Titre : A H
Auteur : Benjamin Peret
Quand essoufflé comme un édredon ivre
je tomberai comme un pot d’huile bouillante dans une
histoire de France
tu resteras à l’orée des planchers qui n’osent pas encore
craquer
pour faire de l’œil aux fantômes qui cheminent dans leurs
raies
et se battent comme des girouettes dans un parc d’attractions
où le massacre des jeux prépare l’incendie des rivières de
diamant
et les plongeons dans un sol de lait aigre
tu resteras comme une fontaine de turquoises au milieu d’une
hécatombe de nègres
hérissés de plumes de corbeaux à tête d’évêque
qui fait sauter la banque comme une crêpe qui se colle au
plafond
Mais il suffirait que ton regard de giboulée sur une ville de
bouteilles de Leyde
se colorât du premier soleil de l’année aperçu à travers les
persiennes closes
pour que jaillisse de la lande d’ajoncs habitée de casseroles
rouillées
une forêt de baobabs à pendeloques de ministres et colliers
de nébuleuses
traversées par le vol des grands oiseaux de feu
perdus au départ
perdus à l’arrivée
Mais cela ne sera pas parce que l’étoile filante s’est enfoncée
dans la tête de la comète brûlée qui fait Non
comme un drapeau de chef de gare fait mousser la locomotive
et les balles des flics siffler autour de moi
Liberté liberté chérie
sur l’air des lampions
comme un frein qui grince une chanson de chou-fleur