Titre : Le bon travail
Auteur : Jean Aicard
Songe, ô rêveur lassé de vivre,
Que le travail sacré délivre
L'homme de tous les maux humains!
En vie, en force salutaire,
Il rend aux coeurs,- c'est un mystère, --
Plus que ne lui donnent les mains!
Laisse le rêve, prends la plume,
Lève le marteau sur l'enclume,
Prends la truelle des maçons
Tu sentiras ta délivrance!
Et sur ta lèvre une espérance
Voudra s'échapper en chansons.
L'homme qui rêve seul ramène
Trop souvent sa pensée humaine
Sur lui-même qui souffre en lui!
La pensée est peu généreuse;
C'est pour elle qu'elle se creuse,
Et son dégoût fait son ennui!
Ah! l'homme, avec tout son génie,
Perd, au fond de l'âme infinie,
Le fil cassé de sa raison;
Puis, cherchant sa raison perdue,
Il s'effraie à voir l'étendue,
Tout seul devant trop d'horizon!
D'où vient donc la vertu secrète
Du bon travail ? C'est qu'il arrête
Sur un point fixe l’œil content!
C'est qu'il limite la pensée...
Toute besogne est cadencée,
Et s'harmonise au cœur battant !
Tout travailleur fait de la vie,
Et c'est l'humanité servie
Qui, par un charme intérieur,
Paie en gaité le bon ouvrage !
Et tous les cœurs font le courage
Mystérieux du travailleur
Qui rêve est toujours solitaire
L'action, par toute la terre,
Pousse la foule aux grands chemins;
Le travail n'est jamais la haine..
Tous les travailleurs font la chaîne
Et sentent leur cœur dans leurs mains!
Laisse donc là ce qui t'attriste !
Sois le dieu qui dans l'homme existe...
Homme, travaille et sois joyeux!
L’erreur se sent aux tristes fièvres,
Le vrai seul met la joie aux lèvres,
Au fond du cœur et dans les yeux!