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Titre : Le pays natal

Auteur : Antoine de Latour Recueil : La vie intime, 1833

L'automne a ses heures oisives Pleines des choses d'autrefois, Les yeux ont des larmes furtives Qu'ils n'osent confier qu'aux bois. Là, chaque plume que l'orage Détache du nid de l'oiseau M'apporte un rêve du jeune âge, Un souvenir de mon berceau. Dans chaque feuille qui murmure. J'entends un nom des anciens jours, Et chaque voix de la nature Me parle des premiers amours. C'est alors que vient en silence Poser sa main entre mes mains La jeune fille dont l'enfance Eut ses beaux jours si près des miens. Son ombre me sourit plus belle Plus ravissante que jamais, Et cependant est-ce bien elle, Est-ce bien elle que j'aimais ? Ce que j'aimais, ô jeune fille, C'était, avec son doux loisir, Ce vieux foyer de la famille Où chacun s'en revient mourir. C'était la table hospitalière Qui nous rassemblait chaque soir ; Hélas ! à l'appel de ma mère Tous ne reviendront plus s'asseoir... C'était l'air pur de nos bruyères, C'étaient, au flanc de nos coteaux, Les prés déroulés solitaires Entre les bois et les ruisseaux ; C'était quelque chanson encore Le long des murs du vieux couvent Se prêtant, plaintive ou sonore, Au flot capricieux du vent ; C'était l'aurore sur nos mousses Versant son reflet virginal, Les jours plus frais, les nuits plus douces, C'était tout le pays natal ; C'était ma jeunesse ravie A mille songes éclatants, Que sais-je, enfin ? C'était la vie Vue à travers mes dix-sept ans. Cependant on dit qu'il existe Un autre amour au fond des cœurs, Un amour qui fait l'âme triste Comme celle des voyageurs. Ce qu'ils rapportèrent d'images Des bords de l'Orient vermeil, Hélas ! des maternelles plages Leur désenchante le soleil. A leur âme mélancolique Il faut désormais l'ouragan, Et les grands bois de l'Amérique Et les grands flots de l'Océan.