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Vieillesse

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Vieillesse

Poésies de la collection vieillesse

    Pierre Corneille

    Pierre Corneille

    @pierreCorneille

    Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie ! LÔ rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie ! N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ? Mon bras, qu'avec respect toute l'Espagne admire, Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire, Tant de fois affermi le trône de son roi, Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ? Ô cruel souvenir de ma gloire passée ! Œuvre de tant de jours en un jour effacée ! Nouvelle dignité, fatale à mon bonheur ! Précipice élevé d'où tombe mon honneur ! Faut-il de votre éclat voir triompher le comte, Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ? Comte, sois de mon prince à présent gouverneur : Ce haut rang n'admet point un homme sans honneur ; Et ton jaloux orgueil, par cet affront insigne, Malgré le choix du roi, m'en a su rendre indigne. Et toi, de mes exploits glorieux instrument, Mais d'un corps tout de glace inutile ornement, Fer, jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense, M'as servi de parade, et non pas de défense, Va, quitte désormais le dernier des humains, Passe, pour me venger, en de meilleures mains.

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    A

    Albert Lozeau

    @albertLozeau

    La peur de vieillir Je vous évoque, seule en votre chambre, un soir, Avec angoisse, interrogeant votre miroir. Vous redressez le buste ou vous penchez la tête, Et le cristal, docile à vos gestes, répète La blancheur de vos bras, l’éclat noir de vos yeux, Votre cou, votre bouche exquise, vos cheveux… Tout est jeune et joli, tout respire la grâce ! Le mouvement, aisé comme une aile qui passe, Est léger comme un rythme et souple comme lui ! Qu’est-ce donc qui vous fait anxieuse aujourd’hui ? Vous êtes bien, pourtant, debout devant vous-même, Et le miroir vous dit votre beauté suprême… Une crainte soudaine est venue assaillir Votre âme : c’est la peur affreuse de vieillir ! L’image du miroir ne vous est plus bien sûre, Et vous cherchez un autre avis qui vous rassure… Mais moi qui connais l’homme et sa brutalité, Je sais où vous devez chercher la vérité. La glace complaisante et passive reflète L’image variable et que vous avez faite. Elle ne contredit jamais votre plaisir Et mire, plus que vous, votre vivant désir. Et la réalité constante vous échappe, Celle que d’une empreinte ineffaçable frappe Le Temps, incorruptible ouvrier de la Mort ! Pour savoir si vous êtes jeune et belle encor, Ce n’est pas au miroir, peu véridique en somme, Qu’il faut vous regarder, c’est dans les yeux des hommes ! Eux, dont les cœurs de chair vous considéreront, Avec leurs appétits brutaux vous jugeront ! Et vous n’aurez alors, jeune ou vieille, qu’à lire Dans leur regard cruel qui dédaigne ou désire…

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    Retraite Remonte, lent rameur, le cours de tes années, Et, les yeux clos, suspends ta rame par endroits… La brise qui s’élève aux jardins d’autrefois Courbe suavement les âmes inclinées. Cherche en ton coeur, loin des grand’routes calcinées, L’enclos plein d’herbe épaisse et verte où sont les croix. Écoutes-y l’air triste où reviennent les voix, Et baise au coeur tes petites mortes fanées. Songe à tels yeux poignants dans la fuite du jour. Les heures, que toucha l’ongle d’or de l’amour, À jamais sous l’archet chantent mélodieuses. Lapidaire secret des soirs quotidiens, Taille tes souvenirs en pierres précieuses, Et fais-en pour tes doigts des bijoux anciens.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    À Madame M. N Je vous ai vue enfant, maintenant que j'y pense, Fraîche comme une rose et le cœur dans les yeux. Je vous ai vu bambin, boudeur et paresseux ; Vous aimiez lord Byron, les grands vers et la danse. Ainsi nous revenaient les jours de notre enfance, Et nous parlions déjà le langage des vieux ; Ce jeune souvenir riait entre nous deux, Léger comme un écho, gai comme l'espérance. Le lâche craint le temps parce qu'il fait mourir ; Il croit son mur gâté lorsqu'une fleur y pousse. O voyageur ami, père du souvenir !

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    Alphonse Daudet

    Alphonse Daudet

    @alphonseDaudet

    Fanfaronnade Je n’ai plus ni foi ni croyance ! Il n’est pas de fruit défendu Que ma dent n’ait un peu mordu Sur le vieil arbre de science : Je n’ai plus ni foi ni croyance. Mon cœur est vieux ; il a mûri Dans la pensée et dans l’étude ; Il n’est pas de vieille habitude Dont je ne l’aie enfin guéri. Mon cœur est vieux, il a mûri. Les grands sentiments me font rire ; Mais, comme c’est très bien porté, J’en ai quelques uns de côté Pour les jours où je veux écrire Des vers de sentiment…pour rire. Quand un ami me saute au cou, Je porte la main à ma poche ; Si c’est mon parent le plus proche, J’ai toujours peur d’un mauvais coup, Quand ce parent me saute au cou. Veut-on savoir ce que je pense De l’amour chaste et du devoir ? Pour le premier…allez-y voir ; Quant à l’autre, je me dispense De vous dire ce que je pense C’est moi qui me suis interdit Toute croyance par système, Et, voyez, je ne crois pas même Un seul mot de ce que j’ai dit.

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Consolation Quand le Dieu qui me frappe, attendri par mes larmes, De mon coeur oppressé soulève un peu sa main, Et, donnant quelque trêve à mes longues alarmes, Laisse tarir mes yeux et respirer mon sein ; Soudain, comme le flot refoulé du rivage Aux bords qui l’ont brisé revient en gémissant, Ou comme le roseau, vain jouet de l’orage, Qui plie et rebondit sous la main du passant, Mon coeur revient à Dieu, plus docile et plus tendre, Et de ses châtiments perdant le souvenir, Comme un enfant soumis n’ose lui faire entendre Qu’un murmure amoureux pour se plaindre et bénir ! Que le deuil de mon âme était lugubre et sombre ! Que de nuits sans pavots, que de jours sans soleil ! Que de fois j’ai compté les pas du temps dans l’ombre, Quand les heures passaient sans mener le sommeil! Mais loin de moi ces temps! que l’oubli les dévore ! Ce qui n’est plus pour l’homme a-t-il jamais été ? Quelques jours sont perdus; mais le bonheur encore, Peut fleurir sous mes yeux comme une fleur d’été ! Tous les jours sont à toi! que t’importe leur nombre ? Tu dis : le temps se hâte, ou revient sur ses pas; Eh ! n’es-tu pas celui qui fit reculer l’ombre Sur le cadran rempli d’un roi que tu sauvas ? Si tu voulais! ainsi le torrent de ma vie, À sa source aujourd’hui remontant sans efforts, Nourrirait de nouveau ma jeunesse tarie, Et de ses flots vermeils féconderait ses bords; Ces cheveux dont la neige, hélas ! argente à peine Un front où la douleur a gravé le passé, S’ombrageraient encor de leur touffe d’ébène, Aussi pur que la vague où le cygne a passé! L’amour ranimerait l’éclat de ces prunelles, Et ce foyer du coeur, dans les yeux répété, Lancerait de nouveau ces chastes étincelles Qui d’un désir craintif font rougir la beauté ! Dieu ! laissez-moi cueillir cette palme féconde, Et dans mon sein ravi l’emporter pour toujours, Ainsi que le torrent emporte dans son onde Les roses de Saron qui parfument son cours ! Quand pourrai-je la voir sur l’enfant qui repose S’incliner doucement dans le calme des nuits ? Quand verrai-je ses fils de leurs lèvres de rose Se suspendre à son sein comme l’abeille aux lis ! A l’ombre du figuier, près du courant de l’onde, Loin de l’oeil de l’envie et des pas du pervers, Je bâtirai pour eux un nid parmi le monde, Comme sur un écueil l’hirondelle des mers ! Là, sans les abreuver à ces sources amères Où l’humaine sagesse a mêlé son poison, De ma bouche fidèle aux leçons de mes pères, Pour unique sagesse ils apprendront ton nom ! Là je leur laisserai, pour unique héritage, Tout ce qu’à ses petits laisse l’oiseau du ciel, L’eau pure du torrent, un nid sous le feuillage, Les fruits tombés de l’arbre, et ma place au soleil! Alors, le front chargé de guirlandes fanées, Tel qu’un vieux olivier parmi ses rejetons, Je verrai de mes fils les brillantes années Cacher mon tronc flétri sous leurs jeunes festons ! Alors j’entonnerai l’hymne de ma vieillesse, Et, convive enivré des vins de ta bonté, Je passerai la coupe aux mains de la jeunesse, Et je m’endormirai dans ma félicité !

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    Anatole France

    Anatole France

    @anatoleFrance

    Le chêne abandonné Dans la tiède forêt que baigne un jour vermeil, Le grand chêne noueux, le père de la race, Penche sur le coteau sa rugueuse cuirasse Et, solitaire aïeul, se réchauffe au soleil. Du fumier de ses fils étouffés sous son ombre, Robuste, il a nourri ses siècles florissants, Fait bouillonner la sève en ses membres puissants, Et respiré le ciel avec sa tête sombre. Mais ses plus fiers rameaux sont morts, squelettes noirs Sinistrement dressés sur sa couronne verte ; Et dans la profondeur de sa poitrine ouverte Les larves ont creusé de vastes entonnoirs. La sève du printemps vient irriter l'ulcère Que suinte la torpeur de ses âcres tissus. Tout un monde pullule en ses membres moussus, Et le fauve lichen de sa rouille l'enserre. Sans cesse un bois inerte et qui vécut en lui Se brise sur son corps et tombe. Un vent d'orage Peut finir de sa mort le séculaire ouvrage, Et peut-être qu'il doit s'écrouler aujourd'hui. Car déjà la chenille aux anneaux d'émeraude Déserte lentement son feuillage peu sûr ; D'insectes soulevant leurs élytres d'azur Tout un peuple inquiet sur son écorce rôde ;

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    L’aveugle « Dieu, dont l’arc est d’argent, dieu de Claros, écoute, » Ô Sminthée-Apollon, je périrai sans doute, » Si tu ne sers de guide à cet aveugle errant. » C’est ainsi qu’achevait l’aveugle en soupirant, Et près des bois marchait, faible, et sur une pierre S’asseyait. Trois pasteurs, enfans de cette terre, Le suivaient, accourus aux abois turbulens Des Molosses, gardiens de leurs troupeaux bêlans. Ils avaient, retenant leur fureur indiscrète, Protégé du vieillard la faiblesse inquiète ; Ils l’écoutaient de loin ; et s’approchant de lui : « Quel est ce vieillard blanc, aveugle et sans appui ? » Serait-ce un habitant de l’empire céleste ? » Ses traits sont grands et fiers ; de sa ceinture agreste » Pend une lyre informe, et les sons de sa voix » Émeuvent l’air et l’onde et le ciel et les bois. » Mais il entend leurs pas, prête l’oreille, espère, Se trouble, et tend déjà les mains à la prière. « Ne crains point, disent-ils, malheureux étranger ; » (Si plutôt sous un corps terrestre et passager » Tu n’es point quelque dieu protecteur de la Grèce, » Tant une grâce auguste ennoblit ta vieillesse !) » Si tu n’es qu’un mortel, vieillard infortuné, » Les humains près de qui les flots t’ont amené, » Aux mortels malheureux n’apportent point d’injures. » Les destins n’ont jamais de faveurs qui soient pures. » Ta voix noble et touchante est un bienfait des dieux ; » Mais aux clartés du jour ils ont fermé tes yeux. » — Enfans, car votre voix est enfantine et tendre, » vos discours sont prudens, plus qu’on n’eût dû l’attendre ; » Mais toujours soupçonneux, l’indigent étranger » Croit qu’on rit de ses maux et qu’on veut l’outrager. » Ne me comparez point à la troupe immortelle : » Ces rides, ces cheveux, cette nuit éternelle, » Voyez ; est-ce le front d’un habitant des cieux ? » Je ne suis qu’un mortel, un des plus malheureux » Si vous en savez un pauvre, errant, misérable, » C’est à celui-là seul que je suis comparable ; » Et pourtant je n’ai point, comme fit Thomyris, » Des chansons à Phœbus voulu ravir le prix ; » Ni, livré comme OEdipe à la noire Euménide, » Je n’ai puni sur moi l’inceste parricide ; » Mais les dieux tout-puissans gardaient à mon déclin » Les ténèbres, l’exil, l’indigence et la faim. » Prends ; et puisse bientôt changer ta destinée, » Disent-ils. » Et tirant ce que, pour leur journée, Tient la peau d’une chèvre aux crins noirs et luisans, Ils versent à l’envi, sur ses genoux pesans, Le pain de pur froment, les olives huileuses, Le fromage et l’amande, et les figues mielleuses, Et du pain à son chien entre ses pieds gissant, Tout hors d’haleine encore, humide et languissant ; Qui malgré les rameurs, se lançant à la nage, L’avait loin du vaisseau rejoint sur le rivage.. « Le sort, dit le vieillard, n’est pas toujours de fer. » Je vous salue, enfans venus de Jupiter. » Heureux sont les parens qui tels vous firent naître ! » Mais venez, que mes mains cherchent à vous connaît ; » Je crois avoir des yeux. Vous êtes beaux tous trois. » Vos visages sont doux, car douce est votre, voix. » Qu’aimable est la vertu que la grâce environne ! » Croissez, comme j’ai vu ce palmier de Latone, » Alors qu’ayant des yeux je traversai les flots ; » Car jadis, abordant à la sainte Délos, » Je vis près d’Apollon, à son autel de pierre, » Un palmier, don du ciel, merveille de la terre. » Vous croîtrez, comme lui, grands, féconds, révérés. »’Puisque les malheureux sont par vous honorés. » Le plus âgé de vous aura vu treize années : » À peine, mes enfans, vos mères étaient nées, » Que j’étais presque vieux. Assieds-toi près de moi, » Toi, le plus grand de tous ; je me confie à toi. » Prends soin du vieil aveugle.-O sage magnanime ! » Comment, et d’où viens-tu ? car l’oncle maritime » Mugit de toutes parts sur nos bords orageux. » — Des marchands de Cymé m’avaient pris avec eux. » J’allais voir, m’éloignant des rives de Carie, » Si la Grèce pour moi n’aurait point de patrie, » Et des dieux moins jaloux, et de moins tristes jours ; » Car jusques à la mort nous espérons toujours. » Mais pauvre, et n’ayant rien pour payer mon passage, » Ils m’ont, je ne sais où, jeté sur le rivage. » — Harmonieux vieillard, tu n’as donc point chanté ? » Quelques sons de ta voix auraient tout acheté. » — Enfans, du rossignol la voix pure et légère » N’a jamais apaisé le vautour sanguinaire, » Et les riches grossiers, avares, insolens, » N’ont pas une ame ouverte à sentir les talens. » Guidé par ce bâton, sur l’arène glissante, » Seul, en silence, au bord de l’onde mugissante, » J’allais ; et j’écoutais le bêlement lointain » Da troupeaux agitant leurs Sonnettes d’airain. » Puis j’ai pris cette lyre, et les cordes mobiles » Ont encor résonné sous mes vieux doigts débiles. » Je voulais deS grands dieux implorer la bonté, » Et surtout Jupiter, dieu d’hospitalité : » Lorsque d’énormes chiens, à la voix formidable, » Sont venus m’assaillir ; et j’étais misérable, » Si vous (car c’était vous) avant qu’ils m’eussent pris » N’eussiez armé pour moi les pierres et les cris. » — Mon père, il est donc vrai : tout est devenu pire ? » Car jadis, aux accens d’une éloquente lyre, » Les tigres et les loups, vaincus, humiliés, » D’un chanteur comme toi vinrent baiser les pieds. » — Les barbares ! J’étais assis près de la poupe. » Aveugle vagabond, dit l’insolente troupe, » Chante ; si ton esprit n’est point comme tes yeux, » Amuse notre ennui ; tu rendras grâce aux dieux. » J’ai fait taire mon cœur qui voulait les confondre ; » Ma bouche ne s’est point ouverte à leur répondre. » Ils n’ont pas entendu ma voix, et sous ma main » J’ai retenu le dieu courroucé dans mon sein. » Cymé, puisque tes fils dédaignent Mnémosyne, » Puisqu’ils ont fait outrage à la muse divine, » Que leur vie et leur mort s’éteigne dans l’oubli ; » Que ton nom dans la nuit demeure enseveli. » — Viens, suis-nous à la ville ; elle est toute voisine, » Et chérit les amis de la muse divine. » Un siége aux cloux d’argent te place à nos festins ; » Et là les mets choisis, le miel et les bons vins, » Sous la colonne où pend une lyre d’ivoire, » Te feront de tes maux oublier la mémoire. » Et si, dans le chemin, rhapsode ingénieux, » Tu veux nous accorder tes chants dignes des cieux, » Nous dirons qu’Apollon, pour charmer les oreilles, » T’a lui-même dicté de si douces merveilles. » — Oui, je le veux ; marchons. Mais où m’entraînez-vous ? » Enfans du vieil aveugle, en quel lieu sommes-nous » — Sicos est l’île heureuse où nous vivons, mon père. » — Salut, belle Sicos, deux fois hospitalière ! » Car sur ses bords heureux je suis déjà venu, » Amis, je la connais. Vos pères m’ont connu : » Ils croissaient comme vous ; mes yeux s’ouvraient encore » Au Soleil, au printemps, aux roses de l’aurore ; » J’étais jeune et vaillant. Aux danses des guerriers, » À la course, aux combats, j’ai paru des premiers. » J’ai vu Corinthe, Argos, et Crète et les cent villes, » Et du fleuve Égyptus les rivages fertiles ; » ; Mais la terre et la mer, et l’âge et les malheurs, » Ont épuisé ce corps fatigué de douleurs. » La voix me reste. Ainsi la cigale innocente, » Sur un arbuste assise, et se console et chante. » Commençons par les dieux : Souverain Jupiter ; » Soleil, qui vois, entends, connais tout ; et toi, mer, » Fleuves, terre, et noirs dieux des vengeances trop lentes, » Salut ! Venez à moi de l’Olympe habitantes, » Muses ; vous savez tout, vous déesses ; et nous, » Mortels, ne savons rien qui ne vienne de vous. » Il poursuit ; et déjà les antiques ombrages Mollement en cadence inclinaient leurs feuillages ; Et pâtres oubliant leur troupeau délaissé, Et voyageurs quittant leur chemin commencé, Couraient ; il les entend, près de son jeune guide, L’un sur l’autre pressés tendre une oreille avide ; Et nymphes et sylvains sortaient pour l’admirer, Et l’écoutaient en foule, et n’osaient respirer ; Car, en de longs détours de chansons vagabondes, Il enchaînait de tout les semences fécondes ; Les principes du feu, les eaux, la terre et l’air, Les fleuves descendus du sein de Jupiter, Les oracles, les arts, les cités fraternelles, Et depuis le chaos les amours immortelles. D’abord le Roi divin, et l’Olympe et les Cieux Et le Monde, ébranlés d’un signe de ses yeux ; Et les dieux partagés en une immense guerre, Et le sang plus qu’humain venant rougir la terré, Et les rois assemblés, et Sous les pieds guerriers, Une nuit de poussière, : et les chars meurtriers ; Et les héros armés, brillans dans les campagnes, Comme un vaste incendie aux cimes des montagnes. Les coursiers hérissant leur crinière à longs flots, Et d’une voix humaine excitant les héros. De là, portant ses pas dans les paisibles villes, Les lois, les orateurs, les récoltes fertiles. Mais bientôt de soldats les remparts entourés, Les victimes tombant dans les parvis sacrés, Et les assauts, mortels aux épouses plaintives, Et les mères en deuil, et les filles captives ; Puis aussi les moissons joyeuses, les troupeaux Bêlans ou mugissans, les rustiques pipeaux, Les chansons, les festins, les vendanges bruyantes, Et la flûte et la lyre, et les notes dansantes ; Puis, déchaînant les vents à soulever les mers, Il perdait les nochers sur les gouffres amers. De là, dans le sein frais d’une roche azurée, En foule il appelait les filles de Nérée, Qui bientôt, à des cris, s’élevant sur les eaux, Aux rivages troyens parcouraient des vaisseaux ; Puis il ouvrait du Styx la rive criminelle, Et puis les demi-dieux et les champs d’Asphodèle, Et la foule des morts ; vieillards seuls et souffrans, Jeunes gens emportés aux yeux de leurs parens, Enfans dont au berceau la vie est terminée, Vierges dont le trépas suspendit l’hyménée. Mais ô bois, ô ruisseaux, ô monts, ô durs cailloux, Quels doux frémissemens vous agitèrent tous Quand bientôt à Lemnos, sur l’enclume divine, Il forgeait cette trame irrésistible et fine, Autant que d’Arachné les piéges inconnus, Et dans ce fer mobile emprisonnait Vénus ! Et quand il revêtit d’une pierre soudaine La fière Niobé, cette mère thébaine, Et quand il répétait en accens de douleurs’ De la triste Aédon l’imprudence et les pleurs, Qui, d’un fils méconnu marâtre involontaire, Vola, doux rossignol, sous le bois solitaire ; Ensuite, avec le vin, il versait aux héros Le puissant Népenthès, oubli de tous les maux ; Il cueillait le Moly, fleur qui rend l’homme sage ; Du paisible Lotos il mêlait le breuvage. Les mortels oubliaient, à ce philtre charmés, Et la douce patrie et les parens aimés ; Enfin, l’Ossa, l’Olympe et les bois du Pénée Voyaient ensanglanter les banquets d’hyménée, Quand Thésée, au milieu de la joie et du vin, La nuit où son ami reçut à son festin Le peuple monstrueux des enfans de la nue, Fut contraint d’arracher l’épouse demi-nue Au bras ivre et nerveux du sauvage Eurytus. Soudain, le glaive en main, l’ardent Pirithoüs « Attends ; il faut ici que mon affront s’expie, » Traître ! » Mais, avant lui, sur le centaure impie, Dryas a fait tomber, avec tous ses rameaux, Un long arbre de fer hérissé de flambeaux. L’insolent quadrupède en vain s’écrie, il tombe ; Et son pied bat le sol qui doit être sa tombe. Sous l’effort de Nessus, la table du repas Roule, écrase Cymèle, Évagre, Périphas. Pirithoüs égorge Antimaque, et Pétrée, Et Cyllare aux pieds blancS, et le noir Macarée, Qui de trois fiers lions, dépouillés par sa main, Couvrait ses quatre flancs, armait son double sein. Courbé, levant un roc choisi pour leur vengeance, Tout-à-coup, sous l’airain d’un vase antique, immense, L’imprudent Bianor, par Hercule surpris, Sent de sa tête énorme éclater les débris. Hercule et la massue entassent en trophée Clanis, Démoléon, Lycotas, et Riphée Qui portait sur ses crins, de taches, colorés, L’héréditaire éclat des nuages dorés. Mais d’un double combat Eurynome est avide ; Car ses pieds, agités en un cercle rapide, Battent à coups pressés l’armure de Nestor ; Le quadrupède Hélops fuit l’agile Crantor ; Le bras levé l’atteint ; Eurynome l’arrête. D’un érable noueux il va fendre sa tête : Lorsque le fils d’Égée, invincible, sanglant, L’aperçoit ; à l’autel prend un chêne brûlant ; Sur sa croupe indomptée, avec un cri terrible, S’élance ; va saisir sa chevelure horrible, L’entraîne, et quand sa bouche ouverte avec effort, Crie ; il y plonge ensemble et la flamme et la mort. L’autel est dépouillé. Tous vont s’armer de flamme, Et le bois porte au loin les hurlernens de femme, L’ongle frappant la terre, et les guerriers meurtris, Et les vases brisés, et l’injure, et les cris. Ainsi le grand vieillard, en images hardies, Déployait, le tissu des saintes mélodies. Les trois enfans, émus à son auguste aspect, Admiraient, d’un regard de joie et de respect, De sa bouche abonder les paroles divines, Comme en hiver la neige aux sommets des collines. E partout accourus, dansant sur son chemin, Hommes, femmes, enfans, les rameaux à la main, Et vierges et guerriers, jeunes fleurs de la ville, Chantaient : « Viens dans nos murs, viens habiter notre île ; » Viens, prophète éloquent, aveugle harmonieux, » Convive du nectar, disciple aimé des dieux ; » Des jeux, tous les cinq ans, rendront saint et prospère » Le jour où nous avons reçu le grand Homère. »

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    Triste vieillard… Triste vieillard, depuis que pour tes cheveux blancs Il n’est plus de soutien de tes jours chancelants, Que ton fils orphelin n’est plus à son vieux père, Renfermé sous ton toit et fuyant la lumière, Un sombre ennui t’opprime et dévore ton sein. Sur ton siège de hêtre, ouvrage de ma main, Sourd à tes serviteurs, à tes amis eux-même, Le front baissé, l’oeil sec et le visage blême, Tout le jour en silence à ton foyer assis, Tu restes pour attendre ou la mort ou ton fils. Et toi, toi, que fais-tu, seule et désespérée, De ton faon dans les fers lionne séparée ? J’entends ton abandon lugubre et gémissant ; Sous tes mains en fureur ton sein retentissant, Toit deuil pâle, éploré, promené par la ville, Tes cris, tes longs sanglots remplissent toute l’île. Les citoyens de loin reconnaissent tes pleurs.  » La voici, disent-ils, la femme de douleurs ! «  L’étranger, te voyant mourante, échevelée, Demande :  » Qu’as-tu donc, ô femme désolée ! «  – Ce qu’elle a ? Tous les dieux contre elle sont unis La femme désolée, elle a perdu son fils !

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    A

    Aristide Bruant

    @aristideBruant

    À Montpernasse Alle avait pus ses dix-huit ans, All’ ’tait pus jeune d’puis longtemps, Mais a faisait encor’ la place, À Montpernasse. En la voyant on savait pas Si c’était d’ la viande ou du gras Qui ballottait su’ sa surface, À Montpernasse. Alle avait quéqu’s cheveux graisseux, Perdus dan’ un filet crasseux Qu’ avait vieilli su’ sa tignasse, À Montpernasse. Alle avait eun’ robe d’ reps noir, L’ matin ça y servait d’ peignoir, La nuit ça y servait d’ limace, À Montpernasse. A travaillait sans aucun goût ; Des fois a faisait rien du tout, Pendant qu’ j’étais dans la mélasse, À Montpernasse. En vieillissant a gobait l’ vin, Et quand j’ la croyais au turbin, L’ soir, a s’enfilait d’ la vinasse, À Montpernasse. Pour boire a m’ trichait su’ l’ gâteau, C’est pour ça qu’ j’y cardais la peau Et que j’y ai crevé la paillasse, À Montpernasse. Depuis que j’ l’ai pus j’ me fais vieux, Et pendant qu’a m’attend aux cieux, J’ rends quéqu’s servic’ à Camescasse, À Montpernasse.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Les assis Noirs de loupes, grêlés, les yeux cerclés de bagues Vertes, leurs doigts boulus crispés à leurs fémurs, Le sinciput plaqué de hargnosités vagues Comme les floraisons lépreuses des vieux murs ; Ils ont greffé dans des amours épileptiques Leur fantasque ossature aux grands squelettes noirs De leurs chaises ; leurs pieds aux barreaux rachitiques S’entrelacent pour les matins et pour les soirs ! Ces vieillards ont toujours fait tresse avec leurs sièges, Sentant les soleils vifs percaliser leur peau, Ou, les yeux à la vitre où se fanent les neiges, Tremblant du tremblement douloureux du crapaud. Et les Sièges leur ont des bontés : culottée De brun, la paille cède aux angles de leurs reins ; L’âme des vieux soleils s’allume, emmaillotée Dans ces tresses d’épis où fermentaient les grains. Et les Assis, genoux aux dents, verts pianistes, Les dix doigts sous leur siège aux rumeurs de tambour, S’écoutent clapoter des barcarolles tristes, Et leurs caboches vont dans des roulis d’amour. – Oh ! ne les faites pas lever ! C’est le naufrage… Ils surgissent, grondant comme des chats giflés, Ouvrant lentement leurs omoplates, ô rage ! Tout leur pantalon bouffe à leurs reins boursouflés. Et vous les écoutez, cognant leurs têtes chauves, Aux murs sombres, plaquant et plaquant leurs pieds tors, Et leurs boutons d’habit sont des prunelles fauves Qui vous accrochent l’oeil du fond des corridors ! Puis ils ont une main invisible qui tue : Au retour, leur regard filtre ce venin noir Qui charge l’oeil souffrant de la chienne battue, Et vous suez, pris dans un atroce entonnoir. Rassis, les poings noyés dans des manchettes sales, Ils songent à ceux-là qui les ont fait lever Et, de l’aurore au soir, des grappes d’amygdales Sous leurs mentons chétifs s’agitent à crever. Quand l’austère sommeil a baissé leurs visières, Ils rêvent sur leur bras de sièges fécondés, De vrais petits amours de chaises en lisière Par lesquelles de fiers bureaux seront bordés ; Des fleurs d’encre crachant des pollens en virgule Les bercent, le long des calices accroupis Tels qu’au fil des glaïeuls le vol des libellules – Et leur membre s’agace à des barbes d’épis.

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    A

    Asti

    @asti

    L'arbre de vie Hier j'étais une frêle petite graine germant sans cesse vers la lumière. J'étais plein d'ardeur et d'ambition m'élevant heureux vers les sommets. A la découverte de ce nouveau monde, verdoyant à souhait, je frémissais emplis de vie, à l'aube de mes premiers printemps. Aujourd'hui je trône de ma hauteur sereine en regardant ce monde de prière. Fier de mon imposante position mais tant de pensées désespérées. Quel triste et sombre résultat immonde qui a fait perdre éclat à ma chevelure défraichit, au zénith de mes flamboyants automnes. Demain mes bois séchés de leurs veines verront-ils encore ces merveilles d'hier. Ou seulement la noirceur de vos actions qui rendent l'eau impropre et pollué. Le poids de l'air impur se noie dans l'onde et passe l'aile du temps qui m'affaiblis, au crépuscule de mon éternel hivers.

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    A

    Auguste Angellier

    @augusteAngellier

    Les caresses des yeux Les caresses des yeux sont les plus adorables ; Elles apportent l'âme aux limites de l'être, Et livrent des secrets autrement ineffables, Dans lesquels seul le fond du coeur peut apparaître. Les baisers les plus purs sont grossiers auprès d'elles ; Leur langage est plus fort que toutes les paroles ; Rien n'exprime que lui les choses immortelles Qui passent par instants dans nos êtres frivoles. Lorsque l'âge a vieilli la bouche et le sourire Dont le pli lentement s'est comblé de tristesses, Elles gardent encor leur limpide tendresse ; Faites pour consoler, enivrer et séduire, Elles ont les douceurs, les ardeurs et les charmes ! Et quelle autre caresse a traversé des larmes ?

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    A

    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    Les vieux époux Lorsque nos coeurs ont lié connaissance, John, mon ami, votre front était beau; Vos noirs cheveux, dans leur jeune abondance, Brillaient pareils à l’aile du corbeau. Et maintenant chauve et nud il se penche: Sur nos cheveux les hivers ont passé. Mais béni soit ce front lisse et glacé, John, mon vieil homme, et votre mèche blanche! Gais pèlerins qu’un même toit rassemble, John, mon ami, ma main dans votre main, Par tous les temps, sur la colline, ensemble Nous avons fait, heureux, un dur chemin. Et maintenant que le soleil décline, Il faut descendre à pas tremblants et lourds; Mais nous irons, mon John, et pour toujours, Dormir au pied de la même colline! Imité de Burns.

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    B

    Blanchemain Dominique

    @blanchemainDominique

    Bois rongés Dans le silence Les pas sur les feuilles Et le vieux Et les aboiements au loin Et les portes qui grincent Le ciel désappointé Le ciel en pleure Les pas qui claquent Avec l'abandon en coin Et le vieux Qui marche Parce qu'il faut quand même marcher Le vieux Qui gondole Sous le poids de sa mémoire Et le chien qui le regarde Soumis dans sa nuit Et le chien qui attend Défait dans son renoncement Et les aboiements des peurs Et les portes qui frappent Tous ces maux vieillissants Et le vieux qui se regarde sombrer Dans les yeux de son chien On se sent toujours trop vieux Quand on se sent trop seul « Allons mon chien Mon chien Il faut quand même ramasser le bois ! » Mars 2017

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Je suis comme le Roi d'un pays pluvieux Je suis comme le roi d'un pays pluvieux, Riche, mais impuissant, jeune et pourtant très vieux, Qui, de ses précepteurs méprisant les courbettes, S'ennuie avec ses chiens comme avec d'autres bêtes. Rien ne peut l'égayer, ni gibier, ni faucon, Ni son peuple mourant en face du balcon. Du bouffon favori la grotesque ballade Ne distrait plus le front de ce cruel malade ; Son lit fleurdelisé se transforme en tombeau, Et les dames d'atour, pour qui tout prince est beau, Ne savent plus trouver d'impudique toilette Pour tirer un souris de ce jeune squelette. Le savant qui lui fait de l'or n'a jamais pu De son être extirper l'élément corrompu, Et dans ces bains de sang qui des Romains nous viennent, Et dont sur leurs vieux jours les puissants se souviennent, Il n'a su réchauffer ce cadavre hébété Où coule au lieu de sang l'eau verte du Léthé.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    L'horloge Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible, Dont le doigt nous menace et nous dit : "Souviens-toi ! Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d'effroi Se planteront bientôt comme dans une cible, Le plaisir vaporeux fuira vers l'horizon Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse ; Chaque instant te dévore un morceau du délice A chaque homme accordé pour toute sa saison. Trois mille six cents fois par heure, la Seconde Chuchote : Souviens-toi ! - Rapide, avec sa voix D'insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois, Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde ! Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor ! (Mon gosier de métal parle toutes les langues.) Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or !

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Le désespoir de la vieille La petite vieille ratatinée se sentit toute réjouie en voyant ce joli enfant à qui chacun faisait fête, à qui tout le monde voulait plaire ; ce joli être, si fragile comme elle, la petite vieille, et, comme elle aussi, sans dents et sans cheveux. Et elle s’approcha de lui, voulant lui faire des risettes et des mines agréables. Mais l’enfant épouvanté se débattait sous les caresses de la bonne femme décrépite, et remplissait la maison de ses glapissements. Alors la bonne vieille se retira dans sa solitude éternelle, et elle pleurait dans un coin, se disant : — « Ah ! pour nous, malheureuses vieilles femelles, l’âge est passé de plaire, même aux innocents ; et nous faisons horreur aux petits enfants que nous voulons aimer ! »

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Les petites vieilles I. Dans les plis sinueux des vieilles capitales, Où tout, même l'horreur, tourne aux enchantements, Je guette, obéissant à mes humeurs fatales Des êtres singuliers, décrépits et charmants. Ces monstres disloqués furent jadis des femmes, Éponine ou Laïs ! Monstres brisés, bossus Ou tordus, aimons-les ! ce sont encor des âmes. Sous des jupons troués et sous de froids tissus Ils rampent, flagellés par les bises iniques, Frémissant au fracas roulant des omnibus, Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques, Un petit sac brodé de fleurs ou de rébus ; Ils trottent, tout pareils à des marionnettes ; Se traînent, comme font les animaux blessés, Ou dansent, sans vouloir danser, pauvres sonnettes Où se pend un Démon sans pitié ! Tout cassés

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    C

    Charles le Quintrec

    @charlesLeQuintrec

    Il me souvient du vieux pays Ô mer, ne reste-t-il que sable sur le sable Pour écrire l'Histoire ? Ô mer sauvée des fables Quelle écume, à nos pieds, se souvient du chaos ? Les galets du soleil captent d'autres lumières Les goémons frottent leurs insectes par milliers Ce vieux pays en moi Mais c'est toute la mer ! Le flux et le reflux imposent ma prière Paysans et pêcheurs savent comment l'aimer. Dites-moi, mes amis, ce pays vers la mer Ce pays dans la mer, comment y revenir ? Rebâtir sur le roc villages de naguère Qui parle dans mon cœur soudain de rebâtir ? Prendrai-je le chemin qui nous aide à mourir ? Suis-je déjà trop loin sur la route éphémère ? Une rivière va, son bruit blanc, sur les pierres.

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    C

    Christian Mégrelis

    @christianMegrelis

    Anniversaire 10 mai Années fuyantes et brèves une à une écoulées Comme de l’arbre blessé goutte à goutte la sève Années de marbre et vous années de glaise Où l’absence a creusé un sillon familier Vous toutes mes années sur un mal sort scellées Si tôt que seul l’oubli qui la douleur apaise En vivant n’a permis que trop cela ne pèse Venez, je vous convoque, arrêtez de FILER Avant que mai ne passe, ô mes années venez Conduisons la nouvelle saluer en silence L’absente qui doucit mon âpre adolescence Sur l’océan du temps, vous les plus vieux rochers Vous, années de tendresse, vous qui vous souvenez A partir d’aujourd’hui, d’elle vous m’approchez

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    C

    Cécile Carrara

    @cecileCarrara

    Les yeux vieillis Yeux qui ont tout vécu que peuvent-ils encore voir? qui saurait retenir l’ombre de leur regard? Yeux fatigués de lire le monde qui les entoure qui l’ont vu défiler et n’ont pas pu s’enfuir. Yeux vieillis qu’on rallume au son des battements des battements du coeur de la tête à la plume. Yeux qui brillent soudain rappelant le passé retrouvant au présent leur éclat incertain.

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    C

    Cécile Sauvage

    @cecileSauvage

    Peut-être serai-je plus gaie Peut-être serai-je plus gaie Quand, dédaigneuse du bonheur, Je m’en irai vieille et fanée, La neige au front et sur le coeur : Quand la joie ou les cris des autres Seront mon seul étonnement Et que des pleurs qui furent nôtres Je n’aurai que le bavement. Alors, on me verra sourire Sur un brin d’herbe comme au temps Où sans souci d’apprendre à lire Je courais avec le printemps.

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    D

    Dominique Blanchemain

    @dominiqueBlanchemain

    Désespérance Un bol sur une table Un bol Plein de lui-même Débordant de café Fumant Sa désolation Et à côté La cuillère Pauvre Servante abandonnée Là marquant le temps Et l’horloge qui bat Qui frappe Qui hennit le vieillissement Et l’homme Las Attendant la sentence La tête dans les mains Les doigts dans la tête Les ongles ravageant ses pensées Et les coudes Les coudes fléchissants sur la table Cette table d’où se ferment les portes Portes d’amours Portes d’espoirs Et l’homme Là Claquant d’effroi Sous le martèlement De la désespérance

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    D

    Dominique Blanchemain

    @dominiqueBlanchemain

    Une femme à sa fenêtre Nous voudrions voir l’oiseau Dans le tumulte du printemps Tournoyer dans le ciel Une femme à sa fenêtre Le vieillissement imprimé sur ses rides Brouillées d’étoiles gémissantes Et les mains enchevêtrées Une femme à sa fenêtre Le regard arqué par les larmes Avec ce mouvement subtil Qui embrase tous les possibles Une femme à sa fenêtre Qui se consume Dans l’infamie du temps

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    E

    Elodie Santos

    @elodieSantos

    A ce printemps perdu A ce Printemps perdu où nous nous sommes aimés au bord de la rivière un jour du mois de Mai A ce Printemps perdu où l’on sent le bonheur quitter cette espérance qu’on laisse et ne voit plus A ce Printemps perdu et à la renaissance d’une passion si belle Vie qui n’existe plus A ce Printemps perdu et aux charmants oiseaux et à ces chants d’idylles belles, mises à nu A ce Printemps perdu Comme un beau violon aux cordes abimées Qu’on n’entendra plus jamais A ce Printemps perdu et à ces vieilles pierres un jour au coeur des vignes qui ne seront plus là

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    La vieille Comme des mains Coupées, Les feuilles choient sur les chemins. Les prés et les cépées. La vieille au mantelet de cotonnade, Capuchon bas jusqu'au menton, A sauts menus, sur un bâton, Trimballe aux champs sa promenade. Taupes, souris, mulots et rats Trottent et radotent après ses pas. Les troncs et les taillis se parlent ; Et les oiseaux : hérons, grèbes et harles, Font comme une bataille d'ailes Et de signes, au-devant d'elle. Sut-on jamais de quels pays elle est venue ? Des bateleurs qui s'en venaient d'ailleurs Un dimanche, sur les routes, l'ont reconnue. A-t-elle aimé les Nixes d'or? Peut-être. Mais rien n'est sûr, sinon qu'aux temps lointains, [un prêtre Exorcisa ses mains qui foudroyaient les fleurs. Depuis, elle a choisi sa retraite et son lot, Sur un coteau qui domine les plaines, D'où chacun sait qu'elle guette les clos, Par sa fenêtre à poussiéreux carreaux, Le soir, tout en mêlant les écheveaux De ses bontés ou de ses haines. Son pauvre toit, là-bas, semble un oiseau broyé. Contre les dunes par quelque vent sauvage, Et qui fouille le sable, avec toute la rage De ses pattes et de ses ailes reployées. Les feuilles choient sur les chemins Immensément de bruines trempés. Comme des mains Coupées. Qu'on l'aime ou qu'on l'exècre, elle s'en va Sur le destin réglant son pas : Elle est mystère ou certitude, Selon ses vagues attitudes Devant la joie ou le tourment ; Ceux qui voient clair, parmi les choses ignorées, Vous expliquent comment Elle serait l'âme de la contrée. Ame d'entêtement et de mélancolie. Qui se penche vers des secrets perdus Et se mire, dans les miroirs fendus Des vieilles choses abolies. Ame de soir fumeux ou de matin brumal, Ame d'amour sournois ou de haine finaude Qui s'en allant au bien, qui s'en allant au mal, Y va toujours comme en maraude. Les feuilles choient sur les chemins, Immensément de bruines trempés. Comme des mains Coupées. La vieille sait qu'on vient vers elle. Dès que le désespoir harcèle Ceux qui n'ont plus, sur terre. Qu'à mordre et qu'à ronger les os de leur misère. Aussi, quand les bises des maladies, Sur les fermes abalourdies. Soufflent, aux fentes de la porte. Et pénètrent et plus ne sortent. Encor, si les couteaux d'orages — Eclairs pâles, lueurs sauvages — Fendent, de haut en bas, l'écorce Des vieux tilleuls tuméfiés de force. Enfin la vieille sait tout ce qu'on peut. En ce monde, sans le secours de Dieu, Et comme est fort le seul silence Qui ne darde sa violence Qu'en des yeux gris, fuyants et brusques Où les regards, comme en des trous, s'embusquent. Et la vieille toujours s'en va. là-bas. Avec au-devant d'elle — ailes grandes — son ombre Et l'infini des taillis sombres ; Et belettes, mulots et rats Courent sinistres et légers, En messagers. Devant ses pas. Et foudre et vent et bourrasques dramatisées Semblent, avant d'éclore, arder dans sa pensée. Immensément, la vieille croit en elle, Comme en une chose éternelle D'accord avec les eaux, les bois, les plaines ; Les flux de sa pitié ou de sa haine Se définissent la seule cause Du va et vient des sorts et des métamorphoses. La nuit, quand des cheveux de lune Baignent, lisses et froids, les épaules des dunes. Elle s'éveille, en leur lumière bleue. Sa volonté se darde alors de lieue en lieue. Les vieux pays et leurs minuits de flamme Hallucinent, si vivement, son âme Qu'elle en devient, voyante et prophétesse Et démêle, parfois, la joie ou la tristesse Et les sombres ou lumineux présages Qui font des gestes d'encre et d'or, dans les nuages. Les feuilles choient sur les chemins Immensément de bruines trempés ; Comme des mains Coupées. Et la vieille point ne mourra. Soit une sœur, soit une fille. Avec la même mante et la même béquille. Sur les mêmes chemins continuera son pas ; Une autre voix dira Le mot de celle qui s'est tue, Car la vieille de cent ans De bourg en bourg, à travers temps, A l'infini, se perpétue.

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    Voici quinze ans déjà que nous pensons d’accord Voici quinze ans déjà que nous pensons d’accord ; Que notre ardeur claire et belle vainc l’habitude, Mégère à lourde voix, dont les lentes mains rudes Usent l’amour le plus tenace et le plus fort. Je te regarde, et tous les jours je te découvre, Tant est intime ou ta douceur ou ta fierté : Le temps, certe, obscurcit les yeux de ta beauté, Mais exalte ton coeur dont le fond d’or s’entr’ouvre. Tu te laisses naïvement approfondir, Et ton âme, toujours, paraît fraîche et nouvelle ; Les mâts au clair, comme une ardente caravelle, Notre bonheur parcourt les mers de nos désirs. C’est en nous seuls que nous ancrons notre croyance, A la franchise nue et la simple bonté ; Nous agissons et nous vivons dans la clarté D’une joyeuse et translucide confiance. Ta force est d’être frêle et pure infiniment ; De traverser, le coeur en feu, tous chemins sombres, Et d’avoir conservé, malgré la brume ou l’ombre, Tous les rayons de l’aube en ton âme d’enfant. Émile Verhaeren, Les Heures d’après-midi  

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    E

    Esther Granek

    @estherGranek

    C’est entre septante et nonante C’est entre septante et nonante Qu’on voudrait prendre la tangente Refaire des galipettes encore Et tourner le dos à son sort. C’est entre septante et nonante Qu’on aime écouter les histoires Tout en sachant qu’on est la poire Des jolis rêves qui vous hantent. C’est entre septante et nonante Qu’on s’accroche d’une griffe affaiblie Aux années qui n’ont plus de prix Quand on voit le bas de la pente. C’est entre septante et nonante Qu’on tient le plus à ses pénates. De l’asile pourvu qu’on vous exempte Avant la dernière mise en boîte. Allez les septante les nonante ! Cessez donc de broyer du noir Car aujourd’hui l’âge vient tard Vous êtes jeunets et les ans mentent. Allez les septante les nonante ! Gaiement faites faire la culbute L’amour ne vous a pas dit zut Et soyez de ceux qui enchantent. Allez les septante les nonante ! Faites honneur aux cochonnailles Et empiffrez-vous aux ripailles Et reprenez de ce qui tente. Allez les septante les nonante ! N’avez point dit le dernier mot Et si l’on vous prend pour des sots Vous leur ferez voir qu’à nonante… Allez les septante les nonante ! Allez les septante les… ! Allez les sep… ! Allez… ! Ahhh… Fin.

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    E

    Esther Granek

    @estherGranek

    En gris L’homme est né de la terre, à la terre s’en retourne et redevient poussière. Ainsi les choses tournent. * Or, pour son plus grand bien, la nature a prévu qu’avant de n’être plus, gris-poussière l’homme devint. * Car si l’heureux destin lui prête longue vie, tout en l’homme devient gris, cheveu, poil, oeil et teint. * Ainsi, du grand passage s’amoindrit le dommage. C’est douce préparation, qu’on la camoufle ou non. * Et grisâtres mouvements et grisâtres pensées et grisâtres vêtements déjà l’ont imprégné. * Dans cette brume uniforme tous les vieux ont même forme comme antiques tapisseries tournant toutes au même gris. * Ainsi, du grand passage s’amoindrit le dommage…

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