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Titre : L'épître au Roi, pour le délivrer de prison

Auteur : Clément Marot

Roi des Français, plein de toutes bontés, Quinze jours a, je les ai bien comptés, Et dès demain seront justement seize, Que je fus fait confrère au diocèse De Saint-Marry, en l'église Saint-Pris. Si vous dirai comment je fus surpris, Et me déplaît qu'il faut que je le die. Trois grands pendards vinrent à l'étourdie En ce palais me dire en désarroi : « Nous vous faisons prisonnier, par le Roi. » Incontinent, qui fut bien étonné ? Ce fut Marot, plus que s'il eût tonné. Puis m'ont montré un parchemin écrit, Où n'y avait seul mot de Jésus-Christ : II ne parlait tout que de plaiderie, De conseillers et d'emprisonnerie. « Vous souvient-il, ce me dirent-ils lors, Que vous étiez l'autre jour là-dehors, Qu'on recourut un certain prisonnier Entre nos mains ? » Et moi de le nier ! Car, soyez sûr, si j'eusse dit oui, Que le plus sourd d'entre eux m'eût bien ouï, Et d'autre part, j'eusse publiquement Été menteur : car, pourquoi et comment Eussé-je pu un autre recourir, Quand je n'ai su moi-même secourir ? Pour faire court, je ne sus tant prêcher Que ces paillards me voulsissent lâcher. Sur mes deux bras ils ont la main posée, Et m'ont mené ainsi qu'une épousée, Non pas ainsi, mais plus raide un petit. Et toutefois j'ai plus grand appétit De pardonner à leur folle fureur Qu'à celle-là de mon beau procureur : Que male mort les deux jambes lui casse ! II a bien pris de moi une bécasse, Une perdrix, et un levraut aussi, Et toutefois je suis encore ici ! […] Si vous supplie, Sire, mander par lettre, Qu'en liberté ces gens me veuillent mettre; Très humblement requérant votre grâce De pardonner à ma trop grande audace D'avoir empris ce sot écrit vous faire; Et m'excusez, si pour le mien affaire Je ne suis point vers vous allé parler : Je n'ai pas eu le loisir d'y aller.