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217 poésies en cours de vérification
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Poésies de la collection animaux

    Jean de La Fontaine

    Jean de La Fontaine

    @jeanDeLaFontaine

    La chauve-souris le buisson et le canard Le buisson, le canard et la chauve-souris, Voyant tous trois qu’en leur pays Ils faisaient petite fortune, Vont trafiquer au loin, et font bourse commune. Ils avaient des comptoirs, des facteurs, des agents Non moins soigneux qu’intelligents, Des registres exacts de mise et de recette. Tout allait bien; quand leur emplette, En passant par certains endroits, Remplis d’écueils, et fort étroits, Et de trajet très difficile, Alla tout emballée au fond des magasins Qui du Tartare sont voisins. Notre trio poussa maint regret inutile; Ou plutôt il n’en poussa point; Le plus petit marchand est savant sur ce point Pour sauver son crédit, il faut cacher sa perte. Celle que, par malheur, nos gens avaient soufferte Ne put se réparer le cas fut découvert. Les voilà sans crédit, sans argent, sans ressource, Prêts à porter le bonnet vert. Aucun ne leur ouvrit sa bourse. Et le sort principal, et les gros intérêts, Et les sergents et les procès, Et le créancier à la porte Dès devant la pointe du jour, N’occupaient le trio à chercher maint détour Pour contenter cette cohorte. Le buisson accrochait les passants à tous coups. « Messieurs, leur disait-il, de grâce, apprenez-nous En quel lieu sont les marchandises Que certains gouffres nous ont prises.» Le plongeon sous les eaux s’en allait les chercher. L’oiseau chauve-souris n’osait plus approcher Pendant le jour nulle demeure Suivi de sergents à toute heure, En des trous il s’allait cacher. Je connais maint detteur qui n’est ni souris-chauve, Ni buisson, ni canard, ni dans tel cas tombé, Mais simple grand seigneur, qui tous les jours se sauve Par un escalier dérobé.

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    Jean de La Fontaine

    Jean de La Fontaine

    @jeanDeLaFontaine

    La cigale et la fourmi La Cigale, ayant chanté tout l'été, Se trouva fort dépourvue Quand la bise fut venue : Pas un seul petit morceau De mouche ou de vermisseau. Elle alla crier famine Chez la Fourmi sa voisine, La priant de lui prêter Quelque grain pour subsister Jusqu'à la saison nouvelle. « Je vous paierai, lui dit-elle, Avant l'Oût, foi d'animal, Intérêt et principal. » La Fourmi n'est pas prêteuse : C'est là son moindre défaut. Que faisiez-vous au temps chaud ? Dit-elle à cette emprunteuse. - Nuit et jour à tout venant Je chantais, ne vous déplaise. - Vous chantiez ? j'en suis fort aise. Eh bien! dansez maintenant.

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    Jean de La Fontaine

    Jean de La Fontaine

    @jeanDeLaFontaine

    La colombe et la fourmi Le long d'un clair ruisseau buvait une Colombe, Quand sur l'eau se penchant une Fourmi y tombe. Et dans cet océan l'on eût vu la Fourmi S'efforcer, mais en vain, de regagner la rive. La Colombe aussitôt usa de charité : Un brin d'herbe dans l'eau par elle étant jeté, Ce fut un promontoire où la Fourmi arrive. Elle se sauve ; et là-dessus Passe un certain Croquant qui marchait les pieds nus. Ce Croquant, par hasard, avait une arbalète. Dès qu'il voit l'Oiseau de Vénus Il le croit en son pot, et déjà lui fait fête. Tandis qu'à le tuer mon Villageois s'apprête, La Fourmi le pique au talon. Le Vilain retourne la tête : La Colombe l'entend, part, et tire de long. Le soupé du Croquant avec elle s'envole : Point de Pigeon pour une obole.

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    Aimé Césaire

    Aimé Césaire

    @aimeCesaire

    Cheval A Pierre Loeb Mon cheval bute contre des crânes joués à la marelle de la rouille mon cheval se cabre dans un orage de nuages qui sont des putréfactions de chairs à naufrage mon cheval hennit dans la petite pluie de roses que fait mon sang dans le décor des fêtes foraines mon cheval bute aux buissons de cactus qui sont les nœuds de vipère de mes tourments mon cheval bute hennit et bute vers le rideau de sang de mon sang tiré sur tous les ruffians qui jouent aux dés mon sang mon cheval bute devant l'impossible flamme de la barre que hurlent les vésicules de mon sang Grand cheval mon sang mon sang vin de vomissure d'ivrogne je te le donne grand cheval je te donne mes oreilles pour en faire des naseaux sachant frémir mes cheveux pour en faire une crinière des mieux sauvages ma langue pour en faire des sabots de mustang je te les donne grand cheval pour que tu abordes à l'extrême limite de la fraternité les hommes d'ailleurs et de demain avec sur le dos un enfant aux lèvres à peine remuées qui pour toi désarmera la mie chlorophyllienne des vastes corbeaux de l'avenir.

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    Alain Bosquet

    Alain Bosquet

    @alainBosquet

    À un cheval Je trahis le cheval en l'appelant « cheval » car il mérite un nom plus beau, comme « crinière » ou « paturon ». Si je me tais, le temps d'un livre, je n'en suis que plus fourbe : un silence à brouter vaut-il une herbe ? Mon regard, qui le déforme, fait de lui, je ne sais de quel droit, un zébu, une antilope, une girafe au cou trop long, ce qui n'est pas flatteur. Souvent par amitié - ou est-ce par amour ? - j'imite son galop, et me voilà son frère, un bizarre poulain qui agite les bras et porte des lunettes. Tout est malentendu désormais entre nous : je l'admire en rêvant qu'il se met à écrire, lui qui n'a que mépris pour un pauvre poète.

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    Blotti comme un Oiseau Blotti comme un oiseau frileux au fond du nid, Les yeux sur ton profil, je songe à l'infini... Immobile sur les coussins brodés, j'évoque L'enchantement ancien, la radieuse époque, Et les rêves au ciel de tes yeux verts baignés ! Et je revis, parmi les objets imprégnés De ton parfum intime et cher, l'ancienne année Celle qui flotte encor dans ta robe fanée... Je t'aime ingénument. Je t'aime pour te voir. Ta voix me sonne au cœur comme un chant dans le soir. Et penché sur ton cou, doux comme les calices, J'épuise goutte à goutte, en amères délices, Pendant que mon soleil décroît à l'horizon Le charme douloureux de l'arrière-saison.

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    La grenouille En ramassant un fruit dans l'herbe qu'elle fouille, Chloris vient d'entrevoir la petite grenouille Qui, peureuse, et craignant justement pour son sort, Dans l'ombre se détend soudain comme un ressort, Et, rapide, écartant et rapprochant les pattes, Saute dans les fraisiers, et, parmi les tomates, Se hâte vers la mare, où, flairant le danger, Ses sœurs, l'une après l'autre, à la hâte ont plongé. Dix fois déjà Chloris, à la chasse animée, L'a prise sous sa main brusquement refermée ; Mais, plus adroite qu'elle, et plus prompte, dix fois La petite grenouille a glissé dans ses doigts. Chloris la tient enfin ; Chloris chante victoire ! Chloris aux yeux d'azur de sa mère est la gloire. Sa beauté rit au ciel ; sous son large chapeau Ses cheveux blonds coulant comme un double ruisseau Couvrent d'un voile d'or les roses de sa joue ; Et le plus clair sourire à ses lèvres se joue. Curieuse, elle observe et n'est point sans émoi À l'étrange contact du corps vivant et froid. La petite grenouille en tremblant la regarde, Et Chloris dont la main lentement se hasarde A pitié de sentir, affolé par la peur, Si fort entre ses doigts battre le petit cœur.

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    La tourterelle d'Amymone Amymone en ses bras a pris sa tourterelle, Et, la serrant toujours plus doucement contre elle, Se plaît à voir l'oiseau, docile à son désir, Entre ses jeunes seins roucouler de plaisir. Même elle veut encor que son bec moins farouche Cueille les grains posés sur le bord de sa bouche, Puis, inclinant la joue au plumage neigeux, Et, toujours plus câline et plus tendre en ses jeux, Elle caresse au long des plumes son visage, Et sourit, en frôlant son épaule au passage, De sentir, rougissant chaque fois d'y penser, Son épaule plus douce encore à caresser.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    La nuit de Mai Poète, prends ton luth et me donne un baiser ; La fleur de l’églantier sent ses bourgeons éclore, Le printemps naît ce soir ; les vents vont s’embraser ; Et la bergeronnette, en attendant l’aurore, Aux premiers buissons verts commence à se poser. Poète, prends ton luth, et me donne un baiser. LE POÈTE Comme il fait noir dans la vallée ! J’ai cru qu’une forme voilée Flottait là-bas sur la forêt. Elle sortait de la prairie ; Son pied rasait l’herbe fleurie ; C’est une étrange rêverie ; Elle s’efface et disparaît. LA MUSE Poète, prends ton luth ; la nuit, sur la pelouse, Balance le zéphyr dans son voile odorant. La rose, vierge encor, se referme jalouse Sur le frelon nacré qu’elle enivre en mourant. Écoute ! tout se tait ; songe à ta bien-aimée. Ce soir, sous les tilleuls, à la sombre ramée Le rayon du couchant laisse un adieu plus doux. Ce soir, tout va fleurir : l’immortelle nature Se remplit de parfums, d’amour et de murmure, Comme le lit joyeux de deux jeunes époux. LE POÈTE Pourquoi mon coeur bat-il si vite ? Qu’ai-je donc en moi qui s’agite Dont je me sens épouvanté ? Ne frappe-t-on pas à ma porte ? Pourquoi ma lampe à demi morte M’éblouit-elle de clarté ? Dieu puissant ! tout mon corps frissonne. Qui vient ? qui m’appelle ? – Personne. Je suis seul ; c’est l’heure qui sonne ; Ô solitude ! ô pauvreté ! LA MUSE Poète, prends ton luth ; le vin de la jeunesse Fermente cette nuit dans les veines de Dieu. Mon sein est inquiet ; la volupté l’oppresse, Et les vents altérés m’ont mis la lèvre en feu. Ô paresseux enfant ! regarde, je suis belle. Notre premier baiser, ne t’en souviens-tu pas, Quand je te vis si pâle au toucher de mon aile, Et que, les yeux en pleurs, tu tombas dans mes bras ? Ah ! je t’ai consolé d’une amère souffrance ! Hélas ! bien jeune encor, tu te mourais d’amour. Console-moi ce soir, je me meurs d’espérance ; J’ai besoin de prier pour vivre jusqu’au jour. LE POÈTE Est-ce toi dont la voix m’appelle, Ô ma pauvre Muse ! est-ce toi ? Ô ma fleur ! ô mon immortelle ! Seul être pudique et fidèle Où vive encor l’amour de moi ! Oui, te voilà, c’est toi, ma blonde, C’est toi, ma maîtresse et ma soeur ! Et je sens, dans la nuit profonde, De ta robe d’or qui m’inonde Les rayons glisser dans mon coeur. LA MUSE Poète, prends ton luth ; c’est moi, ton immortelle, Qui t’ai vu cette nuit triste et silencieux, Et qui, comme un oiseau que sa couvée appelle, Pour pleurer avec toi descends du haut des cieux. Viens, tu souffres, ami. Quelque ennui solitaire Te ronge, quelque chose a gémi dans ton coeur ; Quelque amour t’est venu, comme on en voit sur terre, Une ombre de plaisir, un semblant de bonheur. Viens, chantons devant Dieu ; chantons dans tes pensées, Dans tes plaisirs perdus, dans tes peines passées ; Partons, dans un baiser, pour un monde inconnu, Éveillons au hasard les échos de ta vie, Parlons-nous de bonheur, de gloire et de folie, Et que ce soit un rêve, et le premier venu. Inventons quelque part des lieux où l’on oublie ; Partons, nous sommes seuls, l’univers est à nous. Voici la verte Écosse et la brune Italie, Et la Grèce, ma mère, où le miel est si doux, Argos, et Ptéléon, ville des hécatombes, Et Messa la divine, agréable aux colombes, Et le front chevelu du Pélion changeant ; Et le bleu Titarèse, et le golfe d’argent Qui montre dans ses eaux, où le cygne se mire, La blanche Oloossone à la blanche Camyre. Dis-moi, quel songe d’or nos chants vont-ils bercer ? D’où vont venir les pleurs que nous allons verser ? Ce matin, quand le jour a frappé ta paupière, Quel séraphin pensif, courbé sur ton chevet, Secouait des lilas dans sa robe légère, Et te contait tout bas les amours qu’il rêvait ? Chanterons-nous l’espoir, la tristesse ou la joie ? Tremperons-nous de sang les bataillons d’acier ? Suspendrons-nous l’amant sur l’échelle de soie ? Jetterons-nous au vent l’écume du coursier ? Dirons-nous quelle main, dans les lampes sans nombre De la maison céleste, allume nuit et jour L’huile sainte de vie et d’éternel amour ? Crierons-nous à Tarquin :  » Il est temps, voici l’ombre ! «  Descendrons-nous cueillir la perle au fond des mers ? Mènerons-nous la chèvre aux ébéniers amers ? Montrerons-nous le ciel à la Mélancolie ? Suivrons-nous le chasseur sur les monts escarpés ? La biche le regarde ; elle pleure et supplie ; Sa bruyère l’attend ; ses faons sont nouveau-nés ; Il se baisse, il l’égorge, il jette à la curée Sur les chiens en sueur son coeur encor vivant. Peindrons-nous une vierge à la joue empourprée, S’en allant à la messe, un page la suivant, Et d’un regard distrait, à côté de sa mère, Sur sa lèvre entr’ouverte oubliant sa prière ? Elle écoute en tremblant, dans l’écho du pilier, Résonner l’éperon d’un hardi cavalier. Dirons-nous aux héros des vieux temps de la France De monter tout armés aux créneaux de leurs tours, Et de ressusciter la naïve romance Que leur gloire oubliée apprit aux troubadours ? Vêtirons-nous de blanc une molle élégie ? L’homme de Waterloo nous dira-t-il sa vie, Et ce qu’il a fauché du troupeau des humains Avant que l’envoyé de la nuit éternelle Vînt sur son tertre vert l’abattre d’un coup d’aile, Et sur son coeur de fer lui croiser les deux mains ? Clouerons-nous au poteau d’une satire altière Le nom sept fois vendu d’un pâle pamphlétaire, Qui, poussé par la faim, du fond de son oubli, S’en vient, tout grelottant d’envie et d’impuissance, Sur le front du génie insulter l’espérance, Et mordre le laurier que son souffle a sali ? Prends ton luth ! prends ton luth ! je ne peux plus me taire ; Mon aile me soulève au souffle du printemps. Le vent va m’emporter ; je vais quitter la terre. Une larme de toi ! Dieu m’écoute ; il est temps. LE POÈTE S’il ne te faut, ma soeur chérie, Qu’un baiser d’une lèvre amie Et qu’une larme de mes yeux, Je te les donnerai sans peine ; De nos amours qu’il te souvienne, Si tu remontes dans les cieux. Je ne chante ni l’espérance, Ni la gloire, ni le bonheur, Hélas ! pas même la souffrance. La bouche garde le silence Pour écouter parler le coeur. LA MUSE Crois-tu donc que je sois comme le vent d’automne, Qui se nourrit de pleurs jusque sur un tombeau, Et pour qui la douleur n’est qu’une goutte d’eau ? Ô poète ! un baiser, c’est moi qui te le donne. L’herbe que je voulais arracher de ce lieu, C’est ton oisiveté ; ta douleur est à Dieu. Quel que soit le souci que ta jeunesse endure, Laisse-la s’élargir, cette sainte blessure Que les noirs séraphins t’ont faite au fond du coeur : Rien ne nous rend si grands qu’une grande douleur. Mais, pour en être atteint, ne crois pas, ô poète, Que ta voix ici-bas doive rester muette. Les plus désespérés sont les chants les plus beaux, Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots. Lorsque le pélican, lassé d’un long voyage, Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux, Ses petits affamés courent sur le rivage En le voyant au loin s’abattre sur les eaux. Déjà, croyant saisir et partager leur proie, Ils courent à leur père avec des cris de joie En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux. Lui, gagnant à pas lents une roche élevée, De son aile pendante abritant sa couvée, Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux. Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte ; En vain il a des mers fouillé la profondeur ; L’Océan était vide et la plage déserte ; Pour toute nourriture il apporte son coeur. Sombre et silencieux, étendu sur la pierre Partageant à ses fils ses entrailles de père, Dans son amour sublime il berce sa douleur, Et, regardant couler sa sanglante mamelle, Sur son festin de mort il s’affaisse et chancelle, Ivre de volupté, de tendresse et d’horreur. Mais parfois, au milieu du divin sacrifice, Fatigué de mourir dans un trop long supplice, Il craint que ses enfants ne le laissent vivant ; Alors il se soulève, ouvre son aile au vent, Et, se frappant le coeur avec un cri sauvage, Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu, Que les oiseaux des mers désertent le rivage, Et que le voyageur attardé sur la plage, Sentant passer la mort, se recommande à Dieu. Poète, c’est ainsi que font les grands poètes. Ils laissent s’égayer ceux qui vivent un temps ; Mais les festins humains qu’ils servent à leurs fêtes Ressemblent la plupart à ceux des pélicans. Quand ils parlent ainsi d’espérances trompées, De tristesse et d’oubli, d’amour et de malheur, Ce n’est pas un concert à dilater le coeur. Leurs déclamations sont comme des épées : Elles tracent dans l’air un cercle éblouissant, Mais il y pend toujours quelque goutte de sang. LE POÈTE Ô Muse ! spectre insatiable, Ne m’en demande pas si long. L’homme n’écrit rien sur le sable À l’heure où passe l’aquilon. J’ai vu le temps où ma jeunesse Sur mes lèvres était sans cesse Prête à chanter comme un oiseau ; Mais j’ai souffert un dur martyre, Et le moins que j’en pourrais dire, Si je l’essayais sur ma lyre, La briserait comme un roseau.

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    Alfred de Vigny

    Alfred de Vigny

    @alfredDeVigny

    La mort du loup I Les nuages couraient sur la lune enflammée Comme sur l'incendie on voit fuir la fumée, Et les bois étaient noirs jusques à l'horizon. Nous marchions sans parler, dans l'humide gazon, Dans la bruyère épaisse et dans les hautes brandes, Lorsque, sous des sapins pareils à ceux des Landes, Nous avons aperçu les grands ongles marqués Par les loups voyageurs que nous avions traqués. Nous avons écouté, retenant notre haleine Et le pas suspendu. - Ni le bois, ni la plaine Ne poussait un soupir dans les airs ; Seulement La girouette en deuil criait au firmament ; Car le vent élevé bien au dessus des terres, N'effleurait de ses pieds que les tours solitaires, Et les chênes d'en-bas, contre les rocs penchés, Sur leurs coudes semblaient endormis et couchés. Rien ne bruissait donc, lorsque baissant la tête, Le plus vieux des chasseurs qui s'étaient mis en quête A regardé le sable en s'y couchant ; Bientôt, Lui que jamais ici on ne vit en défaut, A déclaré tout bas que ces marques récentes Annonçaient la démarche et les griffes puissantes De deux grands loups-cerviers et de deux louveteaux. Nous avons tous alors préparé nos couteaux, Et, cachant nos fusils et leurs lueurs trop blanches, Nous allions pas à pas en écartant les branches. Trois s'arrêtent, et moi, cherchant ce qu'ils voyaient, J'aperçois tout à coup deux yeux qui flamboyaient, Et je vois au delà quatre formes légères Qui dansaient sous la lune au milieu des bruyères, Comme font chaque jour, à grand bruit sous nos yeux, Quand le maître revient, les lévriers joyeux. Leur forme était semblable et semblable la danse ; Mais les enfants du loup se jouaient en silence, Sachant bien qu'à deux pas, ne dormant qu'à demi, Se couche dans ses murs l'homme, leur ennemi. Le père était debout, et plus loin, contre un arbre, Sa louve reposait comme celle de marbre Qu'adoraient les romains, et dont les flancs velus Couvaient les demi-dieux Rémus et Romulus. Le Loup vient et s'assied, les deux jambes dressées Par leurs ongles crochus dans le sable enfoncées. Il s'est jugé perdu, puisqu'il était surpris, Sa retraite coupée et tous ses chemins pris ; Alors il a saisi, dans sa gueule brûlante, Du chien le plus hardi la gorge pantelante Et n'a pas desserré ses mâchoires de fer, Malgré nos coups de feu qui traversaient sa chair Et nos couteaux aigus qui, comme des tenailles, Se croisaient en plongeant dans ses larges entrailles, Jusqu'au dernier moment où le chien étranglé, Mort longtemps avant lui, sous ses pieds a roulé. Le Loup le quitte alors et puis il nous regarde. Les couteaux lui restaient au flanc jusqu'à la garde, Le clouaient au gazon tout baigné dans son sang ; Nos fusils l'entouraient en sinistre croissant. Il nous regarde encore, ensuite il se recouche, Tout en léchant le sang répandu sur sa bouche, Et, sans daigner savoir comment il a péri, Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri.

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Le lézard Sur les ruines de Rome. Un jour, seul dans le Colisée, Ruine de l’orgueil romain, Sur l’herbe de sang arrosée Je m’assis, Tacite à la main. Je lisais les crimes de Rome, Et l’empire à l’encan vendu, Et, pour élever un seul homme, L’univers si bas descendu. Je voyais la plèbe idolâtre, Saluant les triomphateurs, Baigner ses yeux sur le théâtre Dans le sang des gladiateurs. Sur la muraille qui l’incruste, Je recomposais lentement Les lettres du nom de l’Auguste Qui dédia le monument. J’en épelais le premier signe : Mais, déconcertant mes regards, Un lézard dormait sur la ligne Où brillait le nom des Césars. Seul héritier des sept collines, Seul habitant de ces débris, Il remplaçait sous ces ruines Le grand flot des peuples taris. Sorti des fentes des murailles, Il venait, de froid engourdi, Réchauffer ses vertes écailles Au contact du bronze attiédi. Consul, César, maître du monde, Pontife, Auguste, égal aux dieux, L’ombre de ce reptile immonde Éclipsait ta gloire à mes yeux ! La nature a son ironie Le livre échappa de ma main. Ô Tacite, tout ton génie Raille moins fort l’orgueil humain !

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Le papillon Naître avec le printemps, mourir avec les roses, Sur l’aile du zéphyr nager dans un ciel pur, Balancé sur le sein des fleurs à peine écloses, S’enivrer de parfums, de lumière et d’azur, Secouant, jeune encor, la poudre de ses ailes, S’envoler comme un souffle aux voûtes éternelles, Voilà du papillon le destin enchanté! Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose, Et sans se satisfaire, effleurant toute chose, Retourne enfin au ciel chercher la volupté!

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    A l’hirondelle Fille de Pandion, ô jeune Athénienne, La cigale est ta proie, hirondelle inhumaine, Et nourrit tes petits qui, débiles encor, Nus, tremblants, dans les airs n’osent prendre l’essor. Tu voles ; comme toi la cigale a des ailes. Tu chantes ; elle chante. A vos chansons fidèles Le moissonneur s’égaye, et l’automne orageux En des climats lointains vous chasse toutes deux. Oses-tu donc porter, dans ta cruelle joie, A ton nid sans pitié cette innocente proie ? Et faut-il voir périr un chanteur sans appui Sous la morsure, hélas ! d’un chanteur comme lui !

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    Les colombes Deux belles s’étaient baisées… Le poëte-berger, témoin jaloux de leurs caresses, chante ainsi : « Que les deux beaux oiseaux, les colombes fidèles, Se baisent. Pour s’aimer les dieux les firent belles. Sous leur tête mobile, un cou blanc, délicat, Se plie, et de la neige effacerait l’éclat. Leur voix est pure et tendre, et leur âme innocente. Leurs yeux doux et sereins, leur bouche caressante. L’une a dit à sa sœur : « Ma sœur, . . . . . . . . En un tel lieu croissent l’orge et le millet… L’autour et l’oiseleur, ennemis de nos jours, De ce réduit, peut-être, ignorent les détours ; Viens… Je te choisirai moi-même les graines que tu aimes, et mon bec s’entrelacera dans le tien. » ……………….. L’autre a dit à sa sœur : « Ma sœur, une fontaine Coule dans ce bosquet………. L’oie ni le canard n’en ont jamais souillé les eaux, ni leurs cris… Viens, nous y trouverons une boisson pure, et nous y baignerons notre tête et nos ailes, et mon bec ira polir ton plumage. » — Elles vont, elles se promènent en roucoulant au bord de l’eau ; elles boivent, se baignent, mangent ; puis, sur un rameau, leurs becs s’entrelacent ; elles se polissent leur plumage l’une à l’autre. Le voyageur, passant en ces fraîches campagnes, Dit : « Oh ! les beaux oiseaux ! oh ! les belles compagnes ! » Il s’arrêta longtemps à contempler leurs jeux ; Puis, reprenant sa route et les suivant des yeux, Dit : « Baisez-vous, baisez-vous, colombes innocentes ! Vos cœurs sont doux et purs, et vos voix caressantes ; Sous votre aimable tête, un cou blanc, délicat, Se plie, et de la neige effacerait l’éclat. »

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    A

    André Lemoyne

    @andreLemoyne

    Amours d'oiseaux À Philippe Gille. I. Deux ramiers voyageurs, emperlés de rosée, Ont abattu leur vol au bord de ma croisée Ouverte à l'orient... Je les ai reconnus, Car chez moi, l'an passé, tous deux étaient venus. Ces deux beaux pèlerins m'arrivent de Bohême, À l'époque où fleurit le petit maïanthème, Et dans les bras noueux de mon grand châtaignier Bercent leur nid d'amour comme au printemps dernier. Dans leur farouche instinct de liberté sauvage, Trop fiers pour jamais vivre en honteux esclavage, Ils reviennent pourtant sous mon toit familier, La queue en éventail et gonflant leur collier. S'ils ont pris le chemin de ma haute fenêtre, C'est qu'un coup d'œil d'oiseau suffit pour me connaître, C'est qu'ils sont là chez eux, que tout leur est permis ; C'est qu'ils n'ont trouvé là que des regards amis. L'amoureux au col blanc profondément salue L'heureuse bien-aimée, avec grâce évolue Et, roucoulant près d'elle, en fait dix fois le tour, Comme la croyant sourde à ses phrases d'amour. Riche de souvenirs, le cœur chaud d'espérances, Multipliant très bas ses graves révérences, S'il la voit, comme en rêve, ouvrant des yeux troublés, Dans un rapide éclair tous ses vœux sont comblés. II. Ne s'inquiétant pas de moi, qui les regarde, Ils m'ont dit sans parler : « Ami, que Dieu te garde, Après ton âge mûr, de vivre trop longtemps. Nous restons dans nos bois au plus quinze ou vingt ans ; « Quand nous cessons d'aimer, à quoi bon nous survivre ? N'attends pas la saison des vents froids et du givre Pour t'en aller dormir sous les hauts gazons verts, Car plus tard, sans amour, tristes sont les hivers.

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    A

    André Lemoyne

    @andreLemoyne

    Nocturne À Madame Fernand Barthe Quand la lune apparaît, silencieuse amie, Dans le cœur embaumé d'une rose endormie Je me blottis sans crainte et jusqu'au lendemain. LE CRIOCÈRE. Moi, c'est dans un grand lys à corolle d'ivoire Que, le soir, je commence à perdre la mémoire En repliant mes deux élytres de carmin. Et toi, la coccinelle, où se trouve ton gîte ? LA COCCINELLE. Je tiens si peu de place !... une feuille m'abrite. Sous ma chape à sept points, je m'endors n'importe où. LE POÈTE. Petits joyaux d'amour, que le ciel vous préserve D'un sournois emplumé, vieil oiseau de Minerve, Qui voit clair dans la nuit en sortant de son trou.

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    A

    André Lemoyne

    @andreLemoyne

    Propos aériens À madame Ernest Courbet LE PAPILLON. Où t'endors-tu, le soir, pauvre petite abeille, Butineuse des fleurs, qui t'en vas picorant Dès la pointe du jour, quand l'aube se réveille, Jusqu'au dernier rayon du soleil expirant ? L'ABEILLE. Sans trop hâter mon vol, c'est à moins d'un quart d'heure Dans le creux d'un vieux chêne, à ma ruche des bois, Juste au pied du grand arbre où, tous les ans, demeure Un couple de ramiers dans son nid d'autrefois. LE PAPILLON. Pour tes gâteaux de miel rapidement tu voles... Je te vois disparaître au bord des grands lys blancs, Roulée à corps perdu dans le fond des corolles Qui doivent t'enivrer de leurs parfums troublants ; Mais j'admire toujours l'active travailleuse, Dont le travail est pur, dont le travail est saint, Faite pour accomplir sa tâche merveilleuse, Dont s'honore à bon droit la reine de l'essaim. L'ABEILLE. Toi qui pars en zigzag comme un éclat de foudre, Pourquoi donc ce caprice ? LE PAPILLON. Afin que dans son vol Un bec d'oiseau jaseur ne puisse nous découdre. Je ris d'un martinet passant au ras du sol. Que faites- vous l'hiver ? L'ABEILLE. En grappes léthargiques, Sans oreilles, sans yeux, sans entendre, sans voir, Longuement nous rêvons de belles fleurs magiques Dans la ruche bien close où dès lors tout est noir. LE PAPILLON. Nous, dans la saison froide et sombre de l'année, Nous n'aimons pas à voir nos grands lys se flétrir ; Notre vie est bien courte, hélas ! mais fortunée. Quand sont mortes les fleurs, nous préférons mourir.

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    A

    André Lemoyne

    @andreLemoyne

    Rêve d'oiseau À Mademoiselle Bertbe Wells. Sous les fleurs d'églantier nouvellement écloses, Près d'un nid embaumé dans le parfum des roses, Quand la forêt dormait immobile et sans bruit, Le rossignol avait chanté toute la nuit. Quand les bois s'éclairaient au réveil de l'aurore, Le fortuné chanteur vocalisait encore. Sous les grands hêtres verts qui lui filtraient le jour, La reine de son cœur veillait au nid d'amour. Dans le berceau de mousse il revint d'un coup d'aile, Impatient alors de se rapprocher d'elle. Puis le maître divin dormit profondément... Mais parfois il chantait dans son rêve en dormant. « Les yeux fermés, il pense encore à moi, » dit-elle, Heureuse d'être aimée, heureuse d'être belle.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Faim Si j’ai du goût, ce n’est guère Que pour la terre et les pierres. Je déjeune toujours d’air, De roc, de charbons, de fer. Mes faims, tournez. Paissez, faims, Le pré des sons. Attirez le gai venin Des liserons. Mangez les cailloux qu’on brise, Les vieilles pierres d’églises ; Les galets des vieux déluges, Pains semés dans les vallées grises. *** Le loup criait sous les feuilles En crachant les belles plumes De son repas de volailles : Comme lui je me consume. Les salades, les fruits N’attendent que la cueillette ; Mais l’araignée de la haie Ne mange que des violettes. Que je dorme ! que je bouille Aux autels de Salomon. Le bouillon court sur la rouille, Et se mêle au Cédron.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Le loup criait Le loup criait sous les feuilles En crachant les belles plumes De son repas de volailles : Comme lui je me consume. Les salades, les fruits N’attendent que la cueillette ; Mais l’araignée de la haie Ne mange que des violettes. Que je dorme ! que je bouille Aux autels de Salomon. Le bouillon court sur la rouille, Et se mêle au Cédron.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Les chercheuses de poux Quand le front de l'enfant, plein de rouges tourmentes, Implore l'essaim blanc des rêves indistincts, Il vient près de son lit deux grandes sœurs charmantes Avec de frêles doigts aux ongles argentins.

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    Auguste Barbier

    Auguste Barbier

    @augusteBarbier

    L'idole Ô Corse à cheveux plats ! que ta France était belle Au grand soleil de messidor ! C'était une cavale indomptable et rebelle, Sans frein d'acier ni rênes d'or ; Une jument sauvage à la croupe rustique, Fumante encor du sang des rois, Mais fière, et d'un pied fort heurtant le sol antique, Libre pour la première fois. Jamais aucune main n'avait passé sur elle Pour la flétrir et l'outrager ; Jamais ses larges flancs n'avaient porté la selle Et le harnais de l'étranger ; Tout son poil était vierge, et, belle vagabonde, L'œil haut, la croupe en mouvement, Sur ses jarrets dressée, elle effrayait le monde Du bruit de son hennissement. Tu parus, et sitôt que tu vis son allure, Ses reins si souples et dispos, Dompteur audacieux tu pris sa chevelure, Tu montas botté sur son dos. Alors, comme elle aimait les rumeurs de la guerre, La poudre, les tambours battants, Pour champ de course, alors tu lui donnas la terre Et des combats pour passe-temps : Alors, plus de repos, plus de nuits, plus de sommes, Toujours l'air, toujours le travail. Toujours comme du sable écraser des corps d'hommes, Toujours du sang jusqu'au poitrail. Quinze ans son dur sabot, dans sa course rapide, Broya les générations ; Quinze ans elle passa, fumante, à toute bride, Sur le ventre des nations ; Enfin, lasse d'aller sans finir sa carrière, D'aller sans user son chemin, De pétrir l'univers, et comme une poussière De soulever le genre humain ; Les jarrets épuisés, haletante, sans force Et fléchissant à chaque pas, Elle demanda grâce à son cavalier corse ; Mais, bourreau, tu n'écoutas pas ! Tu la pressas plus fort de ta cuisse nerveuse, Pour étouffer ses cris ardents, Tu retournas le mors dans sa bouche baveuse, De fureur tu brisas ses dents ; Elle se releva : mais un jour de bataille, Ne pouvant plus mordre ses freins, Mourante, elle tomba sur un lit de mitraille Et du coup te cassa les reins.

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    A

    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    Aux Hirondelles De l’aile effleurant mon visage, Volez, doux oiseaux de passage, Volez sans peur tout près de moi ! Avec amour je vous salue ; Descendez du haut de la nue, Volez, et n’ayez nul effroi ! Des mois d’or aux heures légères, Venez, rapides messagères, Venez, mes sœurs, je vous attends ! Comme vous je hais la froidure, Comme vous j’aime la verdure, Comme vous j’aime le printemps ! Vous qui des pays de l’aurore Nous arrivez tièdes encore, Dites, les froids vont donc finir ! Ah ! contez-nous de jeunes choses, Parlez-nous de nids et de roses, Parlez-nous d’un doux avenir ! Parlez-moi de soleil et d’ondes, D’épis flottants, de plaines blondes, De jours dorés, d’horizons verts ; De la terre enfin réveillée, Qui se mourait froide et mouillée Sous le dais brumeux des hivers. L’hiver, c’est le deuil de la terre ! Les arbres n’ont plus leur mystère ; Oiseaux et bardes sont sans toits ; Une bise à l’aile glacée A nos fronts tarit la pensée, Tarit la sève au front des bois. Le ciel est gris, l’eau sans murmure, Et tout se meurt ; sur la nature S’étend le linceul des frimas. Heureux, alors, sur d’autres plages, Ceux qui vont chercher les feuillages Et les beaux jours des beaux climats ! O très heureuses hirondelles ! Si comme vous j’avais des ailes, J’irais me baigner d’air vermeil ; Et, loin de moi laissant les ombres, Je fuirais toujours les cieux sombres Pour toujours suivre le soleil ! Saint-Nazaire, avril 1840

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    A

    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    Le bengali et le rossignol Il était né dans la rizière Qui borde l’étang de Saint-Paul. Heureux, il vivait de lumière, De chant libre et de libre vol. Poète ailé de la savane, Du jour épiant les lueurs, Il disait l’aube diaphane, Bercé sur la fataque en fleurs. Il hantait les gérofleries Aux belles grappes de corail Et, parmi les touffes fleuries, Lustrait au soleil son poitrail. Il allait plongeant son bec rose, Au gré de son caprice errant, Dans le fruit blond de la jam-rose, Dans l’onde fraîche du torrent. A midi, sous l’asile agreste Du ravin au vent tiède et doux, Ivre d’aise, il faisait la sieste Au bruit de l’eau sous les bambous. Puis dans quelque source discrète, Bleu bassin sous l’ombrage épars, Baignant sa gorge violette, Il courait sur les nénuphars. Quand l’astre au bord de mers s’incline, Empourprant l’horizon vermeil, Il descendait de la colline Pour voir se coucher le soleil ; Et sur le palmier de la grève, Et devant l’orbe radieux, Au vent du large qui se lève, Du jour il chantait les adieux ; Et la nuit magnifique et douce D’étoiles remplissant l’éther, Il regagnait son lit de mousse Sous les touffes du vétiver. C’est là que l’oiseleur cupide, Le guettant dans l’obscurité, Ferma sur lui sa main rapide Et lui ravit la liberté. Dès lors il subit l’esclavage. Un marin, chez nous étranger, L’emmena de son doux rivage Sur mer avec lui voyager. C’est ainsi qu’il connut la France. Quand il y vint, le jeune Été, Vêtu d’azur et d’espérance, Resplendissait dans sa beauté. Partout, sur les monts, dans la plaine, Brillait un ciel oriental : L’exilé de l’île africaine Se crut sous un climat natal. Mais vint l’automne aux froides brumes, La neige au loin blanchissant l’air ; Il sentit courir sous ses plumes Les âpres frissons de l’hiver. Rêvant à l’île maternelle Aux nuits tièdes comme les jours, Il mit sa tête sous son aile, Et s’endormit, et pour toujours ! C’était un enfant des rizières, Des champs de canne et de maïs : En proie aux bises meurtrières, Il mourut plein de son pays. LE ROSSIGNOL Il est né, lui, sous un chêne, Dans un buisson de frais lilas : Le bruit de la source prochaine, Le souffle embaumé de la plaine Ont bercé ses premiers ébats. La nature à son brun corsage Refusa les riches couleurs ; Modeste et fauve est son plumage ; Mais il est roi par son ramage, Roi du peuple ailé des chanteurs. Du printemps c’est lui le poète. L’hiver a-t-il fini son cours, Heureux de vivre et l’âme en fête, A la forêt longtemps muette Il dit le réveil des beaux jours. Ce n’est pas l’ardente lumière Qu’il veut sous des cieux azurés, Mais cette clarté printanière Que verse en mai sur la clairière L’aube rose ou les soirs dorés. Ce n’est pas le torrent sauvage Qui parle à son instinct chanteur, Mais le ruisseau qui sous l’ombrage Mêle au murmure du feuillage Son onde au rythme inspirateur. Quand le muguet de ses clochettes Blanchit l’herbe sous les grands bois, Caché dans les branches discrètes, Il remplit leurs vertes retraites Des éclats vibrants de sa voix. Quand de l’azur crépusculaire Le soir, à pas silencieux, Descend et couvre au loin la terre, Il chante l’ombre et son mystère, Il chante la beauté des cieux ! Quand d’astres d’or l’air s’illumine, Beaux lys au ciel épanouis, Allant du chêne à l’aubépine, Il charme de sa voix divine Le silence étoilé des nuits. Telle il vivait sa vie heureuse, Oublieux des jours inconstants ; Et son âme mélodieuse Versait l’ivresse radieuse Qui déborde en elle au printemps. Printemps et bonheur, rien ne dure. O loi fatale ! après l’été, L’hiver à la bise âpre et dure ; Une cage au lieu de verdure ! Des fers au lieu de liberté ! Un fils de mon île bénie, Poète errant, esprit pensif, Voyant la muette agonie De ce grand maître en harmonie, Eut pitié du chanteur captif. Il l’emmena sur nos rivages, Dans l’île aux monts bleus, au beau ciel, Rêvant pour lui, sur d’autres plages, De libres chants sous des feuillages Que baigne un soleil éternel. Peut-être voulait-il encore Doter nos monts, doter nos bois, Nos soirs de lune et notre aurore, De ce barde au gosier sonore Et des merveilles de sa voix. Quand cet enfant du Nord prit terre Chez nous, par la vague apporté, Sur notre rive hospitalière, Avec sa voix et la lumière Il retrouva la liberté. Ouvrant son aile délivrée Et fendant l’air, le prisonnier, L’œil ébloui, l’âme enivrée, Vint cacher sa fuite égarée Dans les branches d’un citronnier ; Du citronnier de la ravine, Où la Source aux rochers boisés Étend sa nappe cristalline : Frais Éden fait de paix divine, D’ombre et de rayons tamisés. Autour de lui tout est silence, Onde et fraîcheur, brise et clarté : Ravi, soudain au ciel il lance, Avec son chant de délivrance, Son hymne à l’hospitalité. Il dit la molle quiétude Des bois, l’air suave et léger, Et l’astre dans sa plénitude, Et cette ombreuse solitude, Si douce aux yeux de l’étranger. Il chante les eaux diaphanes Où le ciel aime à se mirer ; Il chante… et l’oiseau des savanes Se tait, blotti dans les lianes, Pour mieux l’entendre et l’admirer. Hélas ! sous ce climat de flamme, Éperdu, d’accord en accord De sa fièvre épuisant la gamme, Dans sa voix exhalant son âme, Parmi les fleurs il tomba mort ! Il était né sous le grand chêne, Dans un buisson de frais lilas. Le flot des jours au loin l’entraîne. La mort, dans une île africaine, Noir vautour, l’attendait, hélas ! Près de la Source aux blocs de lave Repose en paix, roi des chanteurs ! Dans ce lieu sauvage et suave, Toi qui ne sus pas être esclave, Repose libre au sein des fleurs ! Instinct natal ! ô loi première ! Que cher à tout être à l’endroit Où s’ouvrit au jour sa paupière ! Le rossignol meurt de lumière, Le bengali mouru

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    A

    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    Les oiseaux Enfants des airs, heureux oiseaux, lyres ailées, Qui passez si légers, si libres dans les champs ; Hôtes harmonieux des monts et des vallées, Qui dépensez vos jours dans la joie et les chants ; Poètes qui chantez en tous lieux, à toute heure, Ignorant les soucis dont l’homme est agité ; Qui, le soir, dans les bois trouvez une demeure, Et dans l’air, le matin, trouvez la liberté ; Rivaux heureux, rivaux aux chansons éternelles, Que je vous porte envie en vous suivant des yeux ! Quand la terre a blessé vos pieds, ouvrant les ailes, Vous pouvez fuir du moins et monter vers les cieux. Vous prodiguant les biens dont la nature est pleine, Le sort vous livre tout sans lutte et sans combats ; Sans suspendre vos chants vous trouvez dans la plaine L’eau claire et l’épi mûr que nous n’y trouvons pas. Le ciel qui vous sourit est pour nous bien austère ; Il a courbé nos jours sous un bien lourd fardeau : Pour rafraîchir les fronts que la pensée altère, Les rameaux n’ont point d’ombre et les fleurs n’ont point d’eau. Chanteurs favorisés, ô voix pleines de charmes ! Oui ! la terre vous aime, oui ! le sort vous est doux. Bénissez donc le ciel, oiseaux, gosiers sans larmes ! Bénissez-le pour vous et priez-le pour nous ! Priez Dieu qu’il nous fasse, après les jours contraires, Et des cieux plus cléments et des soleils meilleurs ; Priez Dieu pour qu’il donne aux poètes, vos frères, Un épi dans la plaine et de l’eau dans les fleurs. ENVOI AU POÈTE OCTAVE LACROIX De l’oiseau vous avez, ami, la voix et l’aile ; Comme lui vous fuyez la terre pour le ciel. A l’idéal en vous le poète est fidèle : Vous aimez, vous chantez, cœur d’or, esprit sans fiel.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    L'albatros Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers, Qui suivent, indolents compagnons de voyage, Le navire glissant sur les gouffres amers. À peine les ont-ils déposés sur les planches, Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux, Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches Comme des avirons traîner à côté d'eux. Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid! L'un agace son bec avec un brûle-gueule, L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait ! Le Poète est semblable au prince des nuées Qui hante la tempête et se rit de l'archer ; Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Le chat (1) Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux ; Retiens les griffes de ta patte, Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux, Mêlés de métal et d’agate. Lorsque mes doigts caressent à loisir Ta tête et ton dos élastique, Et que ma main s’enivre du plaisir De palper ton corps électrique, Je vois ma femme en esprit. Son regard, Comme le tien, aimable bête Profond et froid, coupe et fend comme un dard, Et, des pieds jusques à la tête, Un air subtil, un dangereux parfum Nagent autour de son corps brun.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Le chat (2) I Dans ma cervelle se promène Ainsi qu’en son appartement, Un beau chat, fort, doux et charmant. Quand il miaule, on l’entend à peine, Tant son timbre est tendre et discret ; Mais que sa voix s’apaise ou gronde, Elle est toujours riche et profonde. C’est là son charme et son secret. Cette voix, qui perle et qui filtre Dans mon fonds le plus ténébreux, Me remplit comme un vers nombreux Et me réjouit comme un philtre. Elle endort les plus cruels maux Et contient toutes les extases ; Pour dire les plus longues phrases, Elle n’a pas besoin de mots. Non, il n’est pas d’archet qui morde Sur mon coeur, parfait instrument, Et fasse plus royalement Chanter sa plus vibrante corde, Que ta voix, chat mystérieux, Chat séraphique, chat étrange, En qui tout est, comme en un ange, Aussi subtil qu’harmonieux ! II De sa fourrure blonde et brune Sort un parfum si doux, qu’un soir J’en fus embaumé, pour l’avoir Caressée une fois, rien qu’une. C’est l’esprit familier du lieu ; Il juge, il préside, il inspire Toutes choses dans son empire ; Peut-être est-il fée, est-il dieu ? Quand mes yeux, vers ce chat que j’aime Tirés comme par un aimant Se retournent docilement Et que je regarde en moi-même Je vois avec étonnement Le feu de ses prunelles pâles, Clairs fanaux, vivantes opales, Qui me contemplent fixement.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Le cygne I Andromaque, je pense à vous ! Ce petit fleuve, Pauvre et triste miroir où jadis resplendit L'immense majesté de vos douleurs de veuve, Ce Simoïs menteur qui par vos pleurs grandit, A fécondé soudain ma mémoire fertile, Comme je traversais le nouveau Carrousel. Le vieux Paris n'est plus (la forme d'une ville Change plus vite, hélas ! que le coeur d'un mortel) ; Je ne vois qu'en esprit, tout ce camp de baraques, Ces tas de chapiteaux ébauchés et de fûts, Les herbes, les gros blocs verdis par l'eau des flaques, Et, brillant aux carreaux, le bric-à-brac confus. Là s'étalait jadis une ménagerie ; Là je vis, un matin, à l'heure où sous les cieux Froids et clairs le travail s'éveille, où la voirie Pousse un sombre ouragan dans l'air silencieux, Un cygne qui s'était évadé de sa cage, Et, de ses pieds palmés frottant le pavé sec, Sur le sol raboteux traînait son blanc plumage. Près d'un ruisseau sans eau la bête ouvrant le bec Baignait nerveusement ses ailes dans la poudre, Et disait, le coeur plein de son beau lac natal : " Eau, quand donc pleuvras-tu ? quand tonneras-tu, foudre ? " Je vois ce malheureux, mythe étrange et fatal,

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Les chats Les amoureux fervents et les savants austères Aiment également, dans leur mûre saison, Les chats puissants et doux, orgueil de la maison, Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires. Amis de la science et de la volupté Ils cherchent le silence et l'horreur des ténèbres ; L'Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres, S'ils pouvaient au servage incliner leur fierté. Ils prennent en songeant les nobles attitudes Des grands sphinx allongés au fond des solitudes, Qui semblent s'endormir dans un rêve sans fin ; Leurs reins féconds sont pleins d'étincelles magiques, Et des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin, Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques.

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