibre un cri de liberté, Hélas ! par l’écho même à peine répété.  » Liberté ! nom sacré, profané par cet âge, J’ai toujours dans mon coeur adoré ton image, Telle qu’aux jours d’Emile et de Léonidas, T’adorèrent jadis le Tibre et l’Eurotas ; Quand tes fils se levant contre la tyrannie, Tu teignais leurs drapeaux du sang de Virginie, Ou qu’à tes saintes lois glorieux d’obéir, Tes trois cents immortels s’embrassaient pour mourir ; Telle enfin que d’Uri prenant ton vol sublime, Comme un rapide éclair qui court de cime en cime, Des rives du Léman aux rochers d’Appenzell, Volant avec la mort sur la flèche de Tell, Tu rassembles tes fils errants sur les montagnes, Et, semblable au torrent qui fond sur leurs campagnes Tu purges à jamais d’un peuple d’oppresseurs Ces champs où tu fondas ton règne sur les moeurs !  » Alors !… mais aujourd’hui, pardonne à mon silence ; Quand ton nom, profané par l’infâme licence, Du Tage à l’Éridan épouvantant les rois, Fait crouler dans le sang les trônes et les Iris ; Détournant leurs regards de ce culte adultère, Tes purs adorateurs, étrangers sur la terre, Voyant dans ces excès ton saint nom se flétrir, Ne le prononcent plus… de peur de l’avilir. Il fallait t’invoquer, quand un tyran superbe Sous ses pieds teints de sang nous fouler comme l’herbe, En pressant sur son coeur le poignard de Caton. Alors il était beau de confesser ton nom : La palme des martyrs couronnait tes victimes, Et jusqu’à leurs soupirs, tout leur était des crimes. L’univers cependant, prosterné devant lui, Adorait, ou tremblait !… L’univers, aujourd’hui, Au bruit des fers brisés en sursaut se réveille. Mais, qu’entends-je ? et quels cris ont frappé mon oreille ? Esclaves et tyrans, opprimés, oppresseurs, Quand tes droits ont vaincu, s’offrent pour tes vengeurs ; Insultant sans péril la tyrannie absente, Ils poursuivent partout son ombre renaissante ; Et, de la vérité couvrant la faible voix, Quand le peuple est tyran, ils insultent aux rois. Tu règnes cependant sur un siècle qui t’aime, Liberté ; tu n’as rien à craindre que toi-même. Sur la pente rapide où roule en paix ton char, Je vois mille Brutus… mais où donc est César ?

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    André Breton

    André Breton

    @andreBreton

    Anciennement Rue de la Liberté Le grand industriel noir exhibe une serviette en peau d'iguane blanche Dans les plaidoiries de vents chargés de fleurs Le léger catafalque de la créole Démesurément exhaussé d'autruches Fait eau de tous les reflets de la savane Pouvoir des pointes les lucioles m'ont traversé de part en part La nuit tropicale conjugue toutes les sonneries de l'entracte A jamais balancée de vases modem style et de parfums dans le flot de lave Je m'assure qu'une lampe de l'ancien Saint-Pierre fonctionne encore La vie intermittente est le crépitement d'un colibri vert Et prête-moi ton murmure marché marin Du comptoir de Bien bon beau A Allons nous cacher mes amis En compliments de l'autre siècle Surtout races prétendues ennemies décriées A ma faim épandez l'arbre aux mille greffes De la souche de celui qui parle seul Que j'ai tenu dès longtemps à réhabiliter en moi-même Ici les fontaines Wallace étourdies de lianes prennent un aspect mythologique Pour la beauté rien qu'à sa marche la reine passe sur l'autre bord Sa gorge du crépuscule clair des roses du Sénégal Sa main toute jeune joue le long des grilles du palais. Fort-de-France, mai 1941.

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    André Breton

    André Breton

    @andreBreton

    L'union libre Ma femme à la chevelure de feu de bois Aux pensées d'éclairs de chaleur A la taille de sablier Ma femme à la taille de loutre entre les dents du tigre Ma femme à la bouche de cocarde et de bouquet d'étoiles de dernière grandeur Aux dents d'empreintes de souris blanche sur la terre blanche A la langue d'ambre et de verre frottés Ma femme à la langue d'hostie poignardée A la langue de poupée qui ouvre et ferme les yeux A la langue de pierre incroyable Ma femme aux cils de bâtons d'écriture d'enfant Aux sourcils de bord de nid d'hirondelle Ma femme aux tempes d'ardoise de toit de serre Et de buée aux vitres Ma femme aux épaules de Champagne Et de fontaine à têtes de dauphins sous la glace Ma femme aux poignets d'allumettes Ma femme aux doigts de hasard et d'as de cœur Aux doigts de foin coupé Ma femme aux aisselles de martre et de fênes De nuit de la Saint-Jean De troène et de nid de scalares Aux bras d'écume de mer et d'écluse Et de mélange du blé et du moulin Ma femme aux jambes de fusée Aux mouvements d'horlogerie et de désespoir Ma femme aux mollets de moelle de sureau Ma femme aux pieds d'initiales Aux pieds de trousseaux de clefs aux pieds de calfats qui boivent Ma femme au cou d'orge imperlé Ma femme à la gorge de Val d'or De rendez-vous dans le lit même du torrent Aux seins de nuit Ma femme aux seins de taupinière marine Ma femme aux seins de creuset du rubis Aux seins de spectre de la rose sous la rosée Ma femme au ventre de dépliement d'éventail des jours Au ventre de griffe géante Ma femme au dos d'oiseau qui fuit vertical Au dos de vif-argent Au dos de lumière A la nuque de pierre roulée et de craie mouillée Et de chute d'un verre dans lequel on vient de boire Ma femme aux hanches de nacelle Aux hanches de lustre et de pennes de flèche Et de tiges de plumes de paon blanc De balance insensible Ma femme aux fesses de grès et d'amiante Ma femme aux fesses de dos de cygne Ma femme aux fesses de printemps Au sexe de glaïeul Ma femme au sexe de placer et d'ornithorynque Ma femme au sexe d'algue et de bonbons anciens Ma femme au sexe de miroir Ma femme aux yeux pleins de larmes Aux yeux de panoplie violette et d'aiguille aimantée Ma femme aux yeux de savane Ma femme aux yeux d'eau pour boire en prison Ma femme aux yeux de bois toujours sous la hache Aux yeux de niveau d'eau de niveau d'air de terre

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    Byzance, mon berceau Byzance, mon berceau, jamais tes janissaires Du Musulman paisible ont-ils forcé le seuil ? Vont-ils jusqu’en son lit, nocturnes émissaires, Porter l’épouvante et le deuil ? Son harem ne connaît, invisible retraite, Le choix, ni les projets, ni le nom des visirs. Là, sûr du lendemain, il repose sa tête, Sans craindre au sein de ses plaisirs, Que cent nouvelles lois qu’une nuit a fait naître, De juges assassins un tribunal pervers, Lancent sur son réveil, avec le nom de traître, La mort, la ruine, ou les fers. Tes mœurs et ton Coran sur ton sultan farouche Veillent, le glaive nu, s’il croyait tout pouvoir ; S’il osait tout braver ; et dérober sa bouche Au frein de l’antique devoir. Voilà donc une digue où la toute-puissance Voit briser le torrent de ses vastes progrès ! Liberté qui nous fuis, tu ne fuis point Byzance ; Tu planes sur ses minarets !

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    La Liberté Un chevrier, un berger Le chevrier Berger, quel es-tu donc? qui t’agite? et quels dieux De noirs cheveux épars enveloppent tes yeux? LE BERGER Blond pasteur de chevreaux, oui, tu veux me l’apprendre: Oui, ton front est plus beau, ton regard est plus tendre. LE CHEVRIER Quoi! tu sors de ces monts où tu n’as vu que toi, Et qu’on n’approche point sans peine et sans effroi? LE BERGER Tu te plais mieux sans doute au bois, à la prairie; Tu le peux. Assieds-toi parmi l’herbe fleurie: Moi, sous un antre aride, en cet affreux séjour, Je me plais sur le roc à voir passer le jour. LE CHEVRIER Mais Cérès a maudit cette terre âpre et dure; Un noir torrent pierreux y roule une onde impure; Tous ces rocs, calcinés sous un soleil rongeur, Brûlent et font hâter les pas du voyageur. Point de fleurs, point de fruits, nul ombrage fertile N’y donne au rossignol un balsamique asile. Quelque olivier au loin, maigre fécondité, Y rampe et fait mieux voir leur triste nudité. Comment as-tu donc su d’herbes accoutumées Nourrir dans ce désert tes brebis affamées? LE BERGER Que m’importe! est-ce à moi qu’appartient ce troupeau? Je suis esclave. LE CHEVRIER Au moins un rustique pipeau A-t-il chassé l’ennui de ton rocher sauvage? Tiens, veux-tu cette flûte? Elle fut mon ouvrage. Prends: sur ce buis, fertile en agréables sons, Tu pourras des oiseaux imiter les chansons. LE BERGER Non, garde tes présents. Les oiseaux de ténèbres, La chouette et l’orfraie, et leurs accents funèbres, Voilà les seuls chanteurs que je veuille écouter; Voilà quelles chansons je voudrais imiter. Ta flûte sous mes pieds serait bientôt brisée: Je hais tous vos plaisirs. Les fleurs et la rosée, Et de vos rossignols les soupirs caressants, Rien ne plaît à mon coeur, rien ne flatte mes sens. Je suis esclave. LE CHEVRIER Hélas! que je te trouve à plaindre! Oui, l’esclavage est dur; oui, tout mortel doit craindre De servir, de plier sous une injuste loi, De vivre pour autrui, de n’avoir rien à soi. Protège-moi toujours, ô liberté chérie! O mère des vertus, mère de la patrie! LE BERGER Va, patrie et vertu ne sont que de vains noms. Toutefois tes discours sont pour moi des affronts: Ton prétendu bonheur et m’afflige et me brave; Comme moi, je voudrais que tu fusses esclave. LE CHEVRIER Et moi, je te voudrais libre, heureux comme moi. Mais les dieux n’ont-ils point de remède pour toi? Il est des baumes doux, des lustrations pures Qui peuvent de notre âme assoupir les blessures, Et de magiques chants qui tarissent les pleurs. LE BERGER Il n’en est point; il n’est pour moi que des douleurs: Mon sort est de servir, il faut qu’il s’accomplisse. Moi, j’ai ce chien aussi qui tremble à mon service; C’est mon esclave aussi. Mon désespoir muet Ne peut rendre qu’à lui tous les maux qu’on me fait. LE CHEVRIER La terre, notre mère, et sa douce richesse, Ne peut-elle, du moins, égayer ta tristesse? Vois combien elle est belle! et vois l’été vermeil, Prodigue de trésors, brillants fils du soleil, Qui vient, fertile amant d’une heureuse culture, Varier du printemps l’uniforme verdure; Vois l’abricot naissant, sous les yeux d’un beau ciel, Arrondir son fruit doux et blond comme le miel; Vois la pourpre des fleurs dont le pêcher se pare Nous annoncer l’éclat des fruits qu’il nous prépare. Au bord de ces prés verts regarde ces guérets, De qui les blés touffus, jaunissantes forêts, Du joyeux moissonneur attendent la faucille. D’agrestes déités quelle noble famille! La Récolte et la Paix, aux yeux purs et sereins, Les épis sur le front, les épis dans les mains, Qui viennent, sur les pas de la belle Espérance, Verser la corne d’or où fleurit l’abondance. LE BERGER Sans doute qu’à tes yeux elles montrent leurs pas; Moi, j’ai des yeux d’esclave, et je ne les vois pas. Je n’y vois qu’un sol dur, laborieux, servile, Que j’ai, non pas pour moi, contraint d’être fertile; Où, sous un ciel brûlant, je moissonne le grain Qui va nourrir un autre, et me laisse ma faim. Voilà quelle est la terre. Elle n’est point ma mère, Elle est pour moi marâtre; et la nature entière Est plus nue à mes yeux, plus horrible à mon coeur Que ce vallon de mort qui te fait tant d’horreur. LE CHEVRIER Le soin de tes brebis, leur voix douce et paisible, N’ont-ils donc rien qui plaise à ton âme insensible? N’aimes-tu point à voir les jeux de tes agneaux? Moi, je me plais auprès de mes jeunes chevreaux; Je m’occupe à leurs jeux, j’aime leur voix bêlante; Et quand sur la rosée et sur l’herbe brillante Vers leur mère en criant je les vois accourir, Je bondis avec eux de joie et de plaisir. LE BERGER Ils sont à toi: mais moi, j’eus une autre fortune; Ceux-ci de mes tourments sont la cause importune Deux fois, avec ennui, promenés chaque jour, Un maître soupçonneux nous attend au retour Rien ne le satisfait: ils ont trop peu de laine; Ou bien ils sont mourants, ils se traînent à peine; En un mot, tout est mal. Si le loup quelquefois En saisit un, l’emporte et s’enfuit dans les bois, C’est ma faute; il fallait braver ses dents avides. Je dois rendre les loups innocents et timides! Et puis, menaces, cris, injure, emportements, Et lâches cruautés qu’il nomme châtiments. LE CHEVRIER Toujours à l’innocent les dieux sont favorables: Pourquoi fuir leur présence, appui des misérables? Autour de leurs autels, parés de nos festons, Que ne viens-tu danser, offrir de simples dons, Du chaume, quelques fleurs, et, par ces sacrifices, Te rendre Jupiter et les nymphes propices? LE BERGER Non; les danses, les jeux, les plaisirs des bergers Sont à mon triste coeur des plaisirs étrangers. Que parles-tu de dieux, de nymphes et d’offrandes? Moi, je n’ai pour les dieux ni chaume ni guirlandes; Je les crains, car j’ai vu leur foudre et leurs éclairs; Je ne les aime pas: ils m’ont donné des fers. LE CHEVRIER Eh bien, que n’aimes-tu? Quelle amertume extrême Résiste aux doux souris d’une vierge qu’on aime? L’autre jour, à la mienne, en ce bois fortuné, Je vins offrir le don d’un chevreau nouveau-né. Son oeil tomba sur moi, si doux, si beau, si tendre!… Sa voix prit un accent!… Je crois toujours l’entendre. LE BERGER Eh! quel oeil virginal voudrait tomber sur moi? Ai-je, moi, des chevreaux à donner comme toi? Chaque jour, par ce maître inflexible et barbare, Mes agneaux sont comptés avec un soin avare. Trop heureux quand il daigne à mes cris superflus N’en pas redemander plus que je n’en reçus! O juste Némésis! si jamais je puis être Le plus fort à mon tour, si je puis me voir maître, Je serai dur, méchant, intraitable, sans foi, Sanguinaire, cruel, comme on l’est avec moi! LE CHEVRIER Et moi, c’est vous qu’ici pour témoins j’en appelle, Dieux! de mes serviteurs la cohorte fidèle Me trouvera toujours humain, compatissant, A leurs justes désirs facile et complaisant, Afin qu’ils soient heureux et qu’ils aiment leur maître Et bénissent en paix l’instant qui les vit naître. LE BERGER Et moi, je le maudis, cet instant douloureux Qui me donna le jour pour être malheureux; Pour agir quand un autre exige, veut, ordonne; Pour n’avoir rien à moi, pour ne plaire à personne; Pour endurer la faim, quand ma peine et mon deuil Engraissent d’un tyran l’indolence et l’orgueil. LE CHEVRIER Berger infortuné! ta plaintive détresse De ton coeur dans le mien fait passer la tristesse. Vois cette chèvre mère et ces chevreaux, tous deux Aussi blancs que le lait qu’elle garde pour eux; Qu’ils aillent avec toi, je te les abandonne. Adieu, puisse du moins ce peu que je te donne De ta triste mémoire effacer tes malheurs, Et, soigné par tes mains, distraire tes douleurs! LE BERGER Oui, donne et sois maudit; car, si j’étais plus sage, Ces dons sont pour mon coeur d’un sinistre présage: De mon despote avare ils choqueront les yeux. Il ne croit pas qu’on donne; il est fourbe, envieux; Il dira que chez lui j’ai volé le salaire Dont j’aurai pu payer les chevreaux et la mère; Et, d’un si bon prétexte ardent à se servir, C’est à moi que lui-même il viendra les ravir. (Commencé le vendredi au soir 16, et fini le dimanche au soir, 18 mars 1787.)

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    À la France France ! ô belle contrée, ô terre généreuse Que les dieux complaisants formaient pour être heureuse, Tu ne sens point du Nord les glaçantes horreurs ; Le Midi de ses feux t’épargne les fureurs ; Tes arbres innocents n’ont point d’ombres mortelles ; Ni des poisons épars dans tes herbes nouvelles Ne trompent une main crédule ; ni tes bois Des tigres frémissants ne redoutent la voix ; Ni les vastes serpents ne traînent sur tes plantes En longs cercles hideux leurs écailles sonnantes. Les chênes, les sapins et les ormes épais En utiles rameaux ombragent tes sommets ; Et de Beaune et d’Aï les rives fortunées, Et la riche Aquitaine, et les hauts Pyrénées, Sous leurs bruyants pressoirs font couler en ruisseaux Des vins délicieux mûris sur leurs coteaux. La Provence odorante, et de Zéphyre aimée, Respire sur les mers une haleine embaumée, Au bord des flots couvrant, délicieux trésor, L’orange et le citron de leur tunique d’or ; Et plus loin, au penchant des collines pierreuses, Forme la grasse olive aux liqueurs savoureuses, Et ces réseaux légers, diaphanes habits, Où la fraîche grenade enferme ses rubis. Sur tes rochers touffus la chèvre se hérisse, Tes prés enflent de lait la féconde génisse, Et tu vois tes brebis, sur le jeune gazon, Épaissir le tissu de leur blanche toison. Dans les fertiles champs voisins de la Touraine, Dans ceux où l’Océan boit l’urne de la Seine, S’élèvent pour le frein des coursiers belliqueux. Ajoutez cet amas de fleuves tortueux : L’indomptable Garonne aux vagues insensées, Le Rhône impétueux, fils des Alpes glacées, La Seine au flot royal, la Loire dans son sein Incertaine, et la Saône, et mille autres enfin Qui nourrissent partout, sur tes nobles rivages, Fleurs, moissons et vergers, et bois et pâturages, Rampent aux pieds des murs d’opulentes cités, Sous les arches de pierre à grand bruit emportés. Dirai-je ces travaux, source de l’abondance, Ces ports, où des deux mers l’active bienfaisance Amène les tributs du rivage lointain Que visite Phoebus le soir ou le matin ? Dirai-je ces canaux, ces montagnes percées, De bassins en bassins ces ondes amassées Pour joindre au pied des monts l’une et l’autre Téthys ? Et ces vastes chemins en tous lieux départis, Où l’étranger, à l’aise achevant son voyage, Pense au nom des Trudaine et bénit leur ouvrage ? Ton peuple industrieux est né pour les combats. Le glaive, le mousquet n’accablent point ses bras. Il s’élance aux assauts, et son fer intrépide Chassa l’impie Anglais, usurpateur avide. Le ciel les fit humains, hospitaliers et bons, Amis des doux plaisirs, des festins, des chansons ; Mais, faibles opprimés, la tristesse inquiète Glace ces chants joyeux sur leur bouche muette, Pour les jeux, pour la danse appesantit leurs pas, Renverse devant eux les tables des repas, Flétrit de longs soucis, empreinte douloureuse, Et leur front et leur âme. Ô France ! trop heureuse, Si tu voyais tes biens, si tu profitais mieux Des dons que tu reçus de la bonté des cieux ! Vois le superbe Anglais, l’Anglais dont le courage Ne s’est soumis qu’aux lois d’un sénat libre et sage, Qui t’épie, et, dans l’Inde éclipsant ta splendeur, Sur tes fautes sans nombre élève sa grandeur. Il triomphe, il t’insulte. Oh ! combien tes collines Tressailliraient de voir réparer tes ruines, Et pour la liberté donneraient sans regrets, Et leur vin, et leur huile, et leurs belles forêts ! J’ai vu dans tes hameaux la plaintive misère, La mendicité blême et la douleur amère. Je t’ai vu dans tes biens, indigent laboureur, D’un fisc avare et dur maudissant la rigueur, Versant aux pieds des grands des larmes inutiles, Tout trempé de sueurs pour toi-même infertiles, Découragé de vivre, et plein d’un juste effroi De mettre au jour des fils malheureux comme toi. Tu vois sous les soldats les villes gémissantes ; Corvée, impôts rongeurs, tributs, taxes pesantes, Le sel, fils de la terre, ou même l’eau des mers, Sources d’oppression et de fléaux divers ; Vingt brigands, revêtus du nom sacré de prince, S’unir à déchirer une triste province, Et courir à l’envi, de son sang altérés, Se partager entre eux ses membres déchirés. Ô sainte Égalité ! dissipe nos ténèbres, Renverse les verrous, les bastilles funèbres. Le riche indifférent, dans un char promené, De ces gouffres secrets partout environné, Rit avec les bourreaux, s’il n’est bourreau lui-même ; Près de ces noirs réduits de la misère extrême, D’une maîtresse impure achète les transports, Chante sur des tombeaux, et boit parmi des morts. Malesherbes, Turgot, ô vous en qui la France Vit luire, hélas ! en vain sa dernière espérance, Ministres dont le coeur a connu la pitié, Ministres dont le nom ne s’est point oublié ; Ah ! si de telles mains, justement souveraines, Toujours de cet empire avaient tenu les rênes, L’équité clairvoyante aurait régné sur nous ; Le faible aurait osé respirer près de vous ; L’oppresseur, évitant d’armer d’injustes plaintes, Sinon quelque pudeur aurait eu quelques craintes ; Le délateur impie, opprimé par la faim, Serait mort dans l’opprobre, et tant d’hommes enfin, A l’insu de nos lois, à l’insu du vulgaire, Foudroyés sous les coups d’un pouvoir arbitraire, De cris non entendus, de funèbres sanglots, Ne feraient point gémir les voûtes des cachots. Non, je ne veux plus vivre en ce séjour servile ; J’irai, j’irai bien loin me chercher un asile, Un asile à ma vie en son paisible cours, Une tombe à ma cendre à la fin de mes jours, Où d’un grand au coeur dur l’opulence homicide Du sang d’un peuple entier ne sera point avide, Et ne me dira point, avec un rire affreux, Qu’ils se plaignent sans cesse et qu’ils sont trop heureux ; Où, loin des ravisseurs, la main cultivatrice Recueillera les dons d’une terre propice ; Où mon coeur, respirant sous un ciel étranger, Ne verra plus des maux qu’il ne peut soulager ; Où mes yeux, éloignés des publiques misères, Ne verront plus partout les larmes de mes frères, Et la pâle indigence à la mourante voix, Et les crimes puissants qui font trembler les lois. Toi donc, Équité sainte, ô toi, vierge adorée, De nos tristes climats pour longtemps ignorée, Daigne du haut des cieux goûter le libre encens D’une lyre au coeur chaste, aux transports innocents, Qui ne saura jamais, par des voeux mercenaires, Flatter à prix d’argent des faveurs arbitraires, Mais qui rendra toujours, par amour et par choix, Un noble et pur hommage aux appuis de tes lois. De voeux pour les humains tous ses chants retentissent ; La vérité l’enflamme, et ses cordes frémissent Quand l’air qui l’environne auprès d’elle a porté Le doux nom des vertus et de la liberté.

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    Andrée Chedid

    Andrée Chedid

    @andreeChedid

    Liberté La peau minérale des tyrans emmaillote l'espace Multiplie ses écailles sur les cités avares de portes sur les bouches plâtrées Pourtant plus nue que l'herbe et grosse de printemps La Vie Trame sans fin la débâcle des idoles Ranime l'éclat de l'eau sur les fleuves de sang Pourtant plus aiguë que la foudre La Vie Tranche les nœuds de la peur Condamne les nuits en arme Et nomme à faire frémir de douceur toutes nos clairières inavouées Nomme la parole ouverte Respire déjà en chacun.

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    Andrée Chedid

    Andrée Chedid

    @andreeChedid

    L’espérance J’ai ancré l’espérance Aux racines de la vie * Face aux ténèbres J’ai dressé des clartés Planté des flambeaux A la lisière des nuits * Des clartés qui persistent Des flambeaux qui se glissent Entre ombres et barbaries * Des clartés qui renaissent Des flambeaux qui se dressent Sans jamais dépérir * J’enracine l’espérance Dans le terreau du cœur J’adopte toute l’espérance En son esprit frondeur. Andrée Chedid Poème publié dans l’anthologie Une salve d’avenir. L’espoir, anthologie poétique, parue chez Gallimard en Mars 2004

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    Anna de Noailles

    Anna de Noailles

    @annaDeNoailles

    Le verger Dans le jardin, sucré d’œillets et d’aromates, Lorsque l’aube a mouillé le serpolet touffu, Et que les lourds frelons, suspendus aux tomates, Chancellent, de rosée et de sève pourvus, Je viendrai, sous l’azur et la brume flottante, Ivre du temps vivace et du jour retrouvé ; Mon cœur se dressera comme le coq qui chante Insatiablement vers le soleil levé. L’air chaud sera laiteux sur toute la verdure, Sur l’effort généreux et prudent des semis, Sur la salade vive et le buis des bordures, Sur la cosse qui gonfle et qui s’ouvre à demi ; La terre labourée où mûrissent les graines Ondulera, joyeuse et douce, à petits flots, Heureuse de sentir dans sa chair souterraine Le destin de la vigne et du froment enclos. Des brugnons roussiront sur leurs feuilles, collées Au mur où le soleil s’écrase chaudement ; La lumière emplira les étroites allées Sur qui l’ombre des fleurs est comme un vêtement. Un goût d’éclosion et de choses juteuses Montera de la courge humide et du melon, Midi fera flamber l’herbe silencieuse, Le jour sera tranquille, inépuisable et long. Et la maison, avec sa toiture d’ardoises, Laissant sa porte sombre et ses volets ouverts, Respirera l’odeur des coings et des framboises Éparse lourdement autour des buissons verts ; Mon cœur indifférent et doux aura la pente Du feuillage flexible et plat des haricots Sur qui l’eau de la nuit se dépose et serpente Et coule sans troubler son rêve et son repos. Je serai libre enfin de crainte et d’amertume, Lasse comme un jardin sur lequel il a plu, Calme comme l’étang qui luit dans l’aube et fume, Je ne souffrirai plus, je ne penserai plus, Je ne saurai plus rien des choses de ce monde, Des peines de ma vie et de ma nation, J’écouterai chanter dans mon âme profonde L’harmonieuse paix des germinations. Je n’aurai pas d’orgueil, et je serai pareille, Dans ma candeur nouvelle et ma simplicité, À mon frère le pampre et ma sœur la groseille Qui sont la jouissance aimable de l’été ; Je serai si sensible et si jointe à la terre Que je pourrai penser avoir connu la mort, Et me mêler, vivante, au reposant mystère Qui nourrit et fleurit les plantes par les corps. Et ce sera très bon et très juste de croire Que mes yeux ondoyants sont à ce lin pareils, Et que mon cœur, ardent et lourd, est cette poire Qui mûrit doucement sa pelure au soleil…

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    A

    Antoine de Cournand

    @antoineDeCournand

    La Liberté La Nature, à nos yeux, toujours prompte à s'offrir. Ne fit jamais d'esclave et n'en saurait souffrir. L'esclavage est contraire aux devoirs qu'elle impose. Funeste en ses effets, vicieux en sa cause, Il livre sans pudeur, sans justice et sans fruit, La vertu qui conserve au vice qui détruit. Le Giel n'a pu former cet étrange partage : Tout ce qu'il fait est bien, tout ce qu'il veut est sage ; Et si de la raison tout mortel fut doté. Tout mortel, en naissant, reçut la liberté : Tous égaux dans leurs droits sentent que leurs ancêtres N'ont pu les enchaîner, en se donnant des maîtres; Que la société dont ils forment les nœuds, N'est rien, si tous n'ont droit à l'espoir d'être heureux. Déjà la liberté, dans ses élans sublimes, Aux flatteurs des tyrans oppose ces maximes, Et le peuple français sortant de sa stupeur, Apprend d'elle à sentir ce qu'il lit dans son cœur. Ainsi le feu secret que le caillou recèle, S'échappe, et frappe l'œil de sa vive étincelle. Lorsque l'acier brillant dont le choc le produit, Ressuscite le jour dans l'ombre de la nuit. France! enorgueillis-toi de tant d'écrits célèbres" : Sur tes droits méconnus il n'est plus de ténèbres. Le despotisme affreux, blessé d'un jour si beau, Court, au fond des enfers, cacher son noir flambeau. Ainsi la Liberté que conduit l'espérance, Va, par son règne heureux, régénérer la France. Tel un enfant chéri qu'un art consolateur Rend à peine aux soupirs d'une mère attendrie. Même en ouvrant les yeux, doute encor de la vie.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Au Cabaret Vert, cinq heures du soir Depuis huit jours, j’avais déchiré mes bottines Aux cailloux des chemins. J’entrais à Charleroi. – Au Cabaret-Vert : je demandai des tartines De beurre et du jambon qui fût à moitié froid. Bienheureux, j’allongeai les jambes sous la table Verte : je contemplai les sujets très naïfs De la tapisserie. – Et ce fut adorable, Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs, – Celle-là, ce n’est pas un baiser qui l’épeure ! – Rieuse, m’apporta des tartines de beurre, Du jambon tiède, dans un plat colorié, Du jambon rose et blanc parfumé d’une gousse D’ail, – et m’emplit la chope immense, avec sa mousse Que dorait un rayon de soleil arriéré.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Le forgeron Le bras sur un marteau gigantesque, effrayant D’ivresse et de grandeur, le front large , riant Comme un clairon d’airain, avec toute sa bouche, Et prenant ce gros-là dans son regard farouche, Le Forgeron parlait à Louis Seize, un jour Que le Peuple était là, se tordant tout autour, Et sur les lambris d’or traînait sa veste sale. Or le bon roi, debout sur son ventre, était pâle Pâle comme un vaincu qu’on prend pour le gibet, Et, soumis comme un chien, jamais ne regimbait Car ce maraud de forge aux énormes épaules Lui disait de vieux mots et des choses si drôles, Que cela l’empoignait au front, comme cela ! « Donc, Sire, tu sais bien , nous chantions tra la la Et nous piquions les bœufs vers les sillons des autres : Le Chanoine au soleil disait ses patenôtres Sur des chapelets clairs grenés de pièces d’or Le Seigneur, à cheval, passait, sonnant du cor Et l’un avec la hart, l’autre avec la cravache Nous fouaillaient – Hébétés comme des yeux de vache, Nos yeux ne pleuraient pas ; nous allions, nous allions, Et quand nous avions mis le pays en sillons, Quand nous avions laissé dans cette terre noire Un peu de notre chair… nous avions un pourboire Nous venions voir flamber nos taudis dans la nuit Nos enfants y faisaient un gâteau fort bien cuit. « Oh ! je ne me plains pas. Je te dis mes bêtises, C’est entre nous. J’admets que tu me contredises. Or, n’est-ce pas joyeux de voir, au mois de juin Dans les granges entrer des voitures de foin Enormes ? De sentir l’odeur de ce qui pousse, Des vergers quand il pleut un peu, de l’herbe rousse ? De voir les champs de blé, les épis pleins de grain, De penser que cela prépare bien du pain ?… Oui, l’on pourrait, plus fort , au fourneau qui s’allume, Chanter joyeusement en martelant l’enclume, Si l’on était certain qu’on pourrait prendre un peu, Étant homme, à la fin !, de ce que donne Dieu ! – Mais voilà, c’est toujours la même vieille histoire ! « Oh je sais, maintenant ! Moi, je ne peux plus croire, Quand j’ai deux bonnes mains, mon front et mon marteau Qu’un homme vienne là, dague sous le manteau, Et me dise : « Maraud , ensemence ma terre ! » Que l’on arrive encor, quand ce serait la guerre, Me prendre mon garçon comme cela, chez moi ! – Moi, je serais un homme, et toi, tu serais roi, Tu me dirais : Je veux !.. – Tu vois bien, c’est stupide. Tu crois que j’aime à voir ta baraque splendide, Tes officiers dorés, tes mille chenapans, Tes palsembleu bâtards tournant comme des paons : Ils ont rempli ton nid de l’odeur de nos filles Et de petits billets pour nous mettre aux Bastilles Et nous dir i ons : C’est bien : les pauvres à genoux ! Nous dorer i ons ton Louvre en donnant nos gros sous ! Et tu te soûlera i s, tu fera i s belle fête. – Et ces Messieurs rir aie nt, les reins sur notre tête ! « Non. Ces saletés-là datent de nos papas ! Oh ! Le Peuple n’est plus une putain. Trois pas Et, tous, nous avons mis ta Bastille en poussière Cette bête suait du sang à chaque pierre Et c’était dégoûtant, la Bastille debout Avec ses murs lépreux qui nous rappelaient tout Et, toujours, nous tenaient enfermés dans leur ombre ! – Citoyen ! citoyen ! c’était le passé sombre Qui croulait, qui râlait, quand nous prîmes la tour ! Nous avions quelque chose au cœur comme l’amour. Nous avions embrassé nos fils sur nos poitrines. Et, comme des chevaux, en soufflant des narines Nous marchions, nous chantions, et ça nous battait là…. Nous allions au soleil, front haut,-comme cela -, Dans Paris accourant devant nos vestes sales. Enfin ! Nous nous sentions Hommes ! Nous étions pâles, Sire, nous étions soûls de terribles espoirs : Et quand nous fûmes là, devant les donjons noirs, Agitant nos clairons et nos feuilles de chêne, Les piques à la main ; nous n’eûmes pas de haine, – Nous nous sentions si forts, nous voulions être doux ! « Et depuis ce jour-là, nous sommes comme fous ! Le flot des ouvriers a monté dans la rue, Et ces maudits s’en vont, foule toujours accrue Comme des revenants, aux portes des richards. Moi, je cours avec eux assommer les mouchards : Et je vais dans Paris le marteau sur l’épaule, Farouche, à chaque coin balayant quelque drôle, Et, si tu me riais au nez, je te tuerais ! – Puis, tu dois y compter, tu te feras des frais Avec tes avocats , qui prennent nos requêtes Pour se les renvoyer comme sur des raquettes Et, tout bas, les malins ! Nous traitant de gros sots ! Pour mitonner des lois, ranger des de petits pots Pleins de menus décrets , de méchantes droguailles S’amuser à couper proprement quelques tailles, Puis se boucher le nez quand nous passons près d’eux, – Ces chers avocassiers qui nous trouvent crasseux ! Pour débiter là-bas des milliers de sornettes ! Et ne rien redouter sinon les baïonnettes, Nous en avons assez, de tous ces cerveaux plats ! Ils embêtent le peuple . Ah ! ce sont là les plats Que tu nous sers, bourgeois, quand nous sommes féroces, Quand nous cassons déjà les sceptres et les crosses !.. » Puis il le prend au bras, arrache le velours Des rideaux, et lui montre en bas les larges cours Où fourmille, où fourmille, où se lève la foule, La foule épouvantable avec des bruits de houle, Hurlant comme une chienne, hurlant comme une mer, Avec ses bâtons forts et ses piques de fer, Ses clameurs , ses grands cris de halles et de bouges, Tas sombre de haillons taché de bonnets rouges ! L’Homme, par la fenêtre ouverte, montre tout Au R oi pâle , suant qui chancelle debout, Malade à regarder cela ! « C’est la Crapule, Sire. ça bave aux murs, ça roule , ça pullule … – Puisqu’ils ne mangent pas, Sire, ce sont les gueux ! Je suis un forgeron : ma femme est avec eux, Folle ! Elle vient chercher du pain aux Tuileries ! – On ne veut pas de nous dans les boulangeries. J’ai trois petits. Je suis crapule. – Je connais Des vieilles qui s’en vont pleurant sous leurs bonnets Parce qu’on leur a pris leur garçon ou leur fille : C’est la crapule. – Un homme était à la bastille, D’autres étaient forçats, c’étaient des citoyens Honnêtes. Libérés, ils sont comme des chiens : On les insulte ! Alors, ils ont là quelque chose Qui leur fait mal, allez ! C’est terrible, et c’est cause Que se sentant brisés, que, se sentant damnés, Ils viennent maintenant hurler sous votre nez ! Crapule. – Là-dedans sont des filles, infâmes Parce que, – vous saviez que c’est faible, les femmes, Messeigneurs de la cour, – que sa veut toujours bien,- Vous avez sali leur âme, comme rien ! Vos belles, aujourd’hui, sont là. C’est la crapule. « Oh ! tous les Malheureux, tous ceux dont le dos brûle Sous le soleil féroce, et qui vont, et qui vont, Et dans ce travail-là sentent crever leur front Chapeau bas, mes bourgeois ! Oh ! ceux-là, sont les Hommes ! Nous sommes Ouvriers, Sire ! Ouvriers ! Nous sommes Pour les grands temps nouveaux où l’on voudra savoir, Où l’Homme forgera du matin jusqu’au soir, Où, lentement vainqueur, il chassera la chose Poursuivant les grands buts, cherchant les grandes causes, Et montera sur Tout, comme sur un cheval ! Oh ! nous sommes contents, nous aurons bien du mal, Tout ce qu’on ne sait pas, c’est peut-être terrible : Nous pendrons nos marteaux, nous passerons au crible Tout ce que nous savons : puis, Frères, en avant ! Nous faisons quelquefois ce grand rêve émouvant De vivre simplement, ardemment, sans rien dire De mauvais, travaillant sous l’auguste sourire D’une femme qu’on aime avec un noble amour : Et l’on travaillerait fièrement tout le jour, Ecoutant le devoir comme un clairon qui sonne : Et l’on se trouverait fort heureux ; et personne Oh ! personne, surtout, ne vous ferait plier !… On aurait un fusil au-dessus du foyer…. ……………………………………………. « Oh ! mais l’air est tout plein d’une odeur de bataille Que te disais-je donc ? Je suis de la canaille ! » Fin de la version courte Oh ! mais l’air est tout plein d’une odeur de bataille ! Que te disais-je donc ? Je suis de la canaille ! Il reste des mouchards et des accapareurs. Nous sommes libres, nous ! Nous avons des terreurs Où nous nous sentons grands, oh ! si grands ! Tout à l’heure Je parlais de devoir calme, d’une demeure… Regarde donc le ciel ! C’est trop petit pour nous, Nous crèverions de chaud, nous serions à genoux ! Regarde donc le ciel ! Je rentre dans la foule, Dans la grande canaille effroyable, qui roule, Sire, tes vieux canons sur les sales pavés : Oh ! quand nous serons morts, nous les aurons lavés Et si, devant nos cris, devant notre vengeance, Les pattes des vieux rois mordorés, sur la France Poussent leurs régiments en habits de gala, Eh bien, n’est-ce pas, vous tous? Merde à ces chiens-là ! Il reprit son marteau sur l’épaule. La foule Près de cet homme-là se sentait l’âme saoule, Et, dans la grande cour, dans les appartements, Où Paris haletait avec des hurlements, Un frisson secoua l’immense populace. Alors, de sa main large et superbe de crasse, Bien que le roi ventru suat, le Forgeron, Terrible, lui jeta le bonnet rouge au front !

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Ma bohème Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées ; Mon paletot aussi devenait idéal ; J'allais sous le ciel, Muse ! et j'étais ton féal ; Oh ! là ! là ! que d'amours splendides j'ai rêvées ! Mon unique culotte avait un large trou. – Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse. – Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou Et je les écoutais, assis au bord des routes, Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ; Où, rimant au milieu des ombres fantastiques, Comme des lyres, je tirais les élastiques De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur !

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Rages de Césars L’homme pâle, le long des pelouses fleuries, Chemine, en habit noir, et le cigare aux dents : L’Homme pâle repense aux fleurs des Tuileries – Et parfois son oeil terne a des regards ardents… Car l’Empereur est soûl de ses vingt ans d’orgie ! Il s’était dit :  » Je vais souffler la liberté Bien délicatement, ainsi qu’une bougie ! «  La liberté revit ! Il se sent éreinté ! Il est pris. – Oh ! quel nom sur ses lèvres muettes Tressaille ? Quel regret implacable le mord ? On ne le saura pas. L’Empereur a l’oeil mort. Il repense peut-être au Compère en lunettes… – Et regarde filer de son cigare en feu, Comme aux soirs de Saint-Cloud, un fin nuage bleu.

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    A

    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    Dieu et la liberté Tu ne peux le comprendre et ta bouche blasphème : Porte moins haut l’audace et connais-toi toi-même ! Le Mal est fils de l’homme et de sa volonté. Cet arbre aux fruits mortels s’ouvrit sur la nature Du jour où l’Éternel fit à sa créature Le présent de la liberté. L’homme, hélas ! en a mal usé : voilà son crime ! Du superbe et du fort, du faible qu’on opprime, Un jour Dieu jugera l’orgueil et les douleurs. Humble, à tes malheurs même il faut donc te soumettre, Toi qui dois rendre compte à ton souverain maître Du trésor amer de tes pleurs.

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    S

    Sadek Belhamissi

    @sadekBelhamissi

    Déferlant comme tsunamie De tous les pays le meilleur n'est ni le plus gros, Ni de richesses, truffé mais celui de la liberté. Celui-là en effet si préférable, bien plus beau D’ une grande civilisation, luisant par les reflets. Chaque dictateur fraîchement élu n’a qu’une idée, La volonté de garder le pouvoir le plus longtemps, Assouvir son désir, voir la constitution raccommodée Autant son tailleur convoquer plutôt que parlement. A un joug déplorable, et soumis tête baissée, Des millions d'hommes misérablement asservis, Non contraints, par un seul fascinés, ensorcelés, Envers eux pourtant cruel avait écrit de La Boétie . Citoyens ! Si un pouvoir oppresseur peut contenir Un peuple durant longues et pénibles décennies, Ce dernier debout, uni en un jour peut en finir Le balayant au passage, déferlant comme tsunami. . Bzlhamissi Sadek le 23.08.2017

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    S

    Sadek Belhamissi

    @sadekBelhamissi

    Le chant de la faim A chaque instant, un frère se couche A même le sol sale, froid et son haillon. Un autre, muette est devenue sa bouche, Scellée solidement par un bâillon. Les armes des soldats toutes meurtrières Ont, tous les marchés populaires, vidé Et près d’énormes poudrières De gros chiens sont lâchés. Les bêtes que nous sommes En vrac, sont enfermées Et ce sont d’autres hommes Qui leurs frères, ont affamés . Par une nuit sans une lumière, Des bottes, en claquant Sortir on fait, le pauvre père Qui trépassera dans un camp. L’enfant près de sa mère, Ainsi privé de son pain, Voit dans sa bouche amère Naître le chant de la faim. Et notre esprit se révolte De voir une seule main De fer, tenir comme pelote Tout un peuple qui a faim. La colère, sa bise vengeresse Se dressa armée tout à coup, Partout devenue maîtresse, Crachant la mort sur tout. Cette chanson est bien triste Sans sa tragique réalité . Tous les peuples optimistes Veulent défendre leur liberté. Par Belhamissi Sadek © 0006111620-6

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    S

    Sadek Belhamissi

    @sadekBelhamissi

    Le droit n'existe que sur le papier On enseigne toujours à l' école "Phare de l'éducation", le droit du véto. Chacun vit prisonnier dans sa geôle La terre chaque jour semble ghetto. Le libre droit sur chaque page, Dixit son libre droit de penser A la manière d’un grand sage, Son libre droit aussi de s'exprimer, Le libre droit de chacun de travailler Le libre droit de tous au sommeil, Le libre droit de chacun à voyager Le libre droit de tous au soleil. Celui d’aimer la rose de toute couleur De toute croyance, son subtil parfum humer Goûter pleinement à cet immense bonheur, La chérir tendrement autant que liberté . On peut bien sûr toujours s’évader, Suffit de rêver ! Avec tes messages. Le droit n’existe que sur le papier Poète assez ! Tu vis dans les nuages. . Belhamissi Sadek le 08.07.2017

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    Benjamin Peret

    Benjamin Peret

    @benjaminPeret

    A H Quand essoufflé comme un édredon ivre je tomberai comme un pot d’huile bouillante dans une histoire de France tu resteras à l’orée des planchers qui n’osent pas encore craquer pour faire de l’œil aux fantômes qui cheminent dans leurs raies et se battent comme des girouettes dans un parc d’attractions où le massacre des jeux prépare l’incendie des rivières de diamant et les plongeons dans un sol de lait aigre tu resteras comme une fontaine de turquoises au milieu d’une hécatombe de nègres hérissés de plumes de corbeaux à tête d’évêque qui fait sauter la banque comme une crêpe qui se colle au plafond Mais il suffirait que ton regard de giboulée sur une ville de bouteilles de Leyde se colorât du premier soleil de l’année aperçu à travers les persiennes closes pour que jaillisse de la lande d’ajoncs habitée de casseroles rouillées une forêt de baobabs à pendeloques de ministres et colliers de nébuleuses traversées par le vol des grands oiseaux de feu perdus au départ perdus à l’arrivée Mais cela ne sera pas parce que l’étoile filante s’est enfoncée dans la tête de la comète brûlée qui fait Non comme un drapeau de chef de gare fait mousser la locomotive et les balles des flics siffler autour de moi Liberté liberté chérie sur l’air des lampions comme un frein qui grince une chanson de chou-fleur

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    Aux Ruines de la Grèce païenne O sommets de Taygète, ô rives du Pénée, De la sombre Tempé vallons silencieux, Ô campagnes d’Athène, ô Grèce infortunée, Où sont pour t’affranchir tes guerriers et tes dieux ? Doux pays, que de fois ma muse en espérance Se plut à voyager sous ton ciel toujours pur ! De ta paisible mer, où Vénus prit naissance, Tantôt du haut des monts je contemplais l’azur, Tantôt, cachant au jour ma tête ensevelie Sous tes bosquets hospitaliers, J’arrêtais vers le soir, dans un bois d’oliviers, Un vieux pâtre de Thessalie. « Des dieux de ce vallon contez-moi les secrets, Berger ; quelle déesse habite ces fontaines ? Voyez-vous quelquefois les nymphes des forêts Entr’ouvrir l’écorce des chênes ? Bacchus vient-il encor féconder vos coteaux ? Ce gazon que rougit le sang d’un sacrifice, Est-ce un autel aux dieux des champs et des troupeaux ? Est-ce le tombeau d’Eurydice ? » Mais le pâtre répond par ses gémissemens : C’est sa fille au cercueil qui dort sous ces bruyères ; Ce sang qui fume encor, c’est celui de ses frères Égorgés par les musulmans. O sommets de Taygète, ô rives du Pénée, De la sombre Tempé vallons silencieux, Ô campagnes d’Athène, ô Grèce infortunée, Où sont pour t’affranchir tes guerriers et tes dieux ? « Quelle cité jadis a couvert ces collines ? Sparte, répond mon guide… » Eh quoi ! Ces murs éserts, Quelques pierres sans nom, des tombeaux, des ruines, Voilà Sparte, et sa gloire a rempli l’univers ! Le soldat d’Ismaël, assis sur ces décombres, Insulte aux grandes ombres Des enfans d’Hercule en courroux. N’entends-je pas gémir sous ces portiques sombres ? Mânes des trois cents, est-ce vous ? … Eurotas, Eurotas, que font ces lauriers-roses Sur ton rivage en deuil, par la mort habité ? Est-ce pour faire outrage à ta captivité Que ces nobles fleurs sont écloses ? Non, ta gloire n’est plus ; non, d’un peuple puissant Tu ne reverras plus la jeunesse héroïque Laver parmi tes lis ses bras couverts de sang, Et dans ton cristal pur sous ses pas jaillissant Secouer la poudre olympique. C’en est fait, et ces jours que sont-ils devenus, Où le cygne argenté, tout fier de sa parure, Des vierges dans ses jeux caressait les pieds nus, Où tes roseaux divins rendaient un doux murmure, Où réchauffant Léda pâle de volupté, Froide et tremblante encore au sortir de tes ondes, Dans le sein qu’il couvrait de ses ailes fécondes, Un dieu versait la vie et l’immortalité ? C’en est fait ; et le cygne, exilé d’une terre Où l’on enchaîne la beauté, Devant l’éclat du cimeterre A fui comme la liberté. O sommets de Taygète, ô rives du Pénée, De la sombre Tempé vallons silencieux, Ô campagnes d’Athène, ô Grèce infortunée, Où sont pour t’affranchir tes guerriers et tes dieux ? Ils sont sur tes débris ! Aux armes ! Voici l’heure Où le fer te rendra les beaux jours que je pleure ! Voici la Liberté, tu renais à son nom ; Vierge comme Minerve, elle aura pour demeure Ce qui reste du Parthénon. Des champs de Sunium, des bois du Cythéron, Descends, peuple chéri de Mars et de Neptune ! Vous, relevez les murs ; vous, préparez les dards ! Femmes, offrez vos vœux sur ces marbres épars : Là fut l’autel de la fortune. Autour de ce rocher rassemblez-vous, vieillards : Ce rocher portait la tribune ; Sa base encor debout parle encore aux héros Qui peuplent la nouvelle Athènes : Prêtez l’oreille… Il a retenu quelques mots Des harangues de Démosthènes. Guerre, guerre aux tyrans ! Nochers ! Fendez les flots ! Du haut de son tombeau Thémistocle domine Sur ce port qui l’a vu si grand ; Et la mer à vos pieds s’y brise en murmurant Le nom sacré de Salamine. Guerre aux tyrans ! Soldats, le voilà ce clairon Qui des perses jadis a glacé le courage ! Sortez par ce portique, il est d’heureux présage : Pour revenir vainqueur, par là sortit Cimon. C’est là que de son père on suspendit l’image ! Partez, marchez, courez, vous courez au carnage, C’est le chemin de Marathon ! O sommets de Taygète, ô débris du Pyrée, Ô Sparte, entendez-vous leurs cris victorieux ? La Grèce a des vengeurs, la Grèce est délivrée, La Grèce a retrouvé ses héros et ses dieux !

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    Du besoin de s’unir après le départ des étrangers Ô toi que l’univers adore, Ô toi que maudit l’univers, Fortune, dont la main, du couchant à l’aurore, Dispense les lauriers, les sceptres et les fers, Ton aveugle courroux nous garde-t-il encore Des triomphes et des revers? Nos malheurs trop fameux proclament ta puissance; Tes jeux furent sanglans dans notre belle France; Le peuple mieux instruit, mais trop fier de ses droits, Sur les débris du trône établit son empire, Poussa la liberté jusqu’au mépris des lois, Et la raison jusqu’au délire. Bientôt au premier rang porté par ses exploits, Un roi nouveau brisa d’un sceptre despotique Les faisceaux de la république, Tout dégouttans du sang des rois. Pour affermir son trône, il lassa la victoire, D’un peuple généreux prodigua la valeur; L’Europe qu’il bravait a fléchi sous sa gloire; Elle insulte à notre malheur. C’est qu’ils ne vivent plus que dans notre mémoire Ces guerriers dont le nord a moissonné la fleur. O désastre! O pitié! Jour à jamais célèbre, Où ce cri s’éleva dans la patrie en deuil; Ils sont morts, et Moscow fut le flambeau funèbre Qui prêta ses clartés à leur vaste cercueil. Ces règnes d’un moment, et les chutes soudaines De ces trônes d’un jour l’un sur l’autre croulans, Ont laissé des levains de discorde et de haines Dans nos esprits plus turbulens. Cessant de comprimer la fièvre qui l’agite, Le fier républicain, sourd aux leçons du temps, Appelle avec fureur, dans ses rêves ardens, Une liberté sans limite; Mais cette liberté fut féconde en forfaits; Cet océan trompeur, qui n’a point de rivages, N’est connu jusqu’à nous que par de grands naufrages Dans les annales des Français. << Que nos maux, direz-vous, nous soient du moins utiles; Opposons une digue aux tempêtes civiles; Que deux pouvoirs rivaux, l’un émané des rois, L’autre sorti du peuple et garant de ses droits, Libres et dépendans, offrent au rang suprême Un rempart contre nous, un frein contre lui-même. >> Vainement la raison vous dicte ces discours; L’égoïsme et l’orgueil sont aveugles et sourds; Cet amant du passé, que le présent irrite, Jaloux de voir ses rois d’entraves dégagés, Le front baissé, se précipite Sous la verge des préjugés. Quoi! Toujours des partis proclamés légitimes, Tant qu’ils règnent sur nos débris, L’un par l’autre abattus, proscrivant ou proscrits, Tour à tour tyrans ou victimes! Empire malheureux! Voilà donc ton destin! … Français, ne dites plus : << La France nous est chère; >> Elle désavoûrait votre amour inhumain. Cessez, enfans ingrats, d’embrasser votre mère, Pour vous étouffer dans son sein. Contre ses ennemis tournez votre courage; Au conseil des vainqueurs son sort est agité; Ces rois qui l’encensaient fiers de leur esclavage, Vont lui vendre la liberté. Non, ce n’est pas en vain que sa voix nous appelle; Et, s’ils ont prétendu, par d’infames traités, Imprimer sur nos fronts une tache éternelle; Si de leur doigt superbe ils marquent les cités Que veut se partager une ligue infidèle; Si la foi des sermens n’est qu’un garant trompeur; Si, le glaive à la main, l’iniquité l’emporte; Si la France n’est plus, si la patrie est morte, Mourons tous avec elle, ou rendons-lui l’honneur. Qu’entends-je? Et d’où vient cette ivresse Qui semble croître dans son cours? Quels chants, quels transports d’allégresse! Quel bruyant et nombreux concours! De nos soldats la foule au loin se presse; D’une nouvelle ardeur leurs yeux sont embrasés; Plus d’anglais parmi nous! Plus de joug! Plus d’entraves! Levez plus fièrement vos fronts cicatrisés… Oui, l’étranger s’éloigne; oui, vos fers sont brisés; Soldats, vous n’êtes plus esclaves! Reprends ton orgueil, Ma noble patrie; Quitte enfin ton deuil, Liberté chérie; Liberté, patrie, Sortez du cercueil! D’un vainqueur insolent méprisons les injures; Riches des étendards conquis sur nos rivaux, Nous pouvons à leurs yeux dérober nos blessures En les cachant sous leurs drapeaux. Voulons-nous enchaîner leurs fureurs impuissantes? Soyons unis, français; nous ne les verrons plus Nous dicter d’Albion les décrets absolus, Arborer sur nos tours ses couleurs menaçantes. Nous ne les verrons plus, le front ceint de lauriers, Troublant de leur aspect les fêtes du génie, Chez Melpomène et Polymnie Usurper une place où siégeaient nos guerriers. Nous ne les verrons plus nous accorder par grace Une part des trésors flottans sur nos sillons. Soyons unis; jamais leurs bataillons De nos champs envahis ne couvriront la face; La France dans son sein ne les peut endurer, Et ne les recevrait que pour les dévorer. Ah! Ne l’oublions pas; naguère, dans ces plaines Où le sort nous abandonna, Nous n’avions pas porté des ames moins romaines Qu’aux champs de Rivoli, de Fleurus, d’Iéna; Mais nos divisions nous y forgeaient des chaînes. Effrayante leçon qui doit unir nos coeurs Par des liens indestructibles; Le courage fait des vainqueurs; La concorde, des invincibles. Henri, divin Henri, toi qui fus grand et bon, Qui chassas l’espagnol et finis nos misères, Les partis sont d’accord en prononçant ton nom; Henri, de tes enfans fais un peuple de frères. Ton image déjà semble nous protéger, Tu renais; avec toi renaît l’indépendance; Ô roi le plus français dont s’honore la France, Il est dans ton destin de voir fuir l’étranger! Et toi, son digne fils, après vingt ans d’orage, Règne sur des sujets par toi-même ennoblis. Leurs droits sont consacrés dans ton plus bel ouvrage. Oui, ce grand monument, affermi d’âge en âge, Doit couvrir de son ombre et le peuple et les lis. Il est des opprimés l’asile impérissable, La terreur du tyran, du ministre coupable, Le temple de nos libertés. Que la France prospère en tes mains magnanimes, Que tes jours soient sereins, tes décrets respectés, Toi, qui proclames ces maximes; Ô rois, pour commander, obéissez aux lois; Peuple, en obéissant, sois libre sous tes rois!

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    La sybille Pouzzole. Marchons, le ciel s’abaisse, et le jour pâlissant N’est plus à son midi qu’un faible crépuscule; Le flot qui vient blanchir les restes du port Jule Grossit, et sur la cendre expire en gémissant. Cet orage éloigné que l’Eurus nous ramène Couvre de ses flancs noirs les pointes de Misène; Avançons, et, foulant d’un pied religieux Ces rivages sacrés que célébra Virgile, Et d’où Néron chassa la majesté des dieux, Allons sur l’avenir consulter la Sibylle. << Ces débris ont pour moi d'invincibles appas, >> Me répond un ami, qu’aux doux travaux d’Apelle, A Rome, au Vatican son art en vain rappelle; << Ils parlent à mes yeux, ils enchaînent mes pas. << Ces lentisques flétris dont la feuille frissonne; << Ces pampres voltigeants et rougis par l'automne, << Tristes comme les fleurs qui couronnaient les morts, << Ces frêles cyclamens, fanés à leur naissance, << Plaisent à ma tristesse, en mêlant sur ces bords << Le deuil de la nature au deuil de la puissance. << Où sont ces dais de pourpre élevés pour les jeux, << Ces troupeaux d'affranchis, ces courtisans avides? << Où sont les chars d'airain, les trirèmes rapides, << Qui du soleil levant réfléchissaient les feux? << C'est là que des clairons la bruyante harmonie << A d'Auguste expirant ranimé l'agonie; << Vain remède! et le sang se glaçait dans son coeur, << Tandis que sur ces mers les jeux de Rome esclave, << Retraçant Actiura à ce pâle vainqueur, << Faisaient sourire Auguste au triomphe d'Octave! << Ces monuments pompeux, tous ces palais romains, << Où triomphaient l'orgueil, l'inceste et l'adultère, << De la vaine grandeur dont ils lassaient la terre << N'ont gardé que des noms en horreur aux humains. << Les voilà, ces arceaux désunis et sans gloire << Qui de Caligula rappellent la mémoire! << Vingt siècles les ont vus briser le fol orgueil << Des mers qui les couvraient d'écume et d'étincelles, << Leur chaîne s'est rompue et n'est plus qu'un écueil << Où viennent des pécheurs se heurter les nacelles. << Ces temples du plaisir par la mort habités, << Ces portiques, ces bains prolongés sous les ondes, << Ont vu Néron, caché dans leurs grottes profondes, << Condamner Agrippine au sein des voluptés. << Au bruit des flots, roulant sur cette voûte humide, << Il veillait, agité d'un espoir parricide! << Il lançait à Narcisse un regard satisfait, << Quand, muet d'épouvante et tremblant de colère, << Il apprit que ces flots, instrument du forfait, << Se soulevant d'horreur, lui rejetaient sa mère. << Tout est mort : c'est la mort qu'ici vous respirez: << Quand Rome s'endormit do débauche abattue, << Elle laissa dans l'air ce poison qui vous tue; << Il infecte les lieux qu'elle a déshonorés. << Telle, après les banquets de ces maîtres du monde, << S'élevait autour d'eux une vapeur immonde << Qui pesait sur leurs sens, ternissait les couleurs << Des fastueux tissus Où retombaient leurs têtes, << Et fanait à leurs pieds sur les marbres en pleurs, << Les roses dont Pestum avait jonché ces fêtes. << Virgile pressentait que, dans ces champs déserts << La mort viendrait s'asseoir au milieu des décombres>> << Alors qu'il les choisit pour y placer les ombres, << Le Styx aux noirs replis, l'Averne et les Enfers. << Contemplez ce pécheur; voyez, voyez nos guides; << Interrogez les traits de ces patres livides: << Ne croyez-vous pas voir des spectres sans tombeaux, << Qui, laissés par Caron sur le fatal rivage, << Tendant vers vous la main; entr'ouvrent leurs lambeaux << Pour mendier le prix de leur dernier passage?...>> Il disait, et déjà j’écartais les rameaux Qui cachaient à nos yeux l’antre de la Sibylle, Au fond de ce cratère, où l’Averne immobile Couvre un volcan éteint de ses dormantes eaux. L’enfer, devant nos pas, ouvrait la bouche antique D’où sortit pour Énée une voix prophétique; Un flambeau nous guidait, et ses feux incertains Dessinaient sur les murs des larves, des fantômes, Qui sans forme et sans vie, et fuyant sous nos mains,. Semblaient le peuple vain de ces sombres royaumes. << Prêtresse des dieux, lève-toi! << Viens! m'écriai-je alors, furieuse, écumante, << Le front pâle, et les yeux troublés d'un saint effroi, << Pleine du dieu qui te tourmente, << Viens, viens, Sibylle, et réponds-moi! << Vers les demeures infernales, << Dis-moi pourquoi la mort pousse comme un troupeau << Cette foule d'ombres royales, << Que nous voyons passer de la pourpre au tombeau? << Est-ce pour insulter à l'alliance vaine << Que Waterloo scella de notre sang? << Veut-elle, à chaque roi qu'elle heurte en passant, << Briser un des anneaux de cette vaste chaîne? << Le dernier de ces rois, que le souffle du Nord << A du trône des czars apporté sui ce bord, << Pliait sous le nom d'Alexandre; << Allons-nous voir les chefs de son armée en deuil << Donner des jeux sanglants autour de son cercueil, << Pour un sceptre flottant qu'il ne peut plus défendre? << Verrons-nous couronner l'héritier de son choix, << Et ce maître nouveau d'un empire sans lois << Doit-il, usant ses jours dans de saintes pratiques, << Assister de loin comme lui << Aux funérailles héroïques << D'Athènes qui l'implore et qui meurt sans appui? << N'offrira- t-elle un jour que des débris célèbres? << La verrons-nous tomber après ses longs efforts, << Vide comme Pompei, qui du sein des ténèbres, << En secouant sa cendre, étale sur vos bords << Ses murs où manque un peuple, et ses palais funèbres << Où manquent les restes des morts? << Réponds-moi! réponds-moi! furieuse, écumante, << Le front pâle, et les yeux troublés d'un saint effroi, << Pleine du dieu qui te tourmente, << Viens, viens, Sibylle, et réponds-moi! << La verrons-nous, cette belle Ausonie, << Jeter quelques rayons de sen premier éclat? << Ou ce flambeau mourant des arts et du génie << Doit-il toujours passer avec ignominie << De la France aux Germains, du pontife au soldat, << Semblable aux feux mouvants, aux clartés infidèles << Qui, changeant de vainqueurs, volent de mains en mains, << Vain jouet des combats que livrent les Romains << Dans leurs saturnales nouvelles? << L'Espagne, qui préfère au plus beau de ses droits << La sainte obscurité dont la nuit l'environne, << Marâtre de ses fils, infidèle à ses lois, << A l'esclavage s'abandonne, << Et s'endort sous sa chaîne en priant pour ses rois. << Reprendra-t-elle un jour son énergie antique? << Libre, doit-elle enfin, d'un bras victorieux, << Combattre et déchirer le bandeau fanatique << Qu'une longue ignorance épaissit sur ses yeux? << Un arbre sur la France étendait son ombrage: << Nous l'entourons encor de nos bras impuissants; << Le fer du despotisme a touché son feuillage, << Dont les rameaux s'ouvraient chargés de fruits naissants. << Si par sa chute un jour le tronc qui les supporte << Doit de l'Europe entière ébranler les échos, << Le fer, sous son écorce morte, << De sa sève de feu tarira-t-il les flots? << Ou de sa dépouille flétrie << Quelque rameau ressuscité << Reprendra-t-il racine au sein de la patrie, << Au souffle de la liberté? << Réponds-moi, réponds-moi! furieuse, écumante, << Le front pâle, et les yeux troublés d'un saint effroi, << Pleine du dieu qui le tourmente, << Viens, viens, Sibylle, et réponds-moi!... >> J’écoutais : folle attente! espérance inutile! L’oracle d’Apollon ne répond qu’à Virgile; Et ces noms méconnus qu’en vain je répétai, Ces noms jadis si beaux : patrie et liberté, N’ont pas même aujourd’hui d’écho chez la Sibylle.

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