La Thora - La législation de Dieu
Topiques sinaïtiques, Volume 1: L'alliance du Sinaï
Publié par Hermann, le 22 mai 2013
350 pages
Résumé
Notre temps, celui du primat des libertés individuelles et publiques, ne peut se concilier avec le pouvoir théocratique. Où la théocratie trouve-t-elle ses fondements ? Pour l'imaginaire collectif : dans la loi monothéiste donnée sur le Sinaï. Dans ces Topiques sinaïtiques, Raphaël Draï démontre au contraire que le Dieu qui s'est révélé au Sinaï n'est ni guerrier ni vindicatif, qu'il n'est pas un absolu mais un infini, interdisant toute captation ; le Dieu de la Malkhout qui accepte son auto-limitation en instituant le Chabbat et qui se lie à l'Humain par une Alliance qui les engage ensemble dans une Histoire toujours marquée par le choix de la vie. Le Sinaï est ainsi le lieu non pas d'une révélation, mais de deux, indissociables : la première concerne le Dieu législateur, qui exclut l'arbitraire et le despotisme ; la seconde fait apparaître ses attributs de pardon et de compassion, afin que l'Humain se relève de ses propres déchéances et poursuive cette histoire commune. Celle-ci culminera dans l'édification du troisième Temple entrevu par le prophète Ézéchiel, qui s'inscrit non pas dans l'espace-temps contristé des exclusions et des guerres, mais dans celui d'une éternité où chaque instant devient source de liberté pour l'esprit, et de grâce pour les âmes enfin réconciliées.Extrait:L'Éternel et la pensée humaineQue représente le Sinaï aujourd'hui pour la conscience humaine ? Un lieu légendaire dans une étendue désertique ? Une montagne mythique située en un Moyen Orient éternellement voué au tumulte et aux déchirements entre peuples, nations, états et idées de Dieu qui pourtant procèdent toutes de la croyance en un Dieu Unique, créateur de l'Univers et de l'Être humain ? Depuis longtemps archéologues et explorateurs des mythologies tentent d'en identifier la localisation exacte. De ce point de vue, leurs controverses ne sont pas closes ni leurs conclusions définitives. D'autant que l'archéologie, comme l'étude des mythes, est loin de se vouloir politiquement neutre. Situer l'endroit exact du Mont Sinaï conférerait une plus forte plausibilité au récit biblique qui, dans le livre de L'Exode - en hébreu «Le Livre des Noms (Sépher Chemot)» - en fait le lieu de la théophanie divine par laquelle le Décalogue a été proclamé pour le genre humain par l'entremise du peuple d'Israël ; une Loi à la fois écrite et orale que celui-ci a entérinée et dont il s'est engagé à réaliser les dispositions, nouant ainsi une Alliance indéfectible avec le divin Législateur. Et c'est à cette occasion sans pareille que celui-ci l'a déclaré «peuple saint et souveraineté sacerdotale» (Ex, 19, 6) au regard des autres peuples de la terre, des peuples participant, sans exception, de l'humaine condition, sans toujours respecter les clauses de sa pérennité. Lieu mental s'il en fût, le Sinaï ne se confond pas avec l'Olympe ni avec aucune montagne sacrée. Il ne désigne pas la demeure d'une divinité suprême régnant sur un clan de turbulentes divinités mais un point de jonction entre la volonté du Créateur et celle d'une créature créatrice, incarnée dans une collectivité à peine libérée du long esclavage qui l'avait privée de la faculté de parler et qui avait atrophié en elle la faculté de penser. Au regard d'une pareille rencontre, inscrite non pas dans un passé dissolvant mais dans un présent pérenne, cet événement se réactualise toutes les fois que les membres d'un tel peuple, intimement rassemblé, renouvellent de génération en génération (lédor vador) cette même Alliance, en acceptant de génération en génération aussi d'assumer les dix clauses du Décalogue qui en sont la substance et la raison d'être. C'est pourquoi la Tradition juive n'accorde guère une importance décisive à la localisation géographique du lieu concerné. Comme l'a relevé l'immense commentateur de la Thora que fut le Maharal de Prague, «Les Chapitres des Pères» (Pirkei Avoi), qui s'ouvrent par la récapitulation de la chaîne par laquelle ce Décalogue a été transmise depuis Moïse jusqu'au temps actuel, ne disposent pas en ce sens : «Moïse reçut la Thora sur le mont Sinaï» mais bien : «Moïse reçut la Thora du Sinaï». Le Sinaï n'est pas un site géographique, ou plus exactement il ne s'y réduit pas. Il apparaît à la fois comme un réceptacle de la Parole divine et comme le lieu de la première transmission collective à l'humanité de la Loi nommée Thora. Le Sinaï est un lieu-événement, un makom, au sens hébraïque, terme que rendrait au plus près le mot grec «topos», d'où le choix du terme «topique» qui sera utilisé dans les études réunies en ces volumes.(...)
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