Natures mortes ; Douze variations
La Communauté désavouée
Publié par Éditions Galilée, le 13 mars 2014
176 pages
Résumé
Cet essai se propose comme l’étude de l’ouvrage de Maurice Blanchot au sujet de la communauté, La Communauté inavouable. À travers l’histoire de ce livre, du déchiffrement qu’il appelle – de l’impossibilité, sans doute, d’en achever l’interprétation – et de l’étrange absence de commentaire véritable qui a été son lot depuis trente ans se profile un enjeu qui dépasse de beaucoup ce livre et son auteur. Il s’agit de la préoccupation de notre temps quant au caractère commun de nos existences : à ce qui fait que nous ne sommes pas d’abord des atomes distincts mais que nous existons selon le rapport, l’ensemble, le partage dont les entités discrètes (individus, personnes) ne sont que des aspects, des ponctuations. Cette très simple et très essentielle condition d’être nous échappe dans la mesure où l’évidence de sa donnée se dérobe avec le dérobement de toutes les fondations et de tous les totems qui avaient pu passer pour les garanties d’un être commun ou bien, tout au moins, pour les garanties d’une existence en commun. Par le commun il faut entendre à la fois le banal, c’est-à-dire l’élément d’une égalité primordiale et irréductible à tout effet de distinction, et – indiscernablement – le partagé, c’est-à-dire ce qui n’a lieu que dans le rapport, par lui et comme lui : par conséquent, ce qui ne se résout ni en « être » ni en « unité ». Cela, donc, qu’on ne peut même pas poser comme un singulier – « le rapport » – sans faire lever l’essaim bourdonnant de ses pluriels. Pour reprendre une image de Freud : le fait d’être nourri d’un même lait « maternel » tout en étant exposés un par un à l’absence « paternelle » d’unité figurale. Le fait d’être ainsi liés au sein une déliaison, déliés le long de la liaison même. Comment penser cela, qui nous tient tous littéralement au corps, lorsqu’il n’est plus possible de recourir aux fondations ou aux totems des mondes disparus ? Cette question excède, par définition, toute politique, toute ecclésiologie, tout nationalisme ou communautarisme et plus encore toute espèce de solidarité, d’entraide ou de soin collectif. Elle est la question dont le mot communisme entretient depuis plus de deux siècles l’écharde, l’irritation ou le tourment en même temps qu’une attente et une exigence. Le livre dont Jean-Luc Nancy propose ici une nouvelle lecture est un témoin remarquable dans l’histoire de cette question.
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