J. Derrida déforme le titre d'un ouvrage de Kant,«D'un ton grand seigneur adopté naguère en philosophie», dans lequel l'auteur dénonce ceux qui utilisent un ton écarté de la norme philosophique, qui selon lui annonce la fin de la philosophie. Pour l'auteur, Kant inaugure ainsi une forme de discours eschatologique en philosophie. C'est ce discours qu'il étudie ici.Collection: Débats

D'un ton apocalyptique adopté naguère en philosophie

« Il y a plus de quinze ans, une phrase m'est venue, comme malgré moi, revenue, plutôt, singulière, singulièrement brève, presque muette : Il y a là cendre. Là s'écrivait avec un accent grave : là, il y a cendre. Il y a, là, cendre. Mais l'accent, s'il se lit à l'oil, ne s'entend pas : il y a là cendre. À l'écoute, l'article défini, la, risque d'effacer le lieu, la mention ou la mémoire du lieu, l'adverbe là. Mais à la lecture muette, c'est l'inverse, là efface la, la s'efface : lui-même, elle-même, deux fois plutôt qu'une. Cette tension risquée entre l'écriture et la parole, cette vibration entre la grammaire et la voix, c'est aussi l'un des thèmes du polylogue. Celui-ci était fait pour l'oil ou pour une voix intérieure, une voix absolument basse. Mais par là même il donnait à lire, peut-être à analyser ce qu'une mise en voix pouvait appeler et à la fois menacer de perdre, une profération impossible et des tonalités introuvables. » J. D.

Feu la cendre

Entre deux eaux - elle voit mieux, voyez-vous, qu'on n'entrevoit. Si vous préférez : à travers les eaux, elle entrevoit mieux. Elle sait traverser. L'histoire tremble entre deux eaux. Comme ses femmes imprégnées. Sa technique, dites plutôt sa main, sa manière - manière et matière, manière et mémoire -, ce n'est pas celle de l'aquarelle, bien que, prise dans les mêmes eaux, elle en dérive. Non pas l'aquarelle mais, plus souvent, un lavis. Lavis, quel mot de combien de mots !

Prégnances - Lavis de Colette Deblé. Peintures

Counterpath is a collaborative work by Catherine Malabou and Jacques Derrida that answers to the gamble inherent in the idea of travelling with the philosopher of deconstruction. Malabou's readerly text of quotations and commentary demonstrates how Derrida's work, while appearing to be anything but a travelogue, is nevertheless replete with references to geographical and topographical locations, and functions as a kind of counter-Odyssey through meaning, theorizing, and thematizing notions of arrival, drifting, derivation, and catastrophe. In fact, by going straight to the heart of the Derridean idea of spacing, she finally makes it seem as though Derrida has never written about anything but travel. Malabou's text is punctuated by a series of postcards received by Derrida from destinations such as Istanbul and Porto, Laguna Beach and Athens, which are inspired by his reading of her evolving discussion. Writing in a familiar and unguarded manner, as if he were on vacation from his own writing, Derrida still remains totally faithful to that work and invites the reader to reflect on much of what haunts his texts as well as his daily life, questions of distance and death, the relation to the other, and exile.

La contre-allée: Voyager avec Jacques Derrida

Donner la mort

« Souvent je me demande, moi, pour voir, qui je suis – et qui je suis au moment où, surpris nu, en silence, par le regard d’un animal, par exemple les yeux d’un chat, j’ai du mal, oui, du mal à surmonter une gêne.Pourquoi ce mal ?J’ai du mal à réprimer un mouvement de pudeur. Du mal à faire taire en moi une protestation contre l’indécence. Contre la malséance qu’il peut y avoir à se trouver nu, le sexe exposé, à poil devant un chat qui vous regarde sans bouger, juste pour voir. Malséance de tel animal nu devant l’autre animal, dès lors, on dirait une sorte d’animalséance : l’expérience originale, une et incomparable de cette malséance qu’il y aurait à paraître nu en vérité, devant le regard insistant de l’animal, un regard bienveillant ou sans pitié, étonné ou reconnaissant. Un regard de voyant, de visionnaire ou d’aveugle extra-lucide. C’est comme si j’avais honte, alors, nu devant le chat, mais aussi honte d’avoir honte. Réflexion de la honte, miroir d’une honte honteuse d’elle-même, d’une honte à la fois spéculaire, injustifiable et inavouable. Au centre optique d’une telle réflexion se trouverait la chose – et à mes yeux le foyer de cette expérience incomparable qu’on appelle la nudité. Et dont on croit qu’elle est le propre de l’homme, c’est-à-dire étrangère aux animaux, nus qu’ils sont, pense-t-on alors, sans la moindre conscience de l’être.Honte de quoi et nu devant qui ? Pourquoi se laisser envahir de honte ? Et pourquoi cette honte qui rougit d’avoir honte ?Devant le chat qui me regarde nu, aurais-je honte comme une bête qui n’a plus le sens de sa nudité ? Ou au contraire honte comme un homme qui garde le sens de la nudité ? Qui suis-je alors ? Qui est-ce que je suis ? À qui le demander sinon à l’autre ? Et peut-être au chat lui-même ? »

L’animal que donc je suis

" Peut-on commettre un parjure "sans y penser" ? Par distraction ? Non par transgression active et délibérée, mais par oubli ? Ou parce que ce n'est pas le moment d'y penser ? On se demande si on peut trouver là une excuse, une circonstance atténuante. Et si on peut juger cela pardonnable, de "ne pas y penser" — d'oublier de penser à tout, à toutes les présuppositions et implications de ce qu'on fait ou de ce qu'on dit. Si penser ne peut aller sans risque d'oubli de soi, si oublier de penser, si oublier dÿ penser est une faute, si telle interruption, telle intermittence est une faillite, alors qu'appelle-t-on penser ? " J. D.

Le parjure peut-être - ("Brusques sautes de syntaxe")

«La Pharmacie de Platon, La Double Séance, La Dissémination : triple trajet dont le système est entraîné - ouvert et déporté - par une digression (digraphe aussi comme toujours) paraissant inédite. On pourrait la lire selon plusieurs modes, d'un bloc ou plus, avant ou après les autres, et par exemple comme un protocole méthodologique, une anatomie des préfaces ou une cartographie générale, etc. Ce Hors livre n'est donc pas seulement une fiction théorique. Jouant avec les trois autres, toute sa conséquence, il relance et déplace, suivant des règles angulaires, telles questions ou positions d'ailleurs engagées, en expose le corps à l'épreuve d'une tout autre scène : quand le travail de la différance sémantique comme différance séminale déconcerte silencieusement toute préséance.» Jacques Derrida

La dissémination

Souvent je me demande, moi, pour voir, qui je suis - et qui je suis au moment oú, surpris nu, en silence, par le regard d'un animal, par exemple les yeux d'un chat, j'ai du mal, oui, du mal à surmonter une gêne.
 Pourquoi ce mal ? j'ai du mal à réprimer un mouvement de pudeur.  du mal à faire taire en moi une protestation contre l'indécence.  contre la malséance qu'il peut y avoir à se trouver nu, le sexe exposé, à poil devant un chat qui vous regarde sans bouger, juste pour voir.  malséance de tel animal nu devant l'autre animal, dès lors, on dirait une sorte d'animalséance l'expérience originale, une et incomparable de cette malséance qu'il y aurait à paraître nu en vérité, devant le regard insistant de l'animal, un regard bienveillant ou sans pitié, étonné ou reconnaissant.
 Un regard de voyant, de visionnaire ou d'aveugle extra-lucide.  c'est comme si j'avais honte, alors, nu devant le chat, mais aussi honte d'avoir honte.  réflexion de la honte, miroir d'une honte honteuse d'elle-même, d'une honte à la fois spéculaire, injustifiable et inavouable.  au centre optique d'une telle réflexion se trouverait la chose - et à mes yeux le foyer de cette expérience incomparable qu'on appelle la nudité.
 Et dont on croit qu'elle est le propre de l'homme, c'est-à-dire étrangère aux animaux, nus qu'ils sont, pense-t-on alors, sans la moindre conscience de l'être.  honte de quoi et nu devant qui ? pourquoi se laisser envahir de honte ? et pourquoi cette honte qui rougit d'avoir honte ? devant le chat qui me regarde nu, aurais-je honte comme une bête qui n'a plus le sens de sa nudité ? ou au contraire honte comme un homme qui garde le sens de la nudité ? qui suis-je alors ? qui est-ce que je suis ? a qui le demander sinon à l'autre ? et peut-être au chat lui-même ?.

D'un ton apocalyptique adopté naguère en philosophie

Résumé

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